28 février 2017

Sucre et famine

Avez-vous la dent sucrée?

La vie est courte. Souriez pendant que vous avez encore des dents.

Quel est le lien entre le sucre et la famine? L’agrobusiness planétaire.

Comme on disait autrefois, «nous creusons notre tombe avec nos dents», et celle de ceux qui n’ont rien à se mettre sous la dent. Tandis qu’une grave famine sévit en Afrique, les foodies discutent en ondes à savoir s’il faut mettre ou non des ananas sur la pizza – si vous aimez les reflux gastriques, essayez! En fait, cela illustre simplement un niveau de superficialité ou d’indifférence affligeant. L’idée n’est pas de nous culpabiliser, mais de réfléchir sérieusement à notre rapport avec la nourriture, de réviser nos «priorités» et d’user de discernement.

Un commerce des plus lucratifs pour l’agrobusiness

La production mondiale de sucre était évaluée à environ 180 millions de tonnes en 2014-2015. Elle est surtout dominée par le Brésil, et ensuite l’Inde, l’Union européenne et la Chine. La production du sucre de canne représente la majorité de la production mondiale (environ 80 %) et se concentre principalement en Asie, en Amérique du Sud et en Amérique centrale. La production de la betterave à sucre continue d’être contrôlée par l’Union européenne, suivi de la Russie et des États-Unis. (Institut canadien du sucre, 15 mai 2016) Mais cela ne suffit pas, on extrait du sucre de plusieurs autres plantes et arbres : érable, agave, cocotier, palmier dattier, palmier à sucre, sorgho, courge sucrière du Brésil, etc.

[Avez-vous une idée de ce que cela représente en hectares de terre? Ajoutons à cela les cultures réservées à la nourriture du bétail qui représente mondialement 70% des terres agricoles sans parler de l’eau requise. La production d’un steak requiert 15 000 litres d’eau. Et, maintenant, vu la disparition des stocks de poissons à cause de la surpêche, on copie le modèle des méga usines à bétail dans l’océan. Nous avons le choix entre la peste et le choléra... Le monde sera végétalien ou il ne sera pas.] 

Le sucre est omniprésent dans notre alimentation – boissons gazeuses, sucreries et produits transformés en contiennent de bonnes quantités – car l’industrie alimentaire en met dans tout, souvent à l’insu des consommateurs. Saviez-vous que des sous-produits de canne à sucre sont utilisés dans la nourriture du bétail, notamment le porc? Une source de sucre supplémentaire cachée (pour les carnivores). Une multitude d’aliments transformés contiennent du sucre sans aucun motif valable. Lisez les étiquettes, vous serez étonné.

En réalité, on a insidieusement introduit une dépendance extrême au sucre.

Le journaliste britannique Henry Hobhouse, auteur de Seeds of change 1985 (Les Graines du changement) disait : 
   «Le sucre est une drogue légale qui a probablement coûté autant que le tabac aux sociétés développées, et cela sans que la Maison Blanche ou d'autres hauts lieux du 'politiquement correct' aient tiré le moindre signal d'alarme [...]. On aura de plus en plus de difficultés à résoudre trois des problèmes posés par le sucre : les coûts croissants des frais dentaires, l'extension de l'obésité et la difficulté à trouver des sources de revenus aux descendants des esclaves des colonies sucrières. Une réponse pourrait être le tourisme, mais on sait bien que toute île pourvue d'une piste d'atterrissage pour charters est bientôt envahie par des hordes de touristes qui finissent par détruire ce qu'ils venaient admirer. Cuba survit encore comme État socialiste branlant, militairement impuissant, mais son peuple est incapable de dénoncer la fortune d'un Castro, dont une bonne partie a été acquise par le trafic de drogue.»


Parmi les effets néfastes du sucre raffiné (les plus évidents étant l’obésité et la carie dentaire) notons le diabète, les aigreurs d’estomac, les fermentations intestinales et affections du colon, l’augmentation des triglycérides et du cholestérol LDL, les maladies cardiovasculaires et l’hypertension, des pathologies oculaires comme la cataracte, le vieillissement prématuré de tous les tissus de l’organisme, la prolifération des champignons intestinaux et des cellules cancéreuses. 
   Récemment, des chercheurs ont avancé l’hypothèse que le sucre pouvait contribuer au développement de la maladie d’Alzheimer parce qu’il endommage des protéines dans les cellules via une réaction appelée glycation. (Jean van den Elsen et collègues des universités de Bath et King's College London)  

Le sucre tue

Les plantations de canne à sucre ont fait beaucoup de morts (esclaves africains et métis, entre autres) au temps des colonisations espagnole, portugaise, française et britannique. Il y avait du sang dans le sucre de canne... 
   Et ça continue aujourd’hui. Les néocolonialistes s’approprient les terres de pays en développement pour y installer leurs satanées monocultures, privant ainsi les paysans de leur autonomie agroalimentaire. Ce que Jean Ziegler appelle : oppression planétaire par les oligarchies financières. Cette situation est à l’origine de la majorité des famines (1).

Résidence de planteur (devenue musée); Louisiane, États-Unis

Coupeurs de canne d’autrefois, sous haute surveillance; Antilles

Coupeur de canne contemporain

La dure vie des plantations en République dominicaine

Masure de coupeurs de canne  

[...] Aujourd’hui encore, le secteur dépend principalement d’immigrants haïtiens, qui représentent 90 % de la main d’œuvre chargée de la coupe de la canne. On estime de 500 000 à 1 million le nombre d’immigrants haïtiens en République dominicaine. Le propre gouvernement dominicain stimule souvent l’immigration haïtienne, afin d’obtenir de la main d’œuvre bon marché pour les cannaies. Toutefois, les immigrants n’ont pas accès aux droits fondamentaux et sont fréquemment déportés une fois que leur force de travail est exploitée.
   Un des principaux problèmes de ces immigrants résident dans le fait que légalement, c’est comme s’ils n’existaient pas. Ils sont considérés comme des «apatrides», car aucun pays ne les reconnaît comme citoyens. Nombreux sont les Haïtiens qui arrivent en République dominicaine sans papiers et restent dans cette situation. Les enfants de ces immigrants nés dans le pays ne sont pas reconnus comme des citoyens et ne reçoivent pas d’acte de naissance.
   Les communautés d’immigrants haïtiens sont appelées les Bateyes. Ces communautés vivent dans une extrême pauvreté et les immigrants meurent généralement entassés dans des baraques, sans lumière, sans toilettes ou eau potable. Il n’y a aucun service de santé, aucun espace récréatif ou école. 
   Le mot Batey provient de la langue des indiens Taínos, qui habitaient à l’origine dans la région et qui furent réduits à l’esclavage durant la colonisation espagnole. Aujourd’hui, les conditions de travail des immigrants coupeurs de canne sont semblables à celles des esclaves. Ils sont exposés à des conditions de travail très difficiles, ils travaillent en moyenne 12 heures par jour et sont menacés de déportation lorsqu’ils cherchent à s’organiser pour garantir leurs droits. Grand nombre d’entre eux ne parle pas l’espagnol et cela complique d’autant plus leur organisation. 
   Les accidents durant la coupe de la canne sont fréquents et nombreux sont les travailleurs qui sont mutilés. Lorsqu’ils arrêtent de travailler, les travailleurs n’ont pas le droit à la retraite ni à une pension. Les salaires sont extrêmement bas et basés sur la quantité de canne coupée, et non sur le nombre d’heures travaillées. Les travailleurs n’ont aucun moyen de contrôle sur la pesée de leur production et souvent, ils ne savent même pas combien ils vont toucher par tonne de canne coupée. [...]

