12 septembre 2019

Le bar à promesses électorales est ouvert

Pourquoi les politiciens sont-ils si désespérés d'être réélus? Parce qu'ils ne pourraient jamais gagner leur vie en vertu des lois qu'ils font adopter.

Cette déclaration est adaptable aux chefs de tous les partis (fédéraux et provinciaux) :
«Et n’oubliez pas, après chaque promesse... des conditions s’appliquent, détails après les élections, l’offre est en vigueur pour une durée limitée et peut être modifiée ou annulée sans préavis.»

Caricature : Serge Chapleau, La Presse 24.08.2019

«Regardez la tyrannie du parti – ce qu'on appelle allégeance au parti, loyauté au parti. C’est un piège inventé par des hommes à des fins égoïstes qui transforme les électeurs en biens meubles, esclaves, lapins, et pendant tout ce temps leurs maîtres hurlent des obscénités sur la liberté, l'indépendance, la liberté d'opinion et d'expression, totalement inconscients de cette fantastique contradiction...» ~ Mark Twain (in The Character of Man)

La seule façon de connaître la véritable «ligne d’un parti» (discipline, règles, standards) est de consulter les liste des lobbies qui sillonnent les ministères (agriculture, santé, foresterie, pétrochimie, recherche, etc.) et les municipalités. Ministres, députés, sénateurs et fonctionnaires travaillent en fait pour les entreprises privées, sous la table.

Caricature : André-Philippe Côté, Le Soleil 01.09.2019

«Le bon sens est devenu si rare qu'il devrait être considéré comme un superpouvoir.»

À retenir pendant la campagne électorale : ce texte qui résume le système politico-judiciaire corrompu dans lequel nous vivons.

L’action se déroule dans l’état de la Floride. Deux avocats sont chargés d’enquêter sur une magistrate présumée corrompue. Elle serait mêlée à la construction d’un casino sur une réserve indienne sous l’emprise de la Coast Mafia, qui se sert largement dans la caisse. Elle reçoit sa part du butin et ferme les yeux sur ces activités illicites. Certains élus, fonctionnaires et shérifs sont aussi compromis.

   North Dunes était sa dernière conquête dans son empire du golf. Un trente-six trous, avec lacs, étangs, appartements de luxe, et des maisons plus luxueuses encore, le tout construit autour d’un centre d’affaires avec un parc et une salle de spectacle, à un kilomètre de la plage.
   – Vous avez le soutien de tout le monde?
   – Quatre contre un. Poley fait de l’obstruction évidemment.
   – Pourquoi ne pas le mettre hors jeu?
   – Ce n’est pas nécessaire. Il ne faut pas que ça paraisse tout cuit. Quatre voix contre une, c’est bien. C’est crédible.
   Les dessous-de-table n’étaient pas absolument nécessaires dans cette partie du pays. Quel que soit le projet, du lotissement privé haut de gamme au centre commercial de troisième zone, il suffisait de produire une brochure élégante jetant de la poudre aux yeux, avec écrit partout «développement économique», en laissant entendre des rentrées fiscales et de la création d’emplois, pour que tous les responsables et élus s’empressent de sortir leur tampon. Si quelqu’un évoquait des problèmes écologiques, du clientélisme, ou le risque de classes surchargées, par l’accroissement soudain de population, il suffisait de les étiqueter gauchistes, écolos, ou pire «nordistes». Vonn était devenu maître dans cet art de la discréditation.

– Je suis remontée onze ans en arrière, et ai étudié  trente-trois projets d’aménagement dans le comté de Brunswick. Tout y passe : parcours de golf, centres commerciaux, lotissements, une galerie marchande à Sea Stall, et même un cinéma multiplex avec quatorze salles. La Nylan Title des Bahamas apparaît souvent. Mais ce n’est pas la seule. Il y a aussi une dizaine d’autres sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux, propriétaires elles-mêmes d’autres sociétés offshore, ainsi qu’une ribambelle de cabinets sous contrôle de compagnies étrangères. ... Une opération de cette ampleur, je n’ai jamais vu ça.

