5 octobre 2019

Dow Jones forestier

Tant que les magnats de la finance gouverneront le monde, on ne pourra pas stopper le saccage de la nature qui au final rendra la terre inhabitable, impropre à la vie.

Aurélie Lanctôt débute sa chronique (4 octobre 2019) en résumant un documentaire :   
   Il a fallu trois années à Tamara Kotevska et Ljubo Stefanov pour filmer leur documentaire Honeyland, une fable écologique en chair et en os d’une sensibilité qui n’a rien à envier à L’homme qui plantait des arbres. Le film, à l’affiche chez nous depuis peu, nous transporte en Macédoine du Nord, dans un village à l’abandon où Hatidze Muratova s’occupe seule de sa mère vieillissante et de ses abeilles, qu’elle soigne chaque jour avec abnégation. Elle élève ses ruches à l’ancienne, récoltant patiemment le miel, un petit pot à la fois, en prenant grand soin de ne pas spolier les ouvrières.
   Un jour, une famille d’éleveurs bovins plante sa caravane sur le terrain voisin, un couple et ses sept enfants. Leur troupeau ne suffit pas à nourrir toutes ces bouches, alors la famille, imitant la voisine, installe des ruches dans l’espoir de vendre du miel à un marchand gourmand et manipulateur venu de Skopje, la capitale – un personnage qui ne s’invente pas. Il faut récolter rapidement le miel, donc, alors les apiculteurs débutants brusquent les abeilles. Hatidze les avertit : cela finira par tuer la colonie, on ne peut pas voler les abeilles, il faut être reconnaissant, à l’écoute, respecter l’équilibre délicat de la ruche. Mais l’appât du gain et, surtout, la peur d’avoir faim l’emportent. Les ruches s’effondrent, décimant aussi celles d’Hatidze. Lorsqu’il ne reste plus rien, la famille repart. Hatidze reste seule au pied de sa montagne, à veiller sa mère au plus creux de l’hiver. Au printemps, lorsque sa mère a rendu son dernier souffle, elle quitte le village pour de bon.

Photo : Dogwoof films, Honeyland.

Ce film est une prouesse documentaire. On jurerait une mise en scène tant les rebondissements qui ponctuent le récit sont évocateurs. Ils illustrent, à une échelle minuscule, le drame qui se vit aujourd’hui à l’échelle planétaire : le rapport malade qu’entretiennent les sociétés humaines avec les écosystèmes, leur déni devant les conséquences pourtant prévisibles de leurs actions, ainsi que la misère qui contraint à prendre tout de suite ce qui devrait être cultivé, préservé dans la durée. [...]
   Lundi, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, présentait son plan pour l’avenir de l’industrie forestière, affichant fièrement son intention d’accroître la coupe forestière et de faciliter l’accès de l’industrie à l’exploitation des forêts. Son plan favoriserait même la captation du CO2. Il l’a dit sans rire. On prévoit en effet de «gérer la forêt» en coupant plus de bois dans les forêts d’arbres matures, améliorant ainsi leur capacité de capture du carbone. En gros, on veut raser plus de vieux pour planter du neuf, parce que le neuf, c’est toujours mieux. Ce saut périlleux argumentaire donne le tournis, mais le gouvernement caquiste nous a habitués à cette gymnastique. [...]

Une créance | Le Devoir / Chronique :

«Quand l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. L’homme sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre.» ~ René Fallet

Québec permettra plus de coupes forestières pour réduire les GES
Martin Croteau La Presse 30 septembre 2019

(Québec) Couper plus d’arbres permettra de réduire les gaz à effet de serre (GES), selon le gouvernement Legault. C’est ce qu’a soutenu le ministre de la Forêt, Pierre Dufour, lundi, en présentant une nouvelle stratégie pour développer l’industrie forestière.
   Dans une conférence de presse devant plusieurs leaders de l’industrie, M. Dufour a annoncé que les entreprises forestières pourront récolter davantage de bois dans les années à venir. Non seulement auront-elles accès à des territoires plus vastes, Québec leur donnera aussi des incitatifs pour couper dans des secteurs moins lucratifs, par exemple sur le flanc des montagnes.
   En clair, le volume de bois récolté est appelé à augmenter. Et selon le ministre, c’est une manière de lutter contre les changements climatiques.

Photo : archives de La Presse.

