Aurélie
Lanctôt débute sa chronique (4 octobre 2019) en résumant un
documentaire :
Il a fallu trois années à Tamara Kotevska et
Ljubo Stefanov pour filmer leur documentaire Honeyland, une fable écologique en chair et en os d’une sensibilité
qui n’a rien à envier à L’homme qui
plantait des arbres. Le film, à l’affiche chez nous depuis peu, nous
transporte en Macédoine du Nord, dans un village à l’abandon où Hatidze
Muratova s’occupe seule de sa mère vieillissante et de ses abeilles, qu’elle
soigne chaque jour avec abnégation. Elle élève ses ruches à l’ancienne, récoltant
patiemment le miel, un petit pot à la fois, en prenant grand soin de ne pas
spolier les ouvrières.
Un jour, une famille d’éleveurs bovins
plante sa caravane sur le terrain voisin, un couple et ses sept enfants. Leur
troupeau ne suffit pas à nourrir toutes ces bouches, alors la famille, imitant
la voisine, installe des ruches dans l’espoir de vendre du miel à un marchand
gourmand et manipulateur venu de Skopje, la capitale – un personnage qui ne
s’invente pas. Il faut récolter rapidement le miel, donc, alors les apiculteurs
débutants brusquent les abeilles. Hatidze les avertit : cela finira par tuer la
colonie, on ne peut pas voler les abeilles, il faut être reconnaissant, à
l’écoute, respecter l’équilibre délicat de la ruche. Mais l’appât du gain et,
surtout, la peur d’avoir faim l’emportent. Les ruches s’effondrent, décimant
aussi celles d’Hatidze. Lorsqu’il ne reste plus rien, la famille repart.
Hatidze reste seule au pied de sa montagne, à veiller sa mère au plus creux de
l’hiver. Au printemps, lorsque sa mère a rendu son dernier souffle, elle quitte
le village pour de bon.
Ce film est
une prouesse documentaire. On jurerait une mise en scène tant les
rebondissements qui ponctuent le récit sont évocateurs. Ils illustrent, à une échelle minuscule, le drame qui se vit
aujourd’hui à l’échelle planétaire : le rapport malade qu’entretiennent les
sociétés humaines avec les écosystèmes, leur déni devant les conséquences
pourtant prévisibles de leurs actions, ainsi que la misère qui contraint à prendre
tout de suite ce qui devrait être cultivé, préservé dans la durée. [...]
Lundi, le
ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, présentait son
plan pour l’avenir de l’industrie forestière, affichant fièrement son intention
d’accroître la coupe forestière et de faciliter l’accès de l’industrie à
l’exploitation des forêts. Son plan favoriserait même la captation du CO2. Il
l’a dit sans rire. On prévoit en effet de «gérer la forêt» en coupant plus
de bois dans les forêts d’arbres matures, améliorant ainsi leur capacité de
capture du carbone. En gros, on veut raser plus de vieux pour planter du neuf,
parce que le neuf, c’est toujours mieux. Ce saut périlleux argumentaire donne
le tournis, mais le gouvernement caquiste nous a habitués à cette gymnastique.
[...]
Une créance | Le Devoir / Chronique :
«Quand l’homme ne tue pas l’homme, il
tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. L’homme sort de son cadre,
veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue
l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite
naïvement de n’y pouvoir vivre.»
~ René Fallet
Québec permettra plus de coupes
forestières pour réduire les GES
Martin
Croteau La Presse 30 septembre 2019
(Québec) Couper
plus d’arbres permettra de réduire les gaz à effet de serre (GES), selon le
gouvernement Legault. C’est ce qu’a soutenu le ministre de la Forêt, Pierre
Dufour, lundi, en présentant une nouvelle stratégie pour développer l’industrie
forestière.
Dans une conférence de presse devant
plusieurs leaders de l’industrie, M. Dufour a annoncé que les entreprises
forestières pourront récolter davantage de bois dans les années à venir. Non
seulement auront-elles accès à des territoires plus vastes, Québec leur donnera
aussi des incitatifs pour couper dans des secteurs moins lucratifs, par exemple
sur le flanc des montagnes.
En clair, le volume de bois récolté est
appelé à augmenter. Et selon le ministre, c’est une manière de lutter contre
les changements climatiques.
«Le secteur
forestier présente un énorme potentiel, celui de générer des émissions
négatives de GES tout en créant de la richesse pour les entreprises, a déclaré
M. Dufour. L’augmentation de la production de bois, l’augmentation de la
récolte permettront d’augmenter la séquestration de carbone en forêt.»
En 2017, un groupe de 190 scientifiques a
mis en garde l’Union européenne contre les risques d’augmenter les coupes
forestières. «Augmenter les niveaux de coupes a un impact négatif sur le climat
puisque les forêts coupées ne captent plus de carbone. Cela peut prendre
jusqu’à des centaines d’années pour retrouver le niveau de captation de carbone
de l’ancienne forêt [en plantant de nouveaux arbres].»
