La
journaliste a rencontré le Dr Mukwege qui ne s’explique pas pourquoi le monde
entier laisse ces profanations se perpétuer, malgré toutes les dénonciations et
les appels au secours.
Denis Mukwege, «l’homme qui répare les
femmes»
Le Congolais Denis Mukwege, Prix Nobel
de la paix 2018 soigne les rejetées de la société et se bat pour qu’on cesse de
violer les corps et les droits des femmes. Nous l’avons rencontré dans son
hôpital, à Bukavu.
Depuis qu’on a failli le tuer, en 2012, le
gynécologue Denis Mukwege vit dans un petit pavillon de l’hôpital de Panzi,
sous la surveillance constante de gardes du corps et de Casques bleus de l’ONU.
Le matin de notre rencontre, le gynécologue vient de passer une partie de la
nuit à opérer. Il débute quand même sa journée à 8 h; il rejoint des collègues
pour visiter des patientes opérées récemment.
«Quand j’ai vu les lésions du bébé, le
rectum, le vagin, la vessie, les intestins qui sortaient, pour moi, c’était
trop. Ce sont des atrocités que les animaux ne font pas.»
Photo
: Radio-Canada/Frédéric Lacelle Amnazo Shindano tient dans ses bras sa fille de
sept mois. La petite Thérèse a été violée par des hommes armés.
Ndlr : ces hommes étaient drogués ou quoi? comment peut-on faire ça! Le coeur me lève.
«Je
peux vous montrer ici, nous dit-il, un bébé de 7 mois, violée. Si ça arrivait à
Montréal, je crois que tous les Montréalais diraient “non, c’est inacceptable”».
Le médecin souhaiterait que le monde partage la souffrance de cette mère en se
disant «cela pourrait être mon enfant».
«Partageons-nous encore la même humanité,
qu’est-ce qu’il faut pour que les gens agissent?» – Denis Mukwege
Le médecin fait le tour de la planète pour
raconter les horreurs qu’il voit au quotidien. Ses cris du coeur choquent et
indignent les citoyens partout dans le monde, mais chez lui, rien ne change.
Le gouvernement congolais, qui le menace
régulièrement, a tout fait pour l’empêcher de recevoir le prix Nobel de la
paix, sans succès. En décembre 2018, à Oslo, le gynécologue accueille l’honneur
en livrant un puissant plaidoyer.
«J’ai moi-même un cellulaire, ces objets
contiennent des minerais qu’on trouve chez nous, souvent extraits dans des
conditions inhumaines par de jeunes enfants, qui sont victimes d’intimidation
et de violences sexuelles.» – Denis Mukwege le 11 décembre 2018
La majorité des femmes soignées à l’hôpital
de Panzi proviennent de villages miniers. Les violences dans ces régions
demeurent un fléau, même quand les conflits armés s’apaisent.
«Se décourager, ce serait donner raison aux
barbares qui font cette exploitation humaine.» – Denis Mukwege
Selon lui, l’exploitation de minerais comme
le coltan provoque ces violences. «À la fin, si j’ai mon cellulaire, c’est
parce qu’un enfant de six ou sept ans travaille comme un esclave dans les
mines. Pourquoi personne ne fait d’effort pour arrêter cette barbarie?»
Article
intégral
Le
second reportage de Sophie Langlois témoigne des conditions de vie ignobles et inhumaines
générées par les exploitations minières. À lire aussi.
Du sang dans nos cellulaires
Des montagnes belles à couper le souffle.
Mais des enfants meurent dans ces collines à force de travailler dans des
conditions dignes du Moyen Âge. Bienvenue au pays du coltan, le minerai qu’on
retrouve dans nos cellulaires, nos ordinateurs portables, nos consoles de jeux,
nos voitures électriques.
De 70 à 80 % du coltan de la planète
provient de la République démocratique du Congo, en grande partie des provinces
du Sud-Kivu et du Nord-Kivu.
La très grande majorité des 22 000 habitants
de Numbi vit de l’exploitation des minerais. Les collines autour du village
regorgent de coltan, de cassitérite (le minerai de l’étain), d’or, de
manganèse, de tourmaline. Une richesse vécue comme une malédiction.
