31 décembre 2016

Lettres de fin d’année

Lettre de survivants aux puissants de ce monde 

C.P. Terre
31/12/2016

a/s de l’Organisation des Nations Unies
New York / Genève 

     Selon le bilan annuel, la dette des autocrates et néocolonialistes envers la terre ne cesse de croître. Leur participation récurrente à la pollution, à la destruction et à la violence globale est démentielle, impardonnable. Il est temps que ça cesse.
     Aux dernières nouvelles, des psychiatres en blouses blanches avec des masques à oxygène seraient à leurs portes – ont-ils des parents proches? De toute façon, s’ils prenaient de longues vacances (à l’asile ou sur Mars peut-être?), nous pourrions enfin respirer et avoir un avenir. 

     Prière de faire suivre, 

     Les survivants de toutes les espèces

 
(Photographe inconnu)
 
Gif : http://headlikeanorange.tumblr.com/

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Lettre d’Albert Camus à un ami allemand

Les chroniques Lettres à un ami allemand furent publiées dans le journal Combat. L'ensemble fut publié en 1945 par les éditions Gallimard. «Elles avaient un but, précise Camus dans sa préface, qui était d'éclairer un peu le combat aveugle où nous étions et, par là, de rendre plus efficace ce combat.» La dernière lettre inclut cette citation du roman Oberman (Étienne Pivert de Senancour) : «L'homme est périssable. Il se peut; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice.»

On peut changer la nationalité de l’ami fictif de Camus à volonté car les choix ne manquent pas en ce moment...

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La question de la justice se pose principalement lorsqu’on cherche des solutions aux conflits d’intérêts. Mais n’existe-t-il pas une essence, ou bien un simple facteur commun, permettant une définition une et universelle? Au travers de sa correspondance avec son «ami allemand», Albert Camus revient sur les fondements de l’intérêt commun de cette notion, livrant un véritable message de «lutte contre la violence».

Juillet 1944

Voici venir les temps de votre défaite.
Je vous écris d’une ville célèbre dans l’univers et qui prépare contre vous un lendemain de liberté. […]

Vous n’avez jamais cru au sens de ce monde et vous en avez tiré l’idée que tout était équivalent et que le bien et le mal se définissaient selon qu’on le voulait. Vous avez supposé qu’en l’absence de toute morale humaine ou divine les seules valeurs étaient celles qui régissaient le monde animal, c’est-à-dire la violence et la ruse. Vous en avez conclu que l’homme n’était rien et qu’on pouvait tuer son âme, que dans la plus insensée des histoires la tâche d’un individu ne pouvait être que l’aventure de la puissance, et sa morale, le réalisme des conquêtes. Et à la vérité, moi qui croyais penser comme vous, je ne voyais guère d’argument à vous opposer, sinon un goût violent de la justice qui, pour finir, me paraissait aussi peu raisonné que la plus soudaine des passions. 

Où était la différence? C’est que vous acceptiez légèrement de désespérer et que je n’y ai jamais consenti. C’est que vous admettiez assez l’injustice de notre condition pour vous résoudre à y ajouter, tandis qu’il m’apparaissait au contraire que l’homme devait affirmer la justice pour lutter contre l’injustice éternelle, créer du bonheur pour protester contre l’univers du malheur. Parce que vous avez fait de votre désespoir une ivresse, parce que vous vous en êtes délivré en l’érigeant en principe, vous avez accepté de détruire les œuvres de l’homme et de lutter contre lui pour achever sa misère essentielle. Et moi, refusant d’admettre ce désespoir et ce monde torturé, je voulais seulement que les hommes retrouvent leur solidarité pour entrer en lutte contre leur destin révoltant. 

Vous le voyez, d’un même principe nous avons tiré des morales différentes. C’est qu’en chemin vous avez abandonné la lucidité et trouvé plus commode (vous auriez dit indifférent) qu’un autre pensât pour vous et pour des millions d’Allemands. Parce que vous étiez las de lutter contre le ciel, vous vous êtes reposés dans cette épuisante aventure où votre tâche est de mutiler les âmes et de détruire la terre. Pour tout dire, vous avez choisi l’injustice, vous vous êtes mis avec les dieux. Votre logique n’était qu’apparente. 

