25 mars 2019

Donner son corps à la science-fiction

«J’ai donné mon corps à la science...fiction», disait Steven Wright, sous-entendu une fois mort. Les transhumanistes, eux, sont prêts à le donner vivant, dans l’espoir de se transformer en hommes-machines immortels.

The problem with the gene pool is that there is no lifeguard.” (Steven Wright)


Esprit, es-tu là?

L’humain perdra-t-il son autonomie décisionnelle au profit du robot sympathique, un spécimen humanisé d’intelligence artificielle? Ces robots ont les caractéristiques du psychopathe, réputé pour n’éprouver ni émotions ni sentiments mais capable de les imiter... 
   Ironiquement, on déshumanise les humains (par ex. avec les smartphones) et l'on humanise les robots! Les compagnons-robots sont programmés pour être polis et ils exigent des communications respectueuses! Alors, si un humain vous dit bonjour sans lever les yeux de son iMachin et continue à texter, ajoutez-le à votre liste de faux-amis...
   «Téléverser son cerveau dans le nuage informatique afin de continuer à exister sous la forme d’un pur esprit jusqu’à la fin des temps», voilà ce que propose l’ingénieur et futurologue Raymond Kurzweil. À mon avis, nous le faisons déjà car tout ce que nous publions sur le net s’immortalise dans le nuage global!

Des machines et des hommes : l’ère du transhumanisme
Les ordinateurs font sentir leur présence dans presque toutes les sphères de nos vies. Avec la montée des assistants vocaux personnels et l'arrivée inéluctable des robots, est-ce qu'une douce soumission des êtres humains aux machines est en train de s'installer? Jusqu'où cela ira-t-il si jamais l'homme et la machine fusionnent, comme le prévoient les transhumanistes? Le reportage audio inclut plus de commentaires, notamment du biologiste Jacques Testart :

Ces transhumanistes qui promettent l'immortalité
Janic Tremblay
Desautels le dimanche

Photo iStock 

Pour les transhumanistes, l'avenir d'Homo sapiens passe par une fusion avec les machines. L'homme-machine qu'ils envisagent transcendera sa condition et ses limites grâce aux ordinateurs. S'ils sont encore marginaux, les transhumanistes sont tout de même de plus en plus nombreux à s'affirmer, portés par un fort vent qui souffle depuis la Silicon Valley.
   Un badge défie la gravité au bout de l’annulaire de Dorian Kodelja. Comme dans tous les tours de magie, il y a une explication logique. Celle-ci est tout de même un peu inattendue. Le badge, loin d’échapper aux lois de la physique, est plutôt maintenu entre ciel et terre grâce à un petit aimant que Dorian s’est fait implanter au bout du doigt.
   Le jeune homme, doctorant en intelligence artificielle, est un transhumaniste. Il croit que le corps de l’humain peut passer outre à certaines limites, et il est prêt à expérimenter de nouvelles sensations et fonctions avec son propre corps.
   Cet aimant lui permet maintenant de ressentir les champs électromagnétiques comme ceux émis par les fours à micro-ondes.
   «Cela me permet de comprendre ce que ça fait que d’avoir un nouveau sens. Quand mon doigt vibre, je le ressens un peu comme une odeur de brûlé. Mon cerveau s’est adapté à cette nouvelle sensation, explique Dorian Kodelja. Je ne vois pas mon corps comme un sanctuaire. Je suis prêt à y intégrer plein de choses, du moment qu’elles sont sécuritaires.»
   Dorian dit qu’il ne voit donc aucun problème à utiliser son corps de toutes les façons afin de tirer profit de la richesse du monde. C’est une partie seulement de l’idéologie transhumaniste, qui va beaucoup plus loin.

Téléverser son cerveau pour ne pas mourir

Pawel Kuczynski – satire politico-sociale 

Le pape du mouvement, l’ingénieur et futurologue Raymond Kurzweil, ambitionne carrément d’en finir avec la mort. Il croit que dans quelques décennies, la puissance informatique et les développements de la science permettront de ne plus mourir… ou à tout le moins de téléverser son cerveau dans le nuage informatique afin de continuer à exister sous la forme d’un pur esprit jusqu’à la fin des temps.
   Le spécialiste en intelligence artificielle a cofondé l’université de la singularité et est maintenant l’un des directeurs de Google. L'arrivée de ce théoricien du transhumanisme au sein du géant du web a renouvelé l’intérêt pour le mouvement. L’un des porte-parole de l’Association française transhumaniste, Florent Boissonnet, ne cache pas son enthousiasme.
   «On commence à penser que ça peut être possible. On va peut-être avoir une annonce de Google concernant un traitement pour augmenter la longévité. Peut-être demain? Dans 5 ans? Peut-être jamais aussi. On ne sait pas.»
   Il cite la compagnie Calico qui veut allonger la vie humaine. Ou encore Neuralink, compagnie du milliardaire Elon Musk, dont les travaux portent sur les interfaces cerveaux-machines. Et des tas d’applications qui sont aujourd’hui réservées à des personnes handicapées ou atteintes de certains problèmes médicaux, mais qui pourraient bien devenir accessibles au commun des mortels d’ici quelques années.

