12 janvier 2011

Moments d’illumination 1

Ces images de la chute El Capitan au Parc National Yosemite en Californie sont exceptionnelles. Elles dépendent de la réunion de deux facteurs précis : fonte de glace et de neige en quantité suffisante pour créer une chute, et soleil.  

Il semble que le phénomène visuel est créé par la réflexion des rayons du soleil atteignant la chute à un angle spécifique. Année après année, les photographes s’arment de patience car les moments propices à la capture de ce phénomène ne se présentent qu’à la fin de février, sur une période de deux semaines. Le lieu est par ailleurs réputé pour l’escalade et le base jump (chute libre, parapente, etc.).  


Or, en voyant ces photos, je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec nos instantanés d’illumination. Cet effleurement accidentel de l’âme provenant d’un autre soleil. On se met à briller, un peu comme cette «chute de feu» lorsque les conditions sont propices. Certains expérimentent une illumination choc d’une ampleur telle qu’ils en restent imprégnés à vie. D’autres illuminent par à-coups. De flash en flash, la lumière fait son chemin.

Ces incidents peuvent dramatiquement modifier notre perception du monde. Néanmoins, une fois «redescendu du Mont Thabor», l’on se rend bien compte qu’il n’y a pas d’illumination ultime, si profonde soit-elle, qu’il n’y a pas de plafond pour ainsi dire.

Dans son ouvrage «Anthologie de l’Extase», Pierre Weil(1) énumère les caractéristiques principales de l’expérience :  

«Des analyses rigoureuses et de nature interculturelle du contenu de témoignages, comme ceux réunis dans ce volume, ont permis d’en brosser un portrait d’ensemble. On pourrait citer, entre autres :
- Le vécu de l’espace comme ouverture de l’être;
- Le vécu d’une lumière intense;
- Le caractère ineffable : il n’y a pas de mots dans notre langage pour en traduire la beauté, la puissance et la nature;
- Le caractère immédiat et soudain : l’expérience «arrive» au moment où l’on s’y attend le moins;
- La dissolution de toute espèce de dualité : sujet-objet, intérieur-extérieur, bien-mal, vrai-faux, sacré-profane, relatif-absolu, etc.;
- La dissolution des trois dimensions du temps et la prise de conscience de leur valeur relative liée au caractère discriminatif de la pensée et de la mémoire;
- L’inexistence d’un moi, self ou ego;
- Des manifestations d’ordre parapsychologique accompagnent le vécu ou se manifestent postérieurement à celui-ci : phénomènes de clairvoyance, télépathie, psychokinésie, rencontre d’êtres en autre dimension, expérience de sortie du corps physique.
     Il convient de faire quelques observations au sujet des manifestations parapsychologiques.
     Bien qu’elles apparaissent souvent pendant ou après les états transpersonnels(2) et constituent l’apanage de nombreux, sinon de tous les mystiques, il ne convient pas de les considérer comme des caractéristiques transpersonnelles. D’une par parce qu’elles impliquent toutes un sujet et un objet, ce qui veut dire qu’elles sont de nature dualiste. D’autre part parce que les phénomènes parapsychologiques apparaissent souvent chez des personnes qui n’ont aucune manifestation d’ordre transpersonnel, et parfois ont une éthique peu recommandable.
     Les grands maîtres n’y prêtent d’ailleurs aucune valeur et recommandent à leurs disciples de passer outre.
     Nous insistons sur ce point car il y a dans le public une grande confusion à ce sujet; on confond le parapsychologique et le transpersonnel.
- Vécus régressifs, vision «comme dans un film» des phases de la vie passée, de la naissance, de la vie intra-utérine, de mémoires ancestrales, réincarnatoires, animales, végétales, minérales, cellulaires, moléculaires, atomiques et sous-atomiques;
- La conviction du vécu de la «réalité» telle qu’elle est;
- Des changements de système de valeurs et de comportement postérieur;
- La perte de la peur de la mort.  

… On peut distinguer deux grandes catégories de témoignages :
- Ceux qui traduisent un vécu authentiquement transpersonnel où il n’existe plus d’ego illusoire et où prédomine l’ouverture de l’espace atemporel de l’Être;
- Ceux où il existe encore un sujet observateur de lumières, couleurs, phénomènes parapsychologiques, etc.

