4 février 2019

Holà! pesticidophiles

En écoutant les actualités, on est stupéfait de voir comme les caractéristiques du pervers narcissique (1) s’appliquent aux ministres et chefs d’État, avec leur habitude de nier ce qu’ils ont fait et dit (même quand tout a été filmé/enregistré!) pour se disculper – jamais responsables, jamais coupables; ils se défendent par des mécanismes de projection en portant au crédit d’autrui toutes leurs difficultés et leurs échecs; ils se défendent aussi en déniant la réalité.

Le congédiement de l’agronome Louis Robert par le ministère de l’Agriculture en est un exemple patent. Le ministre André Lamontagne a présenté quatre versions contradictoires de l'événement. 


Le Devoir :
«[Son congédiement], c’est une décision que j’ai personnellement autorisée à la lumière des informations que j’ai recueillies, à la lumière des questions que j’ai posées, puis c’est la décision que j’ai jugé qu’il était important de prendre», a fait valoir le ministre Lamontagne, ajoutant être «très à l’aise.» 

La vie agricole :
«La semaine dernière, j’ai été informé par la direction du MAPAQ de la décision de congédier l’employé en question. À la lueur des faits qui m’ont été présentés, j’ai accordé toute ma confiance aux gestionnaires du Ministère. En aucun temps je n’ai moi-même demandé le congédiement de l’employé.
   Je rappelle et j’insiste sur le fait que cette décision n’est en aucun cas une mesure de représailles contre un lanceur d’alerte. J’ai démontré depuis mon entrée en fonction une grande accessibilité pour des employés qui tiendraient à me faire part de leurs inquiétudes. Je les encourage à dénoncer tout en respectant la procédure prévue dans la Loi.» (André Lamontagne)

Le ministre de l'Agriculture André Lamontagne 

La Presse, 4 février 2019 :
Le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, admet avoir fait «une erreur» en «prenant sur ses épaules» la responsabilité du congédiement de l'agronome Louis Robert, qui s'était tourné vers les médias pour dénoncer l'ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides. Il demande maintenant à la protectrice du citoyen d'ouvrir une enquête sur cette affaire, notamment pour prouver qu'il n'a pas joué de rôle réel dans le licenciement du lanceur d'alerte.

Midi info, 4 février 2019 :
«Devant mon impair, je pense que c’est important de demander une enquête indépendante.»
«Peu importe les mots qui ont été dits, ce sont les mauvais mots. J’ai pris sur moi le processus administratif, mais la réalité, c’est qu’un ministre ne congédie pas les fonctionnaires.»

Richard Perron, président du SPGQ :
«On n’est pas devant un employé dont l’objectif était de mettre son employeur dans le pétrin. On parle de quelqu’un qui a d’abord dénoncé à l’interne, qui se l’est fait reprocher et qui devant la fatalité de voir que rien n’était fait a décidé de transmettre des informations à des journalistes.»

Photo Radio-Canada. L'agronome Louis Robert 

Stéphane Giroux, président de la FPJQ :
«Plutôt que d’essayer de régler une situation dénoncée par des employés, le gouvernement consacre tous ses efforts à se débarrasser de celui qui a osé dénoncer […] C’est une chasse aux sorcières.»

Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal :
«Dans sa forme actuelle, la Loi ne répond pas aux besoins des lanceurs d’alerte. La Loi vise les gestes illégaux qui sont commis au sein de l’appareil gouvernemental. Lorsqu’on entend la situation dénoncée par M. Robert, a priori, il n’y a pas d’acte répréhensible qui a été commis, on parle plutôt d’une attitude, de façon de faire, de comportements qui sont susceptibles de soulever des préoccupations, et on voit que cette loi-là, bien, finalement, elle n’est pas vraiment utile pour protéger les dénonciateurs.»

Pour une fois qu’un lanceur d’alerte dénonçait les lobbies de pesticides... Si M. Robert avait suivi la procédure recommandée, c’est-à-dire passer par l’ombudsman, quand aurions-nous eu accès à l’information? Dans trois ou quatre ans? Peut-être jamais? Alors, je salue son acte de bravoure, son choix l’honore. C’est le ministre de l’Agriculture qui devrait être congédié.

Tout indique que les têtes à CAQ resteront fidèles à l’idéologie du parti : le capital privé avant la protection de la santé des citoyens et de l’environnement; et comme par hasard, l’une ne va pas sans l’autre!

Que faire avec un ancien comptable et sa horde d’affairistes lobbytomisés qui prônent la spéculation, la privatisation, l'utilitarisme et l'économisme au mépris du bien commun et des institutions sociales?

