L’agronome et lanceur d’alerte Louis Robert,
que le ministre de l’Agriculture caquiste avait congédié, peut certainement
damer le pion à tous ces hommes d’affaires crapuleux qui se fichent des impacts
de leurs poisons sur la santé des rats de laboratoire que nous sommes et l’environnement.
Le nom CropLife est extrêmement ironique et
mensonger puisque les pesticides sont des tueurs
de vie; KillLife serait plus approprié. Bayer/Monsanto aurait voulu être
invité à la commission. Comme on le sait, il est très difficile de dénoncer des
agresseurs en leur présence; ces lobbytomisés
intimident et font pression sur les agronomes revendeurs, de pesticides, l’Union
des producteurs agricoles (UPA), les scientifiques, les chercheurs, le MAPAQ et
les élus.
Commission parlementaire sur les impacts
des pesticides sur la santé et l’environnement
Le diagnostic de Louis Robert : L'omniprésence de l'industrie
des pesticides et la méfiance des producteurs agricoles ont empêché le Québec
d'atteindre ses objectifs de réduction d'utilisation des pesticides, selon
Louis Robert. L'agronome à l'origine de la commission parlementaire sur les
pesticides présentera ses recommandations aujourd'hui aux élus. «Si le
gouvernement veut réellement mettre en place un plan de transition vers une
agriculture plus verte, les solutions sont évidentes, écrit-il dans son
mémoire. Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic
sans complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux.» Extrait
du mémoire de Louis Robert
Valérie
Gamache Radio-Canada, 24 septembre 2019
Les audiences
de la commission ont lieu du 23 au 26 septembre. Les élus entendront 26
intervenants. En plus d’Équiterre lundi, l’Ordre des agronomes et la Coop
fédérée, le plus grand distributeur de pesticides au Québec, vont témoigner.
Louis Robert a aussi été invité à s’adresser aux députés. L’agronome sera
entendu mardi. La commission doit remettre son rapport final d’ici la fin de l’année
ou au plus tard au début de 2020.
Valérie
Gamache | Radio-Canada, 23 septembre 2019
LES IMPACTS
DES PESTICIDES SUR L’ENVIRONNEMENT
Même si
l’utilisation de certains pesticides est restreinte ou bannie depuis de
nombreuses années, leurs impacts néfastes ne sont toutefois pas nécessairement
éliminés étant donné leur persistance. Les cas du DDT et d’autres OC en sont
des exemples probants. L’utilisation du DDT a été bannie au Canada à la fin des
années 1980 en raison de sa toxicité générale sur les organismes non ciblés (Aulagnier
et Poissant, 2005). Il est cependant
toujours détecté dans l’environnement et souvent loin des lieux
d’application, tout comme le sont les autres OC bannis il y a 10 ou 20 ans
(Cortes et autres, 1998; Aulagnier et Poissant, 2005). Il faut cependant
souligner que des utilisations actuelles ailleurs dans le monde combinées au
transport sur de grandes distances peuvent aussi contribuer à cette situation,
au-delà de la persistance due aux utilisations locales passées. Le présent
chapitre verra maintenant à décrire les impacts
environnementaux des pesticides : dans un premier temps, en
abordant la pollution des éléments de l’écosystème, l’eau, l’air et le sol et
dans un deuxième temps, en décrivant les impacts indésirables de cette
pollution sur les espèces fauniques.
LES IMPACTS
DES PESTICIDES SUR LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS AGRICOLES Le manque de spécificité
des cibles des pesticides accroît le risque d’intoxications aigües et
chroniques des usagers. Les expositions répétées à de petites doses risquent
aussi de mener à une intoxication ou au développement d’une maladie chronique.
