«Oui
c’est vrai, cette arme de force intermédiaire peut blesser. Mais pour faire
face aux émeutiers, pour se défendre contre ceux qui les attaquent, les forces
de l’ordre en ont besoin. Si elles en étaient privées, elles n’auraient alors
plus d’autre alternative que le corps à corps ou l’usage de l’arme de service.»
Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur français (Sudinfo.be)
Début février 2019, on estimait les tirs de flash-balls
à 9200. Rien d’étonnant que plusieurs Gilets jaunes aient été blessés.
Photo :
Ulrich Leboeuf (Libération, janvier 2019)
Gilets jaunes : Un réalisateur habitué
des zones de guerre blessé par la police pour la première fois de sa vie
Publié par
wikistrike.com; 14 Janvier 2019
Le
réalisateur de documentaires Florent Marcie, habitué des zones de guerres
(Tchétchénie, Bosnie, Afghanistan, Libye, Tchad, Irak, Syrie...), a été touché
de retour de Raqqa au visage par un flashball tandis qu'il filmait les gilets
jaunes devant le Musée d'Orsay, se faisant blesser pour la première fois de sa
carrière. Il nous a confié ce texte sur la dangerosité du LBD 40, et le sens de
son usage en démocratie.
Florent
Marcie. Photo : Stéphane Burlot
Samedi 5
janvier, 17h11, devant le musée d’Orsay. Acte VIII des gilets jaunes. Un homme
s’écroule sur la chaussée, frappé à la tempe par un tir de flash-ball. Je
m’approche pour le filmer. À mon tour, je suis frappé au visage. La blessure,
sous l’œil, est profonde jusqu’à l’os. Des manifestants crient, paniqués.
Je m’en sortirai avec deux petites fractures
orbite/maxillaire et quelques points de suture. D’autres n’ont pas eu cette
chance. Ils ont été éborgnés, édentés,
ont eu la jambe cassée. Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les
blessés se comptent par dizaines.
Armés de leur étrange fusil, les tireurs,
parfois habillés en civil, se tiennent aux côtés des CRS. Ils prennent leur
temps pour ajuster leur cible. Qui sont-ils donc ces tireurs consciencieux? Sur
les Champs-Élysées, on m’apprend que certains d‘entre eux font partie de la
BAC, la Brigade Anti Criminalité, très active en banlieue.
Devant le musée d’Orsay, j’ai ramassé un
projectile. Il avait la forme d’une grosse balle en caoutchouc, enchâssée dans
un culot en plastique dur. Sur internet, j’ai vu que la balle provenait d’un
LBD 40, de fabrication suisse, efficace jusqu’à au moins quarante mètres,
contre une quinzaine de mètres pour un flash-ball classique.
L’acronyme LBD signifie Lanceur de Balle de
Défense. De fait, le tir n’émet pas de détonation, plutôt un «pop» évoquant un
gros bouchon de champagne. Face à une foule en mouvement, la précision est
toute relative. Qualifiée de non létale, cette arme peut le devenir à distance
rapprochée et/ou si elle frappe certaines parties du corps, en particulier la
tête.
Raison pour laquelle l’utilisation du LBD 40
est réglementée. En principe, on ne peut en faire usage qu’«en cas d’absolue
nécessité et de manière strictement proportionnée». Il est également interdit
de tirer au visage. Mais la loi, selon les situations, autorise aussi bien les
tirs sans sommation et, depuis 2014, ne fixe même plus de distance minimale
d’utilisation. Le flou légal, le nom et la nature de l’arme poussent aux
bavures et à l’impunité.
Article
intégral :
Dans un
reportage sur le conflit israélo-palestinien intitulé Occupation 101, des Palestiniens conservent les prétendues flash-balls tirées par les soldats
israéliens, entre autres sur les enfants qui lancent des pierres; en réalité ce
sont des balles de métal enrobées de
caoutchouc... Méfions-nous des fausses appellations comme des fausses nouvelles.
«Plus il y a,
dans l’État, de machines pour soulager l’industrie de l’homme, plus il y a
d’hommes qui ne sont que des machines.» ~ Louis de Bonald
Histoire de l’esclavage industriel et
des luttes syndicales américaines
Après quelque
six heures de visionnement captivant, j’ai pu mesurer l’épaisseur de mon ignorance.
Bien sûr on a entendu parler des terribles conséquences humaines et
environnementales de l’industrialisation, du début jusqu’à nos jours, mais ce
qu’on raconte dans cette série documentaire ne faisait pas partie de nos
manuels d’histoire. Ça éclaire notre lampe frontale...
Plutocracy
Scott Noble | 2015 metanoia-films.org
En anglais
En bref
Political Repression in the United
States (Répression
Politique aux États-Unis) est une série de quatre documentaires qui examinent
en profondeur les débuts de l'histoire de l'Amérique du Nord sous l'angle des
classes sociales, afin de permettre une critique plus large de la construction
sociale dans les États-Unis contemporains. Non seulement la série documente et
illustre les grèves et les mouvements ouvriers au cours des siècles, mais elle
sert aussi à relier les récits et les leçons politiques d'une époque entière du
point de vue de la classe ouvrière, formant ainsi une solide base d'analyse.
