1 janvier 2019

«Transition» 2018-2019

Bienheureux les optimistes : I’m still looking for a permanent end to global insanity.

Que nous réserve 2019?   

Voilà bien l’une de nos préoccupations les plus grignoteuses d’énergie, de temps et d’argent. À chaque nouvel an, les astrologues et les diseurs de bonne aventure font fortune; on consulte pour connaitre sa propre bonne (ou mauvaise) fortune.  Des probabilités existent, mais ce ne sont que les résultats de choix antérieurs que nous avons oubliés (cause/effet). Par exemple, si vous avez trop levé le coude au réveillon, vous avez possiblement un mal de bloc carabiné. À plus grande échelle, nous avons pris des décisions qui nous affecteront tôt ou tard. Tout ce que nous faisons a des conséquences, qu’on le veuille ou non.

La classe moyenne sera-t-elle prospère, les pauvres pourront-ils encore se payer du baloney, les voitures électriques réduiront-elles le nombre de véhicules à passager unique (le conducteur), le pétrole restera-t-il la principale source d’énergie jusqu’en 2050? – des préoccupations périmées auxquelles il aurait fallu répondre avant hier.
   Justin Trudeau disait (à Davos) que l’accord transpacifique était bon pour le Canada parce que cela créerait plus d’emplois pour la classe moyenne. Cet accord pourrait signifier en effet plus de production/fabrication, mais aussi plus de main-d’œuvre jetable, plus d’objets jetables et encore plus de consommation (voie royale vers une culmination de pollution et de GES) : 
   Ratifié par le Canada en octobre dernier, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) est entré en vigueur dimanche. Représentant la plus vaste zone de libre-échange au monde, avec 500 millions de consommateurs provenant de 11 pays, cet accord vise aussi à faire contrepoids à l'influence commerciale de la Chine. Le Partenariat transpacifique lèvera les droits de douane sur 99 % des exportations canadiennes vers les pays partenaires. (Un texte de Michel Marsolais)

Probable que les consommateurs canadiens trouveront en épicerie de la viande de chiens et de chats, très populaire en Asie...

Notre merveilleux monde du plastique. Photo : Biju Boro Agence France-Presse. Tel Atlas condamné à porter la Terre sur ses épaules, cet ouvrier indien traîne sur lui un énorme sac contenant des bouteilles de plastique. Photographié le 4 juin, l’homme se dirige vers l’un des plus grands dépotoirs du nord-est de l’Inde, près de la ville de Guwahati. «D’ici 2050, il y aura plus de plastique dans les mers que de poissons», a déclaré cette année Erik Solheim, directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement. (Source : Photos de l’année 2018, Le Devoir, 31.12.2018)

L’absence de vision à moyen et long terme des décideurs politiques et de leurs économistes (atteints de cécité environnementale volontaire) nous enfonce chaque jour un peu plus dans un gouffre collectif – une doline colossale (sinkhole).
   Pourquoi perdre du temps à expliquer scientifiquement les effets du réchauffement climatique à des machines à cash pour qui les rationalistes, les vrais scientifiques et écologistes sont des ennemis.
   La bourse joue au yo-yo et pourrait nous concocter un krach – un combiné de 1929 et de 2008. Quand l’économie va trop bien, on crée de l’inflation, une récession ou on déclenche une guerre – ça remet les choses en place. Ajoutez à cela quelques catastrophes, naturelles et causées par les activités humaines, et 2019 pourrait être assez hideux.
   Nous nous divertissons en regardant des guignols faire semblant de régler le sort du monde et de vouloir la paix... Dans quel état sortirons-nous de ce cauchemar, si nous en sortons?