Photo
: Radio-Canada/Frédéric Lacelle. Un creuseur casse de gros cailloux de coltan à
coups de masse, dans une carrière près de Numbi.
Les
populations qui exploitent ces minerais le font au prix de leur santé, de leur
vie.
Au
moins 40 000 enfants travaillent dans
les mines en RDC, selon plusieurs ONG, qui dénoncent l’exploitation éhontée
des creuseurs congolais. Amnistie internationale a enquêté sur les conditions
de travail des enfants dans les mines et publié un rapport accablant intitulé
Voilà pourquoi on meurt.
Photo : Getty Images/AFP/Junior D. Kannah. Un enfant sépare du minerai de la
roche et du sable près de la mine de Mudere, dans la région de Rubaya, en RDC,
le 28 mai 2013.
Les
enfants sont plus souvent malades et victimes d’accidents, car ils sont plus
faibles et plus petits. Parfois, seul un enfant peut entrer dans un trou de
creusage.
«J’ai déjà vu des jeunes entrer dans un
trou, raconte Claudine Dusabe, une mère de 8 enfants qui a longtemps travaillé
dans une mine de coltan. Malheureusement, il y a eu un éboulement, ils sont
morts. Peu de temps après, on est venu les sortir de la terre. J’ai vu trois
corps.»
La guerre du coltan
Le
coltan est considéré comme un minerai qui alimente les conflits, comme les
diamants du sang. Des organisations non gouvernementales qui travaillent dans
les Kivu, dont Médecin sans frontières, font un lien direct entre
l'exploitation des mines de coltan et la violence dans la région. La guerre
dans l’est du Congo, liée à l’exploitation des richesses naturelles, aurait
fait 5 millions de morts depuis 20 ans.
Article
intégral
Les
œuvres de Mark Twain (1835-1910) sont remarquables à plus d'un titre, notamment
par leurs traits d'humour et la prise de distance permettant d'atteindre une
observation particulière des problèmes humains.
De sorte qu’en lisant les reportages de Sophie Langlois, qui me font désespérer de l’espèce humaine, j’ai eu envie de publier la satire de Twain sur le genre humain dans son intégrité. Pour moi, ce n’est pas une satire... Twain arrivait à la même conclusion que le Dr Mukwege, à savoir que les humains commettent des atrocités que les animaux ne font pas.
De sorte qu’en lisant les reportages de Sophie Langlois, qui me font désespérer de l’espèce humaine, j’ai eu envie de publier la satire de Twain sur le genre humain dans son intégrité. Pour moi, ce n’est pas une satire... Twain arrivait à la même conclusion que le Dr Mukwege, à savoir que les humains commettent des atrocités que les animaux ne font pas.
Twain
fait donc la démonstration que les animaux sont supérieurs aux humains.
Garanti que vous rirez; mais son côté «téléréalité» vous laissera déconfit.
Damnée Race Humaine [Damned
Human Race]
The lowest Animal; Letters from the
Earth (1)
Par
Mark Twain (écrit en 1909; première publication en1962)
Source
de la traduction :
J’ai
étudié les caractéristiques et les tempéraments des animaux «inférieurs» et je
les ai comparés aux caractéristiques et tempéraments humains. Je trouve le
résultat humiliant pour moi. Parce que cela m’oblige à renoncer à mon
allégeance à la théorie de Darwin sur l’ascension de l’homme à partir des
animaux inférieurs; depuis, il me parait clair que la théorie devrait être
éliminée au profit d’une nouvelle théorie plus véridique, celle-ci devrait
s’appeler La Descente de l’Homme à partir des Animaux Supérieurs.
En cheminant vers cette conclusion
déplaisante je n’ai pas deviné ou spéculé ni fait de conjectures, mais j’ai
utilisé ce qui est communément admis sous le nom de méthode scientifique.
C'est-à-dire que j’ai soumis chaque postulat qui s’est présenté au test
impitoyable de l’expérience elle-même, et je l’ai adopté ou rejeté en fonction
du résultat. J’ai ainsi vérifié et établi au fur et à mesure chaque étape de
mon parcours avant de passer à la suivante. Ces expériences ont été faites avec
une grande rigueur dans les Jardins Zoologiques de Londres, et ont nécessité de
nombreux mois d'un travail minutieux et fatigant.
