Cette femme fait de son fils tétraplégique
un Prométhée (Titan) :
Zeus ayant kidnappé et enchaîné Prométhée,
il le condamne à être torturé par un aigle qui lui dévore éternellement le foie
– celui-ci se régénère parce que le Titan est immortel.
Les bourreaux
de Vincent Lambert sont ses propres parents dont les croyances religieuses et l’attachement égoïste prévalent sur son
bien-être et l’empêchent de quitter sa prison physique dignement et en paix. Cela
fait plus de dix ans que le pauvre homme
est maintenu artificiellement en vie. Et avec les moyens d’aujourd’hui, aucun
espoir de mourir de mort «naturelle» comme disent les catholiques. Aucune
compassion, l’église d’abord.
Je ne veux pas minimiser la peine des parents, mais ils
auraient pu amorcer leur deuil il y a quelques années :
«Toutes les
expertises médicales ont conclu au caractère irréversible de son état.» En
2018, le rapport des experts, remis le 18 novembre, concluait à un «état végétatif
chronique irréversible» qui ne lui laissait plus «d’accès possible à la
conscience». «Vincent Lambert est dans un état d’incapacité fonctionnelle
psychomotrice totale en 2018 comparable cliniquement à celui enregistré en 2014»,
disaient-ils. L'«affaire Lambert» est devenue un symbole du débat sur les soins
de fin de vie dans l'Hexagone.
Résumé du cas
Lambert (ICI Radio-Canada / nouvelle) :
Le cas est loin d’être unique, alors pourquoi tout ce bruit
médiatique? On suppose qu’il faut avoir des ressources financières importantes pour
entamer ces procédures : saisir la Cour européenne des droits de
l’homme (CEDH), le Conseil d’état français et la Cour d’appel de Paris, déposer
des poursuites contre le Dr Sanchez (directeur du service des soins palliatifs
et de l’unité des «cérébrolésés» de l’hôpital de Reims) et réclamer sa
radiation.
Cet aspect de la
cause m’intrigue. On dit que les Lambert sont proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). La secte catholique aide-t-elle
financièrement les parents et mobilise-t-elle des manifestants à des fins de
propagande anti «aide à mourir dans la dignité»? Est-ce que par hasard on instrumentaliserait le fils? Il est
permis de se poser la question en période de tsunami religieux ultra
conservateur (mondial). Quand le Pape s’en mêle...
Un journaliste de L’OBS écrivait au sujet de
la FSSPX : «[...] Autre
fait notoire : les écoles, implantées en pleine campagne, vivent en totale
autarcie puisque les enfants scolarisés y vivent souvent en pensionnat. Les
locaux? Ils sont souvent prêtés ou donnés par des bienfaiteurs de la
Fraternité, châteaux, abbayes, ou monastères : la FSSPX, qui a son siège en
Suisse, est une organisation
internationale. Et riche. Avant, ces intégristes étaient marginaux.
Aujourd'hui, leur discours identitaire, très réac, est en phase avec un certain
air du temps. Cela les conforte. En ‘éducation civique’, on apprend à
‘reconnaître la race blanche’.»
En outre,
la FSSPX a multiplié les appuis à des partis politiques d’extrême-droite (dont
le Front national) au cours des dernières décennies. Dans une perspective
«national-catholique», on y vénère d’anciens héros fascisants tels les
espagnols Primo de Rivera et le général Franco, le rexiste Léon Degrelle, le
maréchal Pétain qui collabora avec les nazis, etc.
Le cas Lambert
est un copié-collé de la situation vécue par l’écrivain espagnol Ramón Sampedro
à qui on a toujours refusé l’aide à mourir – un combat contre les autorités politiques et religieuses et l’égoïsme de ses proches qui le «condamnaient
à vivre». Contrairement à Vincent
Lambert, Sampedro était conscient; il pouvait penser, lire et parler. Quand on
y songe, c’est pire que d’être inconscient!
Néanmoins son cas aura servi à faire avancer l’accès à mourir dans la dignité en certains pays plus évolués, c'est-à-dire non soumis aux dictats des croyances religieuses. Au Canada, les pro-vie et les associations chrétiennes de médecins essaient encore de mettre des bâtons dans les roues (1). Rien n’est acquis. Même combat que pour l’avortement. On ne respecte pas les droits des non-croyants qui par ailleurs ne montent pas aux barricades pour réclamer des accommodements. Peut-être qu'un jour il faudra s'y mettre...