http://voyagesenduo.com/republique_dominicaine/circuit.html

En complément

La petite histoire du sucre

2016 : La demande et la production explosent. La production de sucre est passée de 11 millions de tonnes en 1900 à 180 millions en 2014. La demande, elle, est passée de 1,8 kilo par personne par année en 1700 à 60 kilos en 2012. Comment le sucre est-il devenu un élément crucial de notre alimentation quotidienne?
Douze dates pour retracer son chemin : 
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/2/sucre-ligne-temps/

Tout sur le sucre 
http://www.consoglobe.com/monde-riche-sucres-2297-cg

Où consomme-t-on le plus de sucre? Statistiques de 2015 (carte)  
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/746716/consommation-sucre-monde-reponse-carte-halloween

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(1) Agrobusiness, esclavage, malnutrition et famine

Un documentaire à voir absolument pour comprendre la mainmise agroalimentaire planétaire, la spéculation et la corruption qui font en sorte que des tonnes de grains stockés en prévision de la hausse en bourse pourrissent pendant que des populations entières meurent de faim; du colonialisme 2.0, sans soldat, juste avec l’argent. Et puis, que ferons-nous sans eau?

POURQUOI LA FAIM, POURQUOI LA SOIF
Hunger! Durst! Angela Andersen et Claus Kleber; ZDF 2014 / ARTE

À l’horizon 2050, la Terre comptera dix milliards d'habitants : impossible de continuer à balayer d’un revers de main la question alimentaire, alors que la population augmente trois fois plus vite que la production agricole. Des remèdes sont proposés à diverses échelles, du recours au génie génétique jusqu’à l’idée de faire des terres d’Afrique un gigantesque champ destiné à nourrir la planète. Pourtant, la solution la plus évidente consisterait d’abord à répartir plus rationnellement la production actuelle.
https://www.youtube.com/watch?v=3BiOUBOb6gk&feature=player_embedded

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L’accaparement mondialisé des terres agricoles : Un marché spéculatif en forte expansion et élimination des paysans

La concession ou l’acquisition de la terre pour des fins spéculatives n’est pas un phénomène nouveau. Celui-ci s’est produit, au cours des derniers siècles, avec l’établissement des latifundios, de grands domaines appropriés ou usurpés par de riches propriétaires terriens ou par les institutions bancaires comme on a pu l’observer fréquemment en Amérique latine. Ou encore quand des terres consacrées aux cultures vivrières sont transformées pour laisser place à des cultures pour l’exportation telles que les cultures du café, de la canne à sucre ou du cacao. En général, ceux qui faisaient l’acquisition de vastes propriétés foncières dans un pays étaient le plus souvent originaires ou habitaient le pays. Aujourd’hui, les acheteurs peuvent se retrouver un peu partout sur la planète et parcourent le monde pour saisir les possibilités d’acquisition de propriétés de valeur et très souvent offertes à bas prix par leurs propriétaires ou par les gouvernements nationaux. C’est la course aux investissements rentables ou la financiarisation du domaine foncier. C’est une forme extrême du colonialisme qui ne connaît pas de frontières. Dans les faits, c’est toute la planète qui est sacrifiée pour le bénéfice des grands pouvoirs financiers et ce le plus souvent avec le concours des États et des organisations internationales telles que la Banque mondiale. 
   Le processus que nous observons aujourd’hui s’est développé au cours de la dernière décennie et les terres sont devenues l’objet d’un marché mondial. [...] Cette agression par les pouvoirs financiers contre la paysannerie est tout simplement abominable comme on peut l’observer au Honduras et dans plusieurs pays africains. Elle laisse entrevoir un appauvrissement accentué des paysans qui deviennent des travailleurs agricoles dans leurs propres terroirs à l’instar de ceux qui ont été forcés d’abandonner leurs terres au profit des producteurs de fraises étrangers au Mexique dans les années 1970. [...]

http://www.mondialisation.ca/laccaparement-mondialise-des-terres-agricoles-un-marche-speculatif-en-forte-expansion-et-elimination-des-paysans/5455340?print=1

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La mort au ralenti

When Food Shortage Becomes Famine

Hopital Awell, Soudan

Article FRONTLINE, PBS
http://www.pbs.org/wgbh/frontline/article/when-food-shortage-becomes-famine/ 

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A World Without Water
Brian Woods 2006 1:16:15

A World Without Water investigates the future of the world’s water supply as it currently stands and travels to Bolivia to show just one example in many of the privatisation of the water supply and the turning over of water to corporations such as Coca Cola…

https://thoughtmaybe.com/a-world-without-water/

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Bien que réalisé en 1998, ce documentaire sur le «libre-échange» et l’exploitation de la main-d’œuvre est plus que jamais d’actualité.

Free Trade Slaves
Juan Salvat, Peter Breuls, Stef Soetewey 1998; 51:58

Globalisation has gone to great lengths to coerce many countries around the world to open ‘free trade zones’ for Western markets, where businesses receive special tax benefits and other rewards for operating factories and exploiting cheap labour. The argument, as is always cited, is for growth of the global economy. Free Trade Slaves sets out to examine these ideas by looking at the realities of such practice. Told from the perspective of the workers in Sri Lanka, El Salvador, Mexico and Morocco; the film exposes systemic human rights abuses, harrowing environmental destruction, birth defects and other long lasting health problems and social issues. The filmmakers suggest that workers around the world need to assert the right to unionise and organise together to demand and retain decent conditions, and that consumers should do their part by boycotting companies that continue to abuse people and the environment.

https://thoughtmaybe.com/free-trade-slaves/

26 février 2017

Armes nucléaires : le mensonge du silence

Je ne sais pas comment le dire, mais... nous sommes presque «cuits».

«Briser le mensonge du silence n’est pas une abstraction ésotérique mais une responsabilité urgente qui incombe à ceux qui ont le privilège d’avoir une tribune.» ~ John Pilger, journaliste et documentariste 

Dans son film The Coming War on China, John Pilger raconte, entre autres, l’histoire des Îles Marshall où les Américains ont testé leurs engins atomiques à raison d’une bombe par jour de même intensité qu’à Hiroshima pendant 12 ans pour étudier l’impact sur les humains et l’environnement – films d’archives à l’appui.