«Ce sont des prédictions trop simplistes.»
Elle signale également que l’idée d’augmenter les coupes ne tient pas compte de
plusieurs autres enjeux, dont la biodiversité, la protection des espèces
menacées et l’objectif d’augmenter la proportion d’aires protégées. ~ Allison
Munson, professeure au département des sciences du bois et de la forêt à
l’Université Laval
Voyez Le Ground Zero forestier mondial (la biomasse [de bois] pour produire de l’électricité, un processus dévastateur prétendument vert) :
Autre exemple
de l’ignorance et de l’incompétence de la Coalition avenir Québec en matière d’environnement (l’hameçon,
ou la chainsaw, s’appelle «emplois» :
Québec va contourner [par décret] la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ) pour un
important projet industriel à Beauharnois : le gouvernement décidera
lui-même s’il dézonera ou non un terrain agricole appartenant à Hydro-Québec,
tentant ainsi d’éviter un avis défavorable de la Commission pour l’utilisation
du territoire.
L’utilisateur
final du terrain serait Google, selon plusieurs rapports de presse. Le
géant américain y installerait de puissants serveurs informatiques.
La Ville de Beauharnois veut faire dézoner
une terre agricole de 94 hectares
qui jouxte le centre de distribution d’IKEA. Le terrain appartient à Hydro-Québec,
qui exploite une importante centrale au fil de l’eau dans les environs.
«Si le gouvernement a retiré le dossier des
mains de la Commission, c’est que sa décision ne fait pas son affaire. Au lieu
de non, ça va être oui» de dire Michel Myre, un producteur agricole.
(Source : André Dubuc, La Presse 19 septembre 2019)
Dézonage agricole à Beauharnois:
Legault veut de bons emplois
20 septembre
2019 La Presse
Le gouvernement du Québec a justifié
son intervention dans le dézonage d’un terrain agricole en Montérégie par les
bons emplois que le projet industriel créera à Beauharnois.
«On espère être capables de conclure un
investissement important et une création de beaucoup d’emplois bien payés, donc
on veut se donner la marge de manœuvre pour être capables éventuellement de le
faire», a dit le premier ministre du Québec, François Legault, pour justifier
l’intervention de son gouvernement.
Je peux vous dire que la décision a été
prise dans un contexte où c’est un terrain qui a un fort potentiel stratégique
en termes de développement économique et en termes, aussi, de création de
richesse.
Selon les données d’Hydro-Québec, le Québec
héberge 49 centres de données sur son territoire, une clientèle énergivore
recherchée par l’entreprise, qui a d’importants surplus d’électricité à vendre.
La société d’État, qui poursuit une
stratégie clés en main pour attirer des centres de données, a indiqué à La
Presse ne plus avoir de terrains excédentaires capables d’accueillir un centre
de données de grande envergure, après celui de Beauharnois situé en zone
agricole.
Autre exemple
d’ignorance crasse et d’incompétence, et non le moindre, cette fois en Colombie
Britannique :
Les vieux arbres géants du Canada de
plus en plus exportés en Asie
Thomas Gerbet
Radio-Canada
Info, 2 octobre 2019
La forêt ancienne a presque
complètement disparu sur l'île de Vancouver; le Canada est le dernier pays du
G7 pour la protection des aires terrestres.
Des siècles pour pousser. Quelques
heures pour être coupés.
Le Canada exporte des quantités record d'arbres vers les marchés asiatiques ces
dernières années. Pendant ce temps, le Canada est le dernier pays du G7 pour la
protection des aires terrestres.
La souche mesure au moins deux mètres de
diamètre. On pourrait s'y coucher sans dépasser. Autour de nous, une immense
coupe à blanc, comme un carreau dans une forêt transformée en damier.
Nous sommes à Port Renfrew, municipalité
autoproclamée «capitale canadienne des grands arbres». Sur l'île de Vancouver,
certaines souches mesurent jusqu'à six mètres de diamètre, ce qui témoigne de
l'âge qu'avaient ces arbres avant d'être abattus.
Dans la forêt pluviale tempérée de l'Ouest,
qui capte particulièrement bien le carbone, certains arbres ont plus de 1000 ans.
«Ce sont des
écosystèmes importants pour les espèces en danger, pour le climat, pour le
tourisme, pour la culture autochtone, explique TJ Watt, de l'Ancient Forest Alliance. La protection
de ces arbres est vraiment déficiente.»
[Vidéos /
photos – des cathédrales d’arbres majestueux : https://www.ancientforestalliance.org/
]
«Cette forêt est coupée à un rythme de 10
000 terrains de football par an.» (TJ Watt, Ancient Forest Alliance)
Comment l'intensité des coupes peut-elle se
maintenir, alors que l'industrie forestière a connu un important déclin ces
dernières années, avec une vingtaine de fermetures de scieries en
Colombie-Britannique? La réponse se trouve du côté de l'Asie.