Autre exemple de leur obsession du «privé» : Nos données les plus privées - NAS, dossier médical, revenus, etc. - seraient directement envoyées dans la gueule du loup, sous prétexte de sécurité accrue - les ministres n'ont pas les yeux vis-à-vis des trous. C'est sans doute pour remplir leur promesse de réduire le nombre de fonctionnaires; ce qui pourtant risque de leur coûter plus cher. J'ai hâte de consulter leurs données personnelles, par exemple en santé mentale, dans le nuage d'Amazon : 
 
Québec confiera le stockage de ses données informatiques au privé

Actuellement assuré par 457 centres à travers le Québec, le traitement des données informatiques gouvernementales sera bientôt confié, pour l’essentiel, au secteur privé.
   D’ici trois ans, au moins 80 % des informations numériques stockées dans tout l’appareil gouvernemental seront transférées dans des serveurs gérés par des sous-traitants du secteur privé, comme IBM ou Amazon.
   Le reste, soit moins de 20 % du total des informations, sera bientôt stocké dans seulement deux centres de traitement des données.
   Ainsi, à terme, l’accès aux données gouvernementales sera assuré par l’intermédiaire de l’infonuagique (cloud computing).
   L’annonce a été faite en conférence de presse, lundi, par le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, et le ministre responsable de la Transformation numérique, Éric Caire, qui justifient leur geste par une recherche d’efficience et de sécurité accrue.


«Regardez la tyrannie du parti – ce qu’on appelle l’allégeance au parti, la loyauté au parti – un piège inventé par des hommes rusés à des fins égoïstes – et qui transforme les électeurs en biens-meubles, esclaves, lapins, et pendant tout ce temps le parti hurle des inepties sur la liberté, l'indépendance, la liberté d'opinion, la liberté de parole.» ~ Mark Twain; The Character of Man, autobiography

«Maintenant je suis pas mal certain que souvent, très souvent, en matière de religion et de politique, la faculté de raisonnement de l’homme ne dépasse pas celle du singe.» ~ Mark Twain; Eruption

BREF RAPPEL

Pesticides : un lanceur d'alerte congédié par le gouvernement du Québec

Thomas Gerbet
ICI Radio-Canada Nouvelle, mercredi 30 janvier 2019

Le ministère de l'Agriculture du Québec a renvoyé un lanceur d'alerte qui avait dénoncé l'ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides, a appris Radio-Canada. Le fonctionnaire a été congédié jeudi dernier pour avoir fourni des renseignements confidentiels à un média, tandis que deux de ses collègues sont suspendus. Ces représailles suscitent des questions sur la protection des lanceurs d'alerte au Québec.
   Fort de 32 ans d'expérience au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), l'agronome Louis Robert est une sommité dans son domaine. Le fonctionnaire au bureau de Saint-Hyacinthe avait même fait l'objet d'un long reportage de l'émission La semaine verte cet automne.
   En 2017, le conseiller expert dans le secteur des grains avait osé dénoncer, à l'interne, l'ingérence du privé dans la recherche publique sur l'utilisation des pesticides. Insatisfait de l'écoute de ses supérieurs, il s'était tourné vers Radio-Canada. Le fonctionnaire avait partagé, en toute confidentialité, des documents accablants.

Article intégral

Le ministre de l'Agriculture demande une enquête sur le congédiement du lanceur d'alerte

Thomas Gerbet / Joëlle Girard
ICI Radio-Canda Nouvelle, lundi le 4 février 2019

Le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, demande à la Protectrice du citoyen d'ouvrir une enquête sur le congédiement du lanceur d'alerte Louis Robert. Elle devra notamment déterminer si le ministre lui-même a été impliqué ou non dans son renvoi.
   André Lamontagne avait soutenu la semaine dernière qu'il avait «personnellement autorisé» le congédiement de l'agronome pour avoir informé les médias de l'influence des lobbys sur la recherche scientifique sur les pesticides.
   En conférence de presse lundi, le ministre est revenu sur ses propos, affirmant s'être mal exprimé «dans le feu de l'action».

La fonction publique derrière l'agronome congédié
Un large pan de la fonction publique du Québec, des avocats de l'État jusqu'aux ingénieurs, se range derrière le lanceur d'alerte Louis Robert. Dans une lettre ouverte publié tôt ce matin, une coalition de syndicats regrette qu'un ministre ait autorisé personnellement son renvoi.
   Dans cette lettre intitulée «Quand le lanceur d'alerte devient la cible», on peut lire : «Nous, les syndicats, représentant l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique du Québec, sommes très préoccupés par ces événements.»
   Les auteurs regrettent qu'«une chasse à l'homme» ait été lancée au ministère de l'Agriculture, plutôt que de se concentrer sur la problématique de l'indépendance de la recherche publique sur les pesticides.

Les signataires représentent 73 000 employés de l'État québécois.