Les effets néfastes se développent sur plusieurs années, voire sur une période
de 15 à 30 ans (Gareau et autres, 1999). Une seule exposition a aussi le
potentiel d’être nocive si la dose est
suffisamment forte, auquel cas les symptômes se manifestent généralement dans
les 24 heures suivant l’exposition. Les effets néfastes sont propres à chaque
famille de pesticides à l’intérieur de laquelle chaque membre a ses
particularités qui dépendent de la quantité, de la concentration, du temps, de
la voie de pénétration, des autres
produits chimiques et autres matières inertes inclus dans le mélange, ainsi que
de la persistance dans l’organisme (Canada. NRCAN, 2010). L’exposition aux
pesticides peut se faire par les voies
d’exposition orale, cutanée et respiratoire. Les pesticides peuvent affecter
l’organisme s’ils entrent en contact avec la principale barrière de protection
et voie d’exposition, la peau. Il est alors question d’intoxication par voie
cutanée. De plus, les pesticides sont potentiellement nuisibles s’ils pénètrent
dans l’organisme par les voies respiratoires, par les yeux ou par ingestion.
[Vous
trouverez la liste des produits les plus utilisés et leurs effets physiques.]
LES IMPACTS
POTENTIELS SUR LA SANTÉ DES CONSOMMATEURS
Parce qu’ils
facilitent grandement la production de masse des végétaux, les pesticides sont
un des outils qui contribuent à assurer la sécurité alimentaire. Toutefois,
leur utilisation pourrait engendrer des risques pour la santé publique en
raison de leur présence dans les aliments. En effet, ceux-ci sont régulièrement
détectés à l’état de trace dans les fruits, les légumes, les produits
céréaliers et les produits transformés (Samuel et autres, 2010). Ils peuvent
aussi être transportés vers les sources d’eau potable par ruissellement et
infiltration dans le sol, contaminant ainsi les eaux de surface et les nappes phréatiques (Québec.
Ministère de l’Environnement du Québec, 2004). À cet égard, la préoccupation des
consommateurs quant à l’impact sanitaire d’une exposition chronique aux
pesticides par la consommation d’eau potable et l’ingestion d’aliments
contaminés est croissante.
Source :
Écotoxicologie et impacts sanitaires des
pesticides en réponse à
l’augmentation des ravageurs amenés par les changements climatiques : portrait,
perspectives et recommandations
Par Ève
Boileau (Essai présenté au Centre universitaire de formation en environnement
et développement durable; Maîtrise en environnement université de Sherbrooke Janvier
2015)
Voici un
assortiment d’articles qui démontrent le haut niveau de tolérance du
gouvernement caquiste envers les grands
pollueurs, ici, l’industrie des pesticides.
Québec accorde discrètement un
passe-droit aux pesticides «tueurs d’abeilles»
À peine deux
mois après l’entrée en vigueur de restrictions sur la vente et l’usage des
pesticides «tueurs d’abeilles» au Québec, le ministère de l’Environnement
accorde une dérogation aux agronomes. Ils peuvent ignorer les nouvelles règles
et prescrire des semences de maïs enrobées de néonicotinoïdes.
Depuis le 1er
avril 2019, des changements apportés au Code de gestion des pesticides
restreignent le recours aux néonicotinoïdes. Leur usage doit être justifié par
un agronome et faire l’objet d’une prescription.
Ces changements visent à réduire les risques
pour la santé humaine et pour l’environnement posés par trois des pesticides
les plus couramment utilisés et considérés comme les plus dangereux pour les
insectes, mais aussi pour l’ensemble de la biodiversité.
À peine entrées en vigueur, les nouvelles
règles font déjà l’objet d’une dérogation.
La dérogation a été annoncée par le
ministère de l’Environnement à la fin mai, lors d’une rencontre du comité
consultatif chargé de surveiller la mise en œuvre des nouvelles dispositions du
Code de gestion des pesticides.
Les membres du comité n’ont pas été
consultés, mais plutôt placés devant le fait accompli, relate Julie Fontaine,
responsable du dossier des pesticides à la Fédération des apiculteurs, qui a
assisté à la rencontre.
Radio-Canada
| Publié le 14 juin 2019
Des lobbyistes à la tête de la plupart
des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture
La plupart
des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture du Québec
sont administrés par une majorité de représentants de l’industrie, parmi
lesquels des lobbyistes. Dans le même temps, le ministère a abandonné les
pouvoirs qu’il y détenait. C’est ce qu’a découvert Radio-Canada, dans la foulée
de l’affaire du lanceur d’alerte Louis Robert.