Parenthèse

Cela me rappelle l’extinction des dodos à l’île Maurice :

C’est une expérience étrange que de se tenir devant le représentant d’une espèce disparue. Sauf que le dronte n’est pas mort comme les dinosaures voilà des millions d’années. Il y a trois cent cinquante ans encore, il était possible de voir sur l’île des drontes bien vivants. Le nom anglais dodo vient du portugais doudo qui signifie «stupide». Les marins portugais qui ont débarqué sur l’île Maurice où vivait ce volatile ont constaté qu’il n’avait absolument pas peur des bipèdes, qu’il n’avait jamais encore eu l’occasion de croiser. Il était donc très facile de le tuer. Pas besoin de piège, de lacet ni de fusil de chasse, il suffisait de s’approcher tranquillement et de l’assommer, ou de l’attraper et de lui tordre le cou. [...] Il vivait uniquement à l’île Maurice. C’est un phénomène qu’on retrouve partout dans le monde : certaines espèces se développent sur des îles isolées à l’exclusion de tout autre endroit. Le dodo n’ayant pas eu de prédateur avant l’arrivée des hommes, il avait perdu sa faculté de voler. Cet oiseau fut décimé en très peu de temps. À la fin du XVIe siècle, on rapporte encore la présence de nombreux spécimens sur l’île : deux siècles plus tard, il n’y en a plus. [...] L’espèce humaine n’est pas impliquée dans le phénomène de l’extinction des dinosaures pour la simple raison qu’elle n’existait pas encore. Ce sont les hommes qui ont fait disparaître de la terre l’oiseau «stupide».
~ Henning Mankell (Sable mouvant, Éditions du Seuil, septembre 2015; p. 240)

Fin de la parenthèse 

Bien sûr, on a reproché à Pilger d’être anti-américain. Mais qui, au départ, a inventé la bombe atomique et l’a testée sur des populations inoffensives et vulnérables? Par la suite, d’autres pays ont imité les États-Unis, testé des bombes dans les océans et sur terre, et fabriqué et emmagasiné des armes nucléaires plus qu’il n’en faut pour détruire la planète au complet. En réalité, John Pilger brosse un portrait du nucléaire depuis le début jusqu’à nos jours, et nous avertit des dangers qui pèsent sur le monde entier, comme jamais auparavant. D’autant plus que Donald Trump promet d’investir davantage dans l’armement nucléaire... 
   Je ne suis ni américanophobe/phile ni sinophobe/phile. Pilger semble porter tout le blâme sur les Américains, mais j’estime que le péril est à la fois américain, chinois, nord-coréen, russe, etc., car en définitive tous les pays détenteurs d’armes nucléaires sont à égalité en matière d’inconscience, d’irresponsabilité et d’ignominie dans la course à la suprématie. Nous en sommes les otages. Il suffirait d’un tweet.

Une interview intéressante à propos du vrai journalisme en voie d’extinction :
Fake news and fake journalism  
John Pilger’s Message to Donald Trump: “Leave the rest of the world alone
https://www.youtube.com/watch?v=v3cf9EBZweI


The Coming War on China
John Pilger 2016 1:52:35

The Coming War on China is a warning that nuclear war is not only imaginable, but a ‘contingency,’ says the Pentagon. The greatest build-up of NATO military forces since the Second World War is under way on the western borders of Russia, and some 400 American military bases encircle China with missiles, bombers, warships and nuclear weapons. But these happenings are of course not reported as United States antagonism. Instead, there is a familiar drumbeat of war, the kind of the old “yellow peril,” a restoration of the psychology of fear that embedded public consciousness for most of the 20th century. The aim of this film is to break the silence, and as the centenaries of the First World War presently remind us, horrific conflict can begin all too easily. By recounting the secret and forgotten history of the rapacious actions of great power against China throughout the decades, such as the destruction of the Marshall Islands and the Opium wars, The Coming War on China is also a report of an inspiring popular resistance to nuclear weapons, military bases and warmongering of the United States, of which little is known in the West.

Film: https://thoughtmaybe.com/the-coming-war-on-china/  

Baker Shot”, part of Operation Crossroads, a nuclear test by the United States, at Bikini Atoll in 1946.

“The United States exploded 67 atomic bombs, nuclear weapons, between 1946 and 1958, leaving that part of the world gravely damaged in human and environmental terms. And this assault on the Marshalls goes on. On the largest island, Kwajalein, there is an important and secretive US base called the Ronald Reagan Test Facility, which was established in the 1960s as the archive we're using makes clear to combat the threat from China. 
   The US has some 5,000 bases 4,000 in the US itself and almost a thousand on every continent. 
   The aim of this film is to break a silence: the United States and China may be on the road to war, and nuclear war is no longer unthinkable.”
~ John Pilger

This new feature-length documentary by award-winning journalist and filmmaker John Pilger is his 60th film for television. Coming straight after the election of President Trump, the film is one of John Pilger's most timely and urgent investigations. As Trump threatens China with a trade war and worse, this film is both a warning and an inspiring story of people's resistance. 