– Au cas où vous ne seriez pas au courant, il n’y a pratiquement aucun contrôle quand on voyage en jet privé. Pas de scan des bagages, pas de fouilles corporelles. Faut croire que nos petits génies  à la Sécurité intérieure se disent que les riches n’ont aucune envie de faire sauter leur propre jet en vol. Bref, on peut prendre cinquante kilos d’héroïne et l’emmener partout dans le pays.

Source : L’informateur, John Grisham; Éditions Jean-Claude Lattès, 2017
(The Whistler; Doubleday 2016)

En lisant cela, j’ai pensé au projet Royal Mount (jumelé au REM) qui défigurera irrémédiablement Montréal et entraînera des nuisances logistiques et routières hors de proportion, sans parler de l’augmentation des GES. Pourquoi l’administration municipale a-t-elle approuvé la construction de ce monstre? L’appât des retombées économiques prévalent sur la jugeote et les conséquences désastreuses immédiates et à long terme...

Artiste : Isaac Cordal, Follow the leaders, Allemagne 2011. http://cementeclipses.com/portfolio/ En passant, la crise climatique n’existe pas.

Un beau scandale revient à la une des médias. Question à 60 millions de dollars : pourquoi confier la construction d’un traversier à un chantier naval italien de mauvaise réputation?!

Des lanceurs d’alerte dévoilent les vices de construction du traversier F.-A.-Gauthier Les coûts imprévus s’élèvent à 60 millions de dollars, a appris Enquête

Vices de construction, contrôle de qualité déficient, représailles contre ceux qui sonnent l’alarme… Pour la première fois, d’ex-employés de la Société des traversiers du Québec dénoncent les conditions dans lesquelles a été construit le F-A.-Gauthier. Les déboires de ce traversier, qui fait la liaison entre Matane et la Côte-Nord, font la manchette depuis des mois.
   En 2013, René Lebrun [le lanceur d’alerte] a été déployé pendant plus d’un an au chantier du constructeur Fincantieri, près de Naples. Le géant naval a fait la plus basse soumission pour construire le traversier qui allait remplacer le Camille-Marcoux, arrivé en fin de vie utile en 2015.
  «Vraiment, nous étions en sous-nombre. Normalement, en Italie, pour superviser la construction d'un tel navire, il aurait fallu être à peu près une douzaine d'inspecteurs», dit l’inspecteur René Lebrun.
   Au chantier, René Lebrun et Martin Saint-Pierre travaillaient sous les ordres du chargé de projet Luc Martin. Ce consultant était l’homme de confiance de la direction de la Société des traversiers du Québec pendant la construction en Italie.
   La STQ se défend d’avoir fait des représailles contre ses employés qui dénonçaient des vices de qualité au chantier de Fincantieri.
   La Société des traversiers du Québec fait une interprétation restrictive de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics. Par exemple, Enquête a tenté d’obtenir, sans succès, plusieurs documents concernant la construction du F.-A.-Gauthier en Italie. La STQ fait valoir que ces documents appartiennent en partie à Fincantieri, le chantier naval. [...]
Article intégral :

Les représentants de notre système judiciaire kafkaïen cherchent à regagner la confiance du public – bonne chance!

Tôt ou tard, dit-on, la vérité sortira et la justice l’emportera. (Rires)

Prenons par exemple ce fameux arrêt Jordan qu’on dirait conçu pour protéger les criminels, tant économiques que politiques. En tout cas, cette procédure inclut par essence un mépris flagrant de l’application de la justice.
   Brièvement, les magistrats peuvent invoquer l’arrêt Jordan pour mettre un terme aux longues procédures judiciaires si le procès ne peut avoir lieu dans un délai de 18 mois à la Cour du Québec et de 30 mois à la Cour supérieure. La Couronne doit déposer la totalité de la preuve au moment où les accusations sont formellement déposées, et cela peut parfois prendre beaucoup de temps pour les rassembler. Vu la lourdeur et l’inefficacité du système, le manque de ressources, de juges et de salles de cour (en particulier au Québec), les criminels peuvent échapper à la justice pour cause de délais déraisonnables.
   Autrement dit : tu commets un crime (on s’entend qu’il ne s’agit pas du vol d’un sac de chips chez le dépanneur), tu t’arranges pour que les procédures traînent longtemps et t’es quitte! En fait, t’as pas besoin de rien faire, le système s’en occupe. Pas de procès, donc pas de condamnation. Sympa, non?!