Avant
de détailler ces expériences, je souhaite indiquer une ou deux choses qui
semblent devoir être signalées maintenant, plutôt qu’après. Ceci afin d’être
clair. L'accumulation des expériences a permis d’établir, à ma grande
satisfaction, certaines généralisations, à savoir :
1. Que
la race humaine est une espèce distincte. Elle montre de légères variations –
en couleur, stature, niveau intellectuel, et ainsi de suite – en lien avec le
climat, l’environnement et ainsi de suite; mais c’est une espèce en soi, qu'on
ne peut confondre avec aucune autre.
2. Que
les quadrupèdes constituent aussi une famille distincte. Cette famille montre
des variations – en couleur, taille, préférences alimentaires, etc.; mais c'est
une famille à elle seule.
3. Que
les autres familles – oiseaux, poissons, insectes, reptiles, etc. – sont aussi
plus ou moins distinctes. Elles font partie du cortège. Elles sont des relais
de la chaîne qui part des Animaux Supérieurs et aboutit tout en bas à l'homme.
Certaines
de mes expériences ont été plutôt curieuses. Au cours de mes lectures, j’ai
découvert un cas où, il y a bien des années, des chasseurs de nos Grandes
Plaines avaient organisé une chasse au bison pour le divertissement d’un comte
anglais. Un sport charmant. Ils ont tué 72 de ces grands animaux; et ils ont
mangé une partie de l’un d’entre eux et laissé pourrir les 71 autres. Afin de
déterminer la différence entre un anaconda et un comte – s'il y en a une – j'ai
fait mettre sept jeunes veaux dans la cage d’un anaconda. Le reptile
reconnaissant a immédiatement étouffé l’un d’eux et l’a avalé, puis il est
retourné s'allonger, satisfait. Il n’a plus manifesté aucun intérêt pour les
autres veaux, et aucune envie de leur faire du mal. J’ai reproduit l’expérience
avec d’autres anacondas, toujours avec le même résultat. Une preuve que la
différence entre le comte et l’anaconda est que le comte est cruel et que
l’anaconda ne l’est pas; le comte veut détruire ce dont il n’a pas besoin, mais
pas l’anaconda. Ceci semble démontrer que l’anaconda ne descend pas du comte, et
aussi que le comte descend de l’anaconda mais qu’il a beaucoup perdu au cours
de la transition.
J’avais conscience que beaucoup d’hommes qui
avaient accumulés plus de millions qu’ils ne pourraient jamais en utiliser
montraient un furieux appétit d’en accumuler plus, et n’avaient aucun scrupule
à tromper l’ignorant et le démuni pour s’emparer de ses maigres ressources, pour
apaiser partiellement cet appétit. J’ai fourni à une centaine d’animaux différents,
sauvages et domestiques, l’occasion d’accumuler de grandes quantités de
nourriture mais aucun d'eux ne l’a fait. Les écureuils, les abeilles et
certains oiseaux stockaient, mais s’arrêtaient après avoir complété leur stock
pour l’hiver, et on n'a pu les convaincre de l'augmenter, soit de façon honnête
ou par la chicane. Afin de redorer sa mauvaise réputation, la fourmi faisait
semblant de stocker de la nourriture, mais je n’étais pas convaincu. Je connais
la fourmi. Ces expériences m'ont convaincu qu’il y a une différence entre
l’homme et les Animaux Supérieurs : l'homme est avare et pingre; pas eux.
Au cours de mes expériences, j’ai acquis la
conviction que de tous les animaux, l’homme est le seul qui a recours aux
insultes et aux injures, les rumine, attend qu’une occasion se présente, et se
venge. La passion pour la vengeance est inconnue chez les Animaux Supérieurs.
Les coqs ont des harems, mais c'est avec le
consentement de leurs concubines; aucun mal n'est donc fait. Les hommes ont des
harems, mais par la force brutale, privilège obtenu par d'atroces lois où le
sexe opposé n’a pas son mot à dire. Dans ce cas, l’homme occupe une place bien
inférieure à celle du coq.
