«Les Québécois sont des pas-d’allure et des placoteux
(bavards) qui parlent un lousy-french
de bécosses (latrines).» ~ P. E.
Trudeau
À l’époque tous les
Québécois s’étaient sentis injuriés, sauf les personnes qui se gargarisaient
avec la langue académique. L’irrespect de Trudeau envers les ‘french-pea-soup’ a laissé des marques de
griffes indélébiles... c’était sa façon de nous déshumaniser.
Que
dirait Pierre E. Trudeau du français plutôt lousy
de Justin? Hum, le fils est rarement capable de formuler des phrases simples
complètes (oublions les complexes!) qui ont un sens. Quelques
règles élémentaires – la phrase doit :
– avoir
un sens
– comporter
l’énoncé complet d’une idée
–
contenir un sujet, un verbe et un prédicat (ce qu’on a à dire du sujet)
– avoir une
structure complète
– inclure
au moins un verbe à mode personnel.
L’histoire se répète : 50 ans après l’émeute du défilé de la Saint-Jean de 1968 (le lundi de la matraque) auquel assistait P.-E. Trudeau, Justin s’est
fait apostropher au parc Jarry (dans sa propre circonscription). L’homme lui a demandé s’il était venu lui
parler en anglais. Il lui a ironiquement fait remarquer que sa fête (la Fête du
Canada) aurait lieu la semaine prochaine. Il a ensuite reproché à M. Trudeau «d’être
venu nous narguer chez nous». «Je suis chez moi», a répliqué le premier
ministre. Il a ensuite sermonné l’homme en disant que «l’intolérance n’avait pas sa place au Québec». L’individu a rapidement
été éloigné par les gardes du corps de M. Trudeau.
Ironique, non?
«L’intolérance des tolérants existe, de même
que la rage des modérés.»
~ Victor
Hugo
Il y a 50 ans, l’émeute de la Saint-Jean
Par Jean-François
Nadeau
Le Devoir
| 23 juin 2018
[...] Célibataire,
figure de l’intellectuel antiduplessiste, millionnaire, Trudeau est en quête du
pouvoir, suivi par deux de ses compagnons, le syndicaliste Jean Marchand et le
journaliste Gérard Pelletier. La trudeaumanie bat son plein. Les nationalistes
québécois découvrent en lui un adversaire farouche. [...]
En mai, Trudeau affirme à Sherbrooke que les
Québécois ont vécu 100 ans de bêtises.
Or, ce printemps-là, en pleine campagne
électorale, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal croit bon d’inviter
Trudeau au grand défilé du 24 juin. Après tout, à titre de successeur de Lester
B. Pearson, il occupe les fonctions de premier ministre officiellement depuis
le 20 avril 1968.
Source de la photo : Le Devoir
Pour l’événement, une estrade d’honneur est
dressée. Les dignitaires sont regroupés devant la bibliothèque centrale de la
ville de Montréal, rue Sherbrooke. [...]
Un peu partout, des hommes de la GRC, des
policiers, en civil ou en uniforme. Sur le toit de l’édifice de granit gris,
des vigies en armes montent la garde, jumelles à la main.
Le pire a non seulement été envisagé, il
semble avoir été envisagé comme inévitable.
Pourquoi Trudeau tient-il à se présenter à
cette fête nationale alors qu’il ne cesse de nier l’existence de cette nation? [...]
Pendant les semaines qui précèdent
l’événement, le Rassemblement pour l’indépendance nationale et son président,
Pierre Bourgault, ne cessent de dénoncer en tout cas le contresens que
représente cette présence de Trudeau. De la provocation, disent-ils.
Les indépendantistes ont l’intention de bien
faire connaître leur opposition. Mais l’affaire tourne court le jour de
l’événement. Prévenues d’éventuels débordements, les forces policières sont
massées sur place. Ces policiers sont pour l’immense majorité des
patrouilleurs. Ils ne sont en aucune façon entraînés pour ce type de
manifestation. [...]
Sitôt arrivé sur les lieux, Pierre Bourgault
est porté à bout de bras par des militants. ... À peine arrivé, Bourgault est
donc arrêté. Comme des dizaines de manifestants en sang, Bourgault est poussé
vers un fourgon. La police n’y va pas avec le dos de la cuillère. [...]
Photographe :
Antoine Desilets (source Le Devoir)
Au même moment, des bouteilles et divers
projectiles sont lancés sur l’estrade officielle, plus ou moins en direction de
Trudeau. Tout le monde est vite invité à
quitter les lieux pour des raisons évidentes de sécurité. Mais Trudeau, par calcul sans doute autant
que par tempérament, refuse de quitter sa place. Cette image va donner dans le
reste du Canada l’impression d’un homme fort capable de «remettre le Québec à
sa place». [...]
Bilan de la soirée : au moins 123 blessés,
dont 43 policiers. Une douzaine d’autopatrouilles ont été endommagées. Six
chevaux canadiens de l’escouade de cavalerie de la police ont été blessés. [...]
À la télévision d’État, le reporter envoyé
sur le terrain, Claude Jean Devirieux, décrit le chaos : «La répression a été
sauvage. Ceci n’est pas un jugement de valeur, j’ai vu des policiers frapper
des jeunes gens de façon fort sauvage.» Il sera lui-même frappé.
