9 octobre 2019

Quid de l’écoterrorisme?

Les esclaves (involontaires) des bouchons de circulation ont grogné mardi matin quand Extinction Rebellion a tenté d’installer une bannière sur le pont Jacques-Cartier, causant la fermeture du pont. Un chroniqueur à la circulation disait : «ils font ce qu’ils dénoncent; ils provoquent une congestion et de la pollution». Avait-il temporairement oublié que tous les matins et tous les soirs les véhicules «stationnent» à la queue-leu-leu sur les ponts, les autoroutes métropolitaines et le tunnel LHL pour entrer ou sortir de Montréal? Cinq jours sur sept!

Pourquoi cette action? «Une action réaliste pour déranger le quotidien qui nous tue. L’urgence d’être entendu quand seuls les lobbies le sont.»

 
Photo : Olivier Jean, La Presse

Mardi soir :
Manifestation d’Extinction Rebellion : 41 arrestations pour entrave à Montréal  
Malgré tout, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a tenu à préciser qu’il s’agissait bien d’une manifestation pacifique, et qu’aucune violence n’a été constatée.


Rappel :
Coup d’éclat pour le climat sur le pont Jacques-Cartier
Alexandre Shields 
Le Devoir / Environnement | 8 octobre 2019

Plutôt méconnue au Québec, l’organisation écologiste internationale Extinction Rebellion a trouvé le moyen de faire parler d’elle mardi matin.  
   Les activistes ont escaladé la structure centrale du pont avant même que le soleil ne se lève, avec l’intention d’y déployer une banderole dénonçant le projet de pipeline Trans Mountain, racheté par le gouvernement Trudeau, mais aussi le projet de terminal gazier Énergie Saguenay, soutenu par le gouvernement Legault.
   L’organisation, qui dit compter près de 500 regroupements dans une cinquantaine de pays, exige d’ailleurs une réduction draconienne des émissions de gaz à effet de serre, «l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres» et la mise en place de mesures pour assurer «une transition juste et équitable».


Qui est Extinction Rebellion? (1)   
Alexandre Shields
La Devoir / Environnement | 8 octobre 2019

Professeur au Département de science politique de l’UQAM, le politologue Francis Dupuis-Déri estime qu’il était «prévisible» de voir des organisations prôner une telle «diversité de tactiques», y compris la désobéissance civile.
   Il rappelle que la science climatique nous prédit une catastrophe de grande ampleur depuis quelques années. Or, ajoute-t-il, la réaction des décideurs politiques n’est tout simplement pas à la hauteur. «Dans ce contexte, on peut se demander quelle doit être la réponse adéquate des citoyens. Lorsqu’on constate l’ampleur du problème, je ne vois pas pourquoi la réaction ne se traduirait pas par des actions d’éclat.»
   «Considérant ce qu’on a vu comme mobilisation au cours des derniers mois, de la part de la jeunesse, autour de l’enjeu climatique, il me semble évident que, dans les prochains mois et dans les prochaines années, il y aura des actions qui vont dépasser la manifestation», poursuit Francis Dupuis-Déri.
   Des gestes d’éclat pourraient-ils nuire à la mobilisation pour le climat au Québec? «Il y a des gens qui sont plus sensibles à des actions de désobéissance civile. On l’a bien vu au Québec, en 2012, puisque c’était un enjeu très polarisant. Le Québec et les médias n’ont pas une bonne compréhension de ce qu’est la désobéissance civile. Mais un mouvement social sera plus large s’il diversifie ses tactiques.»