Les chats ont une morale assez floue, mais
ce n'est pas conscient. L’homme, en descendant du chat, a amené le flou du chat
avec lui, mais a laissé le côté inconscient derrière (la grâce salvatrice qui
excuse le chat). Le chat est innocent, l’homme non.
L’indécence,
la vulgarité et l’obscénité sont strictement spécifiques à l’homme; il les a
inventées. On n’en trouve aucune trace chez les Animaux Supérieurs. Ils ne
cachent rien; ils n’éprouvent pas de honte. L’homme, avec son esprit souillé,
se camoufle. Il n'entrera même pas dans un salon torse et derrière nus, même si
ses potes et lui ont d’indécentes idées derrière la tête. L’homme est un
«Animal qui rit». Mais le singe aussi, comme l'a fait remarquer M. Darwin; et
aussi l’oiseau Australien appelé «l’idiot rieur». Non! L'homme est un animal
qui rougit. Il est le seul qui le fait ou a l’occasion de le faire.
Au début de cet article, nous avons vu
comment trois moines avaient été brûlés vifs il y a quelques jours, et un
prieur mis à mort avec une atroce cruauté. Voulez-vous des détails? Non, sinon
nous découvririons que le prieur a subi des mutilations qui ne sont pas
imprimables. L’homme, si c'était un indien d’Amérique du Nord, arracherait les
yeux de ses prisonniers; si c'était le roi Jean qui voulait calmer un neveu, il
utiliserait une barre de fer chauffée à rouge; si c'était un religieux zélé
s’occupant d'hérétiques au Moyen-âge, il les écorcherait vivants et leur mettrait
du sel sur le dos; à l’époque des Richards, il enfermerait une multitude de
familles juives dans une tour et y mettrait le feu; à l’époque de Christophe
Colomb il capturerait une famille de juifs espagnols et ... mais ce n’est pas
imprimable; de nos jours en Angleterre un homme aura une amende de dix shillings
s’il bat sa mère presqu’à mort avec une chaise, et un autre aura une amende de
40 shillings pour avoir en sa possession 4 œufs de poule faisane s’il n’a pas
d’explications satisfaisantes sur leur provenance. De tous les animaux, l’homme
est le seul à être cruel. Il est le seul qui inflige de la douleur par plaisir.
C’est un trait qu’on ne retrouve pas chez les Animaux Supérieurs. Le chat joue
avec la souris apeurée; mais il a l’excuse de ne pas savoir que la souris
souffre. Le chat est modéré – modérément inhumain : il fait seulement peur à la
souris, il ne lui fait pas de mal; il ne lui arrache pas les yeux, ou ne lui
écorche pas la peau, ou ne lui enfonce pas d’éclisses sous les ongles – à la
manière des hommes; quand il a fini de jouer avec, il en fait tout de suite son
repas ce qui met fin aux souffrances. L’homme est l’Animal Cruel. Il est le
seul à mériter cette distinction.
Les Animaux Supérieurs s’engagent dans des
combats individuels, mais jamais en masses organisées. L’homme est le seul à
commettre cette atrocité parmi les atrocités, la Guerre. Il est le seul à
rassembler ses frères autour de lui et à avancer avec sang froid et calme pour
exterminer son prochain. C'est le seul animal qui s'engagera pour un salaire minable,
comme l’ont fait les Hessians (terme généraliste pour les soldats allemands mobilisés
par les Britanniques) durant notre Révolution, et le jeune prince Napoléon
pendant la guerre des Zoulous, pour massacrer des étrangers de sa propre espèce
qui ne lui ont fait aucun mal et avec lesquels il n’a pas de contentieux.
L’homme est le seul animal qui vole son pays
à un gars sans défense – à en prendre possession, à l'en chasser ou à le
détruire. L’homme fait cela depuis l'aube des temps. Il n’y a pas un hectare de
terre sur le globe qui appartienne à son légitime propriétaire, ou qui n’a pas
était enlevé à ses propriétaires successifs, cycle après cycle, par la force et
les effusions de sang.
