Quel est le lien entre le sucre et la famine? L’agrobusiness planétaire.
Comme on disait autrefois, «nous creusons notre tombe avec nos dents», et celle de ceux qui n’ont rien à se mettre sous la dent. Tandis qu’une grave famine sévit en Afrique, les foodies discutent en ondes à savoir s’il faut mettre ou non des ananas sur la pizza – si vous aimez les reflux gastriques, essayez! En fait, cela illustre simplement un niveau de superficialité ou d’indifférence affligeant. L’idée n’est pas de nous culpabiliser, mais de réfléchir sérieusement à notre rapport avec la nourriture, de réviser nos «priorités» et d’user de discernement.
Un commerce des plus lucratifs pour l’agrobusiness
La production mondiale de sucre était évaluée à environ 180 millions de tonnes en 2014-2015. Elle est surtout dominée par le Brésil, et ensuite l’Inde, l’Union européenne et la Chine. La production du sucre de canne représente la majorité de la production mondiale (environ 80 %) et se concentre principalement en Asie, en Amérique du Sud et en Amérique centrale. La production de la betterave à sucre continue d’être contrôlée par l’Union européenne, suivi de la Russie et des États-Unis. (Institut canadien du sucre, 15 mai 2016) Mais cela ne suffit pas, on extrait du sucre de plusieurs autres plantes et arbres : érable, agave, cocotier, palmier dattier, palmier à sucre, sorgho, courge sucrière du Brésil, etc.
[Avez-vous une idée de ce que cela représente en hectares de terre? Ajoutons à cela les cultures réservées à la nourriture du bétail qui représente mondialement 70% des terres agricoles sans parler de l’eau requise. La production d’un steak requiert 15 000 litres d’eau. Et, maintenant, vu la disparition des stocks de poissons à cause de la surpêche, on copie le modèle des méga usines à bétail dans l’océan. Nous avons le choix entre la peste et le choléra... Le monde sera végétalien ou il ne sera pas.]
Le sucre est omniprésent dans notre alimentation – boissons gazeuses, sucreries et produits transformés en contiennent de bonnes quantités – car l’industrie alimentaire en met dans tout, souvent à l’insu des consommateurs. Saviez-vous que des sous-produits de canne à sucre sont utilisés dans la nourriture du bétail, notamment le porc? Une source de sucre supplémentaire cachée (pour les carnivores). Une multitude d’aliments transformés contiennent du sucre sans aucun motif valable. Lisez les étiquettes, vous serez étonné.
En réalité, on a insidieusement introduit une dépendance extrême au sucre.
Le journaliste britannique Henry Hobhouse, auteur de Seeds of change 1985 (Les Graines du changement) disait :
«Le sucre est une drogue légale qui a probablement coûté autant que le tabac aux sociétés développées, et cela sans que la Maison Blanche ou d'autres hauts lieux du 'politiquement correct' aient tiré le moindre signal d'alarme [...]. On aura de plus en plus de difficultés à résoudre trois des problèmes posés par le sucre : les coûts croissants des frais dentaires, l'extension de l'obésité et la difficulté à trouver des sources de revenus aux descendants des esclaves des colonies sucrières. Une réponse pourrait être le tourisme, mais on sait bien que toute île pourvue d'une piste d'atterrissage pour charters est bientôt envahie par des hordes de touristes qui finissent par détruire ce qu'ils venaient admirer. Cuba survit encore comme État socialiste branlant, militairement impuissant, mais son peuple est incapable de dénoncer la fortune d'un Castro, dont une bonne partie a été acquise par le trafic de drogue.»
Parmi les effets néfastes du sucre raffiné (les plus évidents étant l’obésité et la carie dentaire) notons le diabète, les aigreurs d’estomac, les fermentations intestinales et affections du colon, l’augmentation des triglycérides et du cholestérol LDL, les maladies cardiovasculaires et l’hypertension, des pathologies oculaires comme la cataracte, le vieillissement prématuré de tous les tissus de l’organisme, la prolifération des champignons intestinaux et des cellules cancéreuses.
