Photo AFP. Comme
dans un chenil... La voix baryton d'un des agents de police aux frontières
tonne par-dessus les pleurs des enfants et plaisante : «Et bien, c'est un concert ici! Il ne manque plus qu'un chef
d'orchestre.»
Qu’est-ce que la déshumanisation?
Sherry Hamby Ph.D. | The Web of Violence | Psychology
Today June 21, 2018
Lorsque
vous voyez le président ou d'autres politiciens utiliser des termes comme
«animaux» ou, pire encore, «infestation» (un terme habituellement réservé aux
insectes), ils se livrent à de la déshumanisation. Les gens utilisent la
déshumanisation pour justifier la cupidité, la violence et les abus. Même si la
déshumanisation est plus associée au nationalisme de droite, d'autres utilisent
parfois un langage déshumanisant.
La déshumanisation est l'une des huit formes
du «désengagement moral» décrites par le psychologue Albert Bandura. Les
humains sont capables de crimes terribles, et la civilisation a développé des
moyens d'inhiber l'agression. Cependant, nous n'avons pas éliminé la violence,
en partie à cause des techniques de création d'excuses (fausses) et de
justifications des comportements immoraux. Toutes les techniques de
désengagement moral sont des astuces pour amener les gens à accepter des
comportements qu'ils reconnaîtraient spontanément comme immoraux et injustes.
Par exemple, en supposant que la plupart des gens ne sont pas de grands fans de
la maltraitance des enfants, la déshumanisation et d'autres stratégies de
désengagement moral sont utilisées pour inciter les gens à accepter la
maltraitance des enfants. Les manipulateurs le font pour sécuriser le pouvoir
ou le gain financier.
La déshumanisation implique de redéfinir les
cibles des préjugés et de la violence en les faisant paraître moins humains
(c'est-à-dire moins civilisés ou moins sensibles) que les autres. La stratégie
classique pour cela est d'utiliser des termes comme «animaux» et «vermine».
Appeler les gens des «illégaux» est aussi déshumanisant. Vous verrez la
déshumanisation à l’oeuvre dans la plupart des atrocités à grande échelle ou
les génocides commis par les gouvernements, les militaires ou les terroristes.
Le but principal est d'amener les gens à accepter ou même à s'engager dans des
comportements qu'ils savent être condamnables. [...]
Il y a moins de recherche sur les causes du
désengagement moral (par opposition à la façon dont le désengagement moral est
une cause de violence et de préjugés), mais il existe des chemins bien établis.
La manipulation, politique ou autre, dans certaines circonstances, peut faire
basculer les gens dans un tribalisme «nous contre eux». [...]
Vous ne pouvez pas combattre la
déshumanisation par la déshumanisation. Pour ceux qui sont horrifiés par la
déshumanisation qui a mené les enfants dans des cages à la frontière et les
défenseurs des droits civiques, il est important de ne pas laisser cette
horreur les déshumaniser. Par exemple, certains éléments du mouvement antifa
utilisent aussi le désengagement moral pour harceler certaines personnes. Les
agents de la patrouille frontalière qui arrachent les enfants à leurs parents
et les sympathisants néo-nazis qui prônent le racisme sont également des humains.
Nous pouvons condamner leurs comportements sans les appeler des «monstres». [...]
Article
intégral en anglais :
Il peut
être difficile de considérer certains grands criminels, politiques ou autres,
comme des humains...
Des États américains engageront une poursuite
contre l’administration Trump pour sa politique migratoire
Agence
France-Presse | 21 juin 2018
Une dizaine d'États américains, dont la
Californie, Washington et le New Jersey, vont poursuivre l'administration Trump
pour sa politique migratoire après la séparation de milliers de familles
entrées illégalement sur le territoire américain, a annoncé jeudi le procureur
général de l'État de Washington.
«C'est
une politique aberrante, cruelle et anticonstitutionnelle» et «nous allons y
mettre un terme», a déclaré Bob Ferguson dans un communiqué.
Plus de 2300 enfants et adolescents ont été
séparés de leurs parents depuis le début du mois de mai, après l'arrestation de
ces derniers pour avoir illégalement traversé la frontière avec le Mexique.
Devant l'indignation mondiale suscitée par cette politique et le malaise au
sein même de son parti, Donald Trump a signé mercredi un décret mettant fin à
ces séparations.
L’incertitude demeure toutefois sur le sort
des mineurs arrachés à leurs parents et sur la façon dont ils pourront être
réunis.
M. Ferguson a dénoncé «l'incertitude» et le
«chaos» créés par la politique de séparation des familles, mais aussi par le
décret signé mercredi qui «cherche à détenir de manière indéfinie les enfants
et leurs parents et continue à poursuivre pénalement les demandeurs d'asile».
Le responsable dénonce aussi les «conditions
inhumaines et horribles» dans les centres de détention de la police de
l'immigration et des frontières, et il s'insurge contre le manque de contact –
parfois pendant des semaines – entre les mères et les enfants dont elles ont
été brusquement séparées à la frontière.
Parmi les États qui se sont associés à la
plainte figurent le Massachusetts, le Maryland, le Nouveau-Mexique, la
Pennsylvanie, l'Iowa et l'Illinois.
