12 octobre 2010

Moi, moi, moi...

(Suite du billet "Les attentes" - libellé Joko Beck)

Les rapports de couple ne sont pas fiables
Charlotte Joko Beck
(Soyez zen … en donnant un sens à chaque acte à chaque instant; Pocket)

Extraits

(…) J’aimerais aborder ce sujet pour essayer de démystifier un peu les illusions que nous avons à propos de ces fameux rapports dont nous attendons tellement. Eh bien, laissez-moi vous dire que nous faisons complètement fausse route car ils ne marchent pas. Il y a toujours quelque chose qui cloche et qui fait capoter le couple. Mais alors, me direz-vous, à quoi ça sert de pratiquer le zen si l’on n’y peut rien et qu’on est de toute façon certain de courir au fiasco? À vrai dire, si nos couples sont apparemment si souvent voués à l’échec, c’est pour la bonne et simple raison que nous en attendons tellement de choses. On voudrait que ça marche!

Ne noircissons pas trop le tableau : certes, la vie n’est pas forcément un fiasco, mais elle le devient vite quand on part du principe qu’on doit l’organiser de façon à y trouver un maximum de satisfaction personnelle. Nos rapports sont toujours empreints d’une certaine dose d’attente qui se manifeste de manière plus ou moins subtile ou évidente : « Si je me débrouille bien, il y a des chances que cette relation-là marche bien et m’apporte ce que j’attends. » Nous attendons toujours quelque chose des gens auxquels nous sommes liés. D’ailleurs, même le fait d’éviter un rapport est encore révélateur d’une forme de désir.

Alors, si les rapports de couple ne sont pas fiables, qu’est-ce qui marche? La seule chose qui marche réellement (pourvu qu’on pratique sérieusement), c’est une qualité de motivation qui vous pousse à ne pas agir uniquement en vue de votre propre satisfaction, mais avec le souci d’apporter une contribution positive à la vie et aux autres, notamment à travers les rapports que vous entretenez avec eux. Voilà qui est peut-être très beau et très inspirant à entendre, mais l’ennui, c’est que personne ne tient particulièrement à essayer, concrètement. Qui a envie de se dévouer aux autres et de les aider? De vraiment se dévouer à eux, dans le sens de tout leur donner sans rien en attendre en retour? Leur donner du temps, du travail, de l’argent – tout ce dont ils peuvent avoir besoin. L’amour – le vrai – n’attend rien en contrepartie : tu as besoin de quelque chose, eh bien, je  te le donne. Une attitude qui est aux antipodes de nos petits jeux habituels où nous agissons toujours en fonction d’une arrière-pensée. Quand vous dites par exemple : « Il faut qu’on se parle, pour améliorer nos rapports », vous pensez dans votre for intérieur : « Il faut qu’on se parle pour que tu comprennes bien ce que j’attends de toi. » C’est à cause de ces calculs que nos rapports ne peuvent pas marcher. Le constater, c’est déjà envisager l’étape suivante : trouver une autre manière d’être qui débouche sur un nouveau type de rapports.

(…) Pratiquer la méditation, ce n’est pas fuir le monde au profit de quelque rêve éthéré; au contraire, c’est entrer en contact beaucoup plus étroit avec les réalités de sa vie.

À mesure que vous progresserez dans votre pratique et que vous entreverrez mieux la possibilité d’évoluer vers une autre manière d’être, vous arriverez peu à peu à vous défaire de l’égocentrisme qui avait jusque-là animé toutes vos pensées et tous vos actes. Vous serez capable de dépasser cette obsession égotiste, non en lui substituant une motivation altruiste – car l’autre n’existe que par rapport à moi –, mais en adoptant une attitude d’ouverture totale. C’est le but de toute pratique digne de ce nom, faute de quoi nos méditations ne sont que de vulgaires simulacres.

À chaque fois que vous constatez que vous voulez quelque chose, c’est signe que vous avez encore besoin de persévérer dans votre pratique. Et sur ce point-là, nous sommes tous logés à la même enseigne! (…) Je me disais, après un séjour d’enseignement en Australie qu’il faudrait que je me ménage un peu. Et voilà comment fonctionne l’esprit humain! Je suis comme tout le monde : j’ai envie de me sentir bien, confortablement installée quelque part; je n’aime pas être fatiguée. Eh bien, me direz-vous quel mal y a-t-il à vouloir un peu de confort pour soi-même? Cela n’a rien de répréhensible en soi, certes, sauf si ce désir rentre en conflit avec les grandes orientations de ma vie, des valeurs qui m’importent plus que mon petit confort personnel. Et si votre pratique ne vous dicte pas les grandes priorités de votre vie, c’est qu’elle n’est pas digne de ce nom. Une fois que vous aurez clairement établi vos priorités, elles se feront sentir dans tous les domaines de votre vie, dans vos relations amoureuses comme au travail.

Si votre pratique ne vous inspire pas des valeurs qui dépassent la simple satisfaction de vos désirs personnels, c’est que vous êtes complètement à côté de la plaque.

