Hendrickje Stoffels, seconde épouse de Rembrandt |
D’abord le point de vue de l’écrivain François Cheng :
«Les femmes ont tort de croire que leur beauté est un avoir qu’il faut cultiver comme une médaille que l’on possèderait.
De plus, tout être étant unique, toute beauté est singulière, et il n’y a pas de canon de beauté. Le canon de beauté, c’est un élément de la pensée grecque apparu lorsque la sculpture grecque a sombré dans l’académisme. Or, la beauté et le charme naissent de la singularité. L’unicité est terrifiante.
Je trouve que l’un des plus beaux portraits de femme est celui de la seconde épouse de Rembrandt, qui était une femme relativement âgée. Son visage n’est plus très jeune, elle a des rides et des formes très pleines, mais dans ses yeux transparait une lumière de sensibilité, de bonté et d’accord avec la vie. C’est une femme comblée qui dégage une sorte de paix intérieure. Pour moi, elle incarne véritablement la beauté.
Beauté, élan vers la beauté, c’est-à-dire vers la plénitude, en vue d’une existence pleine et si possible harmonieuse avec d’autres présences qui tendent aussi vers la beauté.
Ce qui fait la beauté humaine, c’est un travail de l’esprit, si l’on peut dire, qui anime de l’intérieur tout l’être. Quant aux traits extérieurs plus ou moins agréables, plus ou moins jolis, cela vient de surcroit.»
~ François Cheng
Poète, calligraphe, romancier et essayiste, François Cheng, né en Chine en 1929 et naturalisé français en 1971, enseigne à Paris-VII et à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). En 1998, Le Dit de Tianyi (Le Livre de poche, 2001), son premier roman, obtient le prix Femina. Il a été élu à l’Académie française en 2002.
À lire : Cinq Méditations sur la beauté
De la découverte de la beauté par l’enfant Cheng à la métaphysique du beau qui conduit l’homme vers le bien, le cheminement d’une pensée qui se nourrit de références issues, à part égale, de l’histoire littéraire française et de la pensée chinoise (Albin Michel, 2006).
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Nous sommes à des années-lumière de cette vision, à une époque où la beauté plastique – mais vraiment plastique – est un absolu, en particulier sous la dictature des gouts hollywoodiens. Haut-lieu de vanité, s’il en est.
Se défigurer de plein gré
Survivre dans le milieu de l’industrie cinématographique requiert un minimum de beauté j’en conviens. On laisse les hommes tranquilles; mais pour les femmes, le défi de l’âge reste intransigeant. Pour l’actrice moyenne, vieillir peut bêtement signifier un retrait permanent des génériques; c’est là que le bât blesse – en pleine figure!
Voilà sans doute pourquoi les actrices se soumettent à des transformations corporelles radicales. Je comprends que durant un tournage on retouche occasionnellement les acteurs au botox, d’autant que la haute définition ne laisse rien passer. Mais, les boursoufflures sont souvent proportionnelles à celles de l’égo. Quant à la chirurgie esthétique, peut-être verrons-nous de nouveaux formatages émerger : les yeux sur les tempes et les oreilles derrière la tête (à force d’étirer…).
Bref, le résultat peut enlaidir au lieu d’embellir; et les botoxés ont de plus en plus l’air de clones fraichement arrivés d’une galaxie lointaine.
Méconnaissables...
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Mais, il y en a qui choisissent tout de même d’échapper à la refonte, et à qui je décernerais volontiers toutes les statuettes catégorie «rester soi-même».
Et parmi celles-là, mes nominées sont : Charlotte Rampling et Jacqueline Bisset. Reconnaissables et toujours aussi belles – avec leurs rides. C’est faire preuve d’une sagesse peu commune, car ça ne doit pas être facile d’assumer son âge dans un milieu de travail aussi factice.
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BRIN DE SAGESSE TAOÏSTE
Précieux et sans valeur
Peut-on faire une distinction entre précieux et sans valeur?
À la lumière du Tao, rien n’est ni précieux ni sans valeur. Chacun cependant s’admire et méprise les autres. Dans la vision humaine, la valeur d’une chose ne dépend pas de sa qualité intrinsèque.
Une chose n’est jamais ni bonne ni mauvaise. C’est la vision humaine qui lui accorde une valeur. Celui qui transcende le jugement devient un être libre.
Vivre avec une tumeur [on peut remplacer tumeur par vieillesse]
Deux hommes étaient allés contempler les transformations de la Nature dans les montagnes de Kunlun.
- Aïe! Une tumeur est apparue sur ton coude droit. N’es-tu pas troublé? Ne hais-tu pas cette chose?
- Pourquoi? Vie et formes ne sont que des combinaisons fortuites d’éléments naturels. Nous sommes venus ici pour observer les transformations de la Nature. Une transformation apparait dans mon corps, pourquoi en serais-je troublé?
Dans la vie, le changement est continuel, l’esprit humain doit s’en accommoder. N’utilisez pas votre vision d’hier pour percevoir ce qui se passe aujourd’hui.
Tchouang Tseu 2
Tsai Chih Chung
Philo Bédé ; Carthame Éditions
C'est, une fois de plus, François Cheng qui dit l'essentiel. Et il le dit bien c a d avec Beauté!
RépondreEffacerL'essentiel en effet vient de la prise de conscience de la dimension spirituelle de chaque être humain. La véritable beauté vient de l'âme.
La civilisation du show biz et de la pub dans laquelle nous nous sommes vautrés (sous l'influence américaine) depuis plus d'un demi-siècle, comme des goinfres avides de satisfactions immédiates, tend à privilégier le superficiel, ce qui est "tendance", c à d immédiatement consommable et donc passager.
La Beauté éveille le sens de l'infini qui est en chacun de nous. Elle vient de ce qui nous élève intérieurement et non extérieurement, vers le meilleur de nous-mêmes.
Amicalement en accueil,
Remo VESCIA
Même problème avec les Jeux Olympiques qui ont perdu toute notion de saine compétition au profit du show (entre autres avec les stéroïdes – un équivalent du botox au cinéma :o)
EffacerJe trouve légitime d’appuyer des films de qualité et de souligner le jeu exceptionnel de certains acteurs – le faire avec simplicité garderait le focus sur l’essentiel. L’actuel clinquant périphérique donne la nausée. Mais c’est un business à background sociopolitique plus que profitable. Alors…
«La Beauté éveille le sens de l'infini qui est en chacun de nous» : tellement juste!
Amicalement
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«Notre vie n’est pas derrière nous, ni avant, ni maintenant, elle est dedans.»
~ Jacques Prévert
«Oui, l’habit ça flatte toujours; et ce n’est pas moi qui suis élégant, c’est mon costume.»
~ Marcel Pagnol