Le rêve d’augmenter l’humain

Un point en commun entre ces projets : il s’agit toujours d’augmenter l'humain. Des chantres du projet transhumaniste comme l’Américain Tim Cannon refusent les limites biologiques de notre espèce. Pendant quelques mois, il s’est même fait insérer, directement sous la peau, un dispositif de la taille d’un iPhone afin de transmettre ses données biométriques directement à son téléphone.
   Le scientifique anglais Kevin Warwick va même plus loin en affirmant que, dans l’avenir, ceux qui refuseront de s’augmenter seront handicapés par rapport au reste de la population qui choisira la voie transhumaniste.
   En France, l’un des plus influents porte-parole du transhumanisme est probablement le médecin et entrepreneur du web Laurent Alexandre.
   Auteur d’un livre intitulé La mort de la mort, il est persuadé que les enfants qui naissent aujourd’hui vivront beaucoup plus longtemps. Il croit qu’ils profiteront d’avancées techniques et biomédicales que l’on n’imagine pas encore, mais qui commenceront à faire leur apparition dans une trentaine d’années, soit quand l’intelligence artificielle dépassera celle des humains, prévoit-il.
   Cela pourrait signifier des puces dans le cerveau ou d’autres types d’augmentation. Qu’en sera-t-il alors de l’inviolabilité du corps ou de la dignité humaine? Il croit que ces principes vont fluctuer pour s’adapter à un nouveau contexte. «La plupart des gens accepteront les propositions des transhumanistes. Pour moins souffrir et moins mourir. Nous ne nous verrons pas de la même façon dans le futur. Les modifications dont nous parlons aujourd'hui paraîtront naturelles à nos descendants.»

Le transhumanisme, une utopie?

Le projet transhumaniste est loin de faire l’unanimité et reçoit de virulentes critiques dans le monde de la science et de l’éthique. Jacques Testart est justement au confluent de ces deux mondes.
   Le biologiste, connu comme le père du premier bébé-éprouvette français, est un scientifique, mais aussi un bioéthicien de renom. Il a publié il y a quelques mois un livre intitulé Au péril de l'humain - Les promesses suicidaires des transhumanistes. Pour lui, rien dans l’état actuel de la science ne valide les idées et les projections des transhumanistes.
   «Ils vous disent qu’on va mettre le contenu de nos cerveaux sur un disque dur. Cela ébahit les gens. Mais la vérité c’est qu’on n’a strictement aucune idée comment faire ça! Il n’y a aucune base scientifique!»
   Il rappelle que l’on ne sait presque rien du génome et du fonctionnement du cerveau. Partisan d’une science lente et précautionneuse, il est persuadé qu’il faudra encore de très nombreuses années avant de voir certains volets du projet des transhumanistes devenir possibles. Mais, de toute façon, il rejette en bloc à peu près tout ce qu’ils proposent. «Pour moi le transhumanisme, c’est le nouveau nom de l’eugénisme. Fabriquer des individus identiques et hyperperformants, moi, j’appelle cela du clonage social.»
   Ses reproches ne s’arrêtent pas là. Pour Jacques Testart, le transhumanisme n’est pas un projet de société, mais plutôt un amalgame d’aspirations individuelles et égoïstes. Il cherche sans les trouver les valeurs collectives et citoyennes dans ce mouvement. «Ce sont des libertariens qui créent de nouveaux mythes en promettant l’immortalité. Il y a même une forme de violence contre ceux qui ne se soumettraient pas à ce nouvel idéal.»
   «Cela ne fonctionnera pas, mais ça fait quand même du mal à notre espèce, car cela isole les gens. Où est l’empathie? Où est la solidarité dans tout ça? Il ne faudrait pas oublier que si Homo sapiens a réussi à s’imposer, c’est surtout grâce à la coopération qui caractérise notre espèce», observe Jacques Testart.

Publié le vendredi 15 février 2019 à 14 h 42
Mis à jour le dimanche 17 février 2019 à 5 h 20

Archives D’HOMO SAPIENS À HOMO NUMERICUS :

Cela dit, concrètement, le génie humain combiné aux capacités de l’intelligence artificielle en bionique peut certes améliorer la vie des humains :
   Hugh Herr, l’homme «bionique» – FUTUREMAG – ARTE
   Après un grave accident de montagne, l’ingénieur américain Hugh Herr s’est vu amputé des deux jambes. Depuis ce jour, il n’a qu’une seule idée en tête : rendre leur mobilité aux personnes handicapées. Fondateur du Centre de Bionique Extrême et professeur de biophysique, il travaille à la création de prothèses personnalisées munies de capteurs permettant d’adapter le mouvement à l’environnement du patient. 

Fascinant :  

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