Thomas Gerbet
| Radio-Canada, 18 mars 2019
Voici des
extraits d’un long article documenté sur le terrain qu’il vaut la peine de lire
en entier.
Pesticides : la rivière aux
horreurs
C’est une
rivière anonyme bordée de champs de maïs. Mais parce qu’elle témoigne de la
présence de pesticides dans les cours d’eau agricoles du Québec, elle raconte
une histoire troublante. L’histoire de milliers de kilomètres d’un réseau
hydrographique rempli de pesticides, à des concentrations qui menacent la vie
aquatique.
Photo :
Martin Tremblay / La Presse
La carcasse
d’une voiture rongée par la rouille se déverse sur les flancs du cours d’eau.
Un réservoir blanc se dresse à travers l’eau opaque, tel un iceberg de
plastique. Le cadavre d’un faon flotte, éventré. Kilomètre après kilomètre de
pagaie, l’impression de traverser un dépotoir.
Alors que le canot glisse doucement sur les
eaux tantôt brunes, tantôt grises, une puissante odeur septique provoque des
haut-le-cœur. Mais c’est la pollution qui ne se voit pas à l’œil nu qui
préoccupe avant tout le ministère de l’Environnement. Une pollution qui se joue
à l’échelle moléculaire, et dont les conséquences se mesurent en microgrammes
par litre.
La rivière
Chibouet est un cours d’eau anonyme qui traverse les champs de Saint-Hugues et de Sainte-Hélène-de-Bagot, deux villages agricoles de l’est de la
Montérégie. Depuis 1992, elle sert de rivière-témoin au gouvernement du Québec
pour documenter la présence des pesticides dans les cours d’eau de la grande
région de Saint-Hyacinthe, un paysage dominé par les monocultures de maïs génétiquement
modifié et de soya.
La dernière campagne d’échantillonnage du
Ministère, menée entre 2015 et 2017, brosse un portrait inquiétant de la santé
de la rivière. C’est aussi, de manière plus alarmante, un baromètre qui reflète
l’état général de plusieurs milliers de kilomètres du réseau hydrographique qui
quadrille les zones où l’on cultive intensivement le grain au Québec.
Au cours des étés 2015, 2016 et 2017, le
ministère de l’Environnement a recueilli 88 échantillons d’eau dans la rivière
Chibouet. En février dernier, les résultats sont tombés : entre 21 et 27 pesticides ont été détectés,
selon l’année.
Atrazine et glyphosate
En 2015, 10 %
des échantillons récoltés du haut du pont de Saint-Hugues dépassaient le «critère de vie aquatique chronique» pour
l’atrazine, un herbicide qui figure dans le palmarès des cinq pesticides
les plus à risque du gouvernement du Québec et qui est interdit en Europe
depuis 2004.
Et voici les néonics
Mais le
véritable enjeu soulevé dans le dernier rapport d’Isabelle Giroux concerne les
dépassements de critère pour les néonicotinoïdes, une famille d’insecticides
aux noms imprononçables : clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride.
«Si un maillon de la chaîne est affaibli,
c’est tout le reste de la chaîne qui est affecté de manière indirecte.» (Isabelle
Giroux, chercheuse du ministère de l’Environnement)
Fernand Hébert, dont la résidence est
voisine du site d’échantillonnage, sort de son garage. L’homme de 81 ans
raconte qu’il y a 50 ans, avant l’arrivée de l’agriculture intensive dans la
région, la Chibouet était reconnue comme une «rivière à poissons».
Après les pesticides… les eaux usées
Depuis l’été
2018, une tuile supplémentaire est venue s’ajouter aux cocktails de pesticides
recensés dans la rivière Chibouet : le rejet d’eaux usées «peu traitées»
en raison d’un problème à l’usine d’épuration de Sainte-Hélène-de-Bagot. En
juillet 2018, le ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs a recensé
plusieurs centaines de poissons morts et d’«espèces rattachées à la faune
aquatique» sur une quinzaine de kilomètres de la rivière.