«Maintenant, il appartient aux peuples du monde entier de choisir : voulons-nous vivre, ou voulons-nous mourir tranquillement? Je ne dis pas cela à la légère. Personne ne veut dire à ses enfants et petits-enfants : «Je suis désolé de tout ça. Je suppose que nous vous avons laissés avec des défis menaçants dans un monde de plus en plus toxique et appauvri. Mais ne vous inquiétez pas. Vous pourrez toujours regarder la téléréalité pour éviter de regarder la réalité. Oui, la crise est une occasion d'évoluer. Mais... la fenêtre ne restera ouverte qu’un certain temps. Lorsque la fenêtre sera fermée, eh bien... il sera trop tard.» ~ Steve Bhaerman (18 décembre 2013)

«Le remarquable développement de l’intelligence humaine s’est accompagné de la faculté de s’aveugler volontairement devant la réalité. Une colonie de fourmis, une bande d’oiseaux migrateurs ou une meute de loups ne se comporte jamais de façon ‘stupide’ et ne prend pas de décision qui nuit de toute évidence à leur survie ou à celle de leur espèce. La ‘stupidité est le propre de l’homme’, et mon intention en disant cela n’est pas d’offenser les humains mais de les inciter à davantage de bon sens.
   Il y a deux langues distinctes maintenant – le langage de l'économie et le langage de l'écologie – et elles ne convergent pas. C’est l’économie qui doit servir les gens, et non pas les gens qui doivent servir l’économie.» ~ Manfred Max-Neef, économiste et environnementaliste

Plusieurs Américains aimeraient voir Donald Trump démissionner ou être destitué. Mais il faudrait que le vice-président Mike Pence subisse simultanément le même sort car à mon avis c’est lui qui mène la galère. Son rêve le plus cher a toujours été de devenir président...

Pence, la main de la Main de Dieu. Photomontage : Tim O’Brien, The Atlantic

Aux États-Unis, nous voyons une sorte de djihad chrétien orchestré par Mike Pence en vue d’établir un gouvernement chrétien radical. Il se déclare, dans cet ordre d’importance : ‘chrétien, conservateur et républicain’. Je le cite : «Le réchauffement climatique est un mythe; l’accord de Paris est un désastre. L’ennemi est la laïcité. Nous voulons un gouvernement dirigé par Dieu. C'est le seul gouvernement légitime. Nous voulons un capitalisme biblique, fondé sur l'idée que notre système économique est organisé par Dieu. C’est Dieu qui commande et guide les décisions de l’administration Trump.» Pourtant, l’homme est un humain ordinaire, cependant outrageusement prétentieux, qui se déresponsabilise de ses actes en prétendant être guidé par Dieu.
   Le tsunami chrétien hardcore (catholique, protestant, évangéliste born again) prend de l’expansion à travers les Amériques, du sud au nord, et au Canada nous avons des copiés-collés de Pence ou de Bolsonaro qui grafignent pour obtenir le pouvoir.

La main invisible a-t-elle le pouce vert?

Les faux-semblants de «l’écologie industrielle» au XIXe siècle 
Jean-Baptiste Fressoz, 2016

Cet article propose une critique historique de l’écologie industrielle en étudiant son émergence au début de la révolution industrielle. Dès cette époque, le discours du recyclage était aussi une forme de greenwashing avant la lettre servant à désamorcer les contestations environnementales. Dans l’économie politique anglaise le recyclage sanctifiait la grande industrie en l’intégrant dans l’horloge chimique de la nature. En France, les industriels insistaient sur la congruence naturelle entre la réduction de la pollution et l’augmentation de leurs profits pour mettre en avant leur capacité à transformer sans perte la matière. L’intérêt d’exhumer l’ancienneté de la promesse d’une écologie industrielle, de souligner sa répétition à deux siècles et une crise environnementale globale d’écart est de questionner le rêve d’une main invisible gérant de manière optimale les flux de matières.

Ndlr : article que je n’ai pas lu car il faut être abonné. En tout cas, la main invisible qui guide l’administration Trump/Pence a le pouce noir de pétrole et de charbon.