L’homme est le seul à être esclave. Et il
est le seul animal à asservir les autres. Il a toujours été esclave d’une
manière ou d’une autre, et a toujours mis d’autres esclaves en état de
servitude d’une manière ou d’une autre. De nos jours, il est toujours l'esclave
d'un homme pour son salaire et il fait le travail de cet homme; et cet esclave
a d'autres esclaves sous lui à salaire plus bas et ils font son travail. Les
Animaux Supérieurs sont les seuls qui font exclusivement leur propre travail
pour se procurer de quoi subsister.
L’homme est le seul à être patriote. Il se
met à part dans son propre pays, sous son propre drapeau, et se moque des
autres nations, et garde sous la main une multitude d’assassins en uniforme au
prix de lourdes dépenses pour voler à d'autres des bouts de pays, et les
empêcher de mettre la main sur des bouts du sien. Et entre deux campagnes, il
nettoie ses mains et travaille du clapet pour «la fraternité universelle de
l’homme».
L’homme est un Animal Religieux. Il est le
seul Animal Religieux. Il est le seul animal qui a la Vraie Religion – même
plusieurs. Il est le seul animal qui aime son voisin comme lui-même, mais lui
coupe la gorge si sa théologie n’est pas correcte. Il a transformé le globe en
cimetière en essayant de son mieux d’aplanir le chemin de son frère vers le
bonheur et le paradis. Il faisait cela à l’époque des Césars, il le faisait à
l'époque de Mahomet, il le faisait à l'époque de l’Inquisition, il l'a fait en
France pendant deux siècles, il l’a fait en Angleterre à l'époque de la Reine
Marie, il l’a fait depuis qu’il a vu la lumière, il le fait aujourd’hui en
Crète, il le fera ailleurs demain. Les Animaux Supérieurs n’ont pas de
religion. Et on nous dit qu’ils seront laissés pour compte dans l’après vie. Je
me demande pourquoi? C'est d'un goût très douteux.
L’homme est l’Animal Raisonnable. Telle est
sa prétention. Je pense que c’est discutable. En vérité, mes expériences m’ont
prouvé qu’il est un Animal Déraisonnable. Notez son histoire, telle que décrite
plus haut. Il me parait clair que ce n’est pas un animal qui raisonne. Ses
anales sont les fantastiques anales d’un maniaque. Je pense que le plus gros
désavantage de son intelligence est le fait qu'avec un tel passé, il se
présente avec mièvrerie comme l’animal au-dessus du lot : tandis que selon ses
propres normes il est tout en bas.
En vérité, l’homme est incurablement
stupide. Il est incapable d’apprendre des choses simples qu'apprennent sans
effort d'autres animaux. Parmi mes expériences il y a eu celle-ci. En une heure
j’ai appris à un chat à être ami avec un chien. Je les ai mis dans une cage.
Une heure plus tard, je leur ai appris à être amis avec un lapin. En deux
jours, j’ai pu ajouter un renard, une oie, un écureuil et des colombes. Et à la
fin, un singe. Ils vivaient ensemble en paix; même avec affection.
Ensuite dans une autre cage, j’ai enfermé un
prêtre irlandais de Tipperary, et très rapidement quand il a semblé
s'apprivoiser, j’ai introduit un presbytérien écossais d’Aberdeen. Ensuite, un
turc de Constantinople, un grec chrétien de Crète; un arménien, un méthodiste
des contrées sauvages de l’Arkansas; un bouddhiste de Chine; un brahmane de
Bénarès. Et enfin un colonel de l'Armée du Salut de Wapping. Je me suis tenu à
l'écart pendant deux jours entiers. En revenant pour noter les résultats, tout
allait bien dans la cage des Animaux Supérieurs, mais dans l'autre ce n'était
qu'un horrible bric-à-brac de turbans et de fez, de tartans et d'os et de chair
– plus un seul spécimen en vie. Ces animaux dotés de raison n'étaient pas
d'accord sur un détail de théologie et voulaient porter l'affaire en Cour supérieure.