C’est ainsi qu’une juge a décrété l’arrêt des procédures contre Paolo Catania. Près de 1000 chefs d'accusation sont tombés d'un seul coup lorsque la magistrate Magali Lepage, de la Cour du Québec, a invoqué l'arrêt Jordan pour ordonner l'arrêt des procédures intentées contre les anciens dirigeants de Construction Frank Catania. En tant que dirigeant de l'entreprise fondée par son père, Paolo Catania, qui est toujours actif dans le milieu de la construction, était le personnage central de ce procès, mais ses associés André Fortin, Pasquale Fedele, David Chartrand, Martin D'Aoust et Pascal Patrice faisaient aussi l'objet de divers chefs d'accusation.
   Paolo Catania et son entreprise ont été accusés d’avoir obtenu, entre 2005 et 2009, des crédits et des remboursements de taxes grâce à un stratagème de fausses factures, une fraude fiscale de l’ordre de 1,2 million commise au détriment du fisc québécois, ce qui se doublait d’une fraude de 700 000 $ relative à la taxe d’accise fédérale. Revenu Québec réclamait aux accusés des amendes de 12 à 25 millions, assorties de peines d’emprisonnement ferme. Les défendeurs ont plaidé non coupables. On ne saura jamais le fin mot de l’histoire. La magistrate Magali Lepage reproche à la poursuite «un climat de désorganisation certaine qui frôle dangereusement l’irrévérence», et à l’Agence de s’être fait tirer l’oreille pour divulguer la preuve aux procureurs des accusés, tout en se lançant dans des procédures exceptionnelles qui reportaient à 2020 le début du procès sur le fond, soit sept ans après la signification des chefs d’accusation.
   Une enquête avait déjà mené à l'arrestation, en mai 2012, de Paolo Catania et de ses associés en lien avec le scandale du Faubourg Contrecoeur, un projet immobilier de l'Est de l'île. L'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal Frank Zampino avait également été interpellé et accusé.
   Tous ont finalement été acquittés par le juge Yvan Poulin le 2 mai 2018 des accusations de fraude, d'abus de confiance et de complot qui avaient été portées contre eux.

Un autre exemple de paralysie judiciaire : le cas de l’ancienne vice-première ministre du Québec sous le régime libéral de Jean Charest, Nathalie Normandeau. Arrêtée en mars 2016 à la suite d’une enquête de l’UPAC * (Unité permanente anticorruption), elle attend son procès, mais bénéficie de l’arrêt Jordan en rapport à des chefs d’accusation la concernant personnellement.

Radio-Canada / Presse Canadienne/ Le Devoir, 31 août 2019 :
   Soucieux d'optimiser les délais du processus judiciaire, le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) abandonne plusieurs chefs d’«accusation portés contre Nathalie Normandeau et ses cinq coaccusés, Marc-Yvan Côté, Mario W. Martel, France Michaud, Bruno Lortie, François Roussy.
   Dans le cas de Nathalie Normandeau, la poursuite abandonne 5 des 8 chefs d’accusation qui la concernaient personnellement.
   À chaque accusation qui tombe, les Québécois perdent espoir que justice soit rendue. Les institutions comme le DPCP et l’UPAC jouent leur crédibilité sur ce dossier.
   Mme Normandeau et ses coaccusés subiront tout de même un procès puisqu’ils font toujours face à des accusations d’abus de confiance, de fraude envers le gouvernement, de souscription de la part d’entrepreneurs à une caisse électorale et d’actes de corruption dans les affaires municipales. «Il y a actuellement encore sept chefs d’accusation très sérieux contre ces gens-là et si éventuellement il y a des condamnations, je pense que justice aura été rendue», a affirmé le procureur Richard Rougeau. Ce qui joue dans notre décision, c’est la décision Jordan et la décision Cody. La Cour suprême nous a demandé d’être le plus efficace possible, de tenter de gérer les délais. C’est sûr que cet aspect du dossier a été pris en considération. Je ne vous dis pas que c’est la seule des raisons ou la plus importante, mais c’est certainement quelque chose qui fait partie à tous les jours de la réflexion des procureurs de la Couronne.»
   «Ça fait un an et demi qu'on veut qu'un juge, que quelqu'un apprécie cette situation et détermine s'il doit y avoir procès ou non», a réagi Me Maxime Roy [avocat de Nathalie Normandeau] exaspéré de devoir attendre.
   [L’un des co-accusés] Marc-Yvan Côté a réclamé un arrêt des procédures en raison des fuites médiatiques qui l'auraient privé de son droit à une défense pleine et entière. Le Bureau des enquêtes indépendantes fait toujours des vérifications.