L’écoterrorisme est-il un réel danger au Canada?
Alexandre Milette-Gagnon
ICI Colombie-Britannique-Yukon | 30 août 2019

[...] Ayant fait son apparition à la fin des années 1970 pour qualifier une forme d'opposition à l'industrie forestière et minière, le terme «écoterroriste» devrait être utilisé avec modération. La visibilité que connaît la cause environnementale dans les médias et le manque de précision de l'analyse de certaines données en lien avec l'activité humaine devraient être pris en compte.
   «Les populations occidentales sont de plus en plus réactives, et le système dans lequel nous vivons fait en sorte que nous voulons tout, tout de suite. [...] Le sentiment d'inaction devient absolument insupportable», avance Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (Cf2R) et auteur d'un livre sur le sujet. «Bien sûr, ce qui se passe en Amazonie est absolument inadmissible [et] la torture sur les animaux [aussi]», affirme-il.
   Le gouvernement fédéral, lui, se tient aux aguets. Dans son plan de lutte contre le terrorisme publié en 2012, Sécurité publique Canada a inclus un passage traitant d’actes extrémistes environnementaux, qui, dit-on, demeurent une réalité au pays, mais sans donner plus de détails.
  Sécurité publique Canada a décliné notre demande d'entrevue, mais affirme par courriel que «les organismes d’application de la loi, y compris la Gendarmerie royale canadienne (GRC), surveillent et répondent de manière constante à toutes les menaces possibles à la sécurité publique, indépendamment de leur idéologie».  
   Le professeur en science politique à l'UQAM et écrivain Francis Dupuis-Déri se fait critique à l'égard des guides qui comparent l'extrémisme écologique à d'autres idéologies. Ces parallèles avec les mouvements radicaux religieux ou d'extrême droite sont ridicules, selon lui.
   «Cette comparaison permet d'amalgamer des choses qui, selon moi, d'un point de vue politique, n'ont absolument aucun rapport. Si les autorités ont pour mandat de protéger la population, [il apparaît] clairement [que] ce qui menace la population [...] ce sont ceux qui produisent cette pollution et non pas les mouvements écologistes», explique M. Dupuis-Déri.
   «Les écologistes, par principe, respectent la vie humaine, la vie animale et même, dans certains cas, la vie végétale, croit quant à lui Francis Dupuis-Déri. Il y a des milliers de scientifiques qui nous disent : "Ça va très très mal". Cela peut engendrer un sentiment de peur qu'il appelle écoanxiété.»