Seule la première catégorie peut être considérée comme authentiquement transpersonnelle, car celle-ci est non duelle. La deuxième catégorie peut être considérée comme pré-transpersonnelle.

Il convient également de distinguer, au niveau transpersonnel, deux types de témoignages : celui d’un vécu sporadique ou expérience transpersonnelle, et celui exprimant une permanence de ce vécu dans la vie quotidienne s’étendant même au rêve et au sommeil. Il s’agit alors d’état transpersonnel qui n’existe que chez des êtres complètement réalisés, ce qui est en fait très rare.

Peut-on d’ailleurs parler d’expérience, dans un état où n’existe plus ni sujet, ni objet, ni relation entre les deux? Notre vocabulaire est pauvre dans ce domaine, ce qui explique l’emploi de métaphores et de symboles qui varient suivant chaque culture et école mystique.

Le vécu transpersonnel est considéré dans le yoga comme un des quatre états de conscience qui sont : l’état d’éveil, de rêve, de sommeil et l’état transpersonnel proprement dit.»    

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Par ailleurs, Pierre Weil mentionne l’ouvrage «La Conscience Cosmique» de Richard Maurice Bucke(3) à titre de référence en matière de recherches :

«Au début du XXe siècle, en 1901, un psychiatre canadien, Richard Maurice Bucke, publie ce qui peut être considéré comme la première analyse de témoignages de ce qu’il appelle la ‘Conscience Cosmique’, titre de son ouvrage devenu un classique depuis dans les milieux du transpersonnel. Il fut lui-même un des premiers contemporains à être passé par une expérience de conscience cosmique dont on trouvera le récit dans cette première partie consacrée aux témoignages de notre époque. Est particulièrement intéressant dans sa contribution le fait qu’il ait prévu que le nombre d’expériences et témoignages irait en augmentant pendant notre vingtième siècle. Voici textuellement ce qu’il en dit :
…des cas de conscience cosmique sont en gros cinq fois plus fréquents que ce qu’ils étaient il y a, disons, mille ans. Cela ne veut pas dire qu’ils deviennent plus fréquents exactement dans cette proportion. Il doit y avoir eu un grand nombre de cas dans les derniers deux mille cinq cents ans, dont la mémoire est complètement perdue. Mais il semble à peu près certain que ces personnes sont plus nombreuses dans le monde moderne qu’elles ne l’étaient dans l’ancien. Ce fait, mis en rapport avec la théorie générale de l’évolution psychique […], tend à confirmer de loin la conclusion suivant laquelle de même que, il y a longtemps, la conscience de soi est apparue chez les meilleurs spécimens de notre race ancestrale à sa phase primordiale, et devint progressivement de plus en plus universelle tout en apparaissant dans l’individu de plus en plus tôt. Maintenant elle apparaît en moyenne aux alentours de trois ans. La conscience cosmique deviendra de plus en plus universelle jusqu’à ce que la race entière possède cette faculté. La même race et pas la même, car la race de la conscience cosmique ne sera pas la race qui existe aujourd’hui, de la même façon que la race d’aujourd’hui n’est pas la même que la race qui existait avant l’évolution de la conscience individuelle. La simple vérité, c’est que pendant des millénaires, au milieu de la foule des êtres ordinaires, est ‘apparu par intervalles’ le commencement encore bien faible d’une nouvelle race; marchant sur la terre et respirant avec nous et en même temps cheminant sur une autre terre et respirant un air différent dont nous ne connaissons que très peu ou rien du tout, mais qui constitue, en fin de compte notre vie spirituelle, tout comme son absence serait notre mort spirituelle. Cette nouvelle race est en train d’être engendrée de nous-mêmes, et dans un futur prochain occupera et possédera la terre.  

En fait, tout nous indique que la prévision de Bucke est en pleine réalisation. Le nombre de personnes qui entrent dans un état transpersonnel augmente énormément comme le montrent des enquêtes réalisées aux États-Unis.

Les textes de témoignages que nous présentons dans ce chapitre proviennent de sources occidentales, mais leurs auteurs sont souvent engagés dans une voie traditionnelle, ont pratiqué ou pratiquent une religion; d’autres, par contre, sont agnostiques et ont été pris de surprise par l’expérience, sans qu’aucune cause puisse être invoquée, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existe pas.»  