Avec un Jair Bolsonaro d'extrême droite, qui prenait aujourd’hui ses fonctions à la présidence du Brésil, on peut s’attendre au pire. Il est massivement soutenu par les conservateurs du pays, notamment les chrétiens évangéliques qui représentent un quart de l'électorat. Bolsonaro entend ouvrir de larges zones de l’Amazonie à la culture du soya et à l’exploitation minière. Conséquemment il abolira les mesures de protection des terres indigènes pour les livrer à l’agrobusiness. Pour les communautés autochtones, cela signifie : esclavage (main-d’œuvre jetable) ou déportation vers des bidonvilles ou carrément assassinats/génocide. Vidéo (1).  Bible|Balles|Bœuf... «En enfer le Diable est un personnage positif.» ~ Stach 

Jour de la terre 2035

Y aura-t-il une COP50 gérée par intelligence artificielle?

Entre déni et espoir, «les mécanismes de défense» face au changement climatique

Par François Vantomme
Le Courrier australien | Le 16 décembre 2018

Déni, espoir ou même Dieu... Face à la terrible vérité scientifique du changement climatique, les humains mettent en place divers «mécanismes de défense psychologiques», explique à l’AFP le philosophe australien Clive Hamilton. Peu nombreux sont ceux capables de «vivre avec, au quotidien», poursuit l’auteur du best-seller «Requiem pour l’espèce humaine».

Q: Est-ce que la menace liée au changement climatique a été minimisée?
   R: L’accusation d’«alarmisme climatique» est une invention astucieuse d’une entreprise de relations publiques travaillant pour les énergies fossiles. En fait, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement ont hésité à dire la vérité au public sur l’ampleur et l’irréversibilité du réchauffement.
   Il y a plusieurs raisons pour minimiser les dangers. Certains scientifiques se sont laissés intimider, subissant les attaques constantes des négationnistes de la science climatique et des politiques conservateurs. Ce sont des êtres humains, mais en tant qu’experts ils ont une responsabilité d’informer la population sur la science, surtout quand les pires scénarios deviennent réalité.
   Les défenseurs de l’environnement ont d’autres raison. Ils sont convaincus que raconter des histoires de fin du monde est contreproductif, qu’ils doivent donner de l’espoir aux gens parce que la morosité les immobiliserait ou bien  ils voudraient faire la fête en attendant de mourir. En fait, l’histoire montre qu’une fois que les êtres humains sont mis en face de la vérité, aussi horrible soit-elle, ils répondent de la meilleure manière possible.
   Quand quelqu’un me dit «nous devons donner de l’espoir aux gens», je lui réponds : «Espoir de quoi?» Nous avons dépassé le cap d’un réchauffement climatique réversible. La question est maintenant: que devons-nous faire pour le contenir sous les +2°C et non +4°C?
   [En face], un vœu pieu est propagé par certains, convaincus [...] que les humains vont créer un monde magnifique de prospérité pour tous dans un jardin des délices. De manière surprenante, cette vision a de l’influence, surtout aux États-Unis où l’optimisme est enraciné dans la culture. Avec leur longue histoire sanglante de violences des hommes, les Européens sont mieux préparés psychologiquement pour ce qui va arriver.

Q: Vous avez dit un jour «nous sommes tous des climatosceptiques». Que vouliez-vous dire?
   R: Le nombre de gens ayant accepté l’entière vérité de la science climatique a longtemps été très réduit. Mais récemment ça a augmenté. De plus en plus de jeunes apprennent cette science climatique à l’école, sont en colère et réclament des actes.
   Mais même ceux d’entre nous qui connaissent toute la vérité ont du mal à vivre avec au quotidien. Il y a ceux qui nient la vérité, ceux qui se disent que ça ne peut pas être si terrible, ceux qui croient qu’une solution sera trouvée pour faire disparaître le problème, et ceux qui connaissent la vérité mais qui ne la laisse sortir que par moment. Seuls quelques uns, avec des ressources psychologiques fortes, sont capables de vivre avec en permanence. Certains militants sont comme ça.
   Cela fait peur de penser à un monde à +4°C, les extinctions, les mauvaises récoltes, les migrations de masse, les tempêtes et les incendies. Alors on se protège en utilisant des mécanismes de défense psychologiques. On l’ignore, on ne lit pas certains reportages, on se dit que les humains ont résolu d’autres problèmes difficiles, ou on espère que Dieu nous sauvera.