Filmed over two years in the Marshall Islands, Japan, Korea, China and the United States, The Coming War on China reveals a build-up to war on the doorstep of China. More than 400 US military bases now encircle China in what one strategist calls “a perfect noose”. 
   Bringing together rare archive and interviews with witnesses, Pilger reveals America's secret history in the region – the destruction of much of life in the Marshall Islands, once a paradise, by the explosion of the equivalent of one Hiroshima every day for 12 years, and the top secret 'Project 4.1' that made nuclear guinea pigs of the population. 
   Pilger and his crew chartered a plane to the irradiated island of Bikini where the 1954 Hydrogen Bomb poisoned the environment forever. He reports: “As my aircraft banked low over Bikini atoll, the emerald lagoon beneath me suddenly disappeared into a vast black hole, a deathly void. When I stepped out of the plane, my shoes registered “unsafe” on a Geiger counter. Almost everything was irradiated. Palm trees stood in unworldly formations, unbending in the breeze. There were no birds. It was a vision of what the world can expect if two nuclear powers go to war.” 
   In key interviews from Pentagon war planners in what is now Donald Trump's Washington, where the undeclared strategy is “perpetual war”, to members of China's new political class who rarely feature in Western reports Pilger's film challenges the notion of the world's newest, biggest trading nation as an enemy. 
   Edited in chapters, The Coming War is also about the human spirit and the rise of an extraordinary resistance in faraway places. On the Japanese island of Okinawa, home to 32 US bases - where the population lives along a razor-wired fenceline and beneath the screeching of military aircraft – Okinawans are challenging the greatest military power in the world, and succeeding. 
   One of the resistance leaders is Fumiko Shimabukuro, aged 87. A survivor of the Second World War, she took refuge in beautiful Henoko Bay, which she is now fighting to save. The Japanese government wants to fill in much of the bay to extend runways for US bombers. “For us,” she told me, “the choice is silence or life.” 
   Across the East China Sea lies the Korean island of Jeju, a semi- tropical sanctuary and World Heritage Site declared “an island of world peace”. On this island of world peace is one of the biggest military bases in Asia, aimed at China – purpose-built for US aircraft carriers, nuclear submarines and missile destroyers. 
   For almost a decade the people of Jeju have been peacefully resisting the base. Every day, twice a day, farmers, villagers, priests and supporters from all over the world stage an extraordinary Catholic mass that blocks the gates. Every day, police remove the priests and the worshippers, bodily, and their altar. It is a silent, moving spectacle. One of the leaders, Father Mun Jeong-hyeon, says: “I sing four songs every day at the base. I sing in typhoons – no exception.” 
   From Jeju, Pilger flew to Shanghai. “When I was last in China,” he says, “the loudest noise I remember was the tinkling of bicycle bells; Mao Zedong had recently died, and the cities seemed dark, forbidding places. Nothing prepared me for the astonishing changes that had taken place.” 
   He interviews Lijia Zhang, a Beijing journalist and typical of a new class of outspoken mavericks. Her bestselling book has the ironic title, Socialism Is Great!  She grew up during the chaotic and brutal Cultural Revolution and has lived in the US. A critic of her own country, she also rejects outdated stereotypes. “Many Americans imagine,” she said, “that Chinese people live a miserable, repressed life with no freedom whatsoever. The [idea of] the yellow peril has never left them... They have no idea there are some 500 million people being lifted out of poverty.” 
   China today presents exquisite ironies, not least the house in Shanghai where Mao and his comrades secretly founded the Communist Party of China in 1921. Today, it stands in the heart of a very capitalist shipping district; you walk out of this Communist shrine with your plastic bust of Mao into the embrace of Starbucks, Apple, Cartier. 
   Eric Li, a Shanghai venture capitalist and social scientist, tells Pilger: “I make the joke: in America you can change political parties, but you can't change the policies. In China you cannot change the party, but you can change policies. The political changes that have taken place in China this past 66 years have been wider and broader and greater than probably any other major country in living memory.” 
   The world is shifting east, and America's dominance is ending. Once subjugated, scorned and impoverished, China is rising inexorably as the world's banker and builder. Will all this be allowed to happen peacefully? “We need to make America strong again,” says President-elect Donald Trump. “We need to make America great again ... and we need victories.”

Il suffirait d'un tweet...  

25 février 2017

L’édifiante compassion chrétienne

«Est-il absolument inévitable qu’il y ait antagonisme entre l’intérêt de l’individu et celui de la collectivité? – Probablement que non. Mais l’on peut aussi se demander pourquoi notre terre, qui pourrait être un séjour passablement agréable, pour des êtres intelligents, est transformée en enfer, par la stupidité de ses habitants.»   
~ Alexandra David-Néel (Sous une nuée d’orages; Plon 1940; Pocket 1980)

Des agents de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) ont kidnappé une mère dans un hôpital du Texas. Sara Hernandez devait être opérée pour une tumeur au cerveau et saignait du nez lorsque que les policiers lui ont ligoté les poignets et les chevilles pour l’expulser de l’hôpital.

Que diraient ces mêmes chrétiens si des forces armées démolissaient leurs lieux de culte et leurs cimetières comme ce fut le cas au camp Oceti Sakowin (réserve indienne Standing Rock, Dakota du Nord)?

Les résistants avaient proposé de nettoyer eux-mêmes leurs installations et demandé aux autorités de repousser la date d’éviction du 22 février. On a refusé tout en promettant que tout se ferait  avec considération.
   Les forces armées ont saisi les véhicules des protestataires; les retrouveront-ils? Par ailleurs, on a démoli au bulldozeur tous les abris sans se soucier de leur contenu. Energy Transfer Partners est pressé d’installer sa tuyauterie...

Jésus ne changera pas le pétrole en eau... Ni en bière, car ça prend de l’eau pour fabriquer de la bière.

«Parfois, la vérité doit être mise à l’envers pour être vue à l’endroit. Il n’y a ni fossé ni champ de mines dans le monde de la réflexion. Les tyrans et les dictateurs le savent bien. Ils redoutent la liberté que représente la faculté de penser chez leurs concitoyens.»
~ Henning Mankell (Sable Mouvant; Éditions du Seuil 2015)

Bref, je crois qu'on n’a jamais vu une telle réunion de sociopathes cupides à la Maison-Blanche. Que veulent-ils donc? Posséder tout l’argent et l’or du monde? Contrôler toutes les compagnies de pétrole, tout le carburant fossile de la terre? Leur dieu est l’argent et leur royaume le pouvoir. Ils ne respectent aucun héritage, aucun patrimoine, aucun État, aucun pays étranger, aucun humain, aucune forme de vie.

Il est difficile de blackbouler des hauts fonctionnaires même si l’Article II de la Constitution américaine le permet – «le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs». Comme dans n’importe quel procès, il faut des preuves béton et ça prendrait peut-être quatre ans pour les réunir. Et puis, on peut supposer que Trump démantèlera la Constitution de A à Z, comme l'EPA.

Toutefois, la maladie mentale, ça se soigne. Il suffirait de soumettre les membres et les conseillers du cabinet à une thérapie par électrochocs qui, semble-t-il, donne des résultats étonnants pour traiter certaines formes de psychopathie quand la médication ne fonctionne pas.

C’est à leurs réalisations qu’on évalue les hommes.

23 février 2017

Raymond Devos et l’agent de police

Crise au SPVM : deux décennies de guerre intestine, une vendetta entre frères d'armes de la police de Montréal.

«Si vous avez de la difficulté à vous y retrouver dans ces histoires de flics-qui-enquêtent-sur-des-flics-parce-qu'ils-enquêtent-sur-des-flics, vous n'êtes pas les seuls. J'adore les commissions d'enquête, une des grandes ressources naturelles du Québec. Nous produisons 50% de l'hydroélectricité du Canada, 91% de son sirop d'érable et probablement 95% de ses commissions d'enquête. Soyons fiers, mais n'abusons pas.» ~ Yves Boisvert (Police contre police, La Presse 23 février 2017) 

L’argent des contribuables jeté par les fenêtres...

Ce qui mène à un autre cul-de-sac – les gouvernements veulent plus d’études et de statistiques avant d’agir car la situation n’est pas claire : «Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c'est une crise. Depuis que je suis petit, c'est comme ça.» ~ Coluche (Pensées et anecdotes; Le cherche midi éditeur 1995)

Pour  réduire la pauvreté et les inégalités l’argent jeté par les fenêtres permettrait d’offrir l’éducation gratuite aux familles les plus pauvres, comme le propose l’Institut de recherche en politique publique http://irpp.org/fr/, un institut libre de toute idéologie politique semble-t-il. Des faits et des suggestions.

