Je
me souviens qu’à l’adolescence, je me posais déjà de sérieuses questions sur
les corps physiques dont nous étions temporairement affublés. Des machines
biologiques biodégradables recouvertes de sacs de peau extrêmement vulnérables.
Je
trouvais la mécanique physiologique inadéquate, limitée, dépassée, frustrante, et
totalement inadaptée à la vie terrestre de plus en plus inhospitalière. Combien
de temps passons-nous au body shop en
examens et traitements médicaux durant notre vie? (Si le sujet vous intéresse,
c’est le thème du blog Air Karma, un essai humoristique sur la réincarnation; cf.
Blogs connexes).
Jouissif
de lire le compte-rendu d’un ouvrage qui semble corroborer mes intuitions (nullement
basées sur la science et la biologie!). Selon plusieurs lecteurs, il s’agit d’une
heureuse combinaison de théorie scientifique et d’humour, accessible à tous et
toutes.
Les défauts humains témoignent d'une
évolution, et non d'une conception intelligente (1)
Par
Harriet Hall, MD *
Science-Based
Medicine | Le 6 novembre 2018
Le
corps humain n'est clairement pas le produit d'un concepteur intelligent. Ses nombreux
défauts racontent l'histoire fascinante des accidents et des contraintes de
l'évolution.
Dans
son nouveau livre Human Errors: A Panorama of Our Glitches, from Pointless Bones to
Broken Genes, Nathan Lents, professeur de biologie au John Jay College,
CUNY, a démontré que le corps humain ne peut pas être considéré comme le produit
d'un concepteur intelligent. Au contraire, ses défauts racontent l'histoire de
l'évolution. Aucun concepteur intelligent n'aurait mis notre rétine à l'envers,
ne nous aurait pas laissé un moignon de queue, ne nous aurait privés de la
capacité de fabriquer les vitamines et les nutriments dont nous avons besoin,
ou n’aurait envoyé notre nerf laryngé récurrent sur une voie aussi détournée.
Aucun concepteur intelligent n'aurait rempli nos génomes de gènes qui ne
fonctionnent pas et de carcasses virales d'infections du passé. Ces défauts et
bien d'autres encore ne s'expliquent que par les bizarreries de l'évolution.
Nos
défauts se répartissent en trois catégories : les caractéristiques qui ont
évolué pour faciliter notre survie dans un monde préhistorique très différent
de celui dans lequel nous vivons aujourd'hui, les adaptations incomplètes (le
genou est mal adapté à la posture bipède) et les défauts qui sont contraints
par les limites de l'évolution (nous avons hérité de structures terriblement
inefficaces mais impossible à redessiner par mutations aléatoires). «L'anatomie
humaine est un mélange maladroit d'adaptations et de désadaptations.» Il
explique que les mutations sont aléatoires et souvent destructrices mais sont
aussi la source de toute la grandeur humaine. Il nous emmène faire un grand
tour du corps humain et nous explique comment ses nombreuses imperfections sont
apparues. Ce faisant, il nous en apprend beaucoup sur l'évolution.
Os inutiles et autres erreurs
anatomiques
30
à 40 % des Américains et des Européens et 70 % des Asiatiques ont besoin de
lunettes ou de lentilles de contact. La myopie se produit simplement parce que
l'œil est trop long, l’hypermétropie parce qu'il est trop court, et la
presbytie est liée à l'âge et causée par une perte progressive de souplesse.
Notre vision nocturne est très mauvaise comparée à celle des chats. Les
photorécepteurs céphalopodes sont installés de façon plus logique, mais les
photorécepteurs de tous les yeux des vertébrés sont installés à l'envers; il
s'agissait d'une douve évolutionnaire qui s'est perpétuée parce que sa
reconception aurait été presque impossible avec des mutations aléatoires.
Nos sinus nasaux se drainent vers le haut
plutôt que vers le bas, ce qui nous rend beaucoup plus vulnérables aux rhumes
et aux infections des sinus que la plupart des autres mammifères. Un concepteur
intelligent aurait profité de la gravité, comme chez d'autres mammifères.
En raison d'un accident historique de
l'évolution, notre nerf laryngé récurrent fait une boucle sous l'aorte, suivant
un chemin détourné qui est plus de trois fois plus long qu'il ne devrait
l'être. L'erreur vient des poissons, qui n'ont pas de cou et ont un système
circulatoire très différent de celui de l'homme. Il en est résulté l'absurdité
d'un nerf de 5 mètres de long chez les girafes et d'un nerf encore plus long de
8 à 10 mètres chez le dinosaure Brachiosaurus.