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(1) Mise en garde : l’article suggéré pourrait vous déprimer; attendez d’être dans un état d’esprit relativement optimiste... Tout le monde passe au rouleau-compresseur, même le média de gauche The Intercept – là j’avoue que j’ai freiné des quatre fers...
   Mais bon, je continue de penser qu’il est important de savoir ce qui passe dans les coulisses, que l’ignorance infantilise et victimise, et que la connaissance responsabilise et donne le pouvoir de choisir.
   Dans cet article intitulé Greta Thunberg, Extinction Rebellion et le mouvement pour le développement durable, on apprend que le mouvement «Extinction Rebellion s’inscrit dans la veine de ce courant soi-disant écologique qui promeut l’idée d’une civilisation techno-industrielle verte, bio, carboneutre et démocratique, certains locaux ne partagent pas cette perspective illusoire et indésirable. Perspective très utile, en revanche, pour rassurer les foules : pas de panique, une civilisation industrielle bio et démocratique existe, elle finira donc par s’imposer d’elle-même, ou grâce aux activistes qui réussiront à forcer la main de nos dirigeants. ... Une civilisation techno-industrielle bio et démocratique, ça n’existe pas.»  
   On apprend aussi que «Extinction Rebellion est financé par un groupe de richissimes philanthrocapitalistes états-uniens qui a fait don de près d’un demi-million d’euros à l’organisation britannique et à d’autres groupes d’étudiants en grève pour le climat, et promet que des dizaines de millions d’euros de dons vont suivre dans les prochains temps. L’homme d’affaire, investisseur, entrepreneur et philanthrope Trevor Neilson affirme que ce fonds servira à soutenir des actions non-violentes légales : Il fournira des ressources aux activistes populaires qui cherchent à disrupter [sic] le statu quo de manière non-violente afin de demander aux gouvernements de déclarer un état d’urgence climatique et de mettre en place les politiques adéquates pour gérer cette crise.
   Ce que tout cela nous montre, c’est simplement que les ultra-riches, les dominants, continuent de faire en sorte de contrôler et d’encourager une pseudo-contestation dans le cadre de la société qu’ils dirigent. Rien de nouveau sous les panneaux solaires photovoltaïques. Les «politiques adéquates» qu’ils veulent que les gouvernements mettent en place ne changeront grosso modo rien du tout à la société industrielle capitaliste dans laquelle nous vivons, n’ont à peu près aucune chance d’endiguer le désastre en cours, mais rapporterons sans doute beaucoup d’argent à certains investisseurs, entrepreneurs et hommes d’affaire ayant des intérêts dans les industries des technologies «vertes», «propres», «renouvelables», dans le business de la compensation, dans les marchés du carbone, dans l’industrie de la monoculture d’arbres, ou autre chose du genre. Les objectifs officiels d’Extinction Rebellion, de la branche originelle du moins (la britannique), ne sont pas pour rien compatibles avec les objectifs de ces richissimes philanthropes («neutralité carbone», «politiques adéquates» que les gouvernements devraient prendre pour gérer la crise, déclaration d’un «état d’urgence climatique»). Rien qui menace le moins du monde la société techno-industrielle capitaliste, ses États et ses entreprises.
   Greta Thunberg et le vaste réseau capitaliste de promotion des illusions vertes – Peu après son arrivée aux États-Unis à bord du bateau zéro carbone du prince monégasque Pierre Casiraghi, qui arborait, pour l’occasion, le logo des Objectifs de développement durable de l’ONU, Greta Thunberg a rencontré la célèbre journaliste Naomi Klein — une de ses idoles, à l’instar d’Al Gore.
   Naomi Klein lui a proposé de participer à une conférence organisée par le média de gauche progressiste The Intercept, pour lequel elle travaille. The Intercept est une création de l’organisation First Look Media, fondée par le milliardaire Pierre Omidyar, à qui l’on doit eBay.
   European Climate Foundation, ou Fondation européenne pour le climat, une organisation internationale à but (soi-disant) non lucratif fondée en 2008, dont l’objectif «est de promouvoir des politiques climatiques et énergétiques qui permettraient [selon elle] de réduire les émissions de gaz à effet de serre en Europe et l’aideraient à jouer un rôle international plus important dans la lutte contre le changement climatique». Cette Fondation européenne pour le climat est, entre autres, financée par le Rockefeller Brothers Fund (qui finance par ailleurs de nombreuses organisations écolos, dont l’ONG 350(.org)), la Fondation Ikea, Bloomberg Philanthropies, ou encore la Fondation ClimateWorks – elle-même financée par l’ONU, la Fondation Rockefeller, la Fondation Ford, etc.
   La grande ONG écolo internationale, “Conservation International”, est elle-même partenaire de nombreuses entreprises comme Bank of America, Apple, Hewlett-Packard, HSBC, McDonald’s, Mitsubishi, Toyota, Chevron, Pacific Gas & Electricity, BP, Shell, Northrop Grumman, etc.
   Et ainsi se suite. Ce qui précède n’est qu’un minuscule aperçu d’une vaste toile d’intérêts capitalistes, d’un vaste réseau international de promotion des illusions vertes, de promotion du mythe d’un capitalisme vert et sympa, d’une société techno-industrielle durable et équitable.
   En revanche, étonnamment, les ONG, organisations et collectifs écologistes qui s’opposent à l’État, au capitalisme, et/ou à l’industrialisme, ne reçoivent aucun financement de la part des ultra-riches et des organisations qu’ils contrôlent, et ne sont pas les bienvenus dans les médias de masse. La différence entre un pseudo-écologisme subventionné par les riches et les institutions dominantes, et un véritable mouvement d’opposition contre ceux qui détruisent le monde.
   Quoi qu’il en soit, Greta continue d’écumer les médias de gauche et progressistes des US où elle propage la bonne parole : la nécessité de mettre un coup de boost au développement du «développement durable» (ou capitalisme vert, ou industrialisme vert, c’est la même chose), de développer massivement les illusions vertes pour tout sauver, la civilisation industrielle, le climat et les oiseaux.
   Cela dit, il est important de rappeler que manipulée (ou, du moins, fortement influencée) par son entourage, par ceux qui ont orchestré sa promotion et par le système techno-industriel capitaliste dans son ensemble (en l’occurrence, par son aile développement durable), comme nous le sommes un peu tous, il ne s’agit pas de la blâmer personnellement. Les principaux responsables de cette mascarade sont les dirigeants et les promoteurs des illusions vertes, du secteur du développement durable. États, entreprises, fondations privées, richissimes capitalistes (verts), médias de masse leur appartenant.