J’ai choisi la justice au contraire, pour rester fidèle à la terre. Je continue à croire que ce monde n’a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c’est l’homme, parce qu’il est le seul être à exiger d’en avoir. Ce monde a du moins la vérité de l’homme et notre tâche est de lui donner ses raisons contre le destin lui-même. Et il n’a pas d’autres raisons que l’homme et c’est celui-ci qu’il faut sauver si l’on veut sauver l’idée qu’on se fait de la vie. Votre sourire et votre dédain me diront : qu’est-ce que sauver l’homme ? Mais je vous le crie de tout moi-même, c’est ne pas le mutiler et c’est donner ses chances à la justice qu’il est le seul à concevoir. 

Voilà pourquoi nous sommes en lutte. Voilà pourquoi nous avons dû vous suivre d’abord dans un chemin dont nous ne voulions pas et au bout duquel nous avons, pour finir, trouvé la défaite. Car votre désespoir faisait votre force. Dès l’instant où il est seul, pur, sûr de lui, impitoyable dans ses conséquences, le désespoir a une puissance sans merci. C’est celle qui nous a écrasés pendant que nous hésitions et que nous avions encore un regard sur des images heureuses. Nous pensions que le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu’on fait contre le destin qui nous est imposé. Même dans la défaite, ce regret ne nous quittait pas. […] 

Dans cette nuit d’Europe où courent les souffles de l’été, des millions d’hommes armés ou désarmés se préparent au combat. L’aube va poindre où vous serez enfin vaincus. Je sais que le ciel qui fut indifférent à vos atroces victoires le sera encore à votre juste défaite. Aujourd’hui encore, je n’attends rien de lui. Mais nous aurons du moins contribué à sauver la créature de la solitude où vous vouliez la mettre. Pour avoir dédaigné cette fidélité à l’homme, c’est vous qui, par milliers, allez mourir solitaires. 

Maintenant, je puis vous dire adieu.

Via : http://www.deslettres.fr/


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À qui Mohandas Gandhi enverrait-il un message similaire aujourd’hui?
Sans doute à plusieurs tyrans, en Cc.

Au nom de l’humanité

Lorsque l’armée allemande envahit la Tchécoslovaquie au printemps 1939, rares sont ceux qui peuvent encore ignorer les conséquences d’un tel acte. Mohandas Gandhi, leader non-violent de l’indépendance indienne, décide d’écrire à Adolf Hitler, l’homme sur le point d’orchestrer la Seconde Guerre mondiale. En raison d’une intervention du gouvernement britannique, la lettre de Gandhi, un plaidoyer exhortant Hitler à éviter la guerre «au nom de l’humanité», ne parviendra jamais à son destinataire. [?!] Et à peine un mois plus tard, le monde assiste, horrifié, à l’invasion de la Pologne et au début du conflit le plus meurtrier de l’histoire. [Jusque-là...]

Lettre de Mohandas Gandhi à Adolf Hitler – 23 juillet 1939

As, Wardha
C.P. Inde
23/07/39

Cher ami,

     Des amis m’ont pressé de vous écrire au nom de l’humanité. Mais je me suis dérobé à leur requête, car j’avais le sentiment qu’une lettre de moi serait impertinente. Quelque chose me dit que je ne dois pas tergiverser et que je dois lancer mon appel, quelles que soient ses chances. 
     Il est évident que vous êtes aujourd’hui la seule personne au monde à pouvoir empêcher une guerre qui réduirait l’humanité à l’état sauvage. Devez-vous payer ce prix pour votre objectif, si précieux qu’il puisse vous paraître? Écouterez-vous l’appel de celui qui a volontairement banni la méthode guerrière, et non sans un succès considérable? Quoi qu’il en soit, j’espère votre pardon si j’ai fait erreur en vous écrivant.

     Je demeure, 
     Votre sincère ami, 
     M.K. Gandhi

À Herr Hitler
Berlin
Allemagne

Source : Au bonheur des lettres, recueil de courriers historiques, inattendus et farfelus rassemblés par Shaun Usher; Éditions du sous-sol, 2014
Site de l’auteur : http://www.lettersofnote.com/

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