28 mars 2019

Fourre-tout clérical

Aidez vos prêtres pédophiles, offrez-leur une église mobile : la religion de rue en toute intimité. En cas de dérapage, changer de patelin ou de ville sera un jeu d’enfant... (Photo 1923)


«Une fois que la loi commence à autoriser des exceptions fondées sur des ‘croyances religieuses sincères’, les méfaits et la discrimination qui en découleront ne cesseront plus.» ~ George Takei

«Dieu avait clairement une pauvre opinion du sens moral.» ~ Mark Twain

Si le clergé catholique s’auto-enquête, l’on peut compter sur la complaisance habituelle et l’omerta.

Cinq diocèses de la région de Montréal mandatent l'ex-juge Anne-Marie Trahan pour déterminer l'ampleur des crimes sexuels commis sur des mineurs par des prêtres ou d'autres employés du clergé au cours des sept dernières décennies, a annoncé mercredi l'archidiocèse de Montréal.
   La juge retraitée de la Cour supérieure du Québec cherchera plus précisément à déterminer le nombre et la nature des allégations d'agressions sexuelles commis par des membres du clergé et de leur personnel dans les diocèses de Montréal, Joliette, Saint-Jean-Longueuil, Saint-Jérôme et Valleyfield de 1950 à aujourd'hui.
   L'objectif de l'opération, inspirée par d'autres initiatives du genre menées ailleurs dans le monde, consiste à «faire la lumière sur les agissements du passé», indique l'archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, dans un communiqué publié mercredi matin. «Nous voulons tous donner la priorité à la transparence et aller au fond des choses dans la recherche de la vérité.»
   Selon l'archidiocèse, l'ex-juge Trahan a accepté de mener cette «enquête approfondie» après avoir obtenu l'assurance des autorités ecclésiales participantes qu'elle aurait «toute leur collaboration pour obtenir un accès complet à l'ensemble des dossiers visés [...] et pour la publication des conclusions statistiques du rapport».
   Le document comprendra plus précisément «des statistiques sur les allégations d'abus sexuel de mineurs de l'ensemble du personnel clérical et laïc des cinq diocèses, dans le respect des règles entourant la protection des renseignements personnels et de la vie privée», indique-t-on. (ICI Radio-Canada/nouvelles)

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Mgr Christian Lépine. (Photo : Jacques Nadeau/Le Devoir) 

Si la croix pèse trop... (Graffiti / France) 

 Enquête «bonbon»?

Le directeur des communications du Comité des victimes de prêtres, Carlo Tarini, n'est toutefois pas convaincu que l'enquête favorisera les victimes et déplore que celles-ci n'aient pas été consultées.
   «Mgr Lépine étant un évêque, cette juge à la retraite va enquêter sur les agissements de celui qui signe son chèque et ce n'est véritablement pas ce dont on a besoin», regrette-t-il.
   «Les victimes n'ont pas été consultées, elles ne font pas partie du processus. Les représentants des victimes ne font pas partie du processus. C'est une enquête maison, une enquête bonbon, avec une juge choisie par la personne dont les agissements vont être enquêtés. Comment peut-elle arriver, cette juge à la retraite, à identifier des malversations potentielles?» demande M. Tarini.
   Mgr Lépine estime que dans son expérience de juge, Mme Trahan a été confrontée à des expériences d'abus et qu'elle s'est toujours montrée attentive ou soucieuse de l'impact de ces agressions sur les victimes. C'est l'une des raisons qui l'ont poussé à lui confier l'enquête. «C'est une façon de dire aux victimes qu'on est là pour les entendre, qu'on est désireux de les entendre. C'est une main tendue aux victimes», a-t-il assuré.
    M. Tarini préférerait voir les victimes se tourner vers la police et les organismes d'aide plutôt que de participer à l'enquête, qui devrait durer de 18 à 24 mois et dont le rapport sera ensuite rendu public.
   «Si votre vie est endommagée par le traitement de motards, vous ne cognez pas au bunker des motards pour leur demander de vous aider et d'enquêter là-dessus, ce n'est pas la façon de faire», illustre-t-il.
   Ce qu'il espère maintenant, c'est que l'annonce de mercredi convaincra le gouvernement caquiste de lancer une enquête publique sur les agissements de l'Église catholique.

