«La guerre...
Peut-être les peuples ont-ils besoin de ces cauchemars. Ils saccagent ce qu'ils
ont mis des siècles à construire. On détruit ce que l'on interdisait. On
favorise ce que jadis on condamnait. La guerre, c'est une grande main qui
balaie le monde. C'est le lieu où triomphe le médiocre, le criminel reçoit
l'auréole du saint, on se prosterne devant lui, on l'acclame, on l'adule.
Faut-il donc que la vie paraisse aux hommes d'une si lugubre monotonie pour
qu'ils désirent ainsi le massacre et la ruine? Je les ai vus bondir au bord du
gouffre, cheminer sur son arête et regarder avec fascination l'horreur du vide
dans lequel s'agitaient les plus viles passions. Détruire! Violer! Égorger!»
~ Philippe Claudel (Le rapport de Brodeck; Stock, 2007)
Crevaison
chez les pauvres
on ne décide pas
on ne décède pas
on crève
on crève
comme des chiens
on crève
comme des pneus
avec un son
de gun
dans la nuit.
~ Patrice Desbiens (En temps et lieux 2, éd. L'Oie de Cravan, 2008)
Dernier receuil : Sous un ciel couleur cayenne
Éditeur : Prise de parole | Collection : Poésie |
Paru le 13 novembre 2017
Mots de Patrice Desbiens choisis/lus par David
Goudreault (1) à Dessine-moi un dimanche
(ICI Radio-Canada Première, 19.11.2017) :
ne pas oublier
d’éteindre la télévision
d’éteindre l’ordinateur
d’éteindre toutes les lumières
et d’étreindre les étoiles
À quoi sert d’être brillant si t’éclaires
personne?
(1) David Goudreault (né le 26 août 1980 à
Trois-Rivières au Québec) est écrivain, romancier, poète, dramaturge et
performeur québécois. Il est le premier québécois à remporter la Coupe du monde
de poésie, en juin 2011 à Paris. Travailleur social, diplômé de l'Université de
Sherbrooke en 2004, il a spécialisé sa pratique en intervention auprès des
groupes vulnérables, utilisant la poésie comme outil d'expression et
d'émancipation.
Le
réchauffement du climatoscepticisme
David
Goudreault | La Tribune | 4 novembre 2017
«Le concept
de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de
rendre l’industrie américaine non compétitive.» – Donald Trump
CHRONIQUE / J’ai le privilège d’être suivi par des
lecteurs brillants, des lectrices d’une intelligence remarquable, mais chaque
semaine entraîne aussi son lot d’obscurantistes, de misogynes et de gardiens de
la vertu en tous genres. Ils m’envoient des messages plus distrayants les uns
que les autres. Des climatosceptiques enragés se sont ajoutés à cette belle
bande de réactionnaires dans les derniers jours. J’ai découvert la
susceptibilité des rébarbatifs du bac brun, l’intransigeance des militants de
la pollution décomplexée. Jean-Pierre m’accuse même de relayer les mensonges de
Greenpeace et de nuire à l’économie du Canada! Jean-Pierre accorde beaucoup
trop de pouvoir à mes chroniques…
Mon dernier papier exposait les chiffres
troublants révélés par l’Agence européenne pour l’environnement et la revue
scientifique The Lancet : la pollution cause 9 millions de morts par années, 5
millions pour la pollution atmosphérique seulement. Ce constat n’est pas le
résultat de statistiques obtenues avec un échantillon restreint dans le cadre
d’une recherche menée par des stagiaires neurasthéniques en réinsertion
sociale, ce sont des nombres absolus! Ces données scientifiques rapportées dans
une revue médicale laissent pourtant certains individus perplexes. De furieux
sceptiques m’écrivent carrément que ces chiffres n’ont aucune valeur et qu’on
fait dire ce que l’on veut aux statistiques.