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(1) Pierre Weil est docteur en psychologie. Élève de Piéron, Wallon, Piaget et A. Rey, il a commencé sa carrière universitaire par des recherches sur les aspects psychologiques de l’émotivité. Il fut président de la Cité de la paix à Brasilia et cofondateur de Holos Transnational (association holistique internationale) et de l’Université holistique internationale. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues, notamment «L’homme sans frontières», «Répression et libération sexuelles»… Anthologie de l’Extase est un recueil de témoignages anciens et modernes; publié chez Albin Michel, 1989; 152 pages

(2) Le transpersonnel : Lorsqu’un jour du troisième millénaire on se posera la question de savoir qu’elle fut la découverte la plus importante du XXe siècle, la réponse ne sera sans doute pas la force atomique ni celle des univers parallèles, mais celle de l’état transpersonnel de la conscience ou conscience cosmique. Cette dernière découverte constitue aujourd’hui le point de rencontre et de convergence entre la physique moderne et la psychologie, rencontre assez inattendue, si l’on tient compte de la distance qui semblait séparer ces deux disciplines; pourtant les états mystiques et les vues des grandes traditions spirituelles de l’humanité ont attiré l’attention de nombreux physiciens.

(3) Né au Canada en 1837, Richard Maurice Bucke a fait ses études à l’Université McGill de Montréal, et a occupé plusieurs postes de prestige dans le cadre de sa profession de psychiatre. Il a œuvré principalement en Ontario, sa province d’origine. Le philosophe-mystique illuminé était un ami intime de Walt Whitman, et fréquenta aussi Carpenter, Thoreau et bien d’autres. Il a écrit plusieurs livres, notamment sur Walt Whitman qu’il admirait profondément et dont il fut «exécuteur littéraire». La Conscience Cosmique est le résultat de son illumination personnelle. La valeur de La Conscience Cosmique tient autant à son aspect mystique qu’à son aspect scientifique, et tout véritable chercheur de connaissance ne peut qu’y trouver de quoi nourrir sa quête. Peu après la publication de Cosmic Consciousness, l’auteur quittait ce monde. Mission accomplie.

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COMMENTAIRE 

Si cette Conscience Cosmique venait à se répandre chez le plus grand nombre, ce ne serait peut-être pas un luxe que de créer des véhicules d’expression mieux adaptés à cette fréquence au lieu de continuer à évoluer dans des gabarits antédiluviens. Et je ne fais pas allusion ici à des clones ou robots humanoïdes concoctés en laboratoire. Oh que non, ce serait régrresser! Je pense plutôt à des êtres de densité moindre, capables d'absorber plus de lumière...

Quoiqu’il en soit, qu’on ait vécu des micros ou macros épisodes d’illumination, ces livres constituent une source d’inspiration et d’aspiration d’une grande richesse.

Billet suivant : quelques témoignages.

2 commentaires:

  1. Anonyme11.9.12

    s'attendre à ce que les individus doués de ces capacités représentent dans le futur la majorité, est une douce illusion, car vous semblez oublier que seuls les caractères ayant un avantage sélectif au niveau de l'évolution sont justement sélectionnés. mais si vous êtes allergiques aux termes évolutionnistes, à la science et au pragmatisme, considérez alors simplement le fait que si cette capacité de supra-conscience ne permet pas à ceux qui en sont doués d'avoir l'ascendant en termes de compétition pour la survie, on voit mal comment elle se généraliserait. j'espère que c'est pas trop compliqué ce que je dit là

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    1. Bonjour,

      Ce n'est pas une attente, plutôt un rêve...

      Je ne suis pas allergique à la théorie évolutionniste ni à la science. J’ai plutôt tendance à penser que nous sommes des robots biologiques – en tout cas c’est ainsi que nous agissons la plupart du temps, et ce faisant, nous n’avons pas de quoi nous faire péter les bretelles…

      Les limites des corps physiques conditionnent nos comportements quasi à 100% et je trouve qu’elles nous servent plutôt mal en matière d’évolution. Les scientifiques et les évolutionnistes n’ont pas encore expliqué l’apparition soudaine de certaines espèces ni certains bonds évolutionnaires fortuits. Ces "trous scientifiques" me permettent de me bercer de quelques «douces illusions» et d'imaginer d’autres modes d’existence, des réalités différentes… en parallèle.

      Ce mot d’Alan Cohen résume bien mon point de vue :
      «Vos pensées ne créent pas la réalité; elles la permettent ou ne la permettent pas.»

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