On est obligé de concéder que pour une
réelle noblesse de caractère, l'Homme ne peut prétendre approcher même le plus
simple des Animaux Supérieurs. Il est évident qu'il est par sa constitution
incapable d'approcher cette hauteur; qu'il est par constitution affligé d'un Défaut
qui doit lui rendre une telle approche impossible à tout jamais, car il est évident
que ce défaut est permanent chez lui, indestructible, indéracinable.
Je pense que ce Défaut est le Sens Moral.
C'est le seul animal à l'avoir. C'est le secret de sa dégradation. C'est la
qualité qui le rend capable de mal faire. Il n'a pas d'autre fonction. Il ne
peut accomplir aucune autre tâche. Il n'aurait jamais pu être destiné à aucune
autre. Sans lui, l'homme ne pouvait pas faire de mal. Il se serait élevé tout
de suite au niveau des Animaux Supérieurs.
Comme le Sens Moral n'a qu'une fonction, une
seule capacité – rendre l'homme capable de mal faire – il est de toute évidence
sans valeur pour lui. C'est aussi dénué de valeur pour lui qu'une maladie. En
fait, c'est manifestement une maladie. La rage est mauvaise, mais pas autant
que cette maladie. La rage rend l'homme capable de faire une chose qu'il ne
pourrait pas faire quand il est en bonne santé : tuer son voisin par une
morsure empoisonnée. Personne n'est meilleur que l'homme pour être enragé. Le
Sens Moral rend un homme capable de faire le mal. Il le rend capable de faire
le mal de mille manières. La rage est une innocente maladie comparée au Sens
Moral. Personne ne peut être meilleur que l'homme pour avoir du Sens Moral.
Quelle est maintenant la malédiction primitive? À l'évidence ce qu'il y avait
au commencement : un homme affligé de Sens Moral; la capacité de distinguer le
bien du mal; et l'accompagnant forcément, la capacité de faire le mal; car il ne
peut y avoir d'acte mauvais sans la présence chez son acteur de la conscience
de ce mal.
Et donc je pense que nous avons chuté et
dégénéré depuis nos lointains ancêtres – atome microscopique qui se baladait
peut-être selon son bon plaisir au milieu des puissants horizons d'une goutte
d'eau – insecte après insecte, animal après animal, reptile après reptile, le
long de la longue route de l'innocence jusqu'à atteindre le fond du
développement – j'ai nommé l'Être Humain. En dessous de nous – rien. Rien sauf
le Français. Il n'y a qu'un seul stade possible en dessous du Sens Moral; c'est
le Sens Immoral. Le Français le possède. L'homme n'est qu'un peu plus bas que
les anges. Cela le localise définitivement. Il se situe entre les anges et le
Français.
L'homme semble être une sorte de pauvre
chose bancale, qu'on le veuille ou non; un genre de British Museum d'infirmités
et d'infériorités (musée qui exhibe entre autres des monstres en bocaux, Ndt).
Il passe son temps à subir des réparations. Une machine aussi peu fiable qui n'aurait
eu aucun avenir commercial. Au sommet de ses points forts – le Sens Moral –
s'empilent une multitude d'infirmités moins importantes; une telle multitude,
vraiment, qu'on peut largement dire qu'elles sont infinies. Les Animaux Supérieurs
font leurs dents sans douleur ou inconvénients. Pour l'homme, c'est par des
mois et des mois d'une cruelle torture; et à une époque de sa vie où en plus il
est toujours malade. Dès qu'elles sont sorties, il faut qu'elles tombent toutes
car elles n'étaient pas valables la première fois. Le second jeu va donner
satisfaction pendant un certain temps, occasionnellement renforcé par du mastic
ou couronné d'or; mais il n'aura jamais un ensemble sur lequel il peut compter
sauf si c'est un dentiste qui le fait. Cet ensemble sera appelé «fausses» dents
– comme s'il en avait déjà porté d'un autre genre.