CropLife Canada, le lobby qui
représente la vaste majorité des entreprises de pesticides, en a contre la norme de 0,0083. Les
néonicotinoïdes ont commencé à être utilisés au Québec en 2008, mais le
Ministère mesure leur présence dans l’eau seulement depuis 2012.
Un océan de maïs
Les
concentrations de pesticides détectées dans la rivière Chibouet ne sont pas
l’exception, elles sont la norme. Elles sont la conséquence d’un modèle agricole
à grande échelle axé sur la monoculture du maïs-grain et du soya.
Il suffit d’un coup d’œil pour réaliser que
le paysage agricole situé au sud du lac Saint-Pierre est dominé par les
cultures de soya et de maïs. Le maïs planté ici n’est toutefois pas comestible
pour les humains.
Le
«maïs-grain» est la base de l’alimentation des cochons, des poulets et, dans
une moindre mesure, des vaches. Environ 70 % des porcs québécois sont ensuite
exportés. Une grande part de notre soya est aussi exportée.
Au Québec, environ 10 % du maïs-grain est
par ailleurs utilisé pour produire de l’éthanol. Les champs de l’est de la
Montérégie sont commodément situés près de l’usine d’éthanol Greenfield, située
à Varennes. L’usine achète localement
16,8 millions de boisseaux de maïs (427 tonnes métriques) chaque année pour
produire 190 millions de litres d’éthanol-carburant. Les résidus de maïs
issus de la production d’éthanol – la drêche – sont ensuite réutilisés pour
faire de l’alcool de distillerie.
Partout pareil
Rivière Yamaska
La rivière
Chibouet, qui se jette dans la rivière Yamaska, contribue à en faire l’affluent
le plus pollué du fleuve Saint-Laurent. La moitié des 260 000 habitants des
municipalités riveraines boivent de l’eau de surface de la Yamaska ou de l’un
de ses affluents.
[L’analyse inclut :
Lac Saint-Pierre, Rivière Saint-Régis, Rivière Richelieu, Rivière des Hurons,
Rivière Saint-Zéphirin.]
«Néonics» 101
Les
néonicotinoïdes sont des molécules qui présentent une structure chimique
similaire à celle de la nicotine, la substance qui cause la dépendance retrouvée
dans le tabac. Le mot «néonicotinoïde» veut littéralement dire : nouvel
insecticide semblable à la nicotine.
Les néonicotinoïdes agissent sur le système
central nerveux des insectes en les paralysant ou en causant leur mort. Ce sont
des pesticides dits «systémiques», c’est-à-dire qu’ils sont absorbés puis
transportés à travers la plante. Ils diffèrent des pesticides «de contact» qui
sont appliqués sur la surface des plantes par arrosage.
Le Centre de recherche sur les grains
(CEROM) est une société à but non lucratif financée à 68 % par le ministère de
l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Mars 2018.
Coup de théâtre. Le Devoir et Radio-Canada révèlent que 15 des 35 employés du
CEROM, dont 5 chercheurs, ont démissionné depuis 2016. Des membres du conseil
d’administration du CEROM auraient fait connaître leurs positions propesticides
aux chercheurs, au point de s’ingérer dans les travaux de recherche et même de
retenir leur publication.
Qui
était à la tête du conseil d’administration à l’époque? Christian Overbeek,
président des Producteurs de grains du Québec, un syndicat affilié à l’Union
des producteurs agricoles (UPA). Christian Overbeek a milité publiquement
contre le resserrement de la réglementation. Il s’est même enregistré comme
lobbyiste pour faire des démarches auprès du gouvernement sur cette question.
Le professeur de chimie environnementale
Sébastien Sauvé explique que l’industrie et les producteurs de grains «mangent
main dans la main». «Les producteurs de grains produisent des semences qui vont
être enrobées, donc quand on vend du grain, on vend des pesticides. Donc les vendeurs de grains sont des vendeurs de
pesticides et les vendeurs de pesticides sont des vendeurs de grains.»
Daphné
Cameron, La Presse 21 septembre 2019
La faune et
la flore sont les baromètres de l’état des lieux en matière de pollution
environnementale. La disparition de la faune aviaire n’est que la pointe de
l’iceberg. N’en doutez pas, nous allons éventuellement passer dans le broyeur
si nos gouvernements ne mettent pas un holà à la mafia des pesticides maintenant.
