8 octobre 2011

L'amour arobase

J’aime la poésie et je cherche régulièrement de nouveaux sites. Je suis tombée par hasard sur ce poème de Robert Desnos (1900-1945) – un amour virtuel ... d’avant Internet.

Les amours virtuels et impossibles ont toujours existé. Mais à l’heure des médias sociaux Internet, on peut supposer qu’ils atteignent maintenant des proportions astronomiques. D’autant qu’il est plus facile et rapide de multiplier les contacts si l’on compare aux annonces de journaux d’autrefois...

Des romances naissent et meurent donc à haute vitesse en raison des contraintes spatiotemporelles, mais aussi parce que beaucoup d’internautes voient ces interactions comme un jeu de séduction pouvant ajouter du piquant au quotidien. Le flirt électronique voué à rester virtuel et platonique ne manque pas de charme et comporte des côtés ludiques. Néanmoins, il est préférable que les joueurs soient conscients qu’il s’agit d’un jeu.

Il y a aussi des amours authentiques qui naissent de cette manière. Certains affirment avoir rencontré et s’être unis de façon durable à quelqu’un qui habitait à l’autre bout de la planète. Tout est possible. D’autres aiment sincèrement leurs fantômes, mais ne peuvent pas concrétiser la cyber-relation dans la vie réelle. 

Au fond, quelles que soient les époques, les distances et les moyens de connexion, les scénarios ne changent guère : les histoires amoureuses convergent favorablement ou ne convergent pas.

Dédié aux amours-fantômes qui hantent le cyberespace :

J'ai tant rêvé de toi

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?


J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
À se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.


J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
À toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.


J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.


Robert Desnos, poète surréaliste français 
Corps et biens

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