12 février 2017

S.V.P. pas de rodéo au 375e de Montréal

Contexte : Le directeur des rodéos du Festival western de St-Tite, Sylvain Bourgeois, a proposé un rodéo pour les festivités du 375e de Montréal.

La SPCA ne veut pas de rodéo dans le Vieux-Port
La Presse, le 13 janvier 2017

Le rodéo urbain NomadFest doit se dérouler du 24 au 27 août, au quai Jacques-Cartier. Il est produit par la firme TKNL, qui a confié le volet rodéo de l'événement au Festival western de St-Tite. 
     «Les épreuves de rodéo soumettent les animaux à un stress et à des souffrances inutiles dans le seul but de divertir», s'insurge la SPCA dans son message sur Facebook, qui avait été partagé jeudi soir par plus de 1200 internautes. 
     «On se demande vraiment quelle est la pertinence d'organiser un rodéo dans le cadre du 375e, alors que l'objectif des célébrations devrait être d'honorer l'histoire de Montréal. Ce projet, qui sort de nulle part, rate complètement l'objectif», dénonce aussi Sterling Downey, conseiller de la Ville dans l'arrondissement de Verdun et porte-parole de Projet Montréal en matière de gestion animale.

Mise à jour le 12 février 2017 (La Presse)

L'un des principaux commanditaires du 375e anniversaire de Montréal se dissocie du rodéo prévu en août dans le cadre des festivités. Loblaw confirme avoir décidé de ne pas soutenir l'évènement dénoncé par une campagne de groupes luttant contre la cruauté envers les animaux. 
      Depuis quelques semaines, des organisations font pression afin de demander l'annulation du NomadFest Rodéo Urbain, prévu cet été dans le cadre des festivités entourant l'anniversaire de la fondation de Montréal. Parmi celles-ci, l'Alliance pour les animaux du Canada a décidé d'aller plus loin en contactant les 12 principaux commanditaires du 375e afin de les convaincre de ne pas soutenir cette activité. 
     L'Alliance pour les animaux n'est pas la seule à s'en prendre au NomadFest Rodéo. Depuis quelques semaines, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) fait campagne contre la tenue d'un rodéo à Montréal dans le cadre du 375e anniversaire.
     Les organisateurs du NomadFest continuent à défendre leur évènement, assurant qu'il ne donnera pas lieu à des actes de cruauté animale. Ils précisent ne pas planifier des activités fréquemment décriées par les militants pour les animaux, comme les courses Chuckwagon ou attraper des veaux au lasso. 
     Le NomadFest Rodéo Urbain doit avoir lieu du 24 au 27 août 2017. Organisé par le Festival western de Saint-Tite, l'évènement présentera quatre rodéos dans une arène de 5000 spectateurs aménagée au quai Jacques-Cartier, dans le Vieux-Port.

Le rodéo n’est pas un hommage à Montréal mais une insulte à la ville et au Québec

Lettre du vétérinaire Jean-Jacques Kona-Boun adressée au maire Denis Coderre
Source : https://fr-ca.facebook.com/SPCAMontreal/ (voyez aussi la pétition)

Saint-Hyacinthe, dimanche 15 janvier 2017
Destinataire : monsieur Denis Coderre, maire de Montréal.
Expéditeur : monsieur Jean-Jacques Kona-Boun, médecin vétérinaire.
Sujet : Rodéo du NomadFest pour le 375e anniversaire de Montréal.

Monsieur le maire,

J’ai eu la grande déception d’apprendre récemment qu’un rodéo était prévu pour la célébration du 375e anniversaire de la ville de Montréal. J’aimerais, sans aucun irrespect, vous rappeler (ou peut-être vous apprendre), que le rodéo est fondé sur la violence, ainsi que le stress et la peur engendrés chez les animaux qui sont utilisés dans les épreuves de lutte et de domination par l’être humain.