Caroline St-Pierre | Jean-Philippe Denoncourt | La Presse Canadienne

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Un prêtre pourchassant deux enfants. (Graffiti sur un mur de Lisbonne, 2011)  

Extrait | La Presse https://www.lapresse.ca/

Une pluie d'actions collectives Depuis 2004, au moins huit prêtres ont été condamnés par les tribunaux québécois pour des agressions sexuelles sur des mineurs. En parallèle, 14 communautés religieuses et un évêché ont fait ou font actuellement l'objet d'actions collectives pour des sévices infligés à d'anciens pensionnaires. Quatre se sont déjà soldées par des compensations, qui totalisent 55 millions de dollars, mais plusieurs d'entre elles sont toujours en cours.

2008: les frères de Sainte-Croix Cette première action collective intentée au Québec contre une communauté religieuse s'est conclue par une entente à l'amiable de 18 millions de dollars pour 200 victimes des prêtres de trois collèges tenus par les Frères de Sainte-Croix, dont le collège Notre-Dame. Une seconde demande d'action collective a été autorisée en 2017 pour 40 nouvelles victimes. Cette fois, la liste des lieux visés inclut l'oratoire Saint-Joseph, où des agressions se seraient produites.

2014: les Pères Rédemptoristes La communauté religieuse a été condamnée à verser 17 millions de dollars aux victimes d'agressions sexuelles commises par six prêtres, enseignants au Séminaire Saint-Alphonse. Frank Tremblay, le plaignant à l'origine de l'action de groupe, s'était félicité à l'époque de cette «victoire historique».

2015: les Clercs Saint-Viateur L'action collective intentée contre la communauté religieuse en 2015 s'est soldée par une somme globale de 20 millions de dollars qui a été partagée entre les plaignants. C'est la somme la plus élevée jamais concédée dans une telle action collective au Québec.

2017: les Frères du Sacré-Cœur Une première action collective a été autorisée en 2017. Le requérant, un homme de 57 ans, allègue avoir été violé à plus de 300 reprises lorsqu'il était au Collège Mont-Sacré-Coeur, à Granby. Une quinzaine de religieux sont visés par des accusations de pédophilie. Une seconde demande d'action collective a été déposée, il y a quelques semaines, pour des agressions commises au Camp Le Manoir, géré par la même communauté religieuse.

2017: les Frères Maristes En août 2017, une action collective a été autorisée contre les Frères Maristes et l'un de leurs membres, le père Réjean Trudel, qui oeuvrait dans une ressource d'hébergement de Saint-Hyacinthe, le Patro Lokal, entre 1970 et 1986.

2017: Servites de Marie En novembre 2017, les Servites de Marie sont visés par une demande d'action collective. Un requérant allègue avoir été agressé de manière systématique par le père Jacques Desgrandschamps, au Collège Notre-Dame-des-Servites.

2018: les Soeurs de la Charité Une demande d'action collective a été déposée en avril dernier par un ancien pensionnaire du Mont d'Youville, à Québec, tenu par les Soeurs de la Charité. Le requérant affirme y avoir subi de nombreux sévices sexuels entre 12 et 14 ans.

2018: Oblats de la Côte-Nord Une demande d'action collective a été déposée en février de l'an dernier contre les Oblats de Marie Immaculée pour des agressions sexuelles qui auraient été commises par le père Alexis Joveneau et d'autres membres de la communauté religieuse.

2018: sept congrégations Les orphelins de Duplessis, insatisfaits de l'entente conclue avec le gouvernement de Bernard Landry en 2001, qui accordait 25 000 $ à certains d'entre eux, réclament de nouveau des compensations pour des sévices subis dans plusieurs institutions. Leur demande d'action collective, déposée l'an dernier, vise sept communautés religieuses et les deux ordres de gouvernement.

2019: l'évêché de Chicoutimi Une première au Québec : l'évêché de Chicoutimi et neuf paroisses sont l'objet d'une action collective, autorisée par les tribunaux en janvier dernier. Une centaine de présumées victimes du prêtre Paul-André Harvey prennent part à l'action collective.

Et ailleurs?
Contrairement au Canada, de nombreux pays ont effectué des travaux d'envergure pour connaître l'ampleur exacte, à l'intérieur de leurs frontières, du problème des agressions sexuelles commises par des prêtres sur des mineurs. Petit tour du monde des résultats.