À l'état sauvage – état naturel – les
Animaux Supérieurs ont quelques maladies; maladies sans grandes conséquences;
la principale étant l'âge. Mais l'homme démarre dès l'enfance et poursuit
jusqu'à la fin, comme en régime de croisière. Il a les oreillons, la rougeole,
la coqueluche, le croup, la diphtérie, la scarlatine, presque comme quelque
chose d'inévitable. Ensuite, plus tard, sa vie est menacée autrement : rhumes,
toux, asthme, bronchite, urticaire, choléra, cancer, tuberculose, fièvre jaune,
fièvre bilieuse, typhus, rhume des foins, engelures, inflammation des
entrailles, indigestion, rage de dents, otite, surdité, cécité, grippe,
varicelle, muguet, crise de foie, constipation, hémorragie, verrues, boutons,
furoncles, anthrax, abcès, oignons, cor aux pieds, tumeurs, fistules,
pneumonie, ramollissement du cerveau, mélancolie et une quinzaine d'autres
sortes de démences; dysenterie, jaunisse, maladies de cœur, des os, de la peau,
du cuir chevelu, de la rate, des reins, des nerfs, du cerveau, du sang;
scrofules, paralysie, lèpre, névralgies, paralysie, attaque, migraine, 13
sortes de rhumatismes, 46 de gouttes, et une quantité incroyable de graves
maladies de toutes sortes non imprimables.
Donc, mais pourquoi continuer la liste? Les
noms des responsables appointés pour empêcher la réparation de cette machinerie
boiteuse recouvriraient entièrement un homme si on les imprimait sur son corps,
même en utilisant les plus petits caractères d'imprimerie possibles. Il n'est
qu'un ramassis de corruption pestilentielle subvenant aux besoins de
ravitaillement et de passe-temps d'une armée grouillante de bactéries – armée
accréditée pour le pourrir et le détruire, chaque armée faisant son travail
spécifique. Le processus qui l'agresse, le persécute, le pourrit, le tue
commence à son premier souffle et aucune clémence, pitié ou trêve ne se
manifesteront jusqu'à son dernier soupir.
Regardez les malfaçons de certains détails.
À quoi lui servent ses amygdales? Elles n'accomplissent aucune fonction utile;
elles ne servent à rien. Il ne s'y passe rien. Elles ne sont qu'un piège. Elles
n'ont qu'une fonction, qu'un rôle : rapporter à son possesseur des angines et
des amygdalites. Et à quoi sert l'appendice vermiculaire? Il est inutile; il ne
peut rendre aucun service. Il n'est qu'un ennemi en embuscade dont le seul
intérêt dans la vie est de mentir en attendant que passent des pépins de
raisins vagabonds qui serviront à créer une hernie étranglée. Et à quoi servent
les seins aux hommes? Pour le travail, aucun intérêt, comme ornements, ce sont
des erreurs. À quoi lui sert une barbe? Elle ne remplit aucune fonction; c'est
une nuisance et un désagrément; toutes les nations la haïssent; toutes les
nations la persécutent avec un rasoir. Et parce que c'est une nuisance et un
désagrément, la Nature n'autorise jamais son absence chez les hommes entre la
puberté et la tombe. On ne voit jamais un homme chauve du menton. Mais ses
cheveux! C'est un ornement gracieux, un confort, c'est la meilleure de toutes
les protections contre certains maux dangereux, l'homme les apprécie plus que
des émeraudes et des rubis. Et à cause de cela, la Nature passant par là, la
moitié du temps il ne les conserve pas.
La vision, l'odorat, l'ouïe, le sens de
l'orientation – comme ils sont inférieurs. Un condor voit un corps à 9 km;
l'homme n'a de télescope qui le fait. Un chien limier sent une odeur vieille de
deux jours. Le rouge-gorge entend un ver de terre se frayer un chemin sous
terre. Le chat, emmené dans un panier fermé retrouve le chemin de sa maison en
traversant 30 km de territoires qu'il n'a jamais vus.
Certains organes logés chez l'autre sexe
fonctionnent d'une manière lamentablement inférieure comparés à ceux des
Animaux Supérieurs. Chez la femme, la menstruation, la gestation et
l'accouchement sont des périodes considérées comme des horreurs. Chez les
Animaux Supérieurs, ces choses-là ne les gênent même pas.