Ce qui mène à un autre cul-de-sac particulièrement tragique : 
   Trump aurait répondu «l’argent c’est la vie» aux protestataires de Standing Rock qui soutiennent que «l’eau c’est la vie» (non vérifié, mais quand on le regarde aller, il n’est pas difficile de conclure que son dieu est l’argent). 
   Il a certainement fallu beaucoup d’argent pour payer les forces armées et policières déployées à Standing Rock (incluant un char d’assaut!) pour forcer le peu de manifestants pacifiques et inoffensifs restants à quitter les vestiges du camp. Seuls les journalistes des médias autorisés par la MB pouvaient filmer. Quelques braves reporters indépendants qui tentaient de couvrir les événements jusqu’à la dernière minute ont été arrêtés. Un vétéran aurait reçu une décharge de pistolet électrique. Un journaliste avait reçu des balles de caoutchouc dans la main quelques jours auparavant, avec des séquelles permanentes. Et ainsi de suite.

J'avoue que j'avais bien peur que les forces armées ne massacrent les derniers résistants à l'opprobre «où le bien a perdu sa récompense et le mal sa hideur» (Gide). Un résumé des dernières heures : 
https://www.theguardian.com/us-news/2017/feb/22/dakota-access-pipeline-standing-rock-evacuation-police

On aspergeait les manifestants d’une substance blanche toxique (composants inconnus) qui causait de graves irritations de la peau. Un reportage sur la violence policière à Standing Rock (novembre 2016) :
http://www.huffingtonpost.com/georgianne-nienaber/morton-county-sheriff-bla_b_12797812.html

Un internaute américain suggérait de laisser Trump (l’agent orange) aller au Royaume-Uni ou en Russie ou au Mexique et de le bannir à son retour. Bonne idée!

Beau trait d’ironie (bannière américaine de manifestation) :
LÉGALISEZ LA DÉMOCRATIE (Legalize Democracy)

Donc, en marche vers des états policiers? Possible. 

Place à la satire.
Parfois c’est tout ce qu’il reste pour faire face au viol de nos droits et libertés.

Ça fait déguisé
Raymond Devos

L’autre jour, j’étais dans ma voiture, je me fais arrêter par un agent de police.
Il me dit :
Donnez-moi vos papiers!
À quel titre?
Police!
Je ne vous crois pas.
Puisque je vous le dis!
Prouvez-le!
J’ai l’uniforme!
Justement, il ne vous va pas! Ça fait déguisé!
Vous ne m’avez pas bien regardé, non?
Si! Et plus je vous regarde, plus je trouve que vous n’avez pas l’air vrai!
Qu’est-ce qui vous choque?
Tout!... Le képi est de travers!... les manches sont trop longues... et votre bâton, il est douteux!
C’est réglementaire!
Bon! Vous avez vos papiers?
Oui!
Passez-les moi... (Je regarde ses papiers.) Oui! il y a bien marqué «agent de police» mais rien ne prouve que ces papiers soient les vôtres!
Il y a ma tête!
Justement! Elle ne me revient pas!
Ce sont mes traits!
Vos traits?... ils ne sont pas réguliers!
!
Vous prétendez être un agent de police?
Oui!
Bon! Eh bien! Je vais demander quelques renseignements...
À votre service!
Où se trouve le boulevard Haussmann? Oh! Ce n’est pas la peine de regarder votre carnet!... vous ne savez pas?
Non!
C’est grave! C’est grave!... et la rue de la Chaussée-d’Antin?
Ça, je l’ai su!...
Et vous ne le savez plus?... c’est très grave!
Les rues, ce n’est pas mon fort!
Bon! Je vais vous poser quelques questions sur le Code de la route... Je suis dans ma voiture, je roule à droite... une voiture sur la gauche me rentre dedans... qu’est-ce que vous faites?
Je fais un constat!
Non, monsieur!
Si!
Non, monsieur!
Si!
Pourquoi?
Parce que quand on a besoin de vous, vous n’êtes jamais là!
C’est juste! Je n’y avais pas pensé.
Faites attention! C’est que c’est grave! C’est grave! 
!
Bon! Une autre question! J’arrive à un carrefour, je brûle un feu rouge... qu’est-ce que vous faites?
Rien!
– Pourquoi?
– Parce que je ne suis pas là!
– Si, monsieur, quand on brûle un feu rouge, il y a toujours un agent qui est là!
– C’est juste! Je suis là! Je suis caché, mais je suis là!
– Bon! Que faites-vous?
– Je vous demande vos papiers!
– À quel titre?
– Police!
– Je ne vous crois pas!
– Puisque je vous le dis!
– Prouvez-le...
– Je ne peux pas... alors là... j’avoue... je ne peux pas.
– Bon! Vous allez me suivre au commissariat de police.
– J’en viens!
– Vous allez y retourner.
– Je ne veux pas y retourner! Je ne veux pas retourner au commissariat!
– Pas d’enfantillage! Ils ne vous feront pas de mal!
– Vous ne les connaissez pas!
– Écoutez!... vous prétendez être un agent de police... vous ne connaissez ni le code, ni le nom des rues... Savez-vous seulement où se trouve le commissariat de police?
– Oui! C’est à l’angle du boulevard Haussmann et de la rue de la Chaussée-d’Antin.
– Ah! C’est maintenant que ça vous revient? C’est trop tard! Allez! Au poste!
Je l’ai emmené au poste.
J’ai dit au commissaire :
– Vous connaissez ce monsieur?
– Oui!... Qu’est-ce qu’il a encore fait?
– Il veut me faire croire qu’il est agent de police!
– C’est exact! C’est exact! Ce n’est pas la première fois qu’on nous le ramène! Il n’a pas le physique... personne n’y croit... nous-mêmes on n’y croit plus... 

(Matière à rire, période 1956-1968; p. 427)

Raymond Devos
Matière à rire
L’intégrale de : Ça n’a pas de sens, Sens dessus dessous et À plus d’un titre 
Plon, 1991 et 2006

21 février 2017

«Les décharges mortifères, miroir de notre civilisation»

Je suis en train de lire le testament autobiographique de Henning Mankell, Sable mouvant. On dit que nous sommes spontanément attirés par des milieux, des groupes, des personnes avec lesquels nous avons des affinités, dont les idées sont en résonance avec les nôtres. C’est vrai. On dit par ailleurs que ce faisant nous fermons la porte à des points de vue différents qui pourraient nous faire progresser. Possible. Mais je me demande comment je pourrais m’ouvrir aux politiques rétrogrades de l’administration états-unienne, voire les approuver.

Quelque chose m’échappe puisque Trump a remporté 59,7 millions de voix. Ce nombre dépasse la population totale du Canada évaluée à 36 504 508 individus en 2017; rien de rassurant. D'autant plus que Trump a fait de la haine quelque chose de «cool» pour les obsédés de la Bible et de la gâchette. Il criait tout haut ce que ses supporteurs murmuraient : nous haïssons tous ceux qui sont différents, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas blancs, hétérosexuels, misogynes, climatosceptiques, chrétiens, créationnistes, etc.

Réponse : Namasté, Hillbillies!   