États-Unis 10 667 victimes C'est le nombre de victimes faites par les 4392 prêtres qui ont fait l'objet d'allégations d'agression sexuelle aux États-Unis, entre 1950 et 2002. Il s'agissait, à 80 %, de victimes masculines. Comment en est-on venu à ces chiffres, très précis? En 2002, à l'initiative de l'Assemblée des évêques des États-Unis, tous les diocèses américains ont dû faire une revue des dossiers de leurs prêtres pour une période allant de 1950 à 2010. Avec l'aide du John Jay College of Criminal Justice, les diocèses américains ont rempli des questionnaires pour chaque prêtre qui avait commis des agressions sexuelles à l'endroit de mineurs, que ces actes aient été sanctionnés ou non par la justice. Le rapport définitif publié en 2004, qui compte plusieurs centaines de pages, donne une montagne de détails sur la nature des actes, le nombre de victimes et, également, le traitement ou l'absence de traitement qu'on a offert aux prêtres agresseurs. De plus, l'été dernier, un jury citoyen de Pennsylvanie, faisant suite à une enquête du procureur de l'État, a rédigé un rapport qui dénombrait 300 prêtres prédateurs, qui auraient fait plus d'un millier de victimes. Seulement deux d'entre eux avaient été traduits devant la justice.

Irlande 700 pages C'est le nombre de pages du volumineux rapport déposé par la juge Yvonne Murphy qui a mené, pendant trois ans, une enquête sur les prêtres agresseurs en Irlande sur une période qui couvrait trois décennies. L'enquête a examiné les plaintes pour 320 agressions sur des enfants. Un seul prêtre aurait, à lui seul, agressé plus de 100 enfants. Un autre a avoué avoir agressé des enfants à raison de deux par mois pendant toute la durée de son ministère de 25 ans. Quatre archevêques ont d'ailleurs été montrés du doigt pour avoir couvert les prêtres agresseurs. «Les structures et les règles de l'Église catholique ont favorisé cette dissimulation», souligne la juge. Le rapport de la juge Murphy n'était pas le premier qui éclaboussait l'Église catholique irlandaise. Six mois plus tôt, le juge Sean Ryan avait établi que 2000 enfants sur les 35 000 hébergés dans les réseaux d'écoles religieuses avaient subi des agressions physiques et sexuelles de la part des prêtres.

Australie 7 % C'est le pourcentage de prêtres qui auraient été visés par des accusations d'agression sexuelle sur des enfants en Australie, a établi une Commission royale d'enquête menée dans tout le pays en 2017. Plus de 4400 agressions auraient été commises par 1880 agresseurs et auraient été dénoncées aux autorités ecclésiastiques. Dans certains diocèses, le pourcentage de prêtres agresseurs atteignait les 15 %. L'enquête de la commission a duré quatre ans et a recueilli les témoignages de milliers de victimes. L'âge moyen des victimes était de 11 ans. Le rapport définitif, rédigé par l'avocate Gail Furness, souligne que ces religieux agresseurs étaient fréquemment déplacés, et couverts, par la hiérarchie catholique.

Allemagne 13 ans C'est l'âge moyen des 3677 victimes de prêtres agresseurs répertoriées sur le territoire allemand lors d'une enquête menée par des universitaires à la demande de la Conférence épiscopale. Le rapport définitif, rendu public en septembre dernier, établit que 1670 prêtres ont agressé ces mineurs entre les années 1946 et 2014. L'étude a porté sur plus de 38 000 dossiers de prêtres, répartis dans 27 diocèses. Le sixième des cas était des viols. Quatre pour cent de ces prêtres sont toujours en fonction. Un an plus tôt, l'Église catholique allemande avait déjà été éclaboussée par un scandale quand on a établi que 547 enfants de choeur avaient été agressés à Ratisbonne entre 1945 et 1992.

Pays-Bas 800 prêtres C'est le nombre de prêtres agresseurs répertoriés par une commission d'enquête, présidée en 2011 par l'ancien ministre de l'Éducation des Pays-Bas, Wim Deetman. La commission a mené une enquête exhaustive et indépendante sur les sévices infligés par des prêtres à leurs victimes. Ces prêtres, qui ont sévi entre 1945 et 2010, auraient fait «plusieurs dizaines de milliers de victimes», a établi la commission. «Le chiffre [du nombre de victimes] est absolument énorme», a déclaré M. Deetman. Selon lui, l'Église néerlandaise était au courant du problème depuis des décennies. 

Belgique 457 plaintes C'est le nombre de plaintes reçues par la commission créée en 2011 par l'Église catholique belge et présidée par le pédopsychiatre Peter Adriaenssens en l'espace de six mois pour des agressions sexuelles commises par des prêtres. L'organisme a été créé à la suite des aveux de l'évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, qui avait démissionné après avoir avoué des actes pédophiles. La commission a identifié 180 prêtres agresseurs, dont 91 encore vivants. Le parquet fédéral a par la suite communiqué à ses antennes locales les noms d'une centaine de ces prêtres et religieux, toujours en vie, afin de mieux exercer une surveillance sur eux. 

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