20 mai 2019

DOW Jaune

La répression contre les Gilets jaunes par les forces de l’ordre rappelle la politique de Roosevelt au début du 20e siècle : les industriels avaient recours à des agences policières privées pour mater les grévistes, mais comme c’était passablement onéreux, ils ont demandé au gouvernement d’assumer financièrement la sécurité publique. Peace and order... should be maintained at any cost, but should be maintained by regularly appointed and responsible officers... at the expense of the public... [at the] request of various companies.” (Anthracite Coal Strike Committee, 1902)
   «Oui c’est vrai, cette arme de force intermédiaire peut blesser. Mais pour faire face aux émeutiers, pour se défendre contre ceux qui les attaquent, les forces de l’ordre en ont besoin. Si elles en étaient privées, elles n’auraient alors plus d’autre alternative que le corps à corps ou l’usage de l’arme de service.» Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur français (Sudinfo.be)
   Début février 2019, on estimait les tirs de flash-balls à 9200. Rien d’étonnant que plusieurs Gilets jaunes aient été blessés.

Photo : Ulrich Leboeuf (Libération, janvier 2019)

Gilets jaunes : Un réalisateur habitué des zones de guerre blessé par la police pour la première fois de sa vie

Publié par wikistrike.com; 14 Janvier 2019

Le réalisateur de documentaires Florent Marcie, habitué des zones de guerres (Tchétchénie, Bosnie, Afghanistan, Libye, Tchad, Irak, Syrie...), a été touché de retour de Raqqa au visage par un flashball tandis qu'il filmait les gilets jaunes devant le Musée d'Orsay, se faisant blesser pour la première fois de sa carrière. Il nous a confié ce texte sur la dangerosité du LBD 40, et le sens de son usage en démocratie. 

Florent Marcie. Photo : Stéphane Burlot

Samedi 5 janvier, 17h11, devant le musée d’Orsay. Acte VIII des gilets jaunes. Un homme s’écroule sur la chaussée, frappé à la tempe par un tir de flash-ball. Je m’approche pour le filmer. À mon tour, je suis frappé au visage. La blessure, sous l’œil, est profonde jusqu’à l’os. Des manifestants crient, paniqués.
   Je m’en sortirai avec deux petites fractures orbite/maxillaire et quelques points de suture. D’autres n’ont pas eu cette chance. Ils ont été éborgnés, édentés, ont eu la jambe cassée. Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les blessés se comptent par dizaines.
   Armés de leur étrange fusil, les tireurs, parfois habillés en civil, se tiennent aux côtés des CRS. Ils prennent leur temps pour ajuster leur cible. Qui sont-ils donc ces tireurs consciencieux? Sur les Champs-Élysées, on m’apprend que certains d‘entre eux font partie de la BAC, la Brigade Anti Criminalité, très active en banlieue.
   Devant le musée d’Orsay, j’ai ramassé un projectile. Il avait la forme d’une grosse balle en caoutchouc, enchâssée dans un culot en plastique dur. Sur internet, j’ai vu que la balle provenait d’un LBD 40, de fabrication suisse, efficace jusqu’à au moins quarante mètres, contre une quinzaine de mètres pour un flash-ball classique.
   L’acronyme LBD signifie Lanceur de Balle de Défense. De fait, le tir n’émet pas de détonation, plutôt un «pop» évoquant un gros bouchon de champagne. Face à une foule en mouvement, la précision est toute relative. Qualifiée de non létale, cette arme peut le devenir à distance rapprochée et/ou si elle frappe certaines parties du corps, en particulier la tête.
   Raison pour laquelle l’utilisation du LBD 40 est réglementée. En principe, on ne peut en faire usage qu’«en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée». Il est également interdit de tirer au visage. Mais la loi, selon les situations, autorise aussi bien les tirs sans sommation et, depuis 2014, ne fixe même plus de distance minimale d’utilisation. Le flou légal, le nom et la nature de l’arme poussent aux bavures et à l’impunité.

Article intégral :

Dans un reportage sur le conflit israélo-palestinien intitulé Occupation 101, des Palestiniens conservent les prétendues flash-balls tirées par les soldats israéliens, entre autres sur les enfants qui lancent des pierres; en réalité ce sont des balles de métal enrobées de caoutchouc... Méfions-nous des fausses appellations comme des fausses nouvelles.

«Plus il y a, dans l’État, de machines pour soulager l’industrie de l’homme, plus il y a d’hommes qui ne sont que des machines.» ~ Louis de Bonald

Histoire de l’esclavage industriel et des luttes syndicales américaines   

Après quelque six heures de visionnement captivant, j’ai pu mesurer l’épaisseur de mon ignorance. Bien sûr on a entendu parler des terribles conséquences humaines et environnementales de l’industrialisation, du début jusqu’à nos jours, mais ce qu’on raconte dans cette série documentaire ne faisait pas partie de nos manuels d’histoire. Ça éclaire notre lampe frontale... 

Plutocracy 

Scott Noble | 2015 metanoia-films.org
En anglais 

En bref

Political Repression in the United States (Répression Politique aux États-Unis) est une série de quatre documentaires qui examinent en profondeur les débuts de l'histoire de l'Amérique du Nord sous l'angle des classes sociales, afin de permettre une critique plus large de la construction sociale dans les États-Unis contemporains. Non seulement la série documente et illustre les grèves et les mouvements ouvriers au cours des siècles, mais elle sert aussi à relier les récits et les leçons politiques d'une époque entière du point de vue de la classe ouvrière, formant ainsi une solide base d'analyse.
   Cette chronologie historique permet aussi de comprendre la nécessité des syndicats et les sacrifices énormes qui furent nécessaires pour assurer l'équité, la sécurité et l'égalité. Les activités des industries – chemins de fer, acier, charbon, pétrole – étaient caractérisées par l'esclavage, des environnements de travail dangereux, des heures de travail pénibles et le travail des enfants; mais avec la montée des syndicats, ces industries ont été forcées de réexaminer leurs pratiques ou ont couru le risque de disparaître. 