Pour mieux comprendre la mentalité créationniste, il faut visiter virtuellement le Musée de la Création (Creation Museum, Petersburg, Kentucky) : creationmuseum.org. On y «enseigne» les origines de l'univers, de la vie et de l'humanité d’après une lecture littérale de la Genèse. La terre et les formes de vie qui s'y trouvent auraient été créées en six jours il y a environ six mille ans (on ne dit pas si Adam avait un nombril). Le clou : la construction de l'arche de Noé. Les théories exposées contredisent toutes les données scientifiques acquises à ce jour. On a répertorié plus ou moins 1,75 millions d'espèces animales sur la planète inluant les oiseaux, les insectes, etc. Si on estime celles qui ne sont pas connues, on pourrait facilement atteindre 10 millions. Selon la logique des concepteurs du musée, Noé aurait logé un couple de chaque espèce dans son arche. Comment les animaux exotiques tels que l'ours polaire, les kangourous, les phoques, etc., ont-ils cheminé à travers le désert pour se rendre à l'arche? Pourquoi avoir sauvé le serpent puisqu'il est la cause de tous nos malheurs? C'est plus désolant que désopilant.
   Inauguré en 2007, le musée de 27 millions $ a été financé par l'Association chrétienne de promotion du créationnisme Answers in Genesis. Pour attirer les enfants et mieux leur bourrer le crâne de faussetés, il y a des dinosaures partout – les enfants adorent les dinos, ça on le sait. Des gourous de la Brigade des Bigots comme Ken Ham offrent des conférences. Il affirme que «même si Dieu a promis qu’il ne punirait pas la terre une seconde fois par un déluge, il punira plutôt l’humanité pécheresse par le feu.» 
   Ham n’a peut-être pas tort sur le mode de punition – pyrotechnique – car les explosions de pipelines ne cessent de se multiplier; sortons nos masques et nos combinaisons ignifuges! Mais, un déluge de pétrole/diésel/plastique pourrait s'intégrer à la punition – mercredi dernier 138 000 gallons (US) de diésel se sont répandus à Worth County en Iowa (compagnie Magellan). Il serait urgent d’enseigner à Ham que ces catastrophes résultent des activités humaines (basées sur la cupidité) et non du péché originel...!

Ce que les climatosceptiques refusent de comprendre :
https://www.theguardian.com/environment/2017/feb/12/humans-causing-climate-to-change-170-times-faster-than-natural-forces?utm_content=buffere74d7&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer

En 2013 on estimait à 260 millions de tonnes la production de plastique chaque année dans le monde, dont un dixième se retrouve dans les océans. Plus de 250 espèces animales marines sont touchées par ce phénomène dont les tortues, les dauphins, les baleines et les raies. Ainsi, une baleine ingurgitant des produits dérivés du plastique voit son système digestif obstrué et devient incapable de se nourrir. 
   Patrick Deixonne, chef de mission de l’expédition Septième continent, disait : «Ce n'est pas ce qui était visible à l'oeil nu qui était le plus impressionnant; un des moments les plus marquants est lorsque nous avons été plusieurs à y plonger le bras – il a fallu ensuite utiliser des pinces à épiler pour retirer les petits morceaux de plastique de notre peau. Imaginons la baleine bleue qui ouvre grand sa gueule pour avaler tout ça!» (L’Express/Reuter; 31 mai 2014) 
   Encore récemment, on a trouvé une baleine échouée dont l’estomac contenait des sacs de plastique. Les gens qui mangent du poisson ingurgitent sûrement des microbilles de plastique, car il semble que nos usines d’épuration d’eau soient incapables de les filtrer. Une nouvelle chaîne alimentaire à base de microparticules élémentaires de plastique, et mal dans notre assiette...

Donald Trump va abroger des règles environnementales – Le président Trump s'apprête à annuler plusieurs règles édictées sous Barack Obama en matière de protection de l'environnement, rapporte le Washington Post citant des sources anonymes. Le président américain devrait notamment donner instruction au département fédéral de l'Intérieur de lever l'interdiction frappant l'octroi de nouvelles concessions de mines de charbon sur des terres fédérales. (Reuters)

Collage : Joe Webb http://www.joewebbart.com/ (une satire pour chaque défi)

Revenons à Mankell avec des extraits en rapport avec ce qui précède.

Tout d’abord les sables bitumineux de l’Alberta. Tandis que certains pays s’efforcent de modifier positivement leurs politiques environnementales, les États-Unis et le Canada s’enlisent dans les énergies fossiles. À ceux qui s’inquiètent des accords de l’ALÉNA, je dis : ne craignez rien, les supporteurs de l’industrie pétrolière s’en occupent. J’ai honte d’être canadienne.

Chapitre Boule de feu au-dessus de Paris (p. 161)
   Passons un instant de ces usines de grenades au district de l’Alberta, dans le nord du Canada. Dans un périmètre aussi grand que la Floride, on trouve le plus important gisement mondial de sable bitumineux. Pas de forage en l’occurrence : il s’agit d’une pure activité minière. Au cours des dix dernières années, les États-Unis ont importé plus de pétrole de l’Alberta que de l’Arabie saoudite.
   À court terme et dans une vision unilatérale du monde, on peut y voir une sage décision politique. Mais l’extraction de ce pétrole a un coût environnemental très élevé. Les émissions de gaz à effet de serre sont deux fois plus élevées qu’en Arabie saoudite. à   Certains scientifiques affirment aujourd’hui que la question de l’exploitation du sable bitumineux conditionne celle de savoir si nous allons réussir à maîtriser ou non le réchauffement climatique. 
   James Hansen, un expert des questions climatiques à la Nasa, affirme que «pour ce qui est de contrôler le réchauffement, le match est perdu». 
   Il est essentiel de réduire le recours aux énergies fossiles. Tout le monde le sait, hormis peut-être les menteurs les plus invétérés et les plus corrompus parmi les «experts du climat» travaillant pour le compte des entreprises qui en vivent. Mais l’exploitation du sable bitumineux de l’Alberta est un exemple significatif de notre propension à ignorer les conséquences de projets dont nous affirmons toujours qu’ils vont dans le sens du progrès de l’humanité.

Chapitre La bulle dans la paroi du verre (p. 35) 
   Le temps à venir se perd dans les mêmes brumes que le temps révolu. Quel que soit le côté où nous nous tournons, nous sommes enveloppés de brouillard, ou plutôt d’épaisses ténèbres. Nous pouvons envoyer nos pensées aux quatre points cardinaux et dans toutes les directions temporelles. Mais les réponses qui nous reviennent sont peu convaincantes. Nous ne pouvons aller au-delà de ce que les auteurs de science-fiction eux-mêmes ont du mal à appréhender. 
   Grâce à des modèles mathématiques, les chercheurs sont capables de calculer beaucoup de choses, depuis la création de l’univers jusqu’au jour où le soleil en expansion finira par avaler notre planète, quand les mers se seront évaporées et que le phénomène de la vie aura disparu depuis longtemps. Le soleil dispensateur de vie causera à la fin notre perte. Tel un gigantesque dragon de feu, il dévorera la Terre avant de mourir à son tour et de devenir une naine jaune morte et froide parmi d’autres. Mais les modèles mathématiques ne rendent pas le temps plus compréhensible pour nous. [...]  
   L’histoire humaine, comme celle de tous les êtres vivants, se réduit en dernier recours à des stratégies de survie. Rien d’autre n’a d’importance. Cette capacité se traduit par le fait que nous nous reproduisons, et que nous laissons aux générations suivantes le soin de se confronter aux mêmes enjeux de survie.