Q: À la COP21 à Paris, en 2015, vous étiez optimiste sur le fait que l’humanité parvienne à être à la hauteur. Qu’en est-il aujourd’hui?
   R: La COP de Paris était unique (...), on avait l’impression d’être enfin à un tournant. L’ambiance était grisante, et je suis tombé dans le piège. Quelques obstinés comme (le scientifique) Kevin Anderson, disaient «il est trop tard, ça ne marchera pas», mais j’ai choisi d’écouter des gens engagés convaincus que c’était un tournant. Une lueur d’espoir après des années d’accablement semblait libérateur. J’aurais dû me méfier. Qu’est-ce qui s’est passé? En un mot, Trump. N’oubliez-pas qu’il a été élu en tant que climatosceptique.


Le deuil environnemental : voilà où j’en suis. Le néologisme solastalgie correspond au désarroi et à la tristesse ressentis face à la destruction de notre environnement individuel et planétaire. Le concept a été développé par le philosophe Glenn Albrecht pour donner plus de sens et de clarté à la détresse provoquée par les changements environnementaux. La solastalgie apparaît quand on est privé de l’essence même de son environnement dans la réalité présente, dont s’ensuit un sentiment de ne plus se sentir chez soi sur son propre territoire.


Ainsi que l’écrit Peter Dauvergne dans son livre Environmentalism of the rich (L’écologisme des riches) :
    «Il est facile de se laisser happer par l’écologisme des riches. Il suinte l’optimisme et se prétend pragmatique et réaliste, en faisant appel à la volonté compréhensible de dépasser le pessimisme et le cynisme – dont est souvent taxé l’activisme écologique de la «vieille école». Les solutions qu’il propose sont le fruit de l’innovation et du business, de la création de richesse, des nouvelles technologies, des éco-marchés, du libre-échange, des investissements étrangers, d’un développement plus poussé, et non pas de nouvelles législations pour contenir les excès et transformer les modes de vie. Tout ce qui est nécessaire, ce sont de petites étapes et de petits changements, permettant de faire croire aux gens qu’ils progressent en direction de la soutenabilité sans avoir à sacrifier quoi que ce soit.»
   Il ne faut pas confondre des riches qui cherchent à préserver leur mode de vie de riche avec l’écologie. Ce sont deux choses très différentes. L’écologie, c’est Jairo Sandoval Mora, tué le 31 mai 2013 alors qu’il protégeait les nids des tortues marines sur la plage de Moin à Limon, sur la côte caraïbe du Costa Rica. C’est Berta Caceres, assassinée le 2 mars 2016 au Honduras parce qu’elle luttait contre la construction d’un barrage hydroélectrique, ces mégamachines qui tuent les fleuves et les rivières mais dont les gouvernements, les multinationales et les médias grand public disent qu’elles produisent une énergie «verte», ces énergies que les Cyril Dion du monde promeuvent. L’écologie, ce sont tous ceux que l’on assassine chaque année, en Afrique, parce qu’ils s’opposent au braconnage d’animaux sauvages ou aux trafics de bois précieux, et ceux qui sont menacés de mort ou que l’on jette en prison pour ces mêmes raisons, comme Clovis Razafimalala, à Madagascar. L’écologie, c’est Isidro Baldenegro López, assassiné le 15 janvier 2017 à Coloradas de la Virgen, au Mexique, parce qu’il luttait pour préserver les forêts de la Sierra Madre. L’écologie c’est Rémi Fraisse. L’écologie, ce sont les zadistes qui luttent pour préserver la vie sauvage à Notre-Dame-des-Landes et ailleurs. Et tous les autres qui, partout sur Terre, cherchent à défendre le monde naturel, les biomes et leurs communautés biotiques, par amour et parce qu’ils savent que sans eux, ils ne seraient pas.
   Tandis que l’on s’enfonce collectivement dans une dystopie digne de 1984 et du Meilleur des mondes, où l’appareil de surveillance étatique ne cesse de se perfectionner et d’être toujours plus envahissant, où l’individu, toujours plus dépossédé, au point de n’avoir plus aucune influence sur le développement de la société dont il participe, subit, impuissant, les décisions prises par les élites au pouvoir, tandis que toutes les tendances indiquent clairement que la situation écologique ne fait et ne va faire qu’empirer au cours des prochaines décennies (triplement de la surface mondiale urbanisée, croissance frénétique de la production mondiale de déchets et des extractions minières, réchauffement climatique qui ira en s’aggravant étant donné que les émissions de GES ne cessent d’augmenter, etc.), les discours absurdes des Cyril Dion et autres Isabelle Delannoy ne nous sont d’aucune aide. Bien au contraire.  
~ Nicolas Casaux, Le Partage