Néanmoins les capitalistes (Gangstas for Capitalism) ont vite riposté, misant sur la forte influence dont ils disposaient. Les grèves publiques qui ont suivi se sont soldées par une violence extrême, l'oppression et des arrestations illégales, illustrant certaines des dynamiques de pouvoir au cœur de la lutte des classes.

Gangstas for Capitalism

Au début du 20e siècle, les États-Unis étaient le pays de l'histoire ouvrière la plus sanglante et la plus violente de toutes les nations industrialisées du monde. Entre 1920 et 1935, les luttes furent explosives, illustrant de façon frappante l'interrelation entre la politique radicale et la conscience de classe. Des travailleurs courageux se sont battus en vue d’atteindre à une véritable démocratie.
   Les conflits entre les droits des travailleurs et les intérêts des entreprises sont très présents dans le paysage politique et économique d'aujourd'hui, mais ils ne sont en aucun cas un phénomène moderne. Ces déséquilibres et les inégalités de richesse qui en résultent existent depuis des générations. Il ne faut jamais sous-estimer la capacité des travailleurs à exiger la justice sociale. La solidarité de la base est essentielle. Si la société a beaucoup évolué au cours des 85 dernières années, l'élément fondamental qui sépare les riches des «autres» – l'inégalité des classes – existe plus que jamais.

Dans la poussière de charbon... View of the Ewen Breaker of Pa. Coal Co. The dust was so dense at times as to obscure the view, January 1911 S. Pittston, Pa

En regardant les reportages de la journaliste Sophie Langlois, notamment sur l’exploitation du coltan en Afrique (RDC), force est de constater que les travailleurs-esclaves (hommes, femmes, enfants) sont traités par les grandes entreprises industrielles exactement comme aux États-Unis à la fin du 19e siècle et au début du 20e.  
   Du sang dans nos cellulaires
   Denis Mukwege, «l’homme qui répare les femmes»

Cet article inclut la satire de Mark Twain sur la nature humaine

Si la richesse «ruisselle» du haut de la pyramide vers le bas tel qu’on le prétend, eh bien, c’est au compte-gouttes!

«Quand l’homme ne tue pas l’homme, il tue ce qu’il peut, c’est-à-dire ce qui l’entoure. L’homme sort de son cadre, veut prendre la place des forêts et des animaux, souille les rivières, pollue l’air, se multiplie sans raison, se bâtit un enfer et s’étonne ensuite naïvement de n’y pouvoir vivre.» ~ René Fallet

Comment les riches détruisent la planète
Hervé Kempf *
Seuil 2007; Points 2014 (156 pages)

Nous sommes à un moment de l’Histoire qui pose un défi radicalement nouveau à l’espèce humaine : pour la première fois, son prodigieux dynamisme se heurte aux limites de la biosphère et met en danger son avenir. Vivre ce moment signifie que nous devons trouver collectivement les moyens d'orienter différemment cette énergie humaine et cette volonté de progrès. C’est un défi magnifique, mais redoutable.
   Or, une classe dirigeante prédatrice et cupide, gaspillant ses prébendes, mésusant du pouvoir, fait obstacle au changement de cap qui s'impose urgemment. Elle ne porte aucun projet, n’est animée d’aucun idéal, ne délivre aucune parole mobilisatrice. Après avoir triomphé du soviétisme, l'idéologie néolibérale ne sait plus que s’autocélébrer. Presque toutes les sphères de pouvoir et d’influence sont soumises à ce pseudo réalisme, qui prétend que toute alternative est impossible et que la seule voie imaginable est celle qui conduit à accroitre toujours plus la richesse.
   Cette représentation du monde n’est pas seulement sinistre, elle est aveugle. Elle méconnaît la puissance explosive de l’injustice, sous-estime la gravité de l’empoisonnement de la biosphère, promeut l'abaissement des libertés publiques. Elle est indifférente à la dégradation des conditions de vie de la majorité des hommes et des femmes, consent à voir dilapider les chances de survie des générations futures.
   Pour l'auteur de ces pages incisives et bien informées, on ne résoudra pas la crise écologique sans s'attaquer à la crise sociale concomitante. Elles sont intimement liées. Ce sont aujourd'hui les riches qui menacent la planète.

* Hervé Kempf est un des journalistes d’environnement les plus réputés. Depuis plus de vingt ans, il travaille à faire reconnaître l’écologie comme un secteur d’information à part entière, et a défriché nombre de dossiers sur le changement climatique, le nucléaire, la biodiversité ou les OGM. Il a fondé Reporterre.

«Les élites dirigeantes sont incultes. Formées en économie, en ingénierie, en politique, elles sont souvent ignorantes en science et quasi toujours dépourvues de la moindre notion d'écologie. Le réflexe habituel d'un individu qui manque de connaissances est de négliger voire de mépriser les questions qui relèvent d'une culture qui lui est étrangère, pour privilégier les questions où il est le plus compétent. Les élites agissent de la même manière. D'où, de leur part, une sous-estimation du problème écologique.» (H. K.)

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