Récemment, des chercheurs ont avancé l’hypothèse que le sucre pouvait contribuer au développement de la maladie d’Alzheimer parce qu’il endommage des protéines dans les cellules via une réaction appelée glycation. (Jean van den Elsen et collègues des universités de Bath et King's College London)
Le sucre tue
Les plantations de canne à sucre ont fait beaucoup de morts (esclaves africains et métis, entre autres) au temps des colonisations espagnole, portugaise, française et britannique. Il y avait du sang dans le sucre de canne...
Et ça continue aujourd’hui. Les néocolonialistes s’approprient les terres de pays en développement pour y installer leurs satanées monocultures, privant ainsi les paysans de leur autonomie agroalimentaire. Ce que Jean Ziegler appelle : oppression planétaire par les oligarchies financières. Cette situation est à l’origine de la majorité des famines (1).
La dure vie des plantations en République dominicaine
[...] Aujourd’hui encore, le secteur dépend principalement d’immigrants haïtiens, qui représentent 90 % de la main d’œuvre chargée de la coupe de la canne. On estime de 500 000 à 1 million le nombre d’immigrants haïtiens en République dominicaine. Le propre gouvernement dominicain stimule souvent l’immigration haïtienne, afin d’obtenir de la main d’œuvre bon marché pour les cannaies. Toutefois, les immigrants n’ont pas accès aux droits fondamentaux et sont fréquemment déportés une fois que leur force de travail est exploitée.
Un des principaux problèmes de ces immigrants résident dans le fait que légalement, c’est comme s’ils n’existaient pas. Ils sont considérés comme des «apatrides», car aucun pays ne les reconnaît comme citoyens. Nombreux sont les Haïtiens qui arrivent en République dominicaine sans papiers et restent dans cette situation. Les enfants de ces immigrants nés dans le pays ne sont pas reconnus comme des citoyens et ne reçoivent pas d’acte de naissance.
Les communautés d’immigrants haïtiens sont appelées les Bateyes. Ces communautés vivent dans une extrême pauvreté et les immigrants meurent généralement entassés dans des baraques, sans lumière, sans toilettes ou eau potable. Il n’y a aucun service de santé, aucun espace récréatif ou école.
Le mot Batey provient de la langue des indiens Taínos, qui habitaient à l’origine dans la région et qui furent réduits à l’esclavage durant la colonisation espagnole. Aujourd’hui, les conditions de travail des immigrants coupeurs de canne sont semblables à celles des esclaves. Ils sont exposés à des conditions de travail très difficiles, ils travaillent en moyenne 12 heures par jour et sont menacés de déportation lorsqu’ils cherchent à s’organiser pour garantir leurs droits. Grand nombre d’entre eux ne parle pas l’espagnol et cela complique d’autant plus leur organisation.
Les accidents durant la coupe de la canne sont fréquents et nombreux sont les travailleurs qui sont mutilés. Lorsqu’ils arrêtent de travailler, les travailleurs n’ont pas le droit à la retraite ni à une pension. Les salaires sont extrêmement bas et basés sur la quantité de canne coupée, et non sur le nombre d’heures travaillées. Les travailleurs n’ont aucun moyen de contrôle sur la pesée de leur production et souvent, ils ne savent même pas combien ils vont toucher par tonne de canne coupée. [...]
http://voyagesenduo.com/republique_dominicaine/circuit.html
En complément
La petite histoire du sucre
2016 : La demande et la production explosent. La production de sucre est passée de 11 millions de tonnes en 1900 à 180 millions en 2014. La demande, elle, est passée de 1,8 kilo par personne par année en 1700 à 60 kilos en 2012. Comment le sucre est-il devenu un élément crucial de notre alimentation quotidienne?
Douze dates pour retracer son chemin :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/2/sucre-ligne-temps/
Tout sur le sucre
http://www.consoglobe.com/monde-riche-sucres-2297-cg
Où consomme-t-on le plus de sucre? Statistiques de 2015 (carte)
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/746716/consommation-sucre-monde-reponse-carte-halloween
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(1) Agrobusiness, esclavage, malnutrition et famine
Un documentaire à voir absolument pour comprendre la mainmise agroalimentaire planétaire, la spéculation et la corruption qui font en sorte que des tonnes de grains stockés en prévision de la hausse en bourse pourrissent pendant que des populations entières meurent de faim; du colonialisme 2.0, sans soldat, juste avec l’argent. Et puis, que ferons-nous sans eau?
