22 juin 2018

Chaos «Made in USA»

Bible en main, les membres et conseillers du cabinet Trump envoient allègrement tout le monde en enfer (Peter Navarro a promis à Justin Trudeau un endroit spécial en enfer). Parfois on a envie de leur retourner les vœux : mes pensées de sincère dégoût, et damnation éternelle au feu de l’enfer tel que les croyants le décrivent... pour les atrocités commises envers les familles de migrants.

Photo AFP. Comme dans un chenil... La voix baryton d'un des agents de police aux frontières tonne par-dessus les pleurs des enfants et plaisante : «Et bien, c'est un concert ici! Il ne manque plus qu'un chef d'orchestre.»

Qu’est-ce que la déshumanisation?
Sherry Hamby Ph.D. | The Web of Violence | Psychology Today June 21, 2018

Lorsque vous voyez le président ou d'autres politiciens utiliser des termes comme «animaux» ou, pire encore, «infestation» (un terme habituellement réservé aux insectes), ils se livrent à de la déshumanisation. Les gens utilisent la déshumanisation pour justifier la cupidité, la violence et les abus. Même si la déshumanisation est plus associée au nationalisme de droite, d'autres utilisent parfois un langage déshumanisant.
   La déshumanisation est l'une des huit formes du «désengagement moral» décrites par le psychologue Albert Bandura. Les humains sont capables de crimes terribles, et la civilisation a développé des moyens d'inhiber l'agression. Cependant, nous n'avons pas éliminé la violence, en partie à cause des techniques de création d'excuses (fausses) et de justifications des comportements immoraux. Toutes les techniques de désengagement moral sont des astuces pour amener les gens à accepter des comportements qu'ils reconnaîtraient spontanément comme immoraux et injustes. Par exemple, en supposant que la plupart des gens ne sont pas de grands fans de la maltraitance des enfants, la déshumanisation et d'autres stratégies de désengagement moral sont utilisées pour inciter les gens à accepter la maltraitance des enfants. Les manipulateurs le font pour sécuriser le pouvoir ou le gain financier.
   La déshumanisation implique de redéfinir les cibles des préjugés et de la violence en les faisant paraître moins humains (c'est-à-dire moins civilisés ou moins sensibles) que les autres. La stratégie classique pour cela est d'utiliser des termes comme «animaux» et «vermine». Appeler les gens des «illégaux» est aussi déshumanisant. Vous verrez la déshumanisation à l’oeuvre dans la plupart des atrocités à grande échelle ou les génocides commis par les gouvernements, les militaires ou les terroristes. Le but principal est d'amener les gens à accepter ou même à s'engager dans des comportements qu'ils savent être condamnables. [...]
   Il y a moins de recherche sur les causes du désengagement moral (par opposition à la façon dont le désengagement moral est une cause de violence et de préjugés), mais il existe des chemins bien établis. La manipulation, politique ou autre, dans certaines circonstances, peut faire basculer les gens dans un tribalisme «nous contre eux». [...]
   Vous ne pouvez pas combattre la déshumanisation par la déshumanisation. Pour ceux qui sont horrifiés par la déshumanisation qui a mené les enfants dans des cages à la frontière et les défenseurs des droits civiques, il est important de ne pas laisser cette horreur les déshumaniser. Par exemple, certains éléments du mouvement antifa utilisent aussi le désengagement moral pour harceler certaines personnes. Les agents de la patrouille frontalière qui arrachent les enfants à leurs parents et les sympathisants néo-nazis qui prônent le racisme sont également des humains. Nous pouvons condamner leurs comportements sans les appeler des «monstres». [...]

Article intégral en anglais :

Il peut être difficile de considérer certains grands criminels, politiques ou autres, comme des humains...

Des États américains engageront une poursuite contre l’administration Trump pour sa politique migratoire

Agence France-Presse | 21 juin 2018

Une dizaine d'États américains, dont la Californie, Washington et le New Jersey, vont poursuivre l'administration Trump pour sa politique migratoire après la séparation de milliers de familles entrées illégalement sur le territoire américain, a annoncé jeudi le procureur général de l'État de Washington.

«C'est une politique aberrante, cruelle et anticonstitutionnelle» et «nous allons y mettre un terme», a déclaré Bob Ferguson dans un communiqué.
   Plus de 2300 enfants et adolescents ont été séparés de leurs parents depuis le début du mois de mai, après l'arrestation de ces derniers pour avoir illégalement traversé la frontière avec le Mexique. Devant l'indignation mondiale suscitée par cette politique et le malaise au sein même de son parti, Donald Trump a signé mercredi un décret mettant fin à ces séparations.
   L’incertitude demeure toutefois sur le sort des mineurs arrachés à leurs parents et sur la façon dont ils pourront être réunis.
   M. Ferguson a dénoncé «l'incertitude» et le «chaos» créés par la politique de séparation des familles, mais aussi par le décret signé mercredi qui «cherche à détenir de manière indéfinie les enfants et leurs parents et continue à poursuivre pénalement les demandeurs d'asile».
   Le responsable dénonce aussi les «conditions inhumaines et horribles» dans les centres de détention de la police de l'immigration et des frontières, et il s'insurge contre le manque de contact – parfois pendant des semaines – entre les mères et les enfants dont elles ont été brusquement séparées à la frontière.
   Parmi les États qui se sont associés à la plainte figurent le Massachusetts, le Maryland, le Nouveau-Mexique, la Pennsylvanie, l'Iowa et l'Illinois.
   Bob Ferguson a dit s'attendre à ce que d'autres États les rejoignent.
   L'État de Washington est l'un de ceux qui se sont montré les plus agressifs, aux côtés de la Californie et de New York, contre l'administration du président républicain Donald Trump, engageant notamment des poursuites contre le décret migratoire empêchant l'entrée sur le territoire américain des ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane.
   L'administration Trump a de son côté poursuivi la Californie pour sa politique d'État «sanctuaire», qui permet aux autorités locales de refuser de coopérer avec les autorités migratoires au sujet de sans-papiers n'ayant pas commis de crimes sérieux.