Les adeptes de cette activité prétendent qu’ils aiment leurs animaux, que ces derniers sont en bonne santé et qu’ils n’ont aucun intérêt à les blesser. 
     Tout d’abord, la notion d’amour est très relative et je doute que même parmi les adeptes des rodéos, ceux qui «aiment» leurs animaux de compagnie accepteraient de leur faire subir les mêmes tourments qu’aux animaux de rodéos utilisés dans les épreuves de lutte et de domination (qui, par tradition, ne sont pas considérés comme des animaux de compagnie et n’ont aucune valeur affective, au moins pour les veaux, les bouvillons et les taureaux). 
     Ensuite, il est important de comprendre qu’un état de santé jugé bon avant les épreuves, même suite à un examen vétérinaire, ne signifie absolument pas que ces épreuves n’infligent pas de la souffrance, de même que l’absence de blessures externes ou de troubles locomoteurs après les épreuves n’exclut pas non plus des lésions internes ni la souffrance, qu’elle soit physique ou psychologique. De plus, il faut être conscient que l'absence de blessures visibles extérieurement ne signifie pas l’absence de lésions internes, cachées par les parois musculaires des cavités, la peau et les poils. Ce n'est pas parce qu'un animal ne démontre pas de lésions externes ni de signes cliniques (encore faut-il procéder à un examen physique soigné après chaque épreuve) qu'il ne peut pas ressentir la peur, la douleur ou avoir des dommages internes. 
     Finalement, le désir de ne pas blesser les animaux est uniquement dû au fait qu’ils ont de la valeur économique. Le principal argument présenté pour justifier qu’il n’est pas dans l’intérêt des cow-boys (on ne parle pas de l’intérêt des animaux!) de blesser les animaux est que ceux-ci valent très cher et qu’ils représentent un gros investissement financier! On ne parle cependant que des chevaux et des taureaux de valeur mais on oublie les veaux et les bouvillons utilisés dans les épreuves de lutte comme de la vulgaire chair à canon.

Ces activités brutales engendrent une réponse de fuite chez les animaux et c'est de la peur ainsi que de cette fuite du danger que dépend le succès du spectacle. Le traumatisme psychologique est probablement pire pour les veaux, des animaux juvéniles découvrant le monde et dépourvus de la compréhension de ce qui leur arrive et qui, après avoir été poursuivis, sont brutalement stoppés dans leur course avant d'être plaqués au sol et ligotés. Ces activités imposent inévitablement de la souffrance. Il est trompeur d'insinuer que la courte durée de certaines épreuves atténue l'intensité des souffrances physiques et psychologiques endurées par les animaux. De plus, un spectacle de quelques secondes requiert des heures de pratiques durant lesquelles plusieurs animaux sont brutalisés. Leur souffrance physique est inévitable et il serait erroné de conclure à l'absence de douleur par l'absence de lésions visibles extérieurement. Les animaux pourchassés sont en mode survie et eux aussi sont sous l'influence de l'adrénaline, qui peut masquer bien des manifestations cliniques de dommages corporels internes ou externes.

Dans son énoncé de Position officielle sur l'usage des animaux dans les activités de divertissement, l'Association Canadienne des Médecins Vétérinaires (ACMV) «…s’oppose aux activités, aux concours et aux épreuves qui présentent une probabilité élevée de blessures, de détresse ou de maladies…». L'ACVM soutient également que «…les animaux ne devraient pas être forcés d’exécuter des actes ou des tâches qui suscitent une détresse ou un malaise physique ou mental…». 
     Selon l'ACVM, il est du devoir des vétérinaires de ne pas encourager et même de décourager l'usage des animaux pour le divertissement : «…Les activités qui présentent des actes non caractéristiques à l’espèce ou qui forcent les animaux à exécuter de tels actes devraient être découragées de façon à ne pas blesser l’animal ni à tromper le public quant à la nature réelle de l’animal…». Cela inclut «…notamment les zoos, les aquariums et d’autres expositions d’animaux; les animaux utilisés pour des besoins médiatiques, les cirques et les rodéos; et les concours équestres et autres épreuves sportives auxquelles participent les animaux…». Bien avant cette prise de position officielle en 2010, l'ACVM avait déjà déclaré que supporter la pratique du rodéo était contraire aux principes de base de la médecine vétérinaire: «…Puisque les vétérinaires et la médecine vétérinaire s'occupent du bien-être de tous les animaux, il n'est pas possible pour la profession d'appuyer de façon positive les pratiques qui font partie intégrante des rodéos. Le succès des rodéos se fonde inévitablement sur une exploitation des réactions des animaux à la douleur, au bruit et à la peur, ainsi qu'au désir des animaux de fuir…». (Déclaration de l'Association Canadienne des Vétérinaires au sujet des rodéos, Revue Vétérinaire Canadienne, juin 1985) 
     Les animaux utilisés lors des rodéos sont des êtres sensibles, capables de ressentir la souffrance, aussi bien psychologique (trop souvent ignorée ou négligée) que physique, et c'est cette capacité de ressentir la souffrance qui est exploitée par les adeptes des rodéos, c'est une caractéristique hautement désirée et nécessaire pour la réussite de ce genre d'activité brutale. En effet, quel intérêt y aurait-il à faire des épreuves sur des animaux figés, statiques, qui ne fuiraient pas ni ne se débattraient! L'ACMV s'oppose donc explicitement à toute activité de divertissement susceptible de causer des maladies, des blessures, de la détresse ou un malaise physique ou mental.