Cette chronologie historique permet aussi de
comprendre la nécessité des syndicats et les sacrifices énormes qui furent
nécessaires pour assurer l'équité, la sécurité et l'égalité. Les activités des industries
– chemins de fer, acier, charbon, pétrole – étaient caractérisées par
l'esclavage, des environnements de travail dangereux, des heures de travail pénibles
et le travail des enfants; mais avec la montée des syndicats, ces industries
ont été forcées de réexaminer leurs pratiques ou ont couru le risque de
disparaître.
Néanmoins les capitalistes (Gangstas
for Capitalism) ont vite riposté, misant sur la forte influence dont ils
disposaient. Les grèves publiques qui ont suivi se sont soldées par une
violence extrême, l'oppression et des arrestations illégales, illustrant certaines
des dynamiques de pouvoir au cœur de la lutte des classes.
Gangstas for
Capitalism
Au début du
20e siècle, les États-Unis étaient le pays de l'histoire ouvrière la
plus sanglante et la plus violente de toutes les nations industrialisées du
monde. Entre 1920 et 1935, les luttes furent explosives, illustrant de façon
frappante l'interrelation entre la politique radicale et la conscience de
classe. Des travailleurs courageux se sont battus en vue d’atteindre à une
véritable démocratie.
Les conflits entre les droits des
travailleurs et les intérêts des entreprises sont très présents dans le paysage
politique et économique d'aujourd'hui, mais ils ne sont en aucun cas un phénomène
moderne. Ces déséquilibres et les inégalités de richesse qui en résultent
existent depuis des générations. Il ne faut jamais sous-estimer la capacité des
travailleurs à exiger la justice sociale. La solidarité de la base est
essentielle. Si la société a beaucoup évolué au cours des 85 dernières années,
l'élément fondamental qui sépare les riches des «autres» – l'inégalité des
classes – existe plus que jamais.
Dans la poussière de charbon... View of the Ewen Breaker of Pa. Coal Co. The dust was
so dense at times as to obscure the view, January 1911 S. Pittston, Pa
En regardant
les reportages de la journaliste Sophie Langlois, notamment sur l’exploitation
du coltan en Afrique (RDC), force est de constater que les travailleurs-esclaves
(hommes, femmes, enfants) sont traités par les grandes entreprises
industrielles exactement comme aux États-Unis à la fin du 19e siècle
et au début du 20e.
Du sang dans nos cellulaires
Denis Mukwege, «l’homme qui répare les
femmes»
Cet article inclut la satire de Mark Twain sur la nature humaine
Si la richesse «ruisselle» du haut de
la pyramide vers le bas tel qu’on le prétend, eh bien, c’est au compte-gouttes!
«Quand
l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui
l’entoure. L’homme sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des
animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit
un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre.» ~ René Fallet
Comment les riches détruisent la
planète
Hervé Kempf *
Seuil 2007;
Points 2014 (156 pages)
Nous sommes à
un moment de l’Histoire qui pose un défi radicalement nouveau à l’espèce
humaine : pour la première fois, son prodigieux dynamisme se heurte aux limites
de la biosphère et met en danger son avenir. Vivre ce moment signifie que nous
devons trouver collectivement les moyens d'orienter différemment cette énergie
humaine et cette volonté de progrès. C’est un défi magnifique, mais redoutable.
Or, une classe dirigeante prédatrice et
cupide, gaspillant ses prébendes, mésusant du pouvoir, fait obstacle au
changement de cap qui s'impose urgemment. Elle ne porte aucun projet, n’est
animée d’aucun idéal, ne délivre aucune parole mobilisatrice. Après avoir
triomphé du soviétisme, l'idéologie néolibérale ne sait plus que
s’autocélébrer. Presque toutes les sphères de pouvoir et d’influence sont
soumises à ce pseudo réalisme, qui prétend que toute alternative est impossible
et que la seule voie imaginable est celle qui conduit à accroitre toujours plus
la richesse.
Cette représentation du monde n’est pas
seulement sinistre, elle est aveugle. Elle méconnaît la puissance explosive de
l’injustice, sous-estime la gravité de l’empoisonnement de la biosphère,
promeut l'abaissement des libertés publiques. Elle est indifférente à la
dégradation des conditions de vie de la majorité des hommes et des femmes,
consent à voir dilapider les chances de survie des générations futures.
Pour l'auteur de ces pages incisives et bien
informées, on ne résoudra pas la crise écologique sans s'attaquer à la crise
sociale concomitante. Elles sont intimement liées. Ce sont aujourd'hui les
riches qui menacent la planète.
* Hervé Kempf
est un des journalistes d’environnement les plus réputés. Depuis plus de vingt
ans, il travaille à faire reconnaître l’écologie comme un secteur d’information
à part entière, et a défriché nombre de dossiers sur le changement climatique,
le nucléaire, la biodiversité ou les OGM. Il a fondé Reporterre.
«Les élites dirigeantes sont incultes.
Formées en économie, en ingénierie, en politique, elles sont souvent ignorantes
en science et quasi toujours dépourvues de la moindre notion d'écologie. Le
réflexe habituel d'un individu qui manque de connaissances est de négliger
voire de mépriser les questions qui relèvent d'une culture qui lui est
étrangère, pour privilégier les questions où il est le plus compétent. Les
élites agissent de la même manière. D'où, de leur part, une sous-estimation du
problème écologique.»
(H. K.)
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