Chapitre La décharge flottante (p. 88 - ) 
   La vie des humains est lisible à travers leurs déchets. Les décharges sont un miroir où se laissent déchiffrer des millénaires de vie quotidienne. [...] 
   Les décharges de notre temps se présentent autrement et racontent d’autres histoires. 
   Le plus grand dépotoir du monde, à l’heure actuelle, n’est pas situé sur la terre ferme mais dans l’océan Pacifique, entre la côte californienne et Hawaï. Des millions de tonnes de détritus à la dérive. ... Les déchets se composent de plastique et ont une demi-vie infiniment longue. [...] 
   Bien entendu, un grand nombre de personnes travaillent aujourd’hui à contrer l’avancée de la montagne-poubelle. Nous avons une importante politique de tri et de recyclage qui n’existait pas il y a vingt ans. ... 
   Mais ce n’est pas assez, vu que les plus dangereux des déchets, à savoir le nucléaire à l’échelle globale, ne dispose pas encore de solution viable pour son stockage définitif. Les plus grands consommateurs de nucléaire, tels que la Chine et les États-Unis, ont à peine commencé à construire des stations de stockage provisoire, en attendant d’imaginer des méthodes de stockage définitif et de les approuver politiquement. Ce qui a lieu, ou non, dans un pays comme la Corée du Nord, je ne veux même pas y penser. J’y pense néanmoins. 
   Toutes les civilisations ont laissé des déchets. Quand un empire tombe, son premier souci n’est pas de faire le ménage. Mais l’Égypte des pharaons pas plus que la Rome impériale n’ont laissé derrière elles de déchets mortifères. 
   Nous, oui.

Chapitre Tout cet amour oublié (p. 103) 
   Se peut-il que le nucléaire soit une réalité qui rompt de toutes les façons possibles avec un schéma fondamental? Nous savons que les civilisations ne font pas le ménage derrière elles. Mais aucune n’a jamais laissé derrière elle des déchets qui resteraient mortellement dangereux pendant des millénaires. 
   Là, nous sommes uniques. Absolument les seuls dans l’Histoire.

Chapitre Les hippopotames (p. 121 - ) 
   Choisir, décider, c’était prendre la vie au sérieux. [...] Même s’il m’est arrivé d’avoir tort dans la vie, j’estime que ce ne peut pas être pire que de ne pas prendre position. Je m’étonne souvent de ces gens qui flottent sans résistance au gré du courant, qui ne remettent jamais leur existence en question, qui ne se décident pas à changer de vie même lorsque c’est de toute évidence nécessaire. Les gens divorcent. C’est une forme de changement. Mais qu’en est-il des ruptures plus profondes encore, celles liées aux choix de vie? Voilà les questions importantes auxquelles on est confronté, et auxquelles il faut répondre. [...] 
   La vie consiste la plupart du temps en hasards qui viennent pour ainsi dire à notre rencontre. Tout tient à notre capacité de prendre des décisions conscientes face à la situation ainsi créée. [...] 
   La responsabilité du choix, c’est aussi oser décider de quel côté on se situe dans une société injuste, traversée de conflits et marquée par l’indignité. C’est pourquoi nous sommes tous des êtres politiques, que nous le voulions ou non. Nous vivons dans une dimension politique fondamentale. Par le fait même d’exister, nous passons un contrat avec tous nos contemporains, mais aussi avec les générations futures. 
   Qu’est-ce qui conditionne nos décisions? Qu’est-ce qui oriente les choix que nous faisons, les idées qui sont les nôtres, ce que nous trouvons par exemple inadmissible? Que choisissons-nous de défendre, et que choisissons-nous de rejeter?

Chapitre Dents phosphorescentes (p. 141 - )
   Une année après la découverte des rayons X, Henri Becquerel découvrait la radioactivité, relayé par les expériences de Marie Curie. Avant que les dangers des radiations pour la santé ne fussent reconnus, le radium suscita l’enthousiasme et on lui attribua des vertus miraculeuses. La revue médicale Radium, parue en 1916 aux États-Unis, certifiait qu’il n’y avait «absolument aucun effet secondaire indésirable» et qu’il était aux être humains «ce que la lumière du soleil est aux plantes». [...] 
   La vérité mise au jour était très simple : ceux qui croyaient que le rayonnement radioactif traversait les corps sans laisser de traces avaient eu tort. La radioactivité se fixait sur le squelette. Si la personne avait été exposée à de fortes doses pendant une durée prolongée, cela menait au cancer et à une mort souvent douloureuse. [...] 
   Nous pouvons évoquer de la même manière la souffrance et les dommages irréversibles causés à ceux qui travaillent avec l’amiante. Aujourd’hui encore, le monde occidental exporte ses bateaux destinés à la casse afin qu’ils soient démontés par exemple en Inde. Des bateaux remplis d’amiante. Et ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter ce travail n’ont souvent pas d’accès à de simples masques en papier. Beaucoup meurent d’asbestose. ... Les victimes ont l’impression de suffoquer peu à peu : un travailleur de la mine de Wittenom en Australie a dit qu’il avait l’impression d’avoir «les poumons remplis de ciment mouillé». 
   Cela se produit encore et ne cessera jamais. L’être humain se lance constamment dans de nouveaux projets sans chercher à savoir si sa dernière invention en date ne recèlerait pas par hasard une ombre cachée. 
   Le risque existe toujours. Et, parfois, l’ombre cachée génère une catastrophe majeure.

Chapitre Le radeau de la mort (p. 98) 
   Le Radeau de La Méduse raconte l’espoir qui vit encore quand tout espoir est perdu. Le paradoxe qui témoigne, plus que tout, de la volonté de survie qui nous habite toujours, nous autres humains, quelles que soient les circonstances. L’espoir est là, malgré tout. Peut-être n’est-il plus qu’une ombre. Mais il est là.

SABLE MOUVANT
Fragments de ma vie
Henning Mankell
Traduit du suédois par Anna Gibson
Éditions du Seuil, septembre 2015

«Mourir de faim n’est pas un choix»

La malnutrition fait des ravages chez les jeunes enfants somaliens.
Photo : AFP / MUSTAFA ABDI 

L'agence onusienne des enfants a prévenu que 1,4 million d'enfants sont menacés d'une «mort imminente» par la famine qui frappe des secteurs du Soudan du Sud, du Nigeria, de la Somalie et du Yémen. L'UNICEF lance cet avertissement après qu'une famine eut été déclarée dans l'État d'Unity, au Soudan du Sud, qui est déchiré par la guerre civile depuis 2013 et où une inflation galopante rend les aliments impossibles à acheter. (AP)

Quelques réflexions de Henning Mankell sur la pauvreté (Sable Mouvant). 