Cependant, gardons-nous d’être simplistes. Au bout du compte, la pratique de la méditation doit faire de nous des individus mieux équilibrés et plus ouverts – une tâche d’une grande complexité. (…) C’est une tâche bien complexe que d’amener un homme ou une femme ordinaire à se développer harmonieusement pour devenir un être humain digne de ce nom, c’est-à-dire une personne équilibrée, riche de sagesse et de compassion.

Le jour où vous commencez à vous sentir mal à l’aise dans un rapport amoureux et à vous dire que votre partenaire ne vous convient plus, c’est le moment de vous interroger sur vous-même et de vous demander comment intégrer ce malaise à votre pratique spirituelle. Je ne dis pas qu’il s’agit de préserver nos couples à tout jamais, car la vraie finalité de ce type de rapport est ailleurs. Notre intimité avec un autre être sert tout simplement à multiplier le pouvoir de la vie. La vie se sert de nous pour canaliser et renforcer son énergie. Lorsqu’un couple marche bien, la vie prend une intensité plus grande que si les deux individus concernés étaient restés chacun seul de son côté. Tout se passe comme si, au lieu de deux canaux individuels juxtaposés, il s’en formait un troisième, plus grand que les deux autres mis ensemble. Et c’est ce que recherche la vie : elle se moque pas mal de savoir si vous êtes heureux ou non dans votre couple; tout ce qu’elle veut, c’est un canal, un intermédiaire puissant. Et si celui que vous lui offrez n’est pas suffisamment fort, elle aura vite fait de le rejeter. La vie n’a que faire de nos petits couples, elle cherche simplement des intermédiaires qui lui permettent de fonctionner au maximum. Nous ne sommes rien de plus que ces intermédiaires, et nos petits drames passionnels n’intéressent pas la vie qui, pareille à un vent déchaîné, s’engouffre dans le conduit de notre couple et souffle et fait rage dans tous les sens pour en éprouver la résistance et la solidité.

Si le couple ne tient pas le coup, de deux choses l’une : ou bien il a besoin de se consolider pour mieux résister aux extraordinaires énergies de la vie, ou bien il n’en était de toute façon pas capable et mieux vaut le dissoudre pour que quelque chose de neuf et de fort puisse refleurir sur les décombres. Le fait que le couple résiste ou non est secondaire, l’essentiel étant ce que l’on apprend au passage. On voit beaucoup de gens qui se marient alors que leur union ne sert, apparemment, à rien. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne prétends pas que les couples mariés feraient mieux de se séparer, je veux juste souligner que nous nous méprenons trop souvent sur ce que représente le mariage. En réalité quand un couple ne marche pas, cela veut dire que chacun des deux partenaires est trop imbu de lui-même; chacun se préoccupe de soi, avant tout. Je veux ceci ou cela, ça ne me convient pas, et ainsi de suite. Moi, moi, et toujours moi. Quand un couple est bancal, c’est que chacun cherche à tirer la couverture à soi. Au contraire, si chacun des partenaires sait s’abstenir de trop exiger de l’autre, leur couple sera fort et fonctionnera bien. Et c’est tout ce qui intéresse la vie qui se moque bien de vous, personnellement, en tant que petit ego avec ses petits désirs personnels.

Ce sont de grandes questions que je soumets là à votre réflexion. Mais la finalité du zen n’est-elle pas de nous amener à comprendre le non-soi? Ce qui ne veut pas dire qu’on ne soit rien du tout; au contraire, cela signifie être fort. Mais fort sans être rigide.

Un couple sain ressemble un peu à cela : il a une structure suffisamment flexible pour lui permettre d’absorber les chocs et les stress de la vie tout en gardant son intégrité et en continuant à fonctionner. En revanche, lorsqu’un couple n’est que la juxtaposition de deux égoïsmes, il a une structure rigide qui, ne s’accommodant pas bien des chocs et des stress de la vie, ne lui est pas d’une grande utilité. La vie aime que les gens soient flexibles, afin de pouvoir les utiliser aux fins qu’elle poursuit.

1 commentaire:

  1. Ce qui est valable pour un couple l’est tout autant pour les relations humaines.
    Dans ce continuum d’évènements internationaux de malheurs, de chocs, de souffrances, d’agressivité et de colère les petits robots biologiques que nous sommes continuent de courir dans tous les sens en effaçant jour après jour de leur mémoire la réalité (toute relative) de leur quotidien.
    La pratique de la méditation aide effectivement à s’ouvrir et se poser les questions essentielles : «Qui suis-je? D’où viens-je? Où vais-je?». C’est une première étape, elle est personnelle.
    Puis, pour donner corps à cette recherche de sens, l’acceptation individuelle des Principes Fondamentaux du mouvement politique Union Planétaire offre la possibilité de structurer, mettre en pratique et de développer collectivement des rapports humains pacifiques riches de réciprocité, de sagesse, de respect et de vérité.
    C’est la seconde étape, il s’agit de l’avenir de notre civilisation.
    Ce n’est qu’une question d’humanité, de choix !
    Lesquels d’entre-nous oseront s’engager sur le chemin…

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