POURQUOI LA FAIM, POURQUOI LA SOIF
Hunger! Durst! Angela Andersen et Claus Kleber; ZDF 2014 / ARTE
À l’horizon 2050, la Terre comptera dix milliards d'habitants : impossible de continuer à balayer d’un revers de main la question alimentaire, alors que la population augmente trois fois plus vite que la production agricole. Des remèdes sont proposés à diverses échelles, du recours au génie génétique jusqu’à l’idée de faire des terres d’Afrique un gigantesque champ destiné à nourrir la planète. Pourtant, la solution la plus évidente consisterait d’abord à répartir plus rationnellement la production actuelle.
https://www.youtube.com/watch?v=3BiOUBOb6gk&feature=player_embedded
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L’accaparement mondialisé des terres agricoles : Un marché spéculatif en forte expansion et élimination des paysans
La concession ou l’acquisition de la terre pour des fins spéculatives n’est pas un phénomène nouveau. Celui-ci s’est produit, au cours des derniers siècles, avec l’établissement des latifundios, de grands domaines appropriés ou usurpés par de riches propriétaires terriens ou par les institutions bancaires comme on a pu l’observer fréquemment en Amérique latine. Ou encore quand des terres consacrées aux cultures vivrières sont transformées pour laisser place à des cultures pour l’exportation telles que les cultures du café, de la canne à sucre ou du cacao. En général, ceux qui faisaient l’acquisition de vastes propriétés foncières dans un pays étaient le plus souvent originaires ou habitaient le pays. Aujourd’hui, les acheteurs peuvent se retrouver un peu partout sur la planète et parcourent le monde pour saisir les possibilités d’acquisition de propriétés de valeur et très souvent offertes à bas prix par leurs propriétaires ou par les gouvernements nationaux. C’est la course aux investissements rentables ou la financiarisation du domaine foncier. C’est une forme extrême du colonialisme qui ne connaît pas de frontières. Dans les faits, c’est toute la planète qui est sacrifiée pour le bénéfice des grands pouvoirs financiers et ce le plus souvent avec le concours des États et des organisations internationales telles que la Banque mondiale.
Le processus que nous observons aujourd’hui s’est développé au cours de la dernière décennie et les terres sont devenues l’objet d’un marché mondial. [...] Cette agression par les pouvoirs financiers contre la paysannerie est tout simplement abominable comme on peut l’observer au Honduras et dans plusieurs pays africains. Elle laisse entrevoir un appauvrissement accentué des paysans qui deviennent des travailleurs agricoles dans leurs propres terroirs à l’instar de ceux qui ont été forcés d’abandonner leurs terres au profit des producteurs de fraises étrangers au Mexique dans les années 1970. [...]
http://www.mondialisation.ca/laccaparement-mondialise-des-terres-agricoles-un-marche-speculatif-en-forte-expansion-et-elimination-des-paysans/5455340?print=1
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La mort au ralenti
When Food Shortage Becomes Famine
Article FRONTLINE, PBS
http://www.pbs.org/wgbh/frontline/article/when-food-shortage-becomes-famine/
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A World Without Water
Brian Woods 2006 1:16:15
A World Without Water investigates the future of the world’s water supply as it currently stands and travels to Bolivia to show just one example in many of the privatisation of the water supply and the turning over of water to corporations such as Coca Cola…
https://thoughtmaybe.com/a-world-without-water/
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Bien que réalisé en 1998, ce documentaire sur le «libre-échange» et l’exploitation de la main-d’œuvre est plus que jamais d’actualité.
Free Trade Slaves
Juan Salvat, Peter Breuls, Stef Soetewey 1998; 51:58
Globalisation has gone to great lengths to coerce many countries around the world to open ‘free trade zones’ for Western markets, where businesses receive special tax benefits and other rewards for operating factories and exploiting cheap labour. The argument, as is always cited, is for growth of the global economy. Free Trade Slaves sets out to examine these ideas by looking at the realities of such practice. Told from the perspective of the workers in Sri Lanka, El Salvador, Mexico and Morocco; the film exposes systemic human rights abuses, harrowing environmental destruction, birth defects and other long lasting health problems and social issues. The filmmakers suggest that workers around the world need to assert the right to unionise and organise together to demand and retain decent conditions, and that consumers should do their part by boycotting companies that continue to abuse people and the environment.
https://thoughtmaybe.com/free-trade-slaves/
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