Article intégral

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(1) Nous avons tous été témoins d’attaques perverses à un niveau ou à un autre, que ce soit dans le couple, dans les familles, dans les entreprises, ou bien dans la vie politique et sociale. Pourtant, notre société se montre aveugle devant cette forme de violence indirecte. Sous prétexte de tolérance, on devient complaisant. La perversion fascine, séduit et fait peur. On envie parfois les individus pervers, car on les imagine porteurs d’une force supérieure qui leur permet d’être toujours gagnants. Effectivement, ils savent naturellement manipuler, ce qui semble un atout dans le monde des affaires ou de la politique. On les craint également car on sait instinctivement qu’il vaut mieux être avec eux que contre eux. C’est la loi du plus fort. De toute façon, on fait peu de cas de leurs victimes, qui passent pour faibles ou pas très malignes, et, sous prétexte de respecter la liberté d’autrui, on peut être amené à être aveugle sur des situations graves. Nous avons une indulgence inouïe à l’égard des mensonges et des manipulations des hommes de pouvoir.


La personnalité narcissique présente au moins cinq des manifestations suivantes :
- le sujet a un sens grandiose de sa propre importance;
- est absorbé par les fantaisies de succès illimité, de pouvoir;
- pense être «spécial» et unique;
- a un besoin excessif d’être admiré;
- pense que tout lui est dû;
- exploite l’autre dans les relations interpersonnelles;
- manque d’empathie;
- envie souvent les autres;
- fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants.

La mégalomanie
Les pervers narcissiques sont des individus mégalomanes qui se posent comme référents de la vérité, de la rectitude. On leur attribue souvent un air supérieur, distant. Ils présentent une absence totale d’intérêt et d’empathie pour les autres, mais ils souhaitent que les autres s’intéressent à eux. Tout leur dû. Ils n’admettent aucune mise en cause et aucun reproche. Les pervers entrent en relation avec les autres pour les séduire; on les décrit souvent comme des personnes séduisantes et brillantes.
   Dans la logique perverse, il n’existe pas de notion de respect de l’autre. Autrui n’existe pas, il n’est pas vu, pas entendu. Il est seulement «utile». La force des pervers est leur insensibilité. Ils ne connaissent aucun scrupule d’ordre moral. Ils ne souffrent pas. Ils attaquent en toute impunité car même si en retour les autres utilisent des défenses perverses, ils ont justement été choisis pour leur incapacité d’atteindre à la virtuosité qui les protègerait. Quand le pervers ressent une blessure narcissique (défaite, rejet), il éprouve un désir illimité d’obtenir une revanche; c’est une rancune inflexible à laquelle il applique toutes ses capacités de raisonnement. L’efficacité de ses attaques tient au fait que la victime ou l’observateur extérieur n’imagine pas qu’on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion envers autrui.

L’irresponsabilité
Les pervers se considèrent comme irresponsables parce qu’ils n’ont pas de d’objectivité véritable. Absents à eux-mêmes, ils le sont tout autant aux autres. Au fond, quand ils accusent les autres d’être responsables de ce qui leur arrive, ils n’accusent pas, ils constatent : puisque eux-mêmes ne peuvent pas être responsables, il faut bien que ce soit l’autre. Jamais responsables, jamais coupables : tout ce qui va mal est toujours de la faute des autres. Ils se défendent par des mécanismes de projection en portant au crédit d’autrui toutes leurs difficultés et leurs échecs. Ils se défendent aussi en déniant la réalité.

La paranoïa
Les pervers narcissiques tendent à se présenter comme des moralisateurs : ils donnent des leçons de probité aux autres. En cela ils sont proches des personnalités paranoïaques.

La personnalité du paranoïaque se caractérise par :
- l’hypertrophie du moi : orgueil, sentiment de supériorité;
- la psychorigidité : obstination, intolérance, rationalité froide, difficulté à montrer des émotions positives, mépris d’autrui, sarcasme;
- la méfiance : crainte exagérée de l’agressivité d’autrui, sentiment d’être victime de la malveillance de l’autre, suspicion, jalousie;
- la fausseté de jugement : elle interprète des évènements neutres comme étant dirigés contre elle.
   Cependant, à la différence du paranoïaque, le pervers, s’il connait bien les lois et les règles de la vie en société, se joue de ces règles pour mieux les contourner. Le propre du pervers est de défier les lois. Son but est de dérouter l’interlocuteur en lui montrant que son système de valeurs ne fonctionne pas, et ainsi de l’amener à une éthique perverse.
   La prise de pouvoir des paranoïaques se fait par la force tandis que celle du pervers se fait par la séduction – mais quand la séduction ne marche plus, il peut recourir à la force. La phase de violence est en elle-même un processus de décompensation paranoïaque : l’autre doit être détruit parce qu’il est dangereux. Il faut attaquer avant d’être soi-même attaqué.

Extrait de : 
Le harcèlement moral; la violence perverse au quotidien
Marie-France Hirigoyen (médecin, psychanalyste, psychothérapeute familiale) 
Pocket 1998

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