Les usines canadiennes ont priorité sur
l'exportation, mais comme elles sont moins nombreuses et que la demande est
forte ailleurs, les billes de bois d'ici partent à l'étranger sur de
gigantesques navires.
En plus, les acheteurs japonais ou chinois
sont prêts à payer plus cher nos arbres. Ironiquement,
certains produits créés avec ce bois,
comme des meubles, finissent par revenir chez nous et être achetés par les
Canadiens.
Le Canada compte 10,7 % de territoire
protégé; en Allemagne, c’est 37 %!
De son côté, la Chine protège de plus en
plus ses forêts. Selon les données de l'ONU, les Chinois conservent 15,6 % de leur territoire terrestre, soit plus
que le Canada.
Article
intégral :
L’Empire Asiatique déboise dans le monde entier. Nos représentants politiques sont trop
lâches pour stopper l’appropriation de nos ressources. C’est révoltant. Sans tomber
dans la sinophobie, il faudrait leur mettre un holà pour sauver, non pas les
meubles, mais nos ARBRES! Sinon, les changements climatiques aidant, nous pourrions avoir droit à des monocultures de palmiers nains comme en Malaisie. Ou à des bambous si nous sommes chanceux, avec quelques pandas assis sur les genoux de notre sinophile Tintin fédéral. Ou peut-être des arbres en plastique made in Asia, sait-on jamais.
Invasion
«touristique» de masse : 700
millions de Chinois (soit la moitié de la population) sont lâchés lousses cette semaine pour célébrer la Golden Week (70e révolution culturelle
de Mao) – ils voyageront en Thaïlande, au Japon, en Italie, etc., bref, partout
à l’international. Pouvez-vous imaginer les considérables émissions de GES? Ouf!
«Ne nous flattons pas trop de nos
victoires sur la nature; elle se venge de chacune d’elles.» ~ Engels
«...quid de
l’urgence climatique? L’environnement n’aura occupé qu’une place bien
secondaire dans la prestation onusienne de Bolsonaro. L’alerte sonnée par Greta
Thunberg, déjà précédée à maintes reprises de celles des communautés autochtone
et scientifique brésiliennes, n’a eu aucun effet. Ainsi, le Brésil bolsonarisé
incarne un nouveau visage de la nature confuse de la démocratie : à une époque où des adolescents font preuve
d’une stature de chef d’État, il y a des chefs d’État qui se comportent comme
des adolescents.» ~ Oscar Augusto Berg
(Le délire anticommuniste du Brésil
bolsonarisé, Le Devoir / Idées, 3 octobre 2019)
Voyez Le Ground Zero forestier mondial (la
biomasse [de bois] pour produire de l’électricité, un processus dit vert qui produit plus de GES que le
charbon) :
«La forêt précède les peuples; le
désert les suit.» ~
Chateaubriand
Changements climatiques : les faits
sont là
Nelson Tardif
Le Devoir /
Lettre, 3 octobre 2019
Nombreuses
sont les personnes qui affirment ne pas croire aux changements climatiques. Or
les changements climatiques ne sont pas un objet de croyance. La croyance est
une adhésion à une représentation du monde subjectivement recevable, mais
objectivement insatisfaisante et donc insuffisante. Il appert que l’affirmation
qu’il y a effectivement des changements climatiques repose sur l’observation du
monde réel et sur des faits mesurables et non sur une quelconque représentation
du monde qui relève plus d’une vue de l’esprit que d’une véritable adhésion à
la réalité.
Dans cette perspective, il est primordial de
se poser la question suivante : qu’est-ce qui amène des gens à affirmer qu’ils
ne croient pas aux changements climatiques? Les raisons sont certainement
diverses, mais il est essentiel de se pencher sur l’une d’entre elles : nier la
réalité par refus de perdre ses privilèges, car les transformations profondes
nécessaires pour faire face au défi que représentent les changements climatiques
remettent nécessairement en question les privilèges des mieux nantis et des
dominants, mais aussi de notre vie. Nous avons individuellement et
collectivement à repenser l’économie de fond en comble, à déconstruire et à se
délester des dogmes économiques, telle la croissance illimitée, à remettre en
question la trinité surproduction-surconsommation-surexploitation, à remettre
en question notre sacro-saint mode de vie et notre relation à la nature, à
créer de nouveaux modèles de société en harmonie avec l’environnement, à
enclencher une décroissance équitable et gérable pendant qu’il en est encore
temps, à repenser nos modes de transport, à faire de la politique autrement,
etc.
Les défis sont grands. Il est impératif de
choisir en toute conscience d’y faire face et de mettre en oeuvre les profondes
transformations que requiert la situation inédite à laquelle l’humanité est
confrontée. Si nous ne les entreprenons pas de nous-mêmes, elles nous tomberont
dessus par la force des choses, nous n’y échapperons pas, car les changements
climatiques ne sont pas une croyance. Ce sont des faits observables et dont les
effets sont mesurables et bien réels. Que cela nous plaise ou non, la négation
de la réalité ne change rien à cette réalité. Les faits sont là!
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