J’ai moi-même assisté, avec d’autres personnes soucieuses du bien-être animal, à des rodéos, dont un à Saint-Tite en 2015. Nous avons filmé et photographié les épreuves, notamment celles de la prise des veaux au lasso et du terrassement des bouvillons. Ces images ne mentent pas et démontrent clairement la brutalité, la violence exercée durant les épreuves de lutte et de domination. Il existe beaucoup d’autres photographies et vidéos disponibles sur internet mais je vous montre celles-ci afin que l’on ne puisse pas rétorquer que je n’ai jamais assisté moi-même à un rodéo ou encore que cela ne se passe pas au Québec ou encore que cela fait longtemps et que les choses ont changé depuis. 
     Sur les deux photographies suivantes, on voit deux bouvillons pendant des épreuves de terrassement, se faisant violemment projeter au sol (une définition de «terrasser» est: «jeter à terre avec violence au cours d'une lutte»). On peut remarquer que le cou des pauvres animaux est soumis à une torsion de près de 180 degrés dans son axe longitudinal, cette torsion étant survenue avec force et rapidité.

Terrassement du bouvillon, rodéo de Saint-Tite 2015

Terrassement du bouvillon, rodéo de Saint-Tite 2015

Comment peut-on prétendre qu'aucune lésion cervicale (vertébrale, spinale ou autre) ne peut se produire suite à un tel stress mécanique! Ces animaux sont même chanceux d'avoir pu se relever (ce n'est pas toujours le cas!), toutefois cela n'exclut certainement pas la présence de douleur cervicale et possiblement de lésions osseuses et neurologiques pouvant se manifester plus tard, quand l'animal sera rendu à l'abri des regards et que personne ne pourra témoigner des conséquences de cette brutalité barbare! Sans image photo ou vidéo, il est très facile de manquer cela car tout se déroule très vite, tout comme beaucoup d’autres coups, tractions, projections infligés aux animaux. 
     Voici une vidéo de prise de veau au lasso, produite également lors du rodéo de Saint-Tite de 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=S4veBpRpKZ0&feature=youtu.be

Dès les premières secondes, on peut constater la violence exercée sur les fragiles animaux juvéniles que sont les veaux. Alors que le veau court à pleine vitesse (on peut se demander pourquoi un veau courrait aussi vite en ligne droite s’il n’y est pas forcé!), il est violemment stoppé dans sa course par une strangulation qui le fait lever dans les airs et retomber au sol sur son dos. On n’oserait jamais infliger cela à des chiots! Imaginez faire courir un jeune chien et tirer soudainement sur sa laisse de manière à l’étrangler et le projeter au sol à la renverse! Cette brutalité est susceptible de causer des lésions laryngées, trachéales, musculaires, vertébrales, etc., et il est arrivé que des veaux ne se relèvent pas, comme le démontre la vidéo entre les temps 1 minute et 1 minute 20 secondes : https://www.facebook.com/wildedreams/videos/1006231756155461/
Vous constaterez aisément que les situations sont très similaires, alors pourquoi risquer de causer des blessures possiblement fatales dans une activité qui n’est absolument pas nécessaire, tout simplement?