Chapitre Les hippopotames (p. 121 - )

[...] Avoir la possibilité de choisir ce à quoi on consacre son existence est un grand privilège. Pour la très grande majorité des habitants de la planète, la vie est fondamentalement une affaire de survie, dans des conditions dramatiques. [...] Au cours des millénaires, très rares sont ceux qui ont pu se consacrer à autre chose qu’à la survie. Ils n’ont certes jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui. La moitié de l’humanité, de nos jours, vit encore sans aucune possibilité de choix. [...] Pouvoir «changer de vie» leur est un luxe inaccessible. 
   Ceux qui n’ont pas été contraints de consacrer leur temps à la survie ont aussi généralement été ceux qui détenaient le pouvoir, quelle que soit la forme de société dont on parle. Ils ont été par exemple prêtres et gardiens du temple, chargés d’amadouer les dieux ou d’interpréter les voies impénétrables du destin. Les révoltes et les révolutions ont toujours eu le même enjeu. Lorsqu’on ne peut survivre alors qu’on s’échine au travail jusqu’au bout de ses forces, il ne reste pas d’autres solution que de se révolter. C’est après le passage à la révolte que la question du «droit à autre chose» s’affirme et se précise. [...] 
   Ceux qui vivent dans les marges extrêmes d’une société n’ont aucun choix. 
   Se coucher dans la rue pour mourir n’est pas un choix. Se laisser mourir de faim n’est pas un choix. Nous avons aujourd’hui tous les moyens nécessaires pour éradiquer la misère absolue et hisser l’ensemble des êtres humains vivants au-dessus du seuil de malnutrition. Nous choisissons de ne pas le faire. C’est un choix que je ne peux considérer autrement que comme un acte criminel. Mais il n’existe pas de tribunal habilité à poursuivre, à l’échelle globale, les criminels responsables du fait que la faim et la misère ne sont pas combattues à l’aide de toutes les ressources disponibles. Et qui nous entraînent tous à être complices et à avoir notre part de responsabilité dans ce choix. [...]

SABLE MOUVANT
Fragments de ma vie
Henning Mankell
Traduit du suédois par Anna Gibson
Éditions du Seuil, septembre 2015

Collage : Joe Webb http://www.joewebbart.com/

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Nous pourrions également faire quelque chose pour les pauvres des pays riches car il y en a de plus en plus.

Qu’arriverait-il si l’on donnait un revenu de base garanti à chacun, quel que soit son statut économique?

La ville sans pauvreté – À Dauphin, au Manitoba, entre 1974 et 1979, les familles qui ont reçu MINCOME (un revenu de base garanti) ont eu moins d'hospitalisations, d’accidents et de blessures. L’hospitalisation en santé mentale a chuté de façon spectaculaire. Et le taux de réussite scolaire a grimpé pendant l'expérience, notamment chez les adolescents de 16 à 18 ans qui ont terminé leurs études. La fréquence des grossesses avant l'âge de 25 ans a diminué, et quand cela se produisait les jeunes femmes avaient moins d'enfants par la suite. 
   Le programme a amené la plupart des bénéficiaires au-dessus du seuil de pauvreté (critères canadiens de l’époque). Et les effets sur l'emploi dans la région de Dauphin ont été négligeables. «Chez les soutiens principaux – ceux qui avaient des emplois à plein temps – il n'y a pratiquement pas eu de déclin», souligne Evelyn Forget. «Personne n'a quitté son travail.» 
   L’argent reçu du gouvernement a réduit l'anxiété liée à la survie économique des familles, leur permettant d'investir dans leur santé et de planifier à plus long terme. Conclusion : meilleur état de santé physique et mentale, moins de stress, d’alcoolisme, de décrochage scolaire... À long terme, les économies réalisées en soins de santé, en assistance sociale, assurance chômage, et en fonctionnaires, représenteraient un gain substantiel pour l’État et la société en général. Tout le monde se porterait mieux.

J'ai choisi l'expérience canadienne, mais l'article est à lire au complet, il est question entre autres du référendum sur le revenu garanti qui devrait avoir lieu prochainement en Suisse.  

What Would Happen If We Just Gave People Money? By Andrew Flowers
http://fivethirtyeight.com/features/universal-basic-income/?ex_cid=538twitter

(Excerpt)

[...] What do we know about giving a guaranteed income to everyone? Not much. Negative income tax policies such as the EITC target specific groups, usually the poor. They have been tested. But basic income is often pitched as universal everyone would get the same amount, regardless of their circumstances. And that has never been examined in a rigorous way.

The closest research we have to how a universal basic income could work comes from a small town in Canada. From 1974 to 1979, the Canadian government partnered with the province of Manitoba to run an experiment on the idea of providing a minimum income to residents. The result was MINCOME, a guaranteed annual income offered to every eligible family in Dauphin, a prairie town of about 10,000, and smaller numbers of residents in Winnipeg and some rural communities throughout the province. MINCOME remains one of the most influential studies of basic income in a rich-world country. 
   Evelyn Forget, now an economist at the University of Manitoba, was a student in Toronto at the time. “I knew this was happening in Manitoba. I just stopped hearing about it,” she said. When Canada’s governing party changed midway through the MINCOME experiment, funding dried up and the researchers were told to archive their data for later analysis. No database was created, and the results of MINCOME were not examined. 
   Decades later, Forget started digging for the data. She unearthed 1,800 dusty cardboard boxes with information on each family receiving MINCOME at Canada’s National Archives. Forget digitized the materials and matched MINCOME records with those in the database of Canada’s universal health insurance program, which was introduced around the same time. That allowed her to compare the health of those receiving MINCOME to the health of similar people who didn’t. It resulted in a blockbuster research paper, decades in the making: “The Town With No Poverty,” published in 2011
https://public.econ.duke.edu/~erw/197/forget-cea%20(2).pdf

Families receiving MINCOME had fewer hospitalizations, accidents and injuries, Forget found. Mental health hospitalizations fell dramatically. And the high school completion rate ticked up during the years of the experiment, with 16-to-18-year-old boys, in particular, more likely to finish school. Younger adolescent girls were less likely to give birth before age 25, and when they did, they had fewer kids. 
   The program brought most recipients above Canada’s poverty line. And the employment effects in Dauphin were modest. “For primary earners those with full-time jobs there was virtually no decline” in work, Forget said. “Nobody was quitting their jobs.” Cash from the government eased families’ economic anxiety, allowing them to invest in their health and plan over a longer horizon. 
   MINCOME is now serving as inspiration for basic income’s comeback in Canada. In its 2016 budget, the provincial government of Ontario announced plans to conduct a basic income pilot this year. [...]

Interview with Evelyn Forget (June 13, 2016): https://www.youtube.com/watch?v=e36U5MQZc5o