Un tube commun pour l'air et la nourriture
nous prédispose à l'étouffement. L'adaptation anatomique à la marche debout
n'est jamais tout à fait terminée chez l'homme : nos genoux, nos chevilles et
nos disques intervertébraux sont sujets aux blessures. Les humains ont trop
d'os, d'articulations qui ne fléchissent pas, de structures qui ne sont
attachées à rien et d'appendices qui causent plus de problèmes qu'ils n'en
valent. «Aucun bras de robot ne sera jamais conçu pour imiter notre structure
osseuse absurde.»
Carences du régime alimentaire
Les
plantes ne mangent pas. Les vaches peuvent vivre en mangeant de l'herbe
seulement. Les chiens peuvent se développer avec de la nourriture pour chiens
qui ne contient que de la viande et du riz. La plupart des animaux peuvent
produire les nutriments qui manquent à leur alimentation. Les humains ne le
peuvent pas; ils ont besoin d'une alimentation variée pour leur fournir des
vitamines et des micronutriments. Les humains étaient autrefois capables de
produire de la vitamine C, et ils ont toujours tous les gènes nécessaires, mais
l'un d'eux est brisé. Quelque part chez nos ancêtres primates, le gène Gulo a
subi une mutation aléatoire (ce gène code une enzyme qui catalyse la dernière
étape de la biosynthèse de la vitamine C). Elle n'a pas affecté la survie parce
qu'elle s'est produite dans une partie du monde où les agrumes étaient
largement disponibles. La mutation s'est perpétuée et s'est répandue dans le
monde entier, entraînant des carences en vitamine C dans les régions sans
agrumes.
Nous avons besoin d'une longue liste de
vitamines, de minéraux et de traces de métaux dont les autres animaux n'ont pas
besoin. Nous avons contribué à nos propres carences par des avancées
technologiques malavisées; nous ne savions pas que le polissage du riz
enlèverait la vitamine B et causerait le béribéri. La carence en fer est
courante : 50 % des femmes enceintes et 40 % des enfants d'âge préscolaire sont
anémiques, et des millions meurent chaque année d'une carence en fer évitable.
Les animaux sauvages ne grossissent pas :
ils vivent à la limite de la famine. Les humains des pays développés ont accès
à une grande quantité de nourriture et l'obésité est devenue un problème.
L'obésité est causée par la suralimentation, quelque chose que l'évolution nous
a programmés à faire. C'était une bonne stratégie pour les sociétés de
chasseurs-cueilleurs de nos ancêtres : les gens s’empiffraient pour compenser
les périodes de pénurie. «L'obésité et le diabète de type 2 sont des exemples
de maladies évolutives par excellence qui résultent directement du fait que les
humains vivent dans un environnement très différent de celui où ils ont
évolué.»
La camelote dans le génome
De
grandes étendues de notre ADN n'ont aucune fonction : c’est de l'ADN poubelle.
97 % de l'ADN humain est une gaffe, et une partie de cet ADN est en fait nocif.
Même les gènes fonctionnels sont truffés d'erreurs : l'ADN peut être endommagé
par des radiations ou des mutagènes, et les erreurs de duplication d'ADN sont
fréquentes. Les mutations dans les gènes nuisent généralement à la progéniture,
mais l'évolution comporte un angle mort. Si une mutation cause des dommages
tard dans la vie, une fois qu’un individu s’est reproduit, la sélection naturelle
est impuissante à l'arrêter, comme dans la maladie de Huntington. Nous avons
presque autant de pseudogènes et de gènes brisés que de gènes fonctionnels. Il
y a des compromis : le gène récessif de la drépanocytose a persisté parce qu’au
lieu d’hériter de deux copies, ce qui aurait été désastreux, il a hérité d'une
seule copie, ce qui le protège contre le paludisme.
8 % du génome humain est constitué de
millions de carcasses d’infections de rétrovirus du passé, dont certaines
remontent à des centaines de millions d'années, à l'époque de nos lointains ancêtres.
Une étrange section d'ADN autocopiant représente plus de 10 % du génome : un
élément transposable Alu s'est infiltré partout et a développé une vie qui lui
est propre. Il fait des ravages, mais il nous a aussi donné accidentellement la
vision des couleurs.
Homo sterilis
Les
humains ne se reproduisent pas bien. L'ovulation est cachée, les spermatozoïdes
ne peuvent pas tourner à gauche, nous naissons trop tôt, et notre énorme crâne
cause des difficultés à l'accouchement. Un concepteur intelligent aurait
sûrement mis au point un procédé plus efficace.
Les humains sont une bande de malades
Nous
sommes sujets aux rhumes et aux gastro-entérites, aux allergies, aux maladies
auto-immunes; les enfants naissent avec un cœur mal formé; et si nous vivons
assez longtemps, le risque d’avoir un cancer est de 100 %. «L'évolution se
soucie peu des personnes qui mourront du cancer. C'est un sacrifice qui vaut la
peine pour la diversité qui vient des mutations.»