«Le secteur forestier présente un énorme potentiel, celui de générer des émissions négatives de GES tout en créant de la richesse pour les entreprises, a déclaré M. Dufour. L’augmentation de la production de bois, l’augmentation de la récolte permettront d’augmenter la séquestration de carbone en forêt.»
   En 2017, un groupe de 190 scientifiques a mis en garde l’Union européenne contre les risques d’augmenter les coupes forestières. «Augmenter les niveaux de coupes a un impact négatif sur le climat puisque les forêts coupées ne captent plus de carbone. Cela peut prendre jusqu’à des centaines d’années pour retrouver le niveau de captation de carbone de l’ancienne forêt [en plantant de nouveaux arbres].»
   «Ce sont des prédictions trop simplistes.» Elle signale également que l’idée d’augmenter les coupes ne tient pas compte de plusieurs autres enjeux, dont la biodiversité, la protection des espèces menacées et l’objectif d’augmenter la proportion d’aires protégées. ~ Allison Munson, professeure au département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval



Voyez Le Ground Zero forestier mondial (la biomasse [de bois] pour produire de l’électricité, un processus dévastateur prétendument vert) :

Autre exemple de l’ignorance et de l’incompétence de la Coalition avenir Québec en matière d’environnement (l’hameçon, ou la chainsaw, s’appelle «emplois» :

Québec va contourner [par décret] la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ) pour un important projet industriel à Beauharnois : le gouvernement décidera lui-même s’il dézonera ou non un terrain agricole appartenant à Hydro-Québec, tentant ainsi d’éviter un avis défavorable de la Commission pour l’utilisation du territoire.
   L’utilisateur final du terrain serait Google, selon plusieurs rapports de presse. Le géant américain y installerait de puissants serveurs informatiques.
   La Ville de Beauharnois veut faire dézoner une terre agricole de 94 hectares qui jouxte le centre de distribution d’IKEA. Le terrain appartient à Hydro-Québec, qui exploite une importante centrale au fil de l’eau dans les environs.
   «Si le gouvernement a retiré le dossier des mains de la Commission, c’est que sa décision ne fait pas son affaire. Au lieu de non, ça va être oui» de dire Michel Myre, un producteur agricole. (Source : André Dubuc, La Presse 19 septembre 2019) 

Dézonage agricole à Beauharnois: Legault veut de bons emplois
20 septembre 2019 La Presse

Le gouvernement du Québec a justifié son intervention dans le dézonage d’un terrain agricole en Montérégie par les bons emplois que le projet industriel créera à Beauharnois.
   «On espère être capables de conclure un investissement important et une création de beaucoup d’emplois bien payés, donc on veut se donner la marge de manœuvre pour être capables éventuellement de le faire», a dit le premier ministre du Québec, François Legault, pour justifier l’intervention de son gouvernement.
   Je peux vous dire que la décision a été prise dans un contexte où c’est un terrain qui a un fort potentiel stratégique en termes de développement économique et en termes, aussi, de création de richesse.
   Selon les données d’Hydro-Québec, le Québec héberge 49 centres de données sur son territoire, une clientèle énergivore recherchée par l’entreprise, qui a d’importants surplus d’électricité à vendre.
   La société d’État, qui poursuit une stratégie clés en main pour attirer des centres de données, a indiqué à La Presse ne plus avoir de terrains excédentaires capables d’accueillir un centre de données de grande envergure, après celui de Beauharnois situé en zone agricole.


Caricature : Éric Godin, La Presse 01.10.2019

Autre exemple d’ignorance crasse et d’incompétence, et non le moindre, cette fois en Colombie Britannique :

Les vieux arbres géants du Canada de plus en plus exportés en Asie
Thomas Gerbet
Radio-Canada Info, 2 octobre 2019 


La forêt ancienne a presque complètement disparu sur l'île de Vancouver; le Canada est le dernier pays du G7 pour la protection des aires terrestres.

Des siècles pour pousser. Quelques heures pour être coupés. Le Canada exporte des quantités record d'arbres vers les marchés asiatiques ces dernières années. Pendant ce temps, le Canada est le dernier pays du G7 pour la protection des aires terrestres.
   La souche mesure au moins deux mètres de diamètre. On pourrait s'y coucher sans dépasser. Autour de nous, une immense coupe à blanc, comme un carreau dans une forêt transformée en damier.
   Nous sommes à Port Renfrew, municipalité autoproclamée «capitale canadienne des grands arbres». Sur l'île de Vancouver, certaines souches mesurent jusqu'à six mètres de diamètre, ce qui témoigne de l'âge qu'avaient ces arbres avant d'être abattus.
   Dans la forêt pluviale tempérée de l'Ouest, qui capte particulièrement bien le carbone, certains arbres ont plus de 1000 ans.

Photo : TJ Watt / Anciant Forest Alliance. Klanawa Valley huge cedar log.

«Ce sont des écosystèmes importants pour les espèces en danger, pour le climat, pour le tourisme, pour la culture autochtone, explique TJ Watt, de l'Ancient Forest Alliance. La protection de ces arbres est vraiment déficiente.»

[Vidéos / photos – des cathédrales d’arbres majestueux : https://www.ancientforestalliance.org/ ]

Photo : TJ Watt / Ancient Forest Alliance. Haida Gwaii Yakun spruce tree.

