Voici une analyse lucide de la décision de Trump, qui
d’une manière n’étonne pas.
Célia Belin
: «Un cadeau symbolique de Trump à sa base électorale évangélique»
Par Isabelle Hanne – 7 décembre 2017 à 20:56
Pour la
spécialiste de la droite radicale et des mouvements fondamentalistes Célia
Belin, la décision américaine est l’aboutissement d’un positionnement de longue
date du Parti républicain.
Le rôle des chrétiens évangéliques, qui façonnent
l’idéologie du Parti républicain depuis plusieurs décennies, est une clé
indispensable pour comprendre la décision de Donald Trump de reconnaître
officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël. Pour Célia Belin, chercheuse
invitée à la Brookings Institution (Washington), auteure de Jésus est juif en Amérique (Fayard,
2011), spécialiste des mouvements évangéliques et fondamentalistes et de la
droite radicale américaine, cette décision de Trump n’a rien d’erratique ou de
surprenant. Elle est au contraire un cadeau pour sa base électorale, dans un
pays où les chrétiens évangéliques sont le groupe le plus pro-Israël. Selon un
sondage du Pew Research Center, 82 % des
évangélistes blancs pensent que Dieu a donné Israël au peuple juif – soit deux fois plus que les juifs
ou les catholiques américains. «Si le président Trump déplace l’ambassade à
Jérusalem, il entrera dans l’immortalité, saluait carrément, mercredi, le
pasteur texan John Hagee, leader des chrétiens sionistes américains. On se
souviendra de lui pendant des millénaires pour son acte de courage.»
Dans quelle
logique s’inscrit la décision de Donald Trump?
Elle émane de décennies de militantisme pro-Israël
au sein du Parti républicain, qui avait déjà poussé le Congrès à voter en 1995
le Jerusalem Embassy Act [qui indique que «l’ambassade des États-Unis en Israël
devra être établie à Jérusalem au plus tard le 31 mai 1999», ndlr]. Pour Trump,
c’est la réalisation d’une promesse de campagne qui n’a de sens que si on la
comprend comme un pilier de l’idéologie républicaine. Ce n’est pas une décision
folle de Trump, uniquement disruptive. C’est une décision politique, un cadeau
symbolique à sa base électorale évangélique.
Qui a
façonné cette idéologie pro-Israël au sein du Parti républicain?
Si on schématise, il y a deux types d’influence :
celle des organisations juives pro-israéliennes, très bien organisées, qui font
du lobbying, des levées de fonds, qui influencent la rédaction des lois sur la
politique étrangère des États-Unis. Mais ces organisations n’ont pas ou très
peu de base électorale, à part à New York ou en Floride. Ceux qui pèsent de
tout leur poids sur le Parti républicain, ce sont les chrétiens sionistes, très
présents parmi les évangélistes. Cette décision de Trump, à court terme, c’est
gagnant-gagnant : il va faire autant plaisir au premier groupe (en gros, ses
donateurs), qu’au second, l’Américain moyen du fin fond de l’Alabama, qui y
voit une forme de respect de la volonté divine. À partir des années 80, la
défense d’Israël s’est ancrée dans la plateforme politique du Parti
républicain. Et dans les années 2000, on a vu la consolidation des relations
entre les chrétiens sionistes, les groupes juifs pro-Israël et la droite
américaine.
Que
représentent les évangélistes aux États-Unis? Et les chrétiens sionistes?
Il y a
entre 60 et 80 millions de protestants évangéliques dans le pays, environ 26 %
de la population américaine. La base activiste des chrétiens sionistes est
de 10 000 personnes environ. Mais on considère qu’il y a environ 3 millions de
chrétiens sionistes, qui touchent un public beaucoup plus large. Quand ceux-là
prêchent une parole pro-israélienne, ils ne trouvent aucune résistance, au
contraire. Israël est un allié naturel des Etats-Unis depuis sa création. C’est
un État qui leur ressemble, qui se voit comme un État pionnier… Il y a eu
beaucoup de travail de la base militante depuis une dizaine d’années, et ça
paye : le soutien en faveur d’Israël est maintenant la vision majoritaire chez
les évangélistes – alors que la
communauté juive américaine est très divisée sur le sujet –, et donc au sein du Parti
républicain. Quand on est démocrate, c’est plus compliqué, les positions
vis-à-vis d’Israël sont plus ambiguës.