Bob Ferguson a dit s'attendre à ce que
d'autres États les rejoignent.
L'État de Washington est l'un de ceux qui se
sont montré les plus agressifs, aux côtés de la Californie et de New York,
contre l'administration du président républicain Donald Trump, engageant
notamment des poursuites contre le décret migratoire empêchant l'entrée sur le
territoire américain des ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane.
L'administration Trump a de son côté
poursuivi la Californie pour sa politique d'État «sanctuaire», qui permet aux
autorités locales de refuser de coopérer avec les autorités migratoires au
sujet de sans-papiers n'ayant pas commis de crimes sérieux.
Qu’arrivera-t-il aux milliers d’enfants de
migrants déjà séparés de leurs parents?
L'eldorado d'El Paso : le risque calculé
d’une migrante du Guatemala
Reportage
de Sophie Langlois | Publié le jeudi 21 juin 2018
L'atteinte de la frontière américaine
représente pour plusieurs migrants la fin d'un long et douloureux périple ainsi
que d'énormes sacrifices pour protéger leur progéniture. Pour certains, le
risque d'être séparé de son enfant une fois aux États-Unis est bien moindre que
celui de vivre dans la peur.
Photo :
Radio-Canada / Sophie Langlois. Marisol, bracelet électronique au pied.
C'est le
pari qu'a fait une mère guatémaltèque. Elle a raconté sa poignante histoire à
Sophie Langlois, notre envoyée spéciale à El Paso, au Texas. (Vidéo/interview)
Marisol,
21 ans, est mère de deux enfants. Elle a décidé de quitter le Guatemala à la
mi-mai, accompagnée seulement de son fils, qui n’a pas encore 1 an.
La raison de son départ : les menaces et les
dangers qui pèsent contre elle dans son pays d’origine. Marisol travaillait
dans une boutique lorsqu’un groupe de criminels s’y est engouffré et a commis
un vol à main armée. Depuis ce jour, elle était soumise sans relâche à des
attaques de cette même bande. Et ils ne s’en prenaient pas qu’à elle. En allant
chercher sa fille Genesis, âgée de 3 ans, à l’école, elle les a aperçus, tout
près. D’une voix brisée, Marisol explique qu’ils ont cassé le bras de son
enfant.
Le voyage
Terrorisée,
Marisol décide alors de fuir le Guatemala. Elle entreprend son long périple
vers le nord, vers la terre promise : les États-Unis d’Amérique. Le voyage
durera deux semaines. Deux longues semaines parsemées d’embûches.
Dans l’État du Chiapas, au Mexique, des
voyous la prennent, son bébé et elle, en otage. Son calvaire durera trois
jours. Ses ravisseurs réclament de l’argent de sa mère, qui est restée au
Guatemala avec sa fille de 3 ans.
Le 10 juin dernier, Marisol atteint enfin
son objectif : la frontière américaine. La ville d’El Paso, au Texas, porteuse
d’espoir, se dresse devant elle. Elle connaît la suite des choses. Elle sait
fort bien qu’elle risque d’être séparée de son garçon. Mais elle y voit un
risque bien moins grand que celui de vivre constamment dans la peur d’être tuée
ou de voir l’un de ses enfants attaqués dans son pays natal.
À la frontière
Lorsque
Marisol traverse la frontière, elle est immédiatement mise en détention avec
son petit garçon. Elle raconte que pendant les 24 prochaines heures, des
officiers la bombarderont de questions afin d’évaluer à quel point son bébé
dépend de sa mère.
«Quand je suis arrivée, raconte-t-elle, ils
m'ont demandé si le bébé était nourri au sein. J'ai répondu oui et ils m'ont
demandé s'il pleurait beaucoup. J'ai dit oui, parce qu'il n'avait personne
d'autre. Ils m'ont alors dit qu'il serait mieux avec moi et qu'on ne nous
séparerait pas.»
Au bout du long interrogatoire, elle est
finalement relâchée. On lui installe un bracelet électronique au pied. Mais peu
importe. Le plus important est fait. Les États-Unis ont accepté de traiter sa
demande d’asile.
Le refuge
Aujourd’hui,
Marisol habite dans un refuge pour migrants illégaux en attendant de connaître
son sort. Lorsqu’on lui demande quel est son rêve, ses espérances en sol
américain, de grosses larmes perlent sur ses joues.
«J’ai hâte d’avoir mon permis de travail
pour faire venir Genesis [sa fille de 3 ans qui est au Guatemala]. Je rêve
qu’ils puissent aller à l’école, sans avoir toujours la peur au ventre comme
moi.»
Mercredi,
le président Donald Trump a signé une directive ordonnant aux autorités
américaines de ne pas séparer les familles de migrants arrêtés après avoir
illégalement franchi la frontière. Mais la politique de «tolérance zéro» est
toujours en vigueur, et le sort des enfants qui sont séparés de leurs parents
depuis deux mois n'est pas réglé pour autant.
Notre journaliste a constaté que les refuges
pour familles de migrants à El Paso sont débordés. Ils sont aussi extrêmement
difficiles d’accès. La présence de caméras est interdite à l’intérieur et à
l’extérieur des bâtiments. Nous devons donc protéger l’identité de Marisol et
de son enfant en cachant leurs visages.
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