Pour l’apparence, regardez le tigre du
Bengale – cet idéal de grâce, de beauté, de perfection physique, de majesté. Et
regardez ensuite l'Homme – cette pauvre chose. C'est un animal à perruque, au
crâne trépané, à l'oreille en trompette, à l’œil de verre, au nez tout
mollasson, aux dents en céramique, à la trachée argentée, à la jambe de bois –
une créature rapiécée de haut en bas. S'il ne peut obtenir de renouvellement de
son bric-à-brac dans le prochain monde, à quoi va-t-il ressembler?
Il ne
possède qu'une seule notable supériorité. Pour l'intellect, il est souverain.
Les Animaux Supérieurs ne peuvent le battre sur ce plan-là. Il est curieux, il
est remarquable qu'aucun paradis ne lui ait jamais été offert où sa seule
supériorité aurait eu une chance de se réjouir. Même quand il a lui-même
imaginé un paradis, il n'y a jamais fait de provisions pour des joies
intellectuelles. C'est une omission flagrante. On dirait une confession tacite
que le paradis est prévu uniquement pour les Animaux Supérieurs. Cela donne
matière à une sérieuse réflexion. Et c'est plein d'une lugubre suggestion : que
nous ne sommes pas aussi importants, peut-être, que ce que nous avons toujours
supposé.
Version
anglaise abrégée:
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(1) Letters from
the Earth consists of a series of commentaries in essay and short story
form. Many of these pieces express Twain's discomfort and disdain for
Christianity, both as a theological position and a lifestyle. Letters from the Earth was written after
the deaths of Twain's daughter Suzy (1896) and of his wife Olivia (1904).
Textual references make clear that sections, at least, of Letters from the Earth were written shortly before his death in
April 1910.
Letters
from the Earth: Uncensored Writings
By Mark Twain
Bernard DeVoto (Editor) Henry Nash Smith (Foreword)
Perennial Classics
Letters
from the Earth is one of Mark Twain's posthumously published works.
The essays were written during a difficult time in Twain's life. The book consists of a
series of short stories, many of which deal with God and Christianity. ... By analyzing the
idea of heaven and God that is widely accepted by those who believe in both,
Twain is able to take the silliness that is present and study it with the
common sense that is absent. Not so much an attack as much as a cold
dissection. Short stories in the book include a bedtime story about a
family of cats Twain wrote for his daughters, and an essay explaining why an
anaconda is morally superior to Man. Twain's writings in Letters From the Earth find him at perhaps his most quizzical and
questioning state ever.
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“A religion that looks upon morality as a question of
reward and punishment not only reflects cynicism but teaches it as well. Goodness,
if practiced merely for the sake of reward, is not goodness at all but merely
obedience. Reducing the very idea of morality to reward and punishment implies
that ethical rules are arbitrary and incomprehensible in human terms.
If people are good, why is there so much violence and cruelty? One of the reasons is that human altruism is most frequently realized through nationalism, religion and causes. Prejudice is perhaps a logical consequence of division into groups: bonding among insiders has as its corollary suspicion of outsiders. The only societies that have not known racism are those that have not known about other races.
Religious disagreements and national hostilities are so widespread that they seem to be inherent in the human experience. War has existed throughout history and in all parts of the world.
The scientific method - questioning, testing, measuring, drawing conclusions, and reconsidering them in the light of fresh evidence - is precisely what we mean by free speech. Science and democracy are the gifts of the blessed human race. Democracy is the political realization of the scientific method.”
If people are good, why is there so much violence and cruelty? One of the reasons is that human altruism is most frequently realized through nationalism, religion and causes. Prejudice is perhaps a logical consequence of division into groups: bonding among insiders has as its corollary suspicion of outsiders. The only societies that have not known racism are those that have not known about other races.
Religious disagreements and national hostilities are so widespread that they seem to be inherent in the human experience. War has existed throughout history and in all parts of the world.
The scientific method - questioning, testing, measuring, drawing conclusions, and reconsidering them in the light of fresh evidence - is precisely what we mean by free speech. Science and democracy are the gifts of the blessed human race. Democracy is the political realization of the scientific method.”
~ George
Jochnowitz
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