17 novembre 2017

La débandade des harceleurs sexuels

Refus : Les refus appartiennent à différents degrés sur une échelle de valeur décroissante : le refus formel, le refus conditionnel, le refus timide et le refus féminin. Par certains casuistes, ce dernier est également appelé le refus consentant. ~ Ambrose Bierce (Le dictionnaire du Diable)

Hum... les charmants partys de bureau à l’horizon!
Image : Anne Taintor Inc.

«Donner un nom, c'est risquer un procès pour diffamation, qui a infiniment plus de chances d'aboutir à une condamnation que des poursuites pour viol, s'indigne l'artiste Mirion Malle. Le système tout entier est fait pour effrayer et dissuader les femmes de parler.» Commando culotte, le blog de Mirion Malle :
http://www.mirionmalle.com/2016/09/limpunite-des-hommes-celebres.html

40% des victimes de harcèlement sexuel au travail ayant dénoncé leur harceleur ont perdu leur emploi. Prise au piège; photo Getty Images / Stockphoto (Source l’express.fr)

«Par harcèlement sur le lieu du travail, il faut entendre toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat de travail.
   Le harcèlement sexuel n’est qu’un pas de plus dans le harcèlement moral. Il concerne les deux sexes mais la plupart des cas décrits ou plaidés concernent des femmes agressées par des hommes, le plus souvent leur supérieur hiérarchique.
   Il ne s’agit pas tant d’obtenir des faveurs de nature sexuelle que de marquer son pouvoir de considérer la femme comme son objet (sexuel). Une femme harcelée sexuellement est considérée par son agresseur comme étant «à disposition». Elle doit accepter, et devrait même être flattée, se sentir rehaussée, d’avoir été «choisie» (1). Le harceleur n’envisage pas que la femme convoitée puisse dire non. D’ailleurs, si elle le fait, elle subit en retour des humiliations et des agressions. Il n’est pas rare que l’agresseur dise que c’est elle qui l’a aguiché, qu’elle était consentante ou demandeuse.
   Différents types de harceleurs ont été décrits – tous ayant en commun un idéal de rôle masculin dominant et des attitudes négatives envers les femmes et le féminisme – et différentes catégories de harcèlement sexuel, identifiées :
- le harcèlement de genre, qui consiste à traiter une femme différemment parce qu’elle est une femme, avec des remarques ou des comportements sexistes;
- le chantage sexuel (le seul à être effectivement réprimé en France);
- l’attention sexuelle non désirée;
- l’imposition sexuelle;
- l’assaut sexuel.»
~ Marie-France Hirigoyen, psychiatre (Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien; Pocket 1998)

(1) Le juge Jean-Paul Braun, de la Cour du Québec, a tenu des propos similaires en octobre dernier lors d’un procès pour agression sexuelle – voyez «SexLeak : un problème de taille à  résoudre», 28 octobre 2017.

L’ampleur du mouvement de dénonciation actuel peut certainement aider à contrecarrer le bal des vampires – «excusez-moi, mais vos dents sont dans mon cou». Et puis, il existe plusieurs écoles qui offrent des cours 101 d’autodéfense partout au Québec – ce n’est pas un luxe de nos jours!


7 mythes courants concernant l’autodéfense pour femmes
Je ne suis pas assez forte! Je ne suis pas assez en forme! Les arts martiaux, c’est pour les hommes! L’autodéfense, c’est pour les batailleurs! L’autodéfense rend violent et je n’aime pas la violence! Cela n’arrive qu’aux autres! J’ai passé l’âge! Avez-vous déjà pensé ou dit l’un de ces énoncés? Alors lisez ce qui suit…

Le CRAN des femmes

Agression? Harcèlement? Délais? Un avocat-criminaliste fait le point
Le 19 octobre 2017 | Gravel le matin | ICI Radio-Canada Première

En marge des allégations d'inconduites sexuelles ciblant l'animateur et producteur Éric Salvail et l'homme d'affaires Gilbert Rozon, l'avocat-criminaliste Me Walid Hijazi différencie les différents types d'accusations et précise qu'il n'y a pas de délais pour porter plainte et déposer des accusations criminelles.
   Si auparavant, le Code criminel différenciait le viol, l’attentat à la pudeur et l’attouchement, l’ensemble de ces gestes sont maintenant considérés comme une agression sexuelle : «La plupart des gestes allégués constitueraient une agression sexuelle. Un attouchement, un simple toucher à connotation sexuelle sans le consentement de la personne qui reçoit ce toucher est une agression sexuelle
   Me Walid Hijazi souligne que le harcèlement n’a pas nécessairement une connotation sexuelle : «Il s’agit de communications répétitives qui, dans la répétition, deviennent envahissantes et menaçantes [pour la victime].»

