Le kirpan est un poignard d'une longueur de
18 cm de long fait partie des Cinq K (les cinq obligations) que la religion sikhe
impose aux hommes : interdiction de se couper les cheveux (kesh) maintenus par
un peigne de bois (kangha) sous un turban, port du caleçon bouffant (kachera)
et du bracelet de fer (kara).
Le port du kirpan est interdit en France, au
Danemark et dans plusieurs États américains. En
Italie, un sikh portant le kirpan a été condamné pour port d’arme illégal en
mai 2017 : «Il n’est pas tolérable
que l’attachement à ses propres valeurs, même légales selon le droit en vigueur
dans le pays d’origine, conduise à la violation consciente de celles de la
société d’accueil», a jugé la Cour de cassation italienne. «Si l’intégration n’impose pas l’abandon de
la culture d’origine [...], le respect
des droits de l’homme et des normes judiciaires de la société accueillante
constituent une limite infranchissable», ont insisté les juges alors que le
parquet avait demandé l’annulation de la condamnation, estimant que la
tradition culturelle de l’homme justifiait le port du poignard.
Supposons
que les adeptes du Culte de la Licorne Rose croient que leur dieu exige qu’ils
portent une corne frontale en permanence – comment réagiriez-vous devant un
policier à corne qui vous remet une contravention?!
Un résumé :
Laïcité
: religion et législation font-elles bon ménage?
Un film à voir tandis que la question fait des vagues au Québec une fois de plus...
Quand les pouvoirs s'emmêlent
Quatre
pays, quatre villes, un seul combat : celui des femmes dans l’espace public,
mais aussi la sphère privée. Dans certains coins du monde, celui-ci n’est pas encore
gagné, ou sérieusement menacé. C’est ce que démontre Quand les pouvoirs s’emmêlent, lorsque le politique et le
religieux, qu’il soit catholique ou musulman, décident de sonner le glas, celui
des libertés parfois gagnées à l’arraché.
La documentariste Yvonne Defour, habituée de
parcourir le vaste monde avec sa caméra (Marchés
sur Terre, Le sexe autour du monde),
témoigne de ces luttes en allant à la rencontre de militantes, mais aussi
d’hommes épris de justice sociale, accompagnée de l’acteur Vincent Graton,
témoin parfois ahuri des régressions qui ont cours à Tunis, à Paris, et à
Washington. De retour à la maison, il constate que tout n’est pas idyllique, et
que les luttes d’ici trouvent un curieux écho dans celles que l’on découvre
ailleurs, le tout sur fond de harcèlement sexuel, de laïcité, de droits
reproductifs et de représentation politique aux plus hautes sphères de l’État.
Mais à la base s’activent des indignées au discours éloquent, passionné,
viscéral, le tout dans une forme dynamique et séduisante. Et certaines figures
de proue, particulièrement en Tunisie, le font parfois au péril de leur vie.
André
Lavoie | Le Devoir, octobre 2018
Vincent
Graton à Washington D.C. Photo : Productions Mi-Lou
Produit
par Louisa Déry et Michèle Grondin et réalisé par Yvonne Defour, ce
documentaire, présenté par Vincent Graton, pose un regard critique sur les
liens ambigus qu’entretiennent la religion et la politique au détriment des
libertés des femmes à travers le monde. La question fondamentale qu’avance le
film est la fragilité des droits des femmes dans notre monde moderne. Le
documentaire explore l’importance de la laïcité dans notre société et l’évoque
comme une solution possible à l’égalité des droits entre tous les individus.
De
nos jours, partout dans le monde, un rapprochement s’opère entre les pouvoirs
religieux et politique, menaçant ainsi les droits des femmes durement acquis.
De la Tunisie au Québec, en passant par la France et les États-Unis, Vincent
Graton est allé à la rencontre de femmes et d’hommes avertis pour tenter de
comprendre les enjeux d’un sujet complexe et important pour préserver les
droits des femmes. Tout comme Vincent, les spectateurs profiteront des propos
éclairants des intervenants pour prendre conscience de l’enjeu et comprendre en
quoi l’établissement d’un cadre défini protégeant l’état de l’influence des
pouvoirs religieux est une clé de la solution.
Un film qui fait le constat que les droits
des femmes ne sont jamais acquis. Un documentaire humain et puissant qui laisse
une place aux témoignages de femmes et d’hommes qui se sont investis au nom de
la liberté.