Néanmoins son cas aura servi à faire avancer l’accès à mourir dans la dignité en certains pays plus évolués, c'est-à-dire non soumis aux dictats des croyances religieuses. Au Canada, les pro-vie et les associations chrétiennes de médecins essaient encore de mettre des bâtons dans les roues (1). Rien n’est acquis. Même combat que pour l’avortement. On ne respecte pas les droits des non-croyants qui par ailleurs ne montent pas aux barricades pour réclamer des accommodements. Peut-être qu'un jour il faudra s'y mettre...
Photo :
Xosé Manuel Albán, 20 février 1995
Résumé – Ramón Sampedro Cameán, né le 5 janvier
1943 dans la commune de Porto do Son en Galice (Espagne) est mort le 12 janvier
1998 à Boiro. Il a milité toute sa vie pour l'euthanasie.
Devenu tétraplégique à l’âge de 25 ans à la
suite d'un accident (plongeon), il s'est battu durant vingt-neuf ans pour le
droit à l'euthanasie. Au terme d'une longue bataille juridique qui ne lui
permit pas de se voir donner la mort légalement, Ramón Sampedro décida de
mettre lui-même un terme à son existence. Le 12 janvier 1998, il se donna la
mort avec l'aide de onze amis. Aucun de ses complices ne fut accusé car
Sampedro brouilla habilement les pistes, chacun ayant une mission secrète ne
l'impliquant pas de façon certaine dans la mort de leur ami : l'un avait les
clefs de son domicile, l'autre acheta le cyanure de potassium, le suivant plaça
le verre sur la table de nuit, le quatrième plongea la paille et ainsi de suite
jusqu'au dernier qui filma Ramón, sourire aux lèvres, quelques secondes avant
sa mort.
Son amie Ramona Maneiro a été arrêtée
quelques jours après son décès mais n'a pas été condamnée par manque de
preuves. Sept ans après, dès que le délit eut été prescrit, Ramona a admis dans
une émission de télévision avoir facilité pour Ramón l'accès au poison ayant
causé sa mort et avoir enregistré la vidéo où celui-ci a prononcé ses derniers
mots. (Wikipédia)
À voir ou
revoir :
La vie de
Ramón Sampedro a été portée à l'écran en 2004 dans le film Mar adentro d'Alejandro Amenábar. Précédemment, en 1999, elle avait inspiré un long
métrage galicien intitulé Condenado a
vivir (Condamné à vivre).
Dans une vraie société laïque, capable de
considérer le corps physique comme une «propriété privée», Ramon Sampedro n’aurait
pas été contraint d’élaborer un scénario de la sorte pour épargner ses amis
d’éventuelles poursuites judiciaires. Et, il aurait pu mourir en paix et en douceur. Dans son dernier message adressé aux juges et aux autorités politiques et religieuses, il disait : Je considère que vivre est un droit, pas une obligation comme ce le fut pour moi, obligé de supporter cette pénible situation durant 28 ans, quatre mois et quelques jours.
(1) Les convictions morales ou religieuses des médecins
Médecine : les objecteurs de
conscience demandent à ce que leurs droits soient respectés
Des associations chrétiennes de médecins
affirment qu'il existe d'autres options que l'orientation d'un patient pour
permettre à leurs objecteurs de conscience de se soustraire à deux directives
de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario qui sont contraires à leurs
convictions morales ou religieuses. Ces associations en appellent devant le
plus haut tribunal de la province d'une décision d'un tribunal inférieur qui a
conclu en 2017 qu'il est justifié de brimer la charte des droits et libertés
pour offrir un accès équitable à des services de santé.
La Société médicale et dentaire chrétienne
du Canada, la Fédération des sociétés de médecins catholiques du Canada et
l'Association canadienne des médecins pour la vie affirment au contraire que
les croyances religieuses de leurs membres sont protégées par la charte et
qu'il existe d'autres options pour assister un patient que celle de déléguer
ses responsabilités à un collègue qui n'aurait aucune objection de conscience
au sujet de questions morales.
