24 septembre 2019

Existe-t-il une «thérapie de conversion» pour les pro-pesticides?

J’entendais le PDG du lobby CropLife Canada, Pierre Petelle, se plaindre de ne pas avoir été invité à la commission parlementaire : «Je pense qu’une commission qui se penche sur la question des pesticides et n’invite pas les développeurs de ces produits-là, je pense qu’il y a une lacune. Quand on regarde la liste des invités, il y a beaucoup de groupes avec très peu de connaissances de la science des pesticides.»
   L’agronome et lanceur d’alerte Louis Robert, que le ministre de l’Agriculture caquiste avait congédié, peut certainement damer le pion à tous ces hommes d’affaires crapuleux qui se fichent des impacts de leurs poisons sur la santé des rats de laboratoire que nous sommes et l’environnement.
   Le nom CropLife est extrêmement ironique et mensonger puisque les pesticides sont des tueurs de vie; KillLife serait plus approprié. Bayer/Monsanto aurait voulu être invité à la commission. Comme on le sait, il est très difficile de dénoncer des agresseurs en leur présence; ces lobbytomisés intimident et font pression sur les agronomes revendeurs, de pesticides, l’Union des producteurs agricoles (UPA), les scientifiques, les chercheurs, le MAPAQ et les élus. 


Commission parlementaire sur les impacts des pesticides sur la santé et l’environnement

Le diagnostic de Louis Robert : L'omniprésence de l'industrie des pesticides et la méfiance des producteurs agricoles ont empêché le Québec d'atteindre ses objectifs de réduction d'utilisation des pesticides, selon Louis Robert. L'agronome à l'origine de la commission parlementaire sur les pesticides présentera ses recommandations aujourd'hui aux élus. «Si le gouvernement veut réellement mettre en place un plan de transition vers une agriculture plus verte, les solutions sont évidentes, écrit-il dans son mémoire. Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic sans complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux.» Extrait du mémoire de Louis Robert

Valérie Gamache Radio-Canada, 24 septembre 2019

Les audiences de la commission ont lieu du 23 au 26 septembre. Les élus entendront 26 intervenants. En plus d’Équiterre lundi, l’Ordre des agronomes et la Coop fédérée, le plus grand distributeur de pesticides au Québec, vont témoigner. Louis Robert a aussi été invité à s’adresser aux députés. L’agronome sera entendu mardi. La commission doit remettre son rapport final d’ici la fin de l’année ou au plus tard au début de 2020.

Valérie Gamache | Radio-Canada, 23 septembre 2019

LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR L’ENVIRONNEMENT
Même si l’utilisation de certains pesticides est restreinte ou bannie depuis de nombreuses années, leurs impacts néfastes ne sont toutefois pas nécessairement éliminés étant donné leur persistance. Les cas du DDT et d’autres OC en sont des exemples probants. L’utilisation du DDT a été bannie au Canada à la fin des années 1980 en raison de sa toxicité générale sur les organismes non ciblés  (Aulagnier  et Poissant, 2005). Il est cependant  toujours détecté dans l’environnement et souvent loin des lieux d’application, tout comme le sont les autres OC bannis il y a 10 ou 20 ans (Cortes et autres, 1998; Aulagnier et Poissant, 2005). Il faut cependant souligner que des utilisations actuelles ailleurs dans le monde combinées au transport sur de grandes distances peuvent aussi contribuer à cette situation, au-delà de la persistance due aux utilisations locales passées. Le présent chapitre verra maintenant à décrire les impacts  environnementaux  des  pesticides : dans un premier temps, en abordant la pollution des éléments de l’écosystème, l’eau, l’air et le sol et dans un deuxième temps, en décrivant les impacts indésirables de cette pollution sur les espèces fauniques. 

LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS AGRICOLES Le manque de spécificité des cibles des pesticides accroît le risque d’intoxications aigües et chroniques des usagers. Les expositions répétées à de petites doses risquent aussi de mener à une intoxication ou au développement d’une maladie chronique. Les effets néfastes se développent sur plusieurs années, voire sur une période de 15 à 30 ans (Gareau et autres, 1999). Une seule exposition a aussi le potentiel d’être nocive si la  dose est suffisamment forte, auquel cas les symptômes se manifestent généralement dans les 24 heures suivant l’exposition. Les effets néfastes sont propres à chaque famille de pesticides à l’intérieur de laquelle chaque membre a ses particularités qui dépendent de la quantité, de la concentration, du temps, de la voie de pénétration, des  autres produits chimiques et autres matières inertes inclus dans le mélange, ainsi que de la persistance dans l’organisme (Canada. NRCAN, 2010). L’exposition aux pesticides  peut se faire par les voies d’exposition orale, cutanée et respiratoire. Les pesticides peuvent affecter l’organisme s’ils entrent en contact avec la principale barrière de protection et voie d’exposition, la peau. Il est alors question d’intoxication par voie cutanée. De plus, les pesticides sont potentiellement nuisibles s’ils pénètrent dans l’organisme par les voies respiratoires, par les yeux ou par ingestion.
[Vous trouverez la liste des produits les plus utilisés et leurs effets physiques.] 