Trois milliards d’oiseaux de moins en
Amérique
Photo: Gary Mueller Macaulay Library at Cornell Lab of
Ornithology. Un oriole de Baltimore.
La faune
aviaire d’Amérique du Nord a décliné de 29 % depuis 1970, ce qui représente la
perte d’environ trois milliards d’oiseaux, révèle une étude publiée jeudi 19
septembre dans la revue Science. Or, ces pertes ne concernent pas seulement des
espèces rares et menacées, mais incluent plusieurs espèces communes et
répandues qui sont des maillons importants des écosystèmes.
Cette étude réalisée par des chercheurs
états-uniens, ainsi que par Environnement et changement climatique Canada
visait à évaluer les changements subis par les populations de 529 espèces
d’oiseaux des États-Unis et du Canada à partir des données obtenues par
plusieurs réseaux de surveillance, dont certains accumulent des données depuis
près de 50 ans. Ils ont ainsi estimé que la faune aviaire d’Amérique du Nord
aurait perdu 3,2 milliards d’oiseaux de 38 familles différentes, depuis 1970.
La
famille des bruants est celle qui a été la plus dévastée avec la perte de 862 millions d’individus, ce qui représente un déclin de 38 %. Cette famille comprend de nombreuses espèces
champêtres et certaines espèces, comme les juncos, qu’on retrouve en forêt
boréale.
Les
parulines, de beaux oiseaux souvent très colorés qui font de longues
migrations, ont été très éprouvées avec la disparition
de 618 millions d’individus (soit un
déclin de 38 %).
Un déclin d’une telle ampleur ne surprend
pas Pascal Côté, directeur de l’Observatoire des oiseaux de Tadoussac.
«Une tendance similaire avait été annoncée
en juin dernier dans le rapport sur l’état des populations d’oiseaux du Canada
d’Initiative de conservation des oiseaux de l’Amérique du Nord (ICOAN-Canada)»,
rappelle-t-il, tout en se disant davantage préoccupé par le déclin des espèces
indigènes que par celui des espèces introduites.
Le principal facteur responsable de cette
hécatombe de la faune aviaire est la perte de leur habitat en raison du
développement et de l’intensification de l’agriculture.
Les prairies naturelles et les champs
abandonnés qu’affectionnent les oiseaux champêtres sont désormais cultivés de
façon intensive. «Les prairies naturelles de l’Ouest sont transformées en
champs agricoles de blé. Dans les champs qui étaient jadis laissés en fourrage
pour faire du foin, on fait de quatre à cinq récoltes de foin par année dont
certaines ont lieu durant la période de nidification des oiseaux, ce qui
entraîne beaucoup de mortalité. On fait aussi beaucoup plus de cultures de blé
d’Inde et de soya alors qu’il y avait beaucoup plus de champs pour le bétail
auparavant. Tous ces changements participent au déclin. De plus, les aires d’hivernage des oiseaux
migrateurs, comme les parulines, au Mexique, en Amérique centrale et en
Amérique du Sud sont victimes de la déforestation», explique Pascal Côté.
Les
carouges et les quiscales bronzés ont subi des pertes de 440 millions d’individus (soit un déclin de 44 %). Les moineaux ont été décimés de 331 millions individus, soit un déclin de 81 %, et les alouettes sont privées de 182 millions
congénères, soit un déclin de 67 %,
les étourneaux sansonnets ont perdu 83
millions de semblables, soit un
déclin de 49 %.
L’utilisation répandue de pesticides, comme les néonicotinoïdes, est nocive pour tous les oiseaux, voire
dévastatrice pour les insectivores aériens, comme les hirondelles (diminution de 22 %), les engoulevents (réduction de 55 %) et les
martinets (65 %).
Selon M. Côté, le déclin des moineaux
s’explique principalement par l’essor des nouvelles constructions en milieu
urbain qui ne permettent plus aux moineaux de faire leur nid dans les combles
des habitations comme ils avaient l’habitude de le faire auparavant.