«Cette forêt est coupée à un rythme de 10 000 terrains de football par an.» (TJ Watt, Ancient Forest Alliance)  
   Comment l'intensité des coupes peut-elle se maintenir, alors que l'industrie forestière a connu un important déclin ces dernières années, avec une vingtaine de fermetures de scieries en Colombie-Britannique? La réponse se trouve du côté de l'Asie.
   Les usines canadiennes ont priorité sur l'exportation, mais comme elles sont moins nombreuses et que la demande est forte ailleurs, les billes de bois d'ici partent à l'étranger sur de gigantesques navires.
   En plus, les acheteurs japonais ou chinois sont prêts à payer plus cher nos arbres. Ironiquement, certains produits créés avec ce bois, comme des meubles, finissent par revenir chez nous et être achetés par les Canadiens.
   Le Canada compte 10,7 % de territoire protégé; en Allemagne, c’est 37 %!
   De son côté, la Chine protège de plus en plus ses forêts. Selon les données de l'ONU, les Chinois conservent 15,6 % de leur territoire terrestre, soit plus que le Canada.

Article intégral :

L’Empire Asiatique déboise dans le monde entier. Nos représentants politiques sont trop lâches pour stopper l’appropriation de nos ressources. C’est révoltant. Sans tomber dans la sinophobie, il faudrait leur mettre un holà pour sauver, non pas les meubles, mais nos ARBRES! Sinon, les changements climatiques aidant, nous pourrions avoir droit à des monocultures de palmiers nains comme en Malaisie. Ou à des bambous si nous sommes chanceux, avec quelques pandas assis sur les genoux de notre sinophile Tintin fédéral. Ou peut-être des arbres en plastique made in Asia, sait-on jamais.  

Invasion «touristique» de masse : 700 millions de Chinois (soit la moitié de la population) sont lâchés lousses cette semaine pour célébrer la Golden Week (70e révolution culturelle de Mao) – ils voyageront en Thaïlande, au Japon, en Italie, etc., bref, partout à l’international. Pouvez-vous imaginer les considérables émissions de GES? Ouf!

Photo : Valéry Hache. L’authentoc. «Ce qui compte ces jours-ci, c’est de montrer qu’on passe de bonnes vacances, pas de passer de bonnes vacances dont on ne témoignera pas.» ~ Arnaud Sagnard (Nouvel Observateur)

«Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature; elle se venge de chacune d’elles.» ~ Engels

«...quid de l’urgence climatique? L’environnement n’aura occupé qu’une place bien secondaire dans la prestation onusienne de Bolsonaro. L’alerte sonnée par Greta Thunberg, déjà précédée à maintes reprises de celles des communautés autochtone et scientifique brésiliennes, n’a eu aucun effet. Ainsi, le Brésil bolsonarisé incarne un nouveau visage de la nature confuse de la démocratie : à une époque où des adolescents font preuve d’une stature de chef d’État, il y a des chefs d’État qui se comportent comme des adolescents.» ~ Oscar Augusto Berg
(Le délire anticommuniste du Brésil bolsonarisé, Le Devoir / Idées, 3 octobre 2019)

Voyez Le Ground Zero forestier mondial (la biomasse [de bois] pour produire de l’électricité, un processus dit vert qui produit plus de GES que le charbon) :

«La forêt précède les peuples; le désert les suit.» ~ Chateaubriand

Changements climatiques : les faits sont là
Nelson Tardif
Le Devoir / Lettre, 3 octobre 2019

Nombreuses sont les personnes qui affirment ne pas croire aux changements climatiques. Or les changements climatiques ne sont pas un objet de croyance. La croyance est une adhésion à une représentation du monde subjectivement recevable, mais objectivement insatisfaisante et donc insuffisante. Il appert que l’affirmation qu’il y a effectivement des changements climatiques repose sur l’observation du monde réel et sur des faits mesurables et non sur une quelconque représentation du monde qui relève plus d’une vue de l’esprit que d’une véritable adhésion à la réalité.
   Dans cette perspective, il est primordial de se poser la question suivante : qu’est-ce qui amène des gens à affirmer qu’ils ne croient pas aux changements climatiques? Les raisons sont certainement diverses, mais il est essentiel de se pencher sur l’une d’entre elles : nier la réalité par refus de perdre ses privilèges, car les transformations profondes nécessaires pour faire face au défi que représentent les changements climatiques remettent nécessairement en question les privilèges des mieux nantis et des dominants, mais aussi de notre vie. Nous avons individuellement et collectivement à repenser l’économie de fond en comble, à déconstruire et à se délester des dogmes économiques, telle la croissance illimitée, à remettre en question la trinité surproduction-surconsommation-surexploitation, à remettre en question notre sacro-saint mode de vie et notre relation à la nature, à créer de nouveaux modèles de société en harmonie avec l’environnement, à enclencher une décroissance équitable et gérable pendant qu’il en est encore temps, à repenser nos modes de transport, à faire de la politique autrement, etc.
   Les défis sont grands. Il est impératif de choisir en toute conscience d’y faire face et de mettre en oeuvre les profondes transformations que requiert la situation inédite à laquelle l’humanité est confrontée. Si nous ne les entreprenons pas de nous-mêmes, elles nous tomberont dessus par la force des choses, nous n’y échapperons pas, car les changements climatiques ne sont pas une croyance. Ce sont des faits observables et dont les effets sont mesurables et bien réels. Que cela nous plaise ou non, la négation de la réalité ne change rien à cette réalité. Les faits sont là!

Aucun commentaire:

Publier un commentaire