LES IMPACTS POTENTIELS SUR LA SANTÉ DES CONSOMMATEURS
Parce qu’ils facilitent grandement la production de masse des végétaux, les pesticides sont un des outils qui contribuent à assurer la sécurité alimentaire. Toutefois, leur utilisation pourrait engendrer des risques pour la santé publique en raison de leur présence dans les aliments. En effet, ceux-ci sont régulièrement détectés à l’état de trace dans les fruits, les légumes, les produits céréaliers et les produits transformés (Samuel et autres, 2010). Ils peuvent aussi être transportés vers les sources d’eau potable par ruissellement et infiltration dans le sol, contaminant ainsi les eaux de  surface et les nappes phréatiques (Québec. Ministère de l’Environnement du Québec, 2004). À cet égard, la préoccupation des consommateurs quant à l’impact sanitaire d’une exposition chronique aux pesticides par la consommation d’eau potable et l’ingestion d’aliments contaminés est croissante.

Source : Écotoxicologie et impacts sanitaires des pesticides en réponse à l’augmentation des ravageurs amenés par les changements climatiques : portrait, perspectives et recommandations
Par Ève Boileau (Essai présenté au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable; Maîtrise en environnement université de Sherbrooke Janvier 2015)

Voici un assortiment d’articles qui démontrent le haut niveau de tolérance du gouvernement caquiste envers les grands pollueurs, ici, l’industrie des pesticides.

Québec accorde discrètement un passe-droit aux pesticides «tueurs d’abeilles»

À peine deux mois après l’entrée en vigueur de restrictions sur la vente et l’usage des pesticides «tueurs d’abeilles» au Québec, le ministère de l’Environnement accorde une dérogation aux agronomes. Ils peuvent ignorer les nouvelles règles et prescrire des semences de maïs enrobées de néonicotinoïdes.

 
Depuis le 1er avril 2019, des changements apportés au Code de gestion des pesticides restreignent le recours aux néonicotinoïdes. Leur usage doit être justifié par un agronome et faire l’objet d’une prescription.
   Ces changements visent à réduire les risques pour la santé humaine et pour l’environnement posés par trois des pesticides les plus couramment utilisés et considérés comme les plus dangereux pour les insectes, mais aussi pour l’ensemble de la biodiversité.
   À peine entrées en vigueur, les nouvelles règles font déjà l’objet d’une dérogation.
   La dérogation a été annoncée par le ministère de l’Environnement à la fin mai, lors d’une rencontre du comité consultatif chargé de surveiller la mise en œuvre des nouvelles dispositions du Code de gestion des pesticides.
   Les membres du comité n’ont pas été consultés, mais plutôt placés devant le fait accompli, relate Julie Fontaine, responsable du dossier des pesticides à la Fédération des apiculteurs, qui a assisté à la rencontre.

Radio-Canada | Publié le 14 juin 2019

Des lobbyistes à la tête de la plupart des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture

La plupart des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture du Québec sont administrés par une majorité de représentants de l’industrie, parmi lesquels des lobbyistes. Dans le même temps, le ministère a abandonné les pouvoirs qu’il y détenait. C’est ce qu’a découvert Radio-Canada, dans la foulée de l’affaire du lanceur d’alerte Louis Robert.

Thomas Gerbet | Radio-Canada, 18 mars 2019

Voici des extraits d’un long article documenté sur le terrain qu’il vaut la peine de lire en entier. 

Pesticides : la rivière aux horreurs

C’est une rivière anonyme bordée de champs de maïs. Mais parce qu’elle témoigne de la présence de pesticides dans les cours d’eau agricoles du Québec, elle raconte une histoire troublante. L’histoire de milliers de kilomètres d’un réseau hydrographique rempli de pesticides, à des concentrations qui menacent la vie aquatique.

Photo : Martin Tremblay / La Presse

La carcasse d’une voiture rongée par la rouille se déverse sur les flancs du cours d’eau. Un réservoir blanc se dresse à travers l’eau opaque, tel un iceberg de plastique. Le cadavre d’un faon flotte, éventré. Kilomètre après kilomètre de pagaie, l’impression de traverser un dépotoir.
   Alors que le canot glisse doucement sur les eaux tantôt brunes, tantôt grises, une puissante odeur septique provoque des haut-le-cœur. Mais c’est la pollution qui ne se voit pas à l’œil nu qui préoccupe avant tout le ministère de l’Environnement. Une pollution qui se joue à l’échelle moléculaire, et dont les conséquences se mesurent en microgrammes par litre.
   La rivière Chibouet est un cours d’eau anonyme qui traverse les champs de Saint-Hugues et de Sainte-Hélène-de-Bagot, deux villages agricoles de l’est de la Montérégie. Depuis 1992, elle sert de rivière-témoin au gouvernement du Québec pour documenter la présence des pesticides dans les cours d’eau de la grande région de Saint-Hyacinthe, un paysage dominé par les monocultures de maïs génétiquement modifié et de soya.
   La dernière campagne d’échantillonnage du Ministère, menée entre 2015 et 2017, brosse un portrait inquiétant de la santé de la rivière. C’est aussi, de manière plus alarmante, un baromètre qui reflète l’état général de plusieurs milliers de kilomètres du réseau hydrographique qui quadrille les zones où l’on cultive intensivement le grain au Québec.
   Au cours des étés 2015, 2016 et 2017, le ministère de l’Environnement a recueilli 88 échantillons d’eau dans la rivière Chibouet. En février dernier, les résultats sont tombés : entre 21 et 27 pesticides ont été détectés, selon l’année.