Délai maximal?
Me Walid Hijazi note qu’en droit criminel, il n’y a aucune limite temporelle pour déposer des accusations. Il ajoute toutefois que le temps qui passe peut avoir des répercussions sur la qualité de la preuve recueillie et présentée au tribunal : «Plus le temps avance, plus la qualité de la preuve se perd. La mémoire est une faculté qui oublie. Il y a des gens qui ne se souviennent plus ce qui s’est passé, il y a des gens qui disparaissent. [...] [Il faut être en mesure de colliger une] preuve qui amènerait un procureur à avoir la conviction morale qu’il sera en mesure de convaincre un juge et un jury hors de tout doute raisonnable.»
   L’avocat rappelle qu’au Canada, l’accusé est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.

«Selon les enquêtes menées par les associations, les femmes qui s’en sortent le mieux sont celles qui ont pu aller jusqu’au bout d’une démarche juridique. Or, quand il s’agit de violence psychologique, c’est impossible puisqu’il n’y a pas de traces, pas de preuves, et que les victimes sont difficilement crues. Dans ce cas, le travail de reconstruction est plus long, c’est comme si la brèche restait ouverte.» ~ Marie-France Hirigoyen, psychiatre (Femmes sous emprise; Pocket 2005)

Allégation 101, par un avocat-criminaliste
Plus on est de fous, plus on lit | Le 10 avril 2017 | ICI Radio-Canada Première

«Une allégation, c'est l'action de citer un fait, une autorité ou un texte comme preuve de ce que l'on affirme pour s'en prévaloir», explique Walid Hijazi. À l'heure où les allégations et rumeurs se transforment trop vite en faits lorsque la machine virale s'en mêle, l'avocat-criminaliste vient remettre les pendules à l'heure.

Un mot à double tranchant
Walid Hijazi explique que ce mot spécifique au vocabulaire juridique correspond à une proposition que l’on avance et que l’on défend comme vraie, en tant qu’avocat. Dans son métier, pour convaincre la cour, il peut lancer ce terme à son adversaire pour que les allégations de son confrère soient considérées comme «de l’ordre du fantasme».

Un terme qui se déplace
Selon l’avocat-criminaliste, si la justice est généralement associée à la cour d’un point de vue historique, les réseaux sociaux font que le tribunal semble changer de plateforme. «Le tribunal de l’opinion populaire est très fort», poursuit-il. Les géants du web semblent s’emparer désormais du problème pour que la vérité soit valorisée avant la popularité dans le référencement.
   Pour Walid Hijazi, les «faits alternatifs» sont des allégations parmi d'autres. Sans preuve, on essaie de nous convaincre par tous les moyens, et les conséquences peuvent être dévastatrices. «Les allégations non démontrées peuvent être meurtrières.»

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L’affaire Gerry Sklavounos / Alice Paquet est un bon exemple de cul-de-sac parole de l’un contre celle de l’autre (les agresseurs agissent rarement devant témoin), avec en toile de fond la notion de consentement telle que décrite par Ambrose Bierce : le refus féminin est un refus consentant.

Février 2017 : Le député de Laurier-Dorion Gerry Sklavounos a fait une déclaration en compagnie de sa femme, comme exigé par le premier ministre [Philippe Couillard] pour réintégrer le caucus libéral après avoir été blanchi des allégations d’agressions sexuelles qui pesaient sur lui. Il s'est excusé pour des tentatives de «socialisation» qui auraient pu être mal interprétées. «J'ai peut-être essayé d'être "friendly", charmeur en faisant un compliment honnête et poli. Mais je réalise maintenant que ce n'était pas approprié dans un milieu de travail», juge-t-il. Il refuse de préciser de quels gestes il dit s'excuser. «J'ai pu faire des blagues, je suis passionné, donc spontané. Ç'a été un véritable enfer pour ma famille et moi», avait-il affirmé. (Le Journal de Québec | 9 février 2017)

À l’entendre, on aurait cru que c’était lui la victime. L’homme a une réputation de harceleur à l'Assemblée nationale. On ne saura pas ce qui s’est réellement passé entre Alice et Gerry. Néanmoins, les intentions du député ne semblaient pas aussi équivoques que le refus consentant de la plaignante. Mais, le summum de l’indécence, de la méchanceté, fut d’exiger la présence de son épouse au point de presse – une humiliation publique d’un cynisme insupportable. Sur la plupart des photos publiées dans les médias on pouvait lire sur le visage de cette femme, le malaise, le désarroi, le doute, peut-être la honte et le sentiment d’avoir été flouée pendant des années.

Photo : ICI Radio-Canada  

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