Nous sommes des nuls
Le
cerveau humain ne peut pas comprendre les grands nombres, nous sommes
facilement trompés par les illusions d'optique, et nos souvenirs sont souvent
faux. Nous sommes souvent confus, dupes et distraits, et nous sommes sujets aux
biais cognitifs et aux biais de confirmation. Nous tombons dans le piège de l’erreur
du joueur et l’erreur du coût irrécupérable. Nous sommes trop sensibles aux
anecdotes. Nous avons une double nature humaine; nous sommes à la fois Jekyll
et Hyde. On peut passer de l'abnégation au meurtre en un clin d'œil.
Conclusion : nous sommes imparfaits
mais étonnants
C'est
un livre fascinant, divertissant et facile à comprendre qui explique l'histoire
compliquée de l'évolution. Lents indique clairement que la conception du corps
humain n'est pas «intelligente» mais pleine d'erreurs découlant des contraintes
et des accidents de l'évolution. Néanmoins, nous nous en sortons assez bien.
Nos imperfections témoignent de la grandeur de notre espèce puisque nous savons
si bien les contourner. Où l'évolution et la technologie nous mèneront-elles?
Cela reste à voir.
* Harriet
Hall, MD, aussi connue sous le nom de SkepDoc, est un médecin de famille à la
retraite qui écrit sur la pseudoscience et les pratiques médicales douteuses.
Elle a obtenu un baccalauréat ès arts et un doctorat en médecine de
l'Université de Washington, fait son stage dans l’armée de l’air (deuxième
femme à le faire). Au cours d'une longue carrière comme médecin au sein de l’armée
de l’air, elle a occupé divers postes allant de chirurgienne à directrice des
services médicaux de la base (DSMB). Elle a tout fait, de l'accouchement de
bébés au pilotage d'un B-52. Elle a pris sa retraite avec le grade de
colonel. En 2008, elle a publié ses
mémoires, Women Aren't supposed to Fly.
Source :
~~~
(1)
Conception intelligente ou dessein
intelligent (intelligent design en anglais). Il s’agit d’une théorie
pseudo-scientifique qui prétend que «certaines observations de l'Univers et du
monde du vivant sont mieux expliquées par une «cause intelligente» que par des
processus non dirigés tels que la «sélection naturelle». Cette thèse a été développée
par Discovery Institute, un cercle de
réflexion conservateur chrétien américain. Le dessein intelligent est présenté
comme une théorie scientifique par ses promoteurs mais, dans le monde
scientifique, il est considéré comme relevant de la pseudoscience.
La Stratégie
du Coin (Wedge Strategy) fut rédigée
en 1998 aux États-Unis pour promouvoir des thèses créationnistes, anti-darwiniennes
et anti-évolutionnistes, et remplacer la science par l’approche fondamentaliste
du christianisme; soit «affirmer la réalité de l'existence de Dieu».
(Source : Wikipédia)
~~~
On
pourrait toujours s’accommoder des tares physiques, mais les tares
psychologiques et morales (pas dans le sens religieux du terme) sont beaucoup plus
troublantes et terrifiantes, notamment au chapitre de la haine et de la
violence. Nous ne pouvons plus compter les victimes de la violence meurtrière
dont l’espèce humaine est la championne. Des chercheurs scientifiques ont
proposé une explication plausible à cette impérieuse propension de l’homme à tuer pour
tuer.
La violence : les humains sont-ils
mauvais jusqu’à l’os?
Par
Gemma Tarlach ǀ 28 septembre 2016
Une
nouvelle recherche, qui a adopté une approche novatrice pour tracer l'évolution
de la violence meurtrière, a constaté que l'Homo sapiens descend d'une branche
de mammifères particulièrement brutaux. Notre inclinaison à démolir et à
tabasser est inscrite dans notre ADN. Cependant, avant de frapper quelque chose
parce qu’une manchette vous dérange, prenez courage : les chercheurs ont
également constaté que notre propension à nous entretuer peut être
atténuée.
En résumé, les chercheurs ont découvert que
l'Homo sapiens faisait partie d'une lignée particulièrement violente remontant
à des millions d'années.
Notre espèce est, en tête de liste (telle
qu’elle est) avec une augmentation constante de la violence meurtrière
intra-espèce qui se perpétue depuis environ 100 millions d'années.
Le pic des carnages se situerait au début de
l'âge du fer, cette période où une grande partie de notre espèce abandonna peu
à peu la vie nomade de chasseur-cueilleur, et quitta les petites bourgades pour
des espaces urbains plus importants. C'est aussi le moment où les états
s'engagèrent dans la compétition territoriale. Ouais, de plus en plus de monde
entassé et en compétition pour les mêmes ressources et territoires.