Article intégral :

 
(1) Isidro Baldenegro López, assassiné le 15 janvier 2017 

Un exposé lucide sur ladite transition énergétique

Transition, piège à con?  


Jean-Baptiste Fressoz est historien des sciences des technologies et de l'environnement et chercheur au CNRS

En matière d'écologie, la transition énergétique est l'un des grands sujets abordé à longueurs de COPs. Nos sociétés seront-elles capable de basculer d'un régime d'énergies fossiles à un nouveau modèle basé sur les énergies renouvelables? La question est discutée depuis des décennies, les rapports et les expérimentations concrètes se succèdent mais pour Arcadia, nous avons choisi d'aborder la question autrement. De revenir aux bases. Qu'est-ce qu'une réelle transition énergétique? Une telle bascule a-t-elle déjà eu lieu dans l'histoire de l'humanité? Que peut nous raconter l'histoire des énergies face à cet enjeu climatique?
Sommaire :
00:00 : Présentation
00:45 : Le mythe de la transition énergétique
04:00 : Une histoire d'additions
13:04 : Les (tristes) exemples de transitions «radicales»
16:42 : L'origine de l'expression «transition énergétique»
21:15 : L'histoire oubliée des énergies alternatives
22:25 : L'ère de la pédale
25:23 : L'énergie hydraulique
30:45 : L'énergie éolienne
31:30 : L'énergie solaire
37:23 : L'imposition du monopole automobile
48:19 : L'histoire de l'énergie et ses luttes
50:16 : «L'environnement» dans Révolution Industrielle
54:26 : La transition énergétique aujourd'hui?
55:20 : L'armée dans l'histoire de l'énergie
59:02 : La voiture électrique et autonome
1:00:54 : Au-delà des énergies primaires
1:02:42 : Échanges


«L’expression transition énergétique est source de confusion. Cette appellation masque la persistance des systèmes anciens et sous-estime la transformation à opérer. Mais l’usage du mot «transition» repose ici sur un sérieux malentendu. Ce que les historiens étudient sont en fait des «additions énergétiques» et non des transitions.
   Par exemple, le gaz d’éclairage n’a pas supprimé les bougies, et les machines à vapeur n’ont pas remplacé la force musculaire : au contraire, la production de bougies explose au XIXe siècle, et le nombre de chevaux atteint son sommet historique dans les années 1900. Même dans l’industrie sidérurgique, où l’usage de la houille est précoce, le bois reste dominant jusque dans les années 1860 en France et jusqu’au XXe siècle en Suède.
   Des énergies additionnées au cours du temps : On ne passe pas simplement du bois au charbon, puis du charbon au pétrole, puis du pétrole au nucléaire, ces sources d’énergie n’ont fait que s’additionner au fil du temps.
   Si, au cours du XXe siècle, l’usage du charbon décroît relativement au pétrole, il reste que sa consommation croît continûment, et qu’on n’en a jamais autant brûlé qu’en 2017. Et pour l’instant, le nucléaire et les renouvelables n’ont fait qu’ajouter une fine couche supplémentaire à un mix énergétique qui demeure fondamentalement carboné selon les scientifiques.» (Jean-Baptiste Fressoz, Le Monde, 23 octobre 2018)

BIBLIOSURF

L'Apocalypse joyeuse Une histoire du risque technologique
Jean-Baptiste Fressoz; Seuil 2012