En ce qui concerne les épreuves de monte des chevaux et taureaux dits «sauvages» l’usage d’une sangle abdominale n’est pas associé à des risques de dommages comme dans le cas des épreuves précédentes. Toutefois, le but de cette sangle est de causer chez l’animal une réponse aversive de fuite, un comportement d’évitement vis-à-vis d’un stimulus désagréable dont il veut se soustraire. Cela n’a pas besoin d’être atrocement douloureux, c’est aussi une forme de souffrance infligée aux animaux dans le seul but de se divertir. 
     Dans une entrevue réalisée en 2013 par Le Nouvelliste, le vétérinaire en chef de l'équipe Rodéo-Vet se rappelle qu’un cheval sauvage qui avait souffert d’une fracture à la patte avait été euthanasié à l'intérieur du manège (Des animaux qu’on bichonne, Le Nouvelliste, 11 septembre 2013). 
     Afin d’éviter de bouleverser les spectateurs, l'équipe de Rodéo-Vet avait adopté des mesures afin de ne plus tuer les animaux devant la foule : «…On ne veut pas blesser de gens sensibles. Les gens en général aiment les chevaux. Maintenant, quand survient un accident de rodéo, on a une équipe de manège sur place qui est entraînée de façon à minimiser l'impact de l'accident. Elle peut transporter l'animal sur civière hydraulique jusque dans une remorque d'urgence toujours garée en attente et de là, dans nos écuries. [...] Les accidents de rodéo les plus courants sont surtout des fractures…».
Ce médecin vétérinaire admet lui-même que les risques sont très réels et que les accidents causent du stress, de la souffrance et parfois la mort. Il parle cependant principalement des chevaux, passant sous silence le sort des animaux plus vulnérables au rodéo, notamment des petits veaux.

Le Québec s’est récemment doté d’une loi afin d’améliorer la protection des animaux : la loi B-3.1 sur le bien-être et la sécurité de l’animal : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/pdf/cs/B-3.1.pdf.

L’usage des animaux dans les rodéos contrevient clairement à plusieurs dispositions de cette loi.
     Dans son deuxième chapitre, «Obligation de soins et actes interdits», la loi B-3.1 stipule par son cinquième article que «…Le propriétaire ou la personne ayant la garde d’un animal doit s’assurer que le bien-être ou la sécurité de l’animal n’est pas compromis. Le bien-être ou la sécurité d’un animal est présumé compromis lorsqu’il ne reçoit pas les soins propres à ses impératifs biologiques…». 
     La loi exige que l’animal «…ne soit soumis à aucun abus ou mauvais traitement pouvant affecter sa santé…». 
     Le sixième article du même chapitre «Obligation de soins et actes interdits» stipule que «…Nul ne peut, par son acte ou son omission, faire en sorte qu’un animal soit en détresse…». 
     Les situations causant de la détresse sont ensuite énumérées :
«…1° il est soumis à un traitement qui causera sa mort ou lui fera subir des lésions graves, si ce traitement n’est pas immédiatement modifié;
2° il est soumis à un traitement qui lui cause des douleurs aiguës;
3° il est exposé à des conditions qui lui causent une anxiété ou une souffrance excessives…».

Au vu de cette loi, il devient de plus en plus évident que le rodéo tel qu’il existe actuellement n’est plus une activité qui peut être tolérée par la société québécoise.

En conclusion, monsieur le maire, le rodéo n’est pas du tout une activité représentative de la ville de Montréal. À une époque où le Québec essaie de changer son image très négative relativement au traitement des animaux parmi les autres provinces canadiennes, autoriser qu’une telle activité brutale et méprisant le bien-être animal se déroule à Montréal représente une insulte à la ville et à la population québécoise plutôt qu’un hommage.

Sincèrement,

Jean-Jacques Kona-Boun, DMV, MSc
Diplômé de l’American College of Veterinary Anesthesia and Analgesia

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Note personnelle : aux États-Unis on électrocute encore les chevaux pour les rendre plus ‘fougueux’. Voyez l'onglet MPH ci-haut.

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