Si la manifestation n’empêche en rien Pierre
Elliott Trudeau de devenir premier ministre le lendemain, elle marque néanmoins
une vive opposition à un fédéralisme dont il se fait l’apôtre. [...]
Article
intégral (et photos) :
Le traité des beaux perdants
Par Serge
Bouchard - 06/04/2018
Notes de
terrain (Québec Science)
Cet hiver,
je suis loin du terrain, des routes glacées, des motels et des soupes du jour.
Je reste
en ville, replié comme Montaigne dans sa tour, ce qui me permet de me
concentrer sur mes émissions de radio, de lire, d’écrire, de faire le point. Je
ressasse de vieilles affaires, des projets, des bribes; je regarde en arrière,
je regarde en avant. Disons que je me recueille à l’intérieur d’une routine
bien réglée. Toutefois, je voyage à ma manière, dans le temps et dans toutes
sortes d’univers; qui donc saurait contenir son esprit ? Je suis justement en
train d’écrire une préface pour un ouvrage de l’économiste Ianik Marcil, L’élan
vers l’autre. Avec lui, j’aborde la réalité des marginaux et des laissés-pour-compte du néolibéralisme;
je touche les différents visages de la souffrance humaine. La rédaction de
cette préface est pour moi l’occasion de replonger dans le Traité des vertus II
de Vladimir Jankélévitch, des pages de virtuosité philosophique à propos de
l’amour, en passant par la pauvreté et la mendicité, l’humilité et
l’humiliation.
Par
association d’idées, je me suis retrouvé chez les Beautiful Losers de Leonard
Cohen, un roman écrit au milieu des années 1960 alors que le jeune auteur
n’était pas encore célèbre. Les perdants magnifiques sont une quête
mystico-érotique qui réunit les trois (et non deux) peuples fondateurs autour
du personnage de Kateri Tekakwita, la sainte iroquoise morte à 24 ans à
Kahnawake, victime de ses propres mortifications. Triangle tour à tour amoureux
et belliqueux où un Anglo de Montréal, un Canadien français séparatiste et une
Autochtone dépossédée se disputent une identité, un rôle dans l’histoire.
Époque oblige, le récit fait dans le registre psychédélique. Sexe expérimental,
pulsions hallucinées, violences spirituelles; je ne saurais vous dire combien
je reconnais le climat de ma jeunesse. Bien que j’aie toujours été un grand fan
de l’artiste, j’avoue ne pas avoir remarqué ce livre à sa sortie. Pourtant, le
roman met au premier plan un anthropologue passionné d’«amérindianité». Un
détail qui aurait pu piquer ma curiosité. Spécialiste de l’énigmatique tribu des
«A…», le personnage est veuf d’une femme qui en était la dernière
représentante. Un peu comme l’était Shanawditith, la dernière des Béothuks de
Terre-Neuve, prise en charge à la fin de sa jeune vie par un explorateur
philanthrope et dont j’ai raconté l’histoire, ainsi que celle de Kateri
Tekakwita, dans ma série Les remarquables oubliés à la radio de Radio-Canada,
laquelle aurait tout aussi pu s’intituler Les perdants magnifiques!
Où l’on
voit que le triangle historique entre le
Français, l’Anglais et l’Amérindien, ces trois solitudes, n’aura jamais
fini de nous hanter. Je cherche
d’ailleurs à savoir depuis plusieurs années qui a vraiment gagné la bataille de
la Monongahela en 1755.
L’histoire officielle dira que ce sont les
Français, dirigés par le capitaine de Beaujeu – l’officier responsable du fort
Duquesne (Pittsburgh aujourd’hui) –, qui auraient écrasé la colonne britannique
du général Braddock, une armée de 2 300 soldats et miliciens. Pourtant, les
Français ne faisaient pas le poids, de Beaujeu ne disposant que de 200 soldats,
sinon moins. Selon Les mémoires d’Augustin Grignon, un vieillard de la Butte
des Morts au Wisconsin, de Beaujeu était paralysé par la peur et ne voulait pas
engager le combat. Le poste aurait bel et bien été perdu, n’eût été
l’intervention de 1 300 Indiens coalisés, Menomines, Potawatomis, Wendats,
Chouanons et Ottawas, réunis et commandés à Monongahela par le Métis
franco-ottawa Charles Langlade et par l’Ottawa Pontiac. Ces deux derniers
comptaient aussi sur 400 Canadiens français, explorateurs et coureurs des bois.
Ils se battirent à l’indienne, en embuscade, comme de véritables guérilleros.
Selon Grignon, petit-fils de Charles Langlade, ce sont les Indiens, les Métis
francophones et les «coureurs de bois ensauvagés» qui humilièrent les
Britanniques. Ce qui ne sera jamais reconnu, et encore moins admiré, ni par les
Anglais ni par les Français, orgueil oblige. Cette journée-là de 1755, près de Pittsburgh, les «perdants magnifiques»
ont gagné, sans que l’histoire n’en prenne note. Ils auront beau triompher, les
perdants, leurs victoires seront toujours défaites par l’amnésie, le mensonge
et l’omission.
Entre
Cohen, Jankélévitch, Ianik Marcil et le vieux Grignon, je ne peux pas dire que
je m’ennuie, retranché dans ma tour.
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