Résumé – Sommes-nous les premiers à distinguer dans les lumières éblouissantes du progrès technique, l’ombre de ses dangers? En occultant la réflexivité environnementale des sociétés passées, ce schéma simpliste dépolitise l’histoire longue de la destruction des environnements et nous empêche de comprendre les ressorts de la crise contemporaine. Pour éviter cette amnésie, une histoire politique du risque technologique et de sa régulation sur la longue durée était nécessaire.
   L’Apocalypse joyeuse expose l’entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans la modernité industrielle (fin XVIIIe-XIXe siècle) : celle des vaccins, des machines, des usines chimiques et des locomotives. Elle nous plonge au cœur des controverses vives qui surgirent autour des risques et des nuisances de ces innovations, et montre comment les critiques et les contestations furent réduites ou surmontées pour qu’advienne la société industrielle.
   L’histoire du risque ici racontée n’est pas celle d’une prise de conscience, mais celle de la construction d’une certaine inconscience modernisatrice.

L'Événement Anthropocène La Terre, l'histoire et nous; co-auteurs Jean-Baptiste Fressoz et Christophe Bonneuil; Seuil 2013

Résumé – Les scientifiques nous l’annoncent, la Terre est entrée dans une nouvelle époque : l’Anthropocène. Ce qui nous arrive n’est pas une crise environnementale, c’est une révolution géologique d’origine humaine.
   Depuis la révolution thermo-industrielle, notre planète a basculé vers un état inédit. Les traces de notre âge urbain, consumériste, chimique et nucléaire resteront des milliers voire des millions d’années dans les archives géologiques de la planète et soumettront les sociétés humaines à des difficultés considérables. Comment en sommes-nous arrivés là?
   Faisant dialoguer science et histoire, les auteurs dressent l’inventaire écologique d’un modèle de développement devenu insoutenable, ébranlent bien des idées reçues sur notre prétendue «prise de conscience environnementale» et ouvrent des pistes pour vivre et agir politiquement dans l’Anthropocène.

«En fait, dans le discours de l’anthropocène il y a deux versants : il y a un versant plutôt écolo et puis il y a un versant très technophile. Il y a cette idée que pendant deux siècles on a été dans un anthropocène un peu bête, et que maintenant on va vivre dans un «bon anthropocène». C’est un discours qui est en train de s’imposer et qui revient à donner une fois encore le pouvoir aux savants. Ce n’est pas un hasard si Paul Crutzen, l’inventeur du mot anthropocène est aussi l’un des promoteurs de la géo-ingénierie qui consiste à manipuler la haute atmosphère pour la rendre plus réfléchissante, pour envoyer un peu d’énergie dans l’espace et réduire ainsi les effets du changement climatique. C’est très critiquable pour toute une série de raisons, mais disons que l’aspect le plus dangereux c’est qu’on ne sait pas trop ce que ça peut donner, c’est extrêmement incertain. Et puis surtout, une fois qu’on aura fait ça, on ne peut plus s’arrêter. Si on commence à manipuler artificiellement les caractéristiques de l’atmosphère, on ne va plus faire d’effort de réduction de CO2. Ce qui fait que, le jour où on arrête ces techniques-là, il va y avoir un effet de rattrapage catastrophique puisqu’en quelques années la température va augmenter beaucoup plus brutalement qu’elle ne l’aurait fait sinon.
   Il va encore y avoir des débats sur le fait de savoir si on est vraiment rentrés dans l’anthropocène, sur la date de départ, mais d’un point de vue symbolique, ce qui est important, c’est que ce qu’on vit n’est pas simplement une crise environnementale, mais c’est une révolution géologique d’origine humaine. C’est important par rapport à la temporalité relativement courte de la crise environnementale parce que derrière le mot «crise» il y a l’idée qu’on va sortir à un moment ou un autre de la crise, qu’on va clore cette période de crise, qu’on va rentrer à nouveau dans une époque normale. Ce que dit la notion d’anthropocène, c’est que ça, c’est vraiment illusoire!»

Source :
Interview de Jean-Baptiste Fressoz

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