Comme
Donald, président de la première puissance mondiale, pays pollueur à
l’empreinte écologique tout aussi indélébile qu’exceptionnelle, de nombreux
Québécois rejettent l’idée que l’activité humaine puisse avoir un impact sur le
climat. Même si 98 % des scientifiques le reconnaissent! La sortie publique de
l’Organisation météorologique mondiale nous mettant en garde contre «une hausse
dangereuse de la température» suite à l’évaluation des taux de dioxyde de
carbone de 2016, les plus élevés depuis 800 000 ans, n’y pourra rien. La
corrélation directe entre l’industrialisation, son apogée moderne grâce à la
mondialisation des marchés, et le réchauffement climatique n’est pas recevable.
L’incontestable montée en flèche du niveau de CO2 dévoilée lundi dernier les
laissera de glace. Une glace qu’aucun réchauffement appréhendé ne fera fondre.
Mais je
ne veux pas m’inquiéter davantage sur la pollution ou le réchauffement
climatique, j’y consacre déjà une large part de mon existence; c’est
l’ignorance qui m’inquiète aujourd’hui. La mienne, d’abord (j’ignorais
l’ampleur du désastre intellectuel dans lequel nous baignons).
Et celles
des climatosceptiques aussi...
Près de la moitié des Québécois souffriraient
d’analphabétisme plus ou moins fonctionnel. Le nombre doit exploser comme les
ventes de VUS si on parle d’innumérisme, cette incapacité à maîtriser les
nombres, les calculs et les raisonnements en découlant. Il faut reconnaître que
certains chiffres sont vertigineux. Des exemples? La perte de masse de la
calotte de glace en Antarctique représente en moyenne 7,8 millions de litres
par seconde, les émissions de tétrachlorure de carbone continuent à augmenter
malgré leur interdiction et atteignent 39 000 tonnes par an soit 1,24 kilo par
seconde. J’en passe et des meilleures. Ceci explique peut-être cela :
l’incapacité de lire, comprendre et analyser l’information nous empêche de
faire confiance aux données scientifiques.
À qui
profite le crime? Aux pollueurs, évidemment! Moins les populations sont
informées, moins elles se mobilisent; plus on peut polluer en paix, privatiser
les profits et externaliser les coûts sociaux et environnementaux. Certains
gouvernements aussi en bénéficient, il est plus facile de se faire élire sur
des campagnes de peur ou des mensonges sans fondements que d’établir un
programme cohérent. Et de s’y tenir!
Le
scepticisme en question ici découle peut-être d’un mécanisme de défense. Le
doute est confortable, mais le confort se précarise à vue d’œil. Alors qu’il
faudrait une mise en action massive et mondiale, on s’obstine encore sur la
pertinence de la mobilisation. Si l’augmentation de la fréquence et de
l’intensité des catastrophes naturelles à l’échelle planétaire ne peut
convaincre les climatosceptiques; si les données scientifiques et les preuves
empiriques ne suffisent pas à démontrer l’évidence, rien ne le pourra. Nous
sommes foutus. Le règne de l’opinion creuse propulsera d’autres Donald au
pouvoir. Le pétrole coulera à flots, la déforestation et la désertification
suivront leurs cours, l’acidification des océans s’accélérera et les millions
de morts liés à la pollution crèveront en vain. Mais nous consommerons en paix.
Peut-être
que je me trompe, peut-être que Jean-Pierre et les climatosceptiques ont
raison, je ne suis qu’un exalté de la gogauche colportant les fausses
statistiques d’un complot écologiste ourdi par les services secrets chinois… Si
tel est le cas, c’est déjà assez déprimant, ne m’écrivez pas pour m’insulter en
plus. Si vous le faites quand même, prenez le temps d’accorder vos participes
passés. Merci!
An Open Letter From 800+ Scientists
To President-Elect Donald Trump On Climate Change
Canada's most shameful environmental
secret must not remain hidden
‘Tar sands have been dubbed the
largest (and most destructive) industrial project in human history.’ And Canada
is on the forefront or their exploitation.
Tzeporah Berman | The Guardian | Tuesday 14 November
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