21 février 2017

«Mourir de faim n’est pas un choix»

La malnutrition fait des ravages chez les jeunes enfants somaliens.
Photo : AFP / MUSTAFA ABDI 

L'agence onusienne des enfants a prévenu que 1,4 million d'enfants sont menacés d'une «mort imminente» par la famine qui frappe des secteurs du Soudan du Sud, du Nigeria, de la Somalie et du Yémen. L'UNICEF lance cet avertissement après qu'une famine eut été déclarée dans l'État d'Unity, au Soudan du Sud, qui est déchiré par la guerre civile depuis 2013 et où une inflation galopante rend les aliments impossibles à acheter. (AP)

Quelques réflexions de Henning Mankell sur la pauvreté (Sable Mouvant). 

Chapitre Les hippopotames (p. 121 - )

[...] Avoir la possibilité de choisir ce à quoi on consacre son existence est un grand privilège. Pour la très grande majorité des habitants de la planète, la vie est fondamentalement une affaire de survie, dans des conditions dramatiques. [...] Au cours des millénaires, très rares sont ceux qui ont pu se consacrer à autre chose qu’à la survie. Ils n’ont certes jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui. La moitié de l’humanité, de nos jours, vit encore sans aucune possibilité de choix. [...] Pouvoir «changer de vie» leur est un luxe inaccessible. 
   Ceux qui n’ont pas été contraints de consacrer leur temps à la survie ont aussi généralement été ceux qui détenaient le pouvoir, quelle que soit la forme de société dont on parle. Ils ont été par exemple prêtres et gardiens du temple, chargés d’amadouer les dieux ou d’interpréter les voies impénétrables du destin. Les révoltes et les révolutions ont toujours eu le même enjeu. Lorsqu’on ne peut survivre alors qu’on s’échine au travail jusqu’au bout de ses forces, il ne reste pas d’autres solution que de se révolter. C’est après le passage à la révolte que la question du «droit à autre chose» s’affirme et se précise. [...] 
   Ceux qui vivent dans les marges extrêmes d’une société n’ont aucun choix. 
   Se coucher dans la rue pour mourir n’est pas un choix. Se laisser mourir de faim n’est pas un choix. Nous avons aujourd’hui tous les moyens nécessaires pour éradiquer la misère absolue et hisser l’ensemble des êtres humains vivants au-dessus du seuil de malnutrition. Nous choisissons de ne pas le faire. C’est un choix que je ne peux considérer autrement que comme un acte criminel. Mais il n’existe pas de tribunal habilité à poursuivre, à l’échelle globale, les criminels responsables du fait que la faim et la misère ne sont pas combattues à l’aide de toutes les ressources disponibles. Et qui nous entraînent tous à être complices et à avoir notre part de responsabilité dans ce choix. [...]

SABLE MOUVANT
Fragments de ma vie
Henning Mankell
Traduit du suédois par Anna Gibson
Éditions du Seuil, septembre 2015

Collage : Joe Webb http://www.joewebbart.com/

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Nous pourrions également faire quelque chose pour les pauvres des pays riches car il y en a de plus en plus.

Qu’arriverait-il si l’on donnait un revenu de base garanti à chacun, quel que soit son statut économique?

La ville sans pauvreté – À Dauphin, au Manitoba, entre 1974 et 1979, les familles qui ont reçu MINCOME (un revenu de base garanti) ont eu moins d'hospitalisations, d’accidents et de blessures. L’hospitalisation en santé mentale a chuté de façon spectaculaire. Et le taux de réussite scolaire a grimpé pendant l'expérience, notamment chez les adolescents de 16 à 18 ans qui ont terminé leurs études. La fréquence des grossesses avant l'âge de 25 ans a diminué, et quand cela se produisait les jeunes femmes avaient moins d'enfants par la suite. 
   Le programme a amené la plupart des bénéficiaires au-dessus du seuil de pauvreté (critères canadiens de l’époque). Et les effets sur l'emploi dans la région de Dauphin ont été négligeables. «Chez les soutiens principaux – ceux qui avaient des emplois à plein temps – il n'y a pratiquement pas eu de déclin», souligne Evelyn Forget. «Personne n'a quitté son travail.» 
   L’argent reçu du gouvernement a réduit l'anxiété liée à la survie économique des familles, leur permettant d'investir dans leur santé et de planifier à plus long terme. Conclusion : meilleur état de santé physique et mentale, moins de stress, d’alcoolisme, de décrochage scolaire... À long terme, les économies réalisées en soins de santé, en assistance sociale, assurance chômage, et en fonctionnaires, représenteraient un gain substantiel pour l’État et la société en général. Tout le monde se porterait mieux.

J'ai choisi l'expérience canadienne, mais l'article est à lire au complet, il est question entre autres du référendum sur le revenu garanti qui devrait avoir lieu prochainement en Suisse.  

What Would Happen If We Just Gave People Money? By Andrew Flowers
http://fivethirtyeight.com/features/universal-basic-income/?ex_cid=538twitter

(Excerpt)

[...] What do we know about giving a guaranteed income to everyone? Not much. Negative income tax policies such as the EITC target specific groups, usually the poor. They have been tested. But basic income is often pitched as universal everyone would get the same amount, regardless of their circumstances. And that has never been examined in a rigorous way.

The closest research we have to how a universal basic income could work comes from a small town in Canada. From 1974 to 1979, the Canadian government partnered with the province of Manitoba to run an experiment on the idea of providing a minimum income to residents. The result was MINCOME, a guaranteed annual income offered to every eligible family in Dauphin, a prairie town of about 10,000, and smaller numbers of residents in Winnipeg and some rural communities throughout the province. MINCOME remains one of the most influential studies of basic income in a rich-world country. 
   Evelyn Forget, now an economist at the University of Manitoba, was a student in Toronto at the time. “I knew this was happening in Manitoba. I just stopped hearing about it,” she said. When Canada’s governing party changed midway through the MINCOME experiment, funding dried up and the researchers were told to archive their data for later analysis. No database was created, and the results of MINCOME were not examined. 
   Decades later, Forget started digging for the data. She unearthed 1,800 dusty cardboard boxes with information on each family receiving MINCOME at Canada’s National Archives. Forget digitized the materials and matched MINCOME records with those in the database of Canada’s universal health insurance program, which was introduced around the same time. That allowed her to compare the health of those receiving MINCOME to the health of similar people who didn’t. It resulted in a blockbuster research paper, decades in the making: “The Town With No Poverty,” published in 2011
https://public.econ.duke.edu/~erw/197/forget-cea%20(2).pdf

Families receiving MINCOME had fewer hospitalizations, accidents and injuries, Forget found. Mental health hospitalizations fell dramatically. And the high school completion rate ticked up during the years of the experiment, with 16-to-18-year-old boys, in particular, more likely to finish school. Younger adolescent girls were less likely to give birth before age 25, and when they did, they had fewer kids. 
   The program brought most recipients above Canada’s poverty line. And the employment effects in Dauphin were modest. “For primary earners those with full-time jobs there was virtually no decline” in work, Forget said. “Nobody was quitting their jobs.” Cash from the government eased families’ economic anxiety, allowing them to invest in their health and plan over a longer horizon. 
   MINCOME is now serving as inspiration for basic income’s comeback in Canada. In its 2016 budget, the provincial government of Ontario announced plans to conduct a basic income pilot this year. [...]

Interview with Evelyn Forget (June 13, 2016): https://www.youtube.com/watch?v=e36U5MQZc5o

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