En réponse à un commentaire sur l’article Nicolas Casaux écrit :
16 septembre 2019 à 7 h 53 min
   Merci pour cette analyse que je partage entièrement. J’ai rejoins Extinction Rebellion au Royaume Uni en toute connaissance de cause de ce greenwashing. Cependant c’est un mouvement qui permet a de nombreux activistes en herbe de se cultiver, de créer des réseaux, de s’auto organiser dans une société ultra individualiste consumériste caricaturale (j’habite Londres). C’est donc un bon début qui va permettre de politiser et de radicaliser une partie de la population. Indépendamment de ce que peuvent penser les dirigeants d’ER. À la base, on trouve aussi de nombreux activistes qui s’opposent à la civilisation industrielle, et peuvent propager cette critique au sein des militants. [...]

Source :
Greta Thunberg, Extinction Rebellion et le mouvement durable
Par Nicolas Casaux

Je suis persuadée depuis un bon moment que les industries, brunes et vertes, sont soutenues par les mêmes multinationales qui financent les deux côtés de la barricade – les écologistes et les climatosceptiques (à l’instar de l’industrie des armes de guerre qui fournit à la fois ceux qui attaquent et ceux qui se défendent, c’est plus payant).  
   Ce qui a achevé de m'en convaincre c’est le documentaire-choc Burned: Are Trees The New Coal? sur l’industrie de la biomasse : «L’industrie de la biomasse n’a de vert que les billets de banque que les spéculateurs en retirent pour répondre à une politique européenne qui n’a aucun sens. Cette politique fait en sorte que de plus en plus d’arbres sont abattus aux États-Unis pour fournir l’Angleterre et l’Europe en granules de bois.» (Derb S. Carter, directeur du North Carolina Southern Environment Law Center)

Pour en savoir plus sur la biomasse :

Concernant les coupes forestières préconisées par la CAQ pour réduire les GES et la déforestation en Colombie-Britannique pour le marché asiatique :

La goutte qui fait déborder le vase : 
20 pétrolières sont à l'origine du tiers des GES, selon un chercheur de renommée mondiale
De nouvelles données révèlent que le tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent de 20 géants du pétrole qui savaient qu'ils causaient des dommages, selon le chercheur de renommée mondiale Richard Heede.
   Selon le chercheur, les 20 compagnies ont contribué à l'émission de 480 milliards de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone, depuis 1965.
   Richard Heede a établi la prémisse que les producteurs d'énergies fossiles portent la responsabilité des effets néfastes de leurs produits. Puis, il a entrepris de déterminer ce que ces géants du pétrole, du gaz et du charbon ont extrait du sol et les émissions de GES qui ont été produites subséquemment.
   Dans son analyse, Richard Heede affirme en outre que ces entreprises ont poursuivi et accru leurs activités, en dépit du fait qu'elles connaissaient les effets néfastes qui en résultaient pour la planète.
   «Certes, affirme le chercheur, c'est l'ensemble des consommateurs, des individus aux entreprises, qui sont ultimement les émetteurs de gaz carbonique. Mais nous nous sommes concentrés sur les entreprises d'énergies fossiles qui, à notre avis, ont produit et mis en marché les carburants fossiles pour des milliards de consommateurs, en sachant que leur utilisation comme prévu aggraverait la crise climatique.


Comme on dit :
DE NOS JOURS, POUVOIR FAIRE CONFIANCE À QUELQU’UN EST UN MIRACLE!

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