Devant la commission Charbonneau, l'ancienne ministre des Affaires municipales s'était dite «révoltée» par les firmes de génie qui auraient «magouillé dans son dos et celui de son ministère pour obtenir des contrats». (Rires)

* Ne comptez plus sur l’Unité permanente anticorruption (UPAC) pour endiguer la corruption dans les plus hautes sphères de la politique québécoise. Le corps policier qui devait achever le travail laissé en suspens par la commission Charbonneau, sur les allégations de financement illégal du PLQ, est en totale déroute. [...]
   Les récents scandales qui ont plombé non seulement l’UPAC, mais aussi la SQ [Sûreté du Québec] et le SPVM [Service de Police de la Ville de Montréal] présentent des similitudes. De un, les rivalités internes sont si toxiques qu’elles conduisent des personnes en situation d’autorité à déclencher des enquêtes criminelles dans le but de faire taire les dissidents. De deux, la reddition de comptes est absente, au motif qu’on ne commente pas les enquêtes en cours. Cette réserve est compréhensible jusqu’à un certain point, mais lorsque les enquêtes s’éternisent sans perspectives d’en arriver au dépôt d’accusations, surtout dans les cas de corruption politique, le silence contribue à alimenter l’incompréhension et le scepticisme du public sur l’efficacité du dispositif de lutte contre la corruption. De trois, les corps policiers ont fait un travail inégal de recrutement et d’encadrement des témoins repentis, ce qui a contribué par exemple à l’acquittement du président du comité exécutif à la Ville de Montréal, Frank Zampino, et de l’entrepreneur Paolo Catania. De quatre, l’absence d’expertise en matière de crimes économiques, renforcée par la désuétude du Code criminel sur les affaires de collusion, a amenuisé la valeur probante des enquêtes. [...]
Lutte contre la corruption : une amère déception 

Un autre fleuron de paralysie judiciaire : SNC-Lavalin

Après avoir multiplié les démarches pour s’éviter de faire face à la justice, SNC-Lavalin devra subir un procès criminel pour corruption d’agents publics étrangers et fraude en Libye, a tranché mercredi un juge. Le géant québécois de l’ingénierie a rapidement annoncé qu’il plaidera non coupable puisqu’il entend être acquitté.
   Au terme de l’enquête préliminaire, dont une ordonnance de non-publication empêche les médias de rapporter la preuve qui y a été présentée, le juge Claude Leblond de la Cour du Québec a déterminé que la preuve est suffisante pour justifier la tenue d’un procès contre les entités Groupe SNC-Lavalin inc., SNC-Lavalin International inc. et SNC-Lavalin Construction inc.
   La firme fait face à deux accusations dans ce dossier, soit corruption d’agents publics étrangers et fraude de 2001 à 2011. Selon les accusations portées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 2015, la firme aurait versé une somme de près de 48 millions à des agents libyens dans le but d’influencer les décisions de leur gouvernement dirigé à l’époque par Mouammar Kadhafi. [...]


CONCLUSION

Les gens mentent par crainte de perdre la face, pour obtenir ce qu’ils veulent, et pour esquiver la responsabilité, la punition et le jugement.
   Un seul mensonge découvert suffit pour créer le doute sur chaque vérité exprimée. La phrase «je n'ai rien à cacher» rappelle le vieil adage «plus quelqu'un clame son honnêteté haut et fort, plus vite on peut compter l'argent». De la même manière, si quelqu’un commence sa phrase en disant «pour être parfaitement honnête», vous pouvez parier que ce qui suit est de la dissimulation ou du mensonge pur et simple.

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