Atrazine et glyphosate
En 2015, 10 % des échantillons récoltés du haut du pont de Saint-Hugues dépassaient le «critère de vie aquatique chronique» pour l’atrazine, un herbicide qui figure dans le palmarès des cinq pesticides les plus à risque du gouvernement du Québec et qui est interdit en Europe depuis 2004.

Et voici les néonics
Mais le véritable enjeu soulevé dans le dernier rapport d’Isabelle Giroux concerne les dépassements de critère pour les néonicotinoïdes, une famille d’insecticides aux noms imprononçables : clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride.
   «Si un maillon de la chaîne est affaibli, c’est tout le reste de la chaîne qui est affecté de manière indirecte.» (Isabelle Giroux, chercheuse du ministère de l’Environnement)  
   Fernand Hébert, dont la résidence est voisine du site d’échantillonnage, sort de son garage. L’homme de 81 ans raconte qu’il y a 50 ans, avant l’arrivée de l’agriculture intensive dans la région, la Chibouet était reconnue comme une «rivière à poissons».

Après les pesticides… les eaux usées
Depuis l’été 2018, une tuile supplémentaire est venue s’ajouter aux cocktails de pesticides recensés dans la rivière Chibouet : le rejet d’eaux usées «peu traitées» en raison d’un problème à l’usine d’épuration de Sainte-Hélène-de-Bagot. En juillet 2018, le ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs a recensé plusieurs centaines de poissons morts et d’«espèces rattachées à la faune aquatique» sur une quinzaine de kilomètres de la rivière.

CropLife Canada, le lobby qui représente la vaste majorité des entreprises de pesticides, en a contre la norme de 0,0083. Les néonicotinoïdes ont commencé à être utilisés au Québec en 2008, mais le Ministère mesure leur présence dans l’eau seulement depuis 2012.

Un océan de maïs
Les concentrations de pesticides détectées dans la rivière Chibouet ne sont pas l’exception, elles sont la norme. Elles sont la conséquence d’un modèle agricole à grande échelle axé sur la monoculture du maïs-grain et du soya.
   Il suffit d’un coup d’œil pour réaliser que le paysage agricole situé au sud du lac Saint-Pierre est dominé par les cultures de soya et de maïs. Le maïs planté ici n’est toutefois pas comestible pour les humains.
   Le «maïs-grain» est la base de l’alimentation des cochons, des poulets et, dans une moindre mesure, des vaches. Environ 70 % des porcs québécois sont ensuite exportés. Une grande part de notre soya est aussi exportée.
   Au Québec, environ 10 % du maïs-grain est par ailleurs utilisé pour produire de l’éthanol. Les champs de l’est de la Montérégie sont commodément situés près de l’usine d’éthanol Greenfield, située à Varennes. L’usine achète localement 16,8 millions de boisseaux de maïs (427 tonnes métriques) chaque année pour produire 190 millions de litres d’éthanol-carburant. Les résidus de maïs issus de la production d’éthanol – la drêche – sont ensuite réutilisés pour faire de l’alcool de distillerie.

Partout pareil
Rivière Yamaska
La rivière Chibouet, qui se jette dans la rivière Yamaska, contribue à en faire l’affluent le plus pollué du fleuve Saint-Laurent. La moitié des 260 000 habitants des municipalités riveraines boivent de l’eau de surface de la Yamaska ou de l’un de ses affluents.
[L’analyse inclut : Lac Saint-Pierre, Rivière Saint-Régis, Rivière Richelieu, Rivière des Hurons, Rivière Saint-Zéphirin.]

«Néonics» 101
Les néonicotinoïdes sont des molécules qui présentent une structure chimique similaire à celle de la nicotine, la substance qui cause la dépendance retrouvée dans le tabac. Le mot «néonicotinoïde» veut littéralement dire : nouvel insecticide semblable à la nicotine.
   Les néonicotinoïdes agissent sur le système central nerveux des insectes en les paralysant ou en causant leur mort. Ce sont des pesticides dits «systémiques», c’est-à-dire qu’ils sont absorbés puis transportés à travers la plante. Ils diffèrent des pesticides «de contact» qui sont appliqués sur la surface des plantes par arrosage.
   Le Centre de recherche sur les grains (CEROM) est une société à but non lucratif financée à 68 % par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Mars 2018. Coup de théâtre. Le