Les auteurs de l’étude concluent sur
l’urgence de s’attaquer à ces facteurs qui menacent la faune aviaire du
continent, et qui seront exacerbés par les changements climatiques.
Pauline
Gravel | Le Devoir Science, 20 septembre 2019
https://www.ledevoir.com/societe/science/563075/faune-trois-milliards-d-oiseaux-de-moins-en-amerique
Les oiseaux aussi victimes des
néonicotinoïdes
Photo:
Margaret Eng. Les bruants à couronne blanche sont particulièrement exposés aux
néonicotinoïdes durant leur migration printanière.
On sait que
les abeilles sont gravement affectées par les insecticides de la classe des
néonicotinoïdes. Voilà maintenant qu’une étude canadienne publiée dans la revue
Science confirme que les oiseaux chanteurs en sont aussi victimes. Cette étude
montre que l’imidaclopride, l’un des trois néonicotinoïdes le plus couramment
utilisés en agriculture, handicape sérieusement les bruants à couronne blanche
dans leur migration et compromet par conséquent leur reproduction, voire menace
leur survie.
Depuis 2006, des études ont fait état du déclin
particulièrement abrupt des espèces d’oiseaux qui font des haltes dans des
zones agricoles au cours de leur migration. En Amérique du Nord, 74 % des
espèces aviaires qui sont tributaires des terres agricoles ont décliné entre
1966 et 2013.
Un examen par résonance magnétique des
oiseaux a permis de préciser que cette perte de masse corporelle chez les
oiseaux exposés à l’imidaclopride correspondait à la disparition de 9,3 % des
graisses corporelles chez ceux qui avaient reçu la plus faible dose d’imidaclopride,
et de 17 % chez ceux qui avaient absorbé la plus haute dose. Ce constat est
particulièrement préoccupant sachant que les graisses constituent la principale
réserve d’énergie pour les oiseaux migrateurs.
Selon les chercheurs, cette perte de masse
corporelle et de graisses serait associée «en partie aux effets anorexiques de
l’imidaclopride». Car, rappellent-ils, les néonicotinoïdes agissent sur les
récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine du système nerveux auxquels se lie
également la nicotine, qui présente des propriétés anorexigènes.
En effet, les oiseaux ayant été exposés à la
plus haute dose d’imidaclopride consommaient 70 % moins de nourriture durant
les six heures suivant l’administration de l’insecticide que les oiseaux
servant de témoins qui n’avaient pas reçu d’imidaclopride.
Le fait que cet effet anorexigène survienne
durant un stade critique de leur vie, qui est typiquement caractérisé par une
hyperphagie et une accumulation rapide de graisses pour parcourir les longues
distances de vol de la migration, est particulièrement problématique.
Les auteurs de l’étude font remarquer que
les oiseaux granivores, comme les bruants à couronne blanche, sont
particulièrement exposés aux néonicotinoïdes durant leur migration printanière,
car celle-ci coïncide avec la période d’ensemencement pour de nombreuses
plantes agricoles traitées à l’imidaclopride dans les latitudes moyennes de
l’hémisphère Nord. Car, rappelons-le, les graines de semence sont
habituellement enrobées d’insecticide.
L’usage répandu des néonicotinoïdes le long
des routes migratoires traversant le sud du Canada et les États-Unis signifie
que les oiseaux subissent des expositions répétées à leurs divers sites de
repos, ce qui induit des délais successifs qui amplifient toutes ces
conséquences négatives pour les populations d’oiseaux migrateurs », soulignent
les chercheurs.
Malheureusement, ces oiseaux souffriront
encore longtemps des effets néfastes des néonicotinoïdes, car Santé Canada décidera seulement au début de
2020 s’il adopte la proposition finale d’éliminer dans trois à cinq ans les
trois principaux néonicotinoïdes, dont fait partie l’imidaclopride. Et
comme le Canada, les États-Unis n’ont toujours pas interdit ces insecticides
dévastateurs, contrairement à l’Europe qui les a bannis en décembre 2018.
Pauline
Gravel | Le Devoir Science, 16 septembre 2019
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