En termes
religieux, comment expliquer ce soutien des évangélistes à l’État hébreu?
Si on interroge un évangéliste sur son soutien à
Israël, il répondra sans doute simplement que «Dieu l’a voulu». Mais il y a
plusieurs grandes théologies derrière. Pour certains, la création de l’État
d’Israël est la preuve que Dieu a tenu ses promesses envers le peuple juif :
donner la Terre sainte aux descendants d’Abraham. D’autres s’appuient sur un
passage de la Bible où Dieu s’adresse à Abraham et à sa descendance : «Je
bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront.» Il y a
cette croyance que soutenir Israël apporte des bénéfices aux États-Unis, et
inversement. Les chrétiens sionistes disent d’ailleurs qu’il faut regarder le
sort de ceux qui se sont opposés aux juifs : les nazis, l’URSS, l’Iran, qui
«finissent tous maudits». Alors qu’à l’inverse, les États-Unis sont la première
puissance mondiale… Il y a enfin une troisième explication, moins courante mais
souvent retenue pas les médias, et nourrie par la guerre des Six Jours (1967).
La réponse militaire d’Israël, et l’expansion spectaculaire de son territoire,
a été le déclencheur de passions eschatologiques : le regroupement du peuple
juif en Terre sainte serait le signe de l’approche de l’Apocalypse et du retour
du Christ sur Terre, avec Jérusalem comme point focal du monde. Mais quelle que
soit l’explication, elle est incompatible avec la solution à deux États et la
partition de Jérusalem.
Quel rôle
jouent les sentiments anti-islam?
Il y a une défiance intrinsèque envers les
musulmans au sein de la droite américaine. Dans ce climat islamophobe, les
Palestiniens se retrouvent dans une position extrêmement défavorable. Le
sionisme chrétien marche très bien parce qu’il rencontre un terreau très
fertile aux États-Unis. Encore plus dans l’ère post-11 Septembre, où Israël est
vu comme cette petite démocratie dans un Moyen-Orient instable, seule à pouvoir
faire face au terrorisme régional.
~~~
Le père
Moïse est une ordure
(Source : Ne
dites pas à ma mère que je suis athée; Michel Morin, Perro Éditeur 2015)
Dans les journées entourant ces rares moments de
l’année dont le chrétien moyen a encore conscience qu’elles ont un quelconque
lien avec leur religion (nommément Noël et Pâques), les télédiffuseurs nous
resservent immanquablement ce grand classique de Cecil B. De Mille : Les Dix Commandements. [...]
Pour les
impies qui ne seraient pas familiers avec cette grandiloquente mégaproduction,
sachez que Les Dix Commandements raconte l’histoire de Moïse qui libère son
peuple du méchant pharaon égyptien et les conduit jusqu’à la Terre promise.
Vous dire à quel point le film fut populaire à l’époque : il reçut pas
moins de sept nominations aux Oscars en 1957.
Le film,
hagiographique à souhait, présente bien entendu Moïse comme un héros
libérateur, un personnage irréprochable, plus grand que nature.
La
lecture du Livre de l’Exode déshabille en deux temps trois mouvements le
champion du petit peuple et révèle crûment le vrai Moïse : un homme soumis
aveuglément aux ordres d’un Dieu méchant, un chef de tribu colérique, violent,
sanguinaire, revanchard, qui se livre aux pires exactions sur ses ennemis et
même sur son entourage. Il est ironique
de penser que pour incarner ce méprisant personnage dans Les Dis Commandements, on a choisi l’acteur Charlton Heston, homme
infréquentable, porte-parole intransigeant de la NRA (National Rifle
Association) et promoteur acharné des armes à feu aux États-Unis jusqu’à sa
mort.
Si les Conventions de Genève et autres lois régissant les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre avaient été en vigueur du temps de l’Exode, Moïse en aurait enfreint vraisemblablement tous les articles.
Si les Conventions de Genève et autres lois régissant les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre avaient été en vigueur du temps de l’Exode, Moïse en aurait enfreint vraisemblablement tous les articles.
Quand
son peuple est libéré des Égyptiens et erre dans le désert, Moïse rencontre en
chemin de méchants ennemis. Sur les ordres de Yahvé, Moïse et ses hommes de
main pillent, exterminent, brûlent, humilient, etc. Le traitement des
ennemis : jamais assez dur au goût de Yahvé. La mission de Moïse n’est
qu’un enchaînement de violences et d’exactions à l’égard des autres peuples qui
n’ont commis que la seule erreur de se trouver sur sa route vers la Terre
promise. La barbarie et le manque absolu de miséricorde et de compassion du
Tout-Puissant ne manquent pas de saisir d’horreur le lecteur non averti.
Pour
avoir un aperçu de son bilan peut reluisant, imaginons un instant que Moïse ait
eu à rendre des comptes à un tribunal international ou à une commission
d’enquête...
LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LES GÉNOCIDES DE
L’EXODE
Extraits du procès-verbal des procédures; Contre-interrogatoire
du témoin Moïse X
[Extrait
partiel du contre-interrogatoire, NDLR]
–
Monsieur Moïse, n’est-il pas vrai qu’alors que vous viviez en Égypte, vous êtes
intervenu dans une altercation au cours de laquelle un Égyptien avait commis
des voies de fait envers un Hébreu? N’est-il pas vrai que, pour venger votre
compatriote, vous avez tué cet Égyptien, que vous avez enterré l’Égyptien dans
le sable après l’agression? Vous faites ça souvent avec des gens vivants?
–
On a des preuves selon lesquelles vous avez agi, depuis l’époque où vous viviez
en Égypte, en tant qu’homme de main d’un certain monsieur ... Yahvé. Il aurait
d’autres pseudonymes : Dieu, l’Éternel, Emmanuel... Comment vous
transmettait-il ses ordres? (Moïse : Il se dissimulait dans une nuée ou me
parlait par l’entremise de... eh bien, d’un buisson de feu.)
–
Bien sûr. Et on a des preuves que votre patron, le
monsieur-aux-huit-pseudonymes, vous a mis au courant d’un complot visant à tuer
tous les premiers-nés en Égypte. Et vous, sachant que ces horribles meurtres en
série allaient se produire, vous n’avez rien fait pour l’empêcher?
(Moïse : J’ai averti Pharaon, mais y m’a pas écouté. [...])
– Votre
supérieur Yahvé a fait en sorte que Pharaon refuse de vous laisser partir?
–
Donc, à la suite de l’extermination des premiers-nés, Pharaon vous laisse
partir. Vous avez quitté l’Égypte avec un groupe évalué à 600 000 hommes,
plus femmes et enfants. Quand votre groupe arrive à la mer Rouge,
qu’arrive-t-il? (Moïse : Je tends la main et je sépare la mer en deux. Une
fois passé, j’étends encore la main pour que la mer engloutisse l’armée
égyptienne.)
–
Des rapports ici nous disent que vous êtes simplement passé à marée basse et
que les Égyptiens se sont fait surprendre par la marée haute.
–
Parlez-nous de l’incident du veau d’or. Je crois comprendre que c’est survenu
alors que votre frère Aaron avait fait fondre une espèce de statue et que les
gens de votre tribu faisaient la fête alentour. Vous auriez alors demandé à vos
subalternes de «passer par le fil de l’épée les membres de leurs propres
familles». On parle de 3000 victimes. Vous reconnaissez les faits?
(Moïse : Je ne faisais que suivre les ordres.)
–
J’ai ici un rapport détaillé où on relate une attaque que vous auriez dirigée
contre les Madianites. D’après ce rapport, vos commandants auraient donc
attaqué Madian et y auraient tué tous les hommes. Vous avez pillé tous leurs
biens, incendié leurs villes et fait prisonniers les femmes et les enfants,
c’est bien ça? (Moïse : Je ne faisais que suivre les ordres.)
–
Mais quand vos commandants se sont présentés devant vous, vous leur auriez
déclaré, et je cite : «Maintenant, tuez tout mâle parmi les petits
enfants, et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui; mais
laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche d’un
homme». Est-ce bien vos paroles?
Quand
vous dites à vos hommes de «garder les filles pour eux», c’est de toute
évidence pour en faire leurs esclaves sexuelles? (Moïse : Ah! S’il y en a
qui ont les idées mal tournées...)
–
Le bilan fait état de 24 000 victimes. J’ai par ailleurs ici un document
intitulé Deutéronome. On peut y lire certaines de vos déclarations. Entre
autres, vous ordonnez aux parents de lapider leurs enfants rebelles, c’est
exact? (Moïse : C’est Yahvé qui a dit que...)
–
On vous prête une autre déclaration pour le moins inquiétante. Je vous remets
le document. Pouvez-vous le lire à la cour, s’il vous plaît? (Moïse, lisant : «L’homme aux testicules écrasés
ou à la verge coupée ne sera pas admis à l’assemblée de Yahvé.»)
En somme, Moïse ne fut rien d’autre qu’un officier
aveuglément soumis aux ordres du patron d’en haut. Un patron à la mèche courte,
toujours furax. [...]
Les
croyants, les adeptes du judaïsme en particulier, continuent à penser que Moïse
lui-même aurait été l’auteur des premiers livres de la Bible, dont l’Exode. Les
experts ont depuis longtemps démontré que la chose est impossible. Moïse eût-il
existé, les écrits sont ultérieurs de centaines d’années à l’époque alléguée de
son existence. De plus comment pourrait-il bien raconter sa propre mort? La
réalité, c’est qu’on ne saura jamais l’identité de son auteur (ou de ses
auteurs). [...] Nous disposons d’une abondance de
documents administratifs remontant à l’époque supposée de l’exode et pas un ne
mentionne quoi que soit au sujet de la captivité ou de la libération des
Hébreux (600 000 hommes plus les femmes et les enfants approcherait le
million et demi de personnes). L’impact socio-économique aurait été phénoménal
et n’aurait pu être passé sous silence. [...]
Au même
titre que la Création, Adam et Ève, Noé, la tour de Babel, toute la saga Moïse
appartient au domaine des mythes. [...] Le livre de l’Exode, ce n’est qu’un
enchaînement de dialogues insensés, d’événements impossibles, d’anecdotes
farfelues qui, voudrait-on les énumérer, exigeraient trop d’espace. Mais Moïse,
c’est avant tout le dépositaire de la Loi. Il est LE grand secrétaire à qui
Dieu a dicté ses règles. [...]
On peut
hocher la tête et être consterné : les dix commandements, c’est n’importe
quoi.
Si on
oscille entre fabulation et horreur avec les premiers livres de l’Ancien
Testament, avec les livres suivants, le Lévitique et le Deutéronome, on nage en
plein délire. Oui, les choses vont en empirant.
~~~
(1) Le code civil français de 1804, dit «Code
Napoléon», a inspiré de nombreuses démocraties. Une catastrophe pour les femmes
car il affirmait l’incapacité juridique* totale de la femme mariée :
– interdiction
d’accès aux lycées et aux universités;
– interdiction
de signer un contrat, de gérer ses biens;
– exclusion
totale des droits politiques;
– interdiction
de travailler sans l’autorisation du mari;
– interdiction
de toucher elle-même son salaire;
– contrôle
du mari sur la correspondance et les relations;
– interdiction
de voyager à l’étranger sans autorisation;
– répression
très dure de l’adultère pour les femmes;
– les
filles-mères et les enfants naturels n’ont aucun droit.
Napoléon
définit sans ambiguïté la place de la citoyenne dans la société à l’article
1124 de ce monument de misogynie qu’est le code civil : Les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les
débiles mentaux. L’enfant appartient au mari de la femme. […] La femme est
donnée à l’homme pour qu’elle lui fasse des enfants; elle est sa propriété
comme l’arbre à fruits est celle du jardinier (Napoléon, Mémorial de
Sainte-Hélène). Bref, la femme et ses
entrailles sont la propriété de l’homme, il en fait donc ce que bon lui
semble.
Source : http://8mars.info/le-code-napoleon
* Capacité juridique : aptitude à être
titulaire de droits et d'obligations.
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