(ICI
Radio-Canada / info, 21 janvier 2019)
Au Québec, en
2013, avant l’adoption du projet de loi «Mourir dans la dignité», les
regroupements contre l’euthanasie (voulue par le patient) pullulaient : Réseau
des soins palliatifs du Québec, Alliance des maisons de soins palliatifs,
Association des soins palliatifs, Société
québécoise des médecins de soins palliatifs, Collectif de médecins du refus
médical de l’euthanasie, Vivre dans la dignité, Coalition des médecins pour la
justice sociale, Rassemblement québécois contre l’euthanasie, etc.
Aide médicale à mourir : le tiers des
demandes n’ont pas été administrées
...Le rapport déposé mercredi fait dire à
des militants pour l’aide médicale à mourir qu’il reste encore beaucoup de
travail à faire. Le président de l’Association québécoise pour le droit de
mourir dans la dignité est d’avis qu’on pourrait diminuer le nombre de demandes
refusées avec des mesures rapides.
«Il faut absolument travailler à élargir les
critères. Les patients qui ont des pathologies chroniques et incurables, des
maladies neurodégénératives, doivent obtenir le droit à l’aide médicale à
mourir lorsqu’ils le demandent. Il faut faire enlever le critère de fin de vie,
tout en gardant les autres critères», insiste le Dr Georges L’Espérance,
qualifiant la condition de «médicalement stupide».
Il demande aussi qu’on oblige les maisons de
soins palliatifs à offrir l’aide médicale à mourir. «On a vécu des choses
abominables. Un patient qui se fait sortir d’une maison en plein mois de
janvier parce qu’il a demandé l’aide médicale à mourir, c’est inacceptable»,
tonne le médecin, appuyé sur ce point par Yvon Bureau, un autre militant de
longue date. «Il faut que ça se termine au plus sacrant pour qu’elles
deviennent des maisons de fin de vie, plutôt que de soins palliatifs
seulement».
Les écarts dans l’offre entre les régions du
Québec inquiètent aussi les intervenants qui déplorent que les patients de
Montréal doivent notamment lutter contre «une forte résistance». «Il y a 2
médecins dans tout le CHUM qui acceptent de le faire. C’est inacceptable»,
estime le Dr L’Espérance.
(Le journal
de Québec, 3 avril 2019)
COMMENTAIRE :
J’ai eu l’occasion de fréquenter un zoo de «soins prolongés» puisque ma mère a dû y finir sa vie. Parmi la clientèle en perte d’autonomie, on retrouve à chaque étage un mélange de patients de tous âges. Certains sont totalement lucides, d’autres séniles, d'autres atteints d’Alzheimer, et d’autres souffrent de graves troubles psychologiques. On entend les patients se chamailler, crier, hurler; certains volent, attaquent, et ainsi de suite. Impossible d’avoir la sainte paix en pareil endroit, sauf une fois que tout le monde a été assommé avec des somnifères et des antidépresseurs. Ils font des «crises» parce qu’ils ne veulent plus vivre d’humiliations, avaler leurs médicaments et recevoir des traitements contre leur gré. Mais étant donné leur extrême vulnérabilité, ils sont impuissants face à cette abrutissante routine quotidienne utilisée pour les réprimer.
COMMENTAIRE :
J’ai eu l’occasion de fréquenter un zoo de «soins prolongés» puisque ma mère a dû y finir sa vie. Parmi la clientèle en perte d’autonomie, on retrouve à chaque étage un mélange de patients de tous âges. Certains sont totalement lucides, d’autres séniles, d'autres atteints d’Alzheimer, et d’autres souffrent de graves troubles psychologiques. On entend les patients se chamailler, crier, hurler; certains volent, attaquent, et ainsi de suite. Impossible d’avoir la sainte paix en pareil endroit, sauf une fois que tout le monde a été assommé avec des somnifères et des antidépresseurs. Ils font des «crises» parce qu’ils ne veulent plus vivre d’humiliations, avaler leurs médicaments et recevoir des traitements contre leur gré. Mais étant donné leur extrême vulnérabilité, ils sont impuissants face à cette abrutissante routine quotidienne utilisée pour les réprimer.
«Il faut avoir au moins une certitude :
celle de rester maître de sa mort et de pouvoir en choisir l'heure et le
moyen.» ~ Milan Kundera (La valse aux adieux)
Si le sujet vous intéresse voyez le libellé "Euthanasie".
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