Qu’arrivera-t-il aux milliers d’enfants de migrants déjà séparés de leurs parents?


L'eldorado d'El Paso : le risque calculé d’une migrante du Guatemala

Reportage de Sophie Langlois | Publié le jeudi 21 juin 2018

L'atteinte de la frontière américaine représente pour plusieurs migrants la fin d'un long et douloureux périple ainsi que d'énormes sacrifices pour protéger leur progéniture. Pour certains, le risque d'être séparé de son enfant une fois aux États-Unis est bien moindre que celui de vivre dans la peur.

Photo : Radio-Canada / Sophie Langlois. Marisol, bracelet électronique au pied.

C'est le pari qu'a fait une mère guatémaltèque. Elle a raconté sa poignante histoire à Sophie Langlois, notre envoyée spéciale à El Paso, au Texas. (Vidéo/interview)

Marisol, 21 ans, est mère de deux enfants. Elle a décidé de quitter le Guatemala à la mi-mai, accompagnée seulement de son fils, qui n’a pas encore 1 an.
   La raison de son départ : les menaces et les dangers qui pèsent contre elle dans son pays d’origine. Marisol travaillait dans une boutique lorsqu’un groupe de criminels s’y est engouffré et a commis un vol à main armée. Depuis ce jour, elle était soumise sans relâche à des attaques de cette même bande. Et ils ne s’en prenaient pas qu’à elle. En allant chercher sa fille Genesis, âgée de 3 ans, à l’école, elle les a aperçus, tout près. D’une voix brisée, Marisol explique qu’ils ont cassé le bras de son enfant.

Le voyage

Terrorisée, Marisol décide alors de fuir le Guatemala. Elle entreprend son long périple vers le nord, vers la terre promise : les États-Unis d’Amérique. Le voyage durera deux semaines. Deux longues semaines parsemées d’embûches.
   Dans l’État du Chiapas, au Mexique, des voyous la prennent, son bébé et elle, en otage. Son calvaire durera trois jours. Ses ravisseurs réclament de l’argent de sa mère, qui est restée au Guatemala avec sa fille de 3 ans.
   Le 10 juin dernier, Marisol atteint enfin son objectif : la frontière américaine. La ville d’El Paso, au Texas, porteuse d’espoir, se dresse devant elle. Elle connaît la suite des choses. Elle sait fort bien qu’elle risque d’être séparée de son garçon. Mais elle y voit un risque bien moins grand que celui de vivre constamment dans la peur d’être tuée ou de voir l’un de ses enfants attaqués dans son pays natal.

À la frontière

Lorsque Marisol traverse la frontière, elle est immédiatement mise en détention avec son petit garçon. Elle raconte que pendant les 24 prochaines heures, des officiers la bombarderont de questions afin d’évaluer à quel point son bébé dépend de sa mère.
   «Quand je suis arrivée, raconte-t-elle, ils m'ont demandé si le bébé était nourri au sein. J'ai répondu oui et ils m'ont demandé s'il pleurait beaucoup. J'ai dit oui, parce qu'il n'avait personne d'autre. Ils m'ont alors dit qu'il serait mieux avec moi et qu'on ne nous séparerait pas.»
   Au bout du long interrogatoire, elle est finalement relâchée. On lui installe un bracelet électronique au pied. Mais peu importe. Le plus important est fait. Les États-Unis ont accepté de traiter sa demande d’asile.

Le refuge

Aujourd’hui, Marisol habite dans un refuge pour migrants illégaux en attendant de connaître son sort. Lorsqu’on lui demande quel est son rêve, ses espérances en sol américain, de grosses larmes perlent sur ses joues.
   «J’ai hâte d’avoir mon permis de travail pour faire venir Genesis [sa fille de 3 ans qui est au Guatemala]. Je rêve qu’ils puissent aller à l’école, sans avoir toujours la peur au ventre comme moi.»

Mercredi, le président Donald Trump a signé une directive ordonnant aux autorités américaines de ne pas séparer les familles de migrants arrêtés après avoir illégalement franchi la frontière. Mais la politique de «tolérance zéro» est toujours en vigueur, et le sort des enfants qui sont séparés de leurs parents depuis deux mois n'est pas réglé pour autant.

Notre journaliste a constaté que les refuges pour familles de migrants à El Paso sont débordés. Ils sont aussi extrêmement difficiles d’accès. La présence de caméras est interdite à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. Nous devons donc protéger l’identité de Marisol et de son enfant en cachant leurs visages.

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