Article
intégral :
L’humain représente 0,01 % de la vie
sur Terre
Merci aux
zélotes du business mondial qui méprisent et saccagent le vivant sous toutes ses formes, toujours plus agressivement et
rapidement depuis la seconde moitié du 20e siècle. Avec son arrogance
indéfectible, «l’humain se croit trop grand pour échouer».
Article intégral :
Si vous
n’êtes pas convaincu que l’espèce humaine est d’une violence inouïe et qu’elle n’a
pas évolué, cette série viendra à bout de vos doutes. Les animations
intercalées sont de grande qualité et de bon goût, rendant moins «explicite» la violence, la torture, les tueries,
les viols et la cruauté corrélées à la traite d’êtres humains. «L’esclavage est
le fondement du capitalisme en Europe et dans les Amériques, c’est la face
cachée de la révolution industrielle», affirme Marcus Rediker, de l'Université de
Pittsburgh, É.-U.
Des massacres épouvantables, ignobles et
révoltants ont été commis, et le sont encore, au nom du progrès et du bien-être
de l’humanité. En dépit de l’abolition juridique
de l’esclavage au 20e siècle, adoptée par quelques grandes puissances, celui-ci
a augmenté proportionnellement à la surconsommation de masse. Plus de fabrication
d’objets jetables, plus de cheap labour, plus d’esclaves. La décroissance économique permettrait de
réduire sensiblement l’esclavage, le gaspillage et la pollution avec ses
effets sinistres sur l’environnement.
LES ROUTES DE L’ESCLAVAGE
Disponible sur https://ici.tou.tv/les-routes-de-l-esclavage
– Épisode 1 Au-delà du désert (476-1375) Dans un
récit épique et documenté, le premier épisode des Routes de l’esclavage raconte
700 ans d’histoire et révèle comment les populations subsahariennes sont
devenues au fil des siècles la principale «matière première» de la plus grande
déportation de l’histoire.
– Épisode 2 Pour tout l’or du monde (1375-1620) Les
navigateurs portugais, à la recherche d’or, se lancent à la conquête de
l’Afrique
– Épisode 3 Du sucre à la révolte (1620-1789) Les
Royaumes européens ouvrent de nouvelles routes de l’esclavage entre l’Afrique
et les îles du «Nouveau Monde», avec la complicité des banques et des
compagnies d’assurance.
– Épisode 4 Les nouvelles frontières de l’esclavage
(1789-1888) Suite à la révolte des esclaves et à l’interdiction de la traite
légale, une nouvelle déportation des captifs africains prendra toute son
ampleur. (Épisode dédié à Marielle Franco – à la fin du générique)
Année de production : 2018; Production : Compagnie
des phares et Balises Compagnie des Phares et Balises, ARTE France, Kwassa
Films, RTBF, LX Filmes, RTP, Inrap; Pays : France; Réalisateur(s) : Daniel
Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant
Image : Les routes de l'esclavage
«Des millions de personnes travaillent
toujours dans des conditions lamentables en semi-esclavage. Aide domestique,
agriculture, construction et détente sont, d'après l'OIT, les secteurs où le travail
forcé est le plus présent. 56 % des «esclaves modernes» se trouvent en Asie et
dans le Pacifique et 26 % d’entre eux sont mineurs. Les migrants sont les plus
vulnérables puisqu'ils ne disposent souvent pas de documents adéquats ou
encore, ne parlent pas la langue locale.»
Suite : https://www.glo-be.be/fr/articles/lesclavage-au-21eme-siecle
Suite : https://www.glo-be.be/fr/articles/lesclavage-au-21eme-siecle
T’est pas beau, l’Humain!
[...]
Car te comparant au félin,
Car te comparant au félin,
tu es l’ivraie, et lui l’or fin.
Le cheval a plus de noblesse
en chaque patte, en chaque fesse
que toi déployant ton meilleur.
Total aveugle à ta laideur,
tu ris pourtant comme un p’tit fou
en regardant les singes au zoo.
Vrai, pour te dire les choses en gros,
t’es pas beau, l’Humain! T’es pas beau!…
(Je cours après mon
ombre, 1981)
Constat
T’aurais mieux fait d’rester amibe,
l’Homo Sapiens!
[...]
Mais que n’es-tu resté macaque
Mais que n’es-tu resté macaque
jusqu’à
jamais!
Narcisse à
relents de cloaque,
par ton
nombril, hypnotisé,
mais que
n’es-tu resté macaque!
Ou bien
crapaud! Poisson! Amibe!
Qu’ainsi n’y
eût ni faits ni scribes
et nulle
Histoire à raconter!
(De la pensée aux mots, 1997)
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