Les
intervenants
• Lina
Ben Mhenni, blogueuse et militante
• Khedija
Cherif, sociologue, ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes
démocrates
• Naziha
Labidi, ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance
• Hafidha
Chekir, juriste et auteur
• Habib
Kazdagli, doyen – Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités, Université de
la Manouba
• Khadija
T. Moalla, PhD, consultante senior en droit international
• Delphine
Horvilleur, rabbin
• Zohra
Bitan, militante et auteur
•
Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité
•
Florence Montreynaud, historienne et auteur
• Jacques
Berlinerblau, PhD, professeur, Georgetown University
• Heather
D. Boonstra, directrice des politiques publiques, Guttmacher Institute
•
Kathleen Dumais, représentante, 15e District du Maryland
• Eleonor
Smeal, présidente, Feminist Majority
• Diane
Guilbaut, sociologue, présidente – Pour les droits des femmes du Québec
• Julie
Latour, avocate
• Normand
Baillargeon, philosophe et auteur
Vincent
Graton est un comédien reconnu pour son engagement social. Pour les besoins du
documentaire Quand les pouvoirs
s’emmêlent, il a voyagé sur trois continents pour constater la fragilité croissante des droits des
femmes, dans la foulée des liens ambigus entre la religion et la politique qui
gagnent du terrain un peu partout.
Il nous amène à nous questionner sur des
dénominateurs communs qui rapprochent le fondamentalisme islamique
nord-africain, la droite religieuse des États fondamentalistes américains et le
catholicisme tout puissant du Québec d’avant la Révolution tranquille lorsqu’il
s’agit de la place des femmes et de leurs droits dans la société. On constate
que lorsque les pouvoirs s’emmêlent, ils font peser une menace authentique sur
une société basée sur l’égalité et l’ouverture.
Doc
Humanité, ICI Radio-Canada
Ou :
Comprendre la laïcité en 50 notions
essentielles!
«La
laïcité est une notion “à la mode”. On en parle à longueur d'ondes, elle couvre
les kiosques à journaux, on la met à toutes les sauces. Bien sûr, tout le monde
est pour. Ou presque. Mais, mal connue, instrumentalisée, la laïcité devient
parfois un prétexte commode pour parler d'autre chose. Intellectuellement, bien
sûr il n'y a pas qu'une laïcité. La notion est soumise, depuis ses origines, à
de nombreux débats, toujours très vifs aujourd'hui. Juridiquement, la notion
n'est pas si difficile à comprendre si on accepte de s'y arrêter un peu. La
laïcité française est d'abord et avant tout une réalité concrète et
quotidienne, très encadrée. La plupart des réponses aux difficultés auxquelles
elle est parfois confrontée se trouve, le plus souvent, dans l'observation de
cette réalité.»
50
notions clés sur La Laïcité pour les Nuls | Nicolas Cadene | Collection Pour les
Nuls Culture Générale (2016)
La laïcité en voie d’extinction
Quelle
que soit la façon dont on tente d’édulcorer les religions, celles-ci restent
des prisons psychologiques (et parfois physiques) construites sur la peur, le
jugement, l'exclusion, le péché, la culpabilisation et des promesses de salut
éternel (parfois obtenu par procuration). Alors, plus quelqu’un est désespéré
ou démuni, psychologiquement et/ou matériellement, plus il a de chance de se
laisser embrigader. Le marketing est plus puissant et efficace que la raison et
la science. Pourquoi y a-t-il autant de religions et de prescriptions
différentes s’il n’y a qu’un seul Dieu?
Le contrôle politico-religieux, ce sépulcre
de croyances, prescriptions et doctrines de conception humaine, reste le
dénominateur commun derrière ces vains et récurrents débats autour de la
laïcité et des religions, ou de l’athéisme et de la foi. Mais n’oublions pas
l’essentiel derrière tout ce charabia à propos des signes et codes vestimentaires religieux : l’égalité
des droits femmes-hommes et la neutralité confessionnelle des institutions
gouvernementales.
Les
objets et les vêtements ont une valeur symbolique, et ce sont les gens qui leur
attribuent une valeur identitaire. Si vous étudiez l’histoire du vêtement
vous verrez comme cet aspect du débat est futile. En réalité, il vaut mieux
étudier les lois et rituels religieux intégrés aux lois civiles
inégalitaires...
Dans les années 50/60, les religions les
plus répandues au Canada étaient le catholicisme, le protestantisme et le
judaïsme. Peu à peu, l’arrivée d’immigrants de toutes races, ethnies et
confessions a modifié le paysage. Il fallait se familiariser à de nouveaux
codes vestimentaires et religieux. On se demandait quelle influence aurait
cette insertion cosmopolite sur notre propre culture, et surtout comment toutes
ces religions allaient coexister hors des quartiers-ghettos des grandes villes.
Les frictions étaient quasi inévitables puisque des minorités jadis invisibles
devenaient soudainement très visibles.
Les déguisements, les objets, les rituels et
les coutumes, de nature socioculturelle et/ou religieuse, font partie de la
vie; ils servent à démarquer et à identifier. Le déguisement exprime ce que
nous croyons être ou pensons devoir être.
Tous les codes vestimentaires sont permis,
des plus simples aux plus sophistiquées, aux plus ridicules. Mis à part la
cagoule, qu’on devrait réserver aux températures de moins 20°C et aux vols de
banque, où est le problème? On s’en balance des gréements, la plupart du temps
choisis par souci de conformisme, d’appartenance ou inversement en réaction à
ces deux éléments. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’un groupe, drapé dans son
bon droit, entend imposer à autrui ses dogmes, ses rituels, ses codes
vestimentaires et alimentaires, ses objets de culte et ainsi de suite.
Même si l’on peut généralement s’habiller
n’importe comment, il y a des professions qui requièrent le port d’un uniforme.
Par exemple, un policier en service et une infirmière en milieu hospitalier de sorte
qu’on puisse les identifier rapidement en cas d’urgence. Par contre, le
camouflage complet ou partiel du visage (bizarrement réservé aux femmes)
devrait être banni.
Quand on étudie les religions
traditionnelles ainsi que d’autres moins répandues, on est frappé par la
quantité inimaginable de rituels, de préceptes, de contraintes, d’interdictions
et de superstitions auxquelles se soumettent les croyants et que certains
d’entre eux défendent bec et ongles même au prix de leur vie. Tout ça pour
plaire à un Dieu dont les caractéristiques varient passablement d’une
confession à l’autre. Le moins qu’on puisse dire c’est que certaines religions
sont «combatives» en raison de leur extrême propension au prosélytisme et au
contrôle, tandis que d’autres sont plus pacifiques et libérales.
Même si toutes les religions et les sectes
prêchent l’amour, celui-ci brille
souvent par son absence – «ce que tu fais parle plus fort que ce que tu dis»
disait Albert Schweitzer... Entre la théorie et la vraie vie, il y a parfois
des années-lumière.
Ce ne sont pas les races et les ethnies
elles-mêmes qui éveillent l’animosité mais leurs coutumes religieuses et civiles
souvent discriminatoires.
Les institutions gouvernementales doivent
être laïques. Nous n’avons pas à subir les rituels et les lois cléricales de
toutes les religions qui coexistent ici. Même avec la meilleure volonté du monde,
il serait impossible d’accommoder et d’homogénéiser autant de pratiques
disparates!
Chacun est libre de suivre les prescriptions
de sa religion ou de sa secte, mais il n’a pas le droit d’en imposer les
dictats aux autres citoyens. Si les pratiquants ont des agendas de congés
religieux/civiques et des horaires de prière particuliers, ainsi que des restrictions
alimentaires, ils peuvent s'organiser en privé, dans leurs propres communautés.
Je ne mange pas d’animaux (simplement par compassion), et quand je suis invitée
chez des carnivores, on me sert les légumes d’accompagnements... les hôtes
n’ont pas à imposer un menu végétarien à tous parce que je suis là.
----
(1) La
Cour supérieure du Québec avait confirmé la validité d'une interdiction du kirpan
dans certains contextes ou lieux (avions, tribunaux). Toutefois, dans un arrêt
rendu en mars 2006 dans l'affaire Multani, la Cour suprême du Canada a conclu,
en se fondant sur la liberté religieuse garantie par la Constitution, qu'en
milieu scolaire, le port du kirpan par un élève ne pouvait faire l'objet d'une
interdiction totale, dans la mesure où il était porté dans des conditions
sécuritaires.
En septembre 2008, le service de police de
Montréal a annoncé qu'un étudiant de 13 ans était accusé d'en avoir menacé un
autre avec son kirpan. Il a été acquitté de l'accusation le 15 avril 2009.
Autorisé dans les enceintes scolaires au nom
des «accommodements raisonnables», l'Assemblée nationale de Québec a cependant voté
unanimement en février 2011 pour interdire le port du kirpan dans tous les
édifices du parlement.
En novembre 2017, le gouvernement canadien
permettait désormais le port du kirpan dans un avion, à l’exception des vols en
direction des États-Unis. Cette loi a soulevé une vive polémique chez les
citoyens.
Parmi les
parades adaptatives du premier ministre : Justin Trudeau visitant le principal Temple
Sikh d’Ottawa à l’occasion du Festival des lumières (Diwali), le mercredi 11 novembre
2015. (Photo : Darren Brown / Ottawa Citizen)