28 novembre 2017

Un monde à la merci de dépravés

Capitalisme sauvage : surproduction, surconsommation, gaspillage et esclavage.

Comme en fait foi le récent reportage de CNN, des migrants de pays subsahéliens cherchant à se rendre en Europe via la Libye sont interceptés et vendus aux enchères dans ce pays de l’Afrique du Nord.
   Dans un centre de rétention pour migrants, à Tripoli, CNN a rencontré des migrants en attente d’expulsion vers leur pays d’origine. L’un d’entre eux, un jeune Nigérian nommé Victory, explique, face caméra, qu’il a été vendu lors d’une enchère aux esclaves. Le jeune homme de 21 ans avait fui son pays, avec toutes ses économies, pour essayer d’atteindre l’Europe. Il raconte avoir été détenu dans des conditions déplorables, privé de nourriture et maltraité par ses ravisseurs. «Si vous demandez à la plupart des gens ici, si vous regardez leurs corps, vous verrez les marques, ils ont été battus, mutilés.»


Selon la Fondation Walk Free environ 45 millions de personnes seraient maintenues en «esclavage moderne» dans le monde en 2016, dont la moitié environ en Inde, en Chine et au Pakistan. Walk Free https://www.walkfreefoundation.org/

L'esclave est une personne non libre, un bien, une marchandise, un instrument économique pouvant être vendu ou acheté.  

Quelques constantes permettent de dresser un premier contour de ce que l'on désigne par «esclavage moderne», il est notamment (mais pas exclusivement) caractérisé par :

le travail forcé, sous la menace de sévices corporels ou psychologiques;
une relation de propriété ou de quasi-propriété d'un esclave par un «employeur», où l'esclave est maintenu dans cette relation de dépendance par des sévices, ou des menaces de sévices, corporels ou psychologiques;
une déshumanisation de l'esclave qui n'est plus traité comme un être humain, mais comme une marchandise, et acheté ou vendu comme tel;
des entraves physiques ou une liberté de mouvement restreinte.

La traite des êtres humains peut servir à alimenter des filières de prostitution dans le monde entier : on estime à 2 millions le nombre d'esclaves prostitués en Thaïlande, pour répondre notamment aux besoins du tourisme. La traite sert également à alimenter des ateliers de production et des activités économiques, ainsi en Afrique de l'Ouest, des enfants sont recrutés pour du travail dans des conditions d'exploitation, et sont ainsi transportés clandestinement dans l'ensemble de la région. En Chine et au Vietnam, des femmes sont emmenées dans des îles du Pacifique pour y travailler dans des ateliers clandestins à la fabrication de produits destinés au marché nord américain. Au Mexique, des hommes font l'objet de traite et sont emmenés aux États-Unis pour y travailler dans des exploitations agricoles.

Les enfants sont des victimes importantes des traites contemporaines, aussi bien pour être exploités comme travailleurs que comme esclaves sexuels. Selon le BIT et Interpol on peut distinguer 5 grands courants internationaux d'enfants destinés à la prostitution : de l'Amérique Latine vers l'Europe et le Moyen-Orient; d'Asie du Sud et du Sud-Est vers l'Europe du Nord et le Moyen-Orient; de l'Europe vers le monde arabe; d'Afrique noire vers l'Europe, le Canada et le Moyen-Orient; et enfin le trafic transfrontalier à l'intérieur de l'Europe.

Malgré les progrès incontestables en matière de textes légaux ou de conventions internationales, les situations d'asservissement restent nombreuses dans le monde. L'Organisation des Nations unies (et ses institutions spécialisées que sont le Bureau international du travail et L'Organisation internationale du travail) estime qu'il y aurait aujourd'hui 200 à 250 millions d'esclaves adultes à travers le monde auxquels s'ajouteraient 250 à 300 millions d'enfants de 5 à 14 ans au travail. Ces chiffres recouvrent toutefois des situations très diverses dans le monde.

À voir, ne serait-ce que pour l'odieuse et humiliante vente à l’enchère du début : 

BOIS D'EBENE (2) : VENTE DES ESCLAVES ET VIE DANS LA PLANTATION
Bois d'ébène» est un documentaire-fiction de Moussa Touré, diffusé le 10 mai 2016 sur France 2. Il décrit le temps de la traite négrière et de l'esclavage dans les Antilles françaises, en tenant compte des avancées de la recherche historique sur ce thème. Il s'appuie sur de nombreuses archives réelles : récits d'esclaves, carnets de bord des capitaines de bateaux négriers, lettres d'armateurs propriétaires de ces bateaux... Les colonies françaises seront jusqu'en 1848 l'un des derniers bastions de la traite négrière entre l'Afrique et les Amériques.(...)



Dansant avec les Noirs
Pablo Neruda

Noirs du continent, au Nouveau Monde
vous avez donné le sel qui lui manquait :
sans les Noirs les tambours ne respirent pas
et sans des Noirs les guitares ne sonnent pas.

Immobile était notre verte Amérique
jusqu'à ce qu'elle ne bouge comme une palme
lorsque d'un couple noir est née la
danse du sang et de la grâce.

Et après avoir subi tant de misères
et avoir coupé jusqu'à mourir la canne
et avoir gardé les porcs dans le bois
et avoir chargé les pierres les plus lourdes
et avoir lavé des pyramides de linge
et avoir grimpé, chargés, les échelles
et avoir enfanté, seule, sur le chemin
et n’avoir ni assiette ni cuillère
et avoir touché plus de coups que salaire
et avoir subi la vente de la sœur
et avoir moulu farine tout un siècle
et avoir mangé un jour à la semaine
et avoir couru tel un cheval toujours
répartissant des caisses d'espadrilles,
manipulant le balai et la scie,
et creusant des chemins et des montagnes,
se coucher fatigués, avec la mort,
et vivre de nouveau chaque matin
chantant comme personne ne chanterait,
chantant avec le corps et avec l'âme.

Mon cœur, pour dire cela, en moi
se scindent la vie et la parole et je ne
puis continuer parce que je préfère
partir avec les palmes africaines,
marraines de la musique terrestre
qui m'incite dès lors depuis la fenêtre :
et je m’en vais danser par les chemins
avec mes frères noirs de La Havane.

(Canción de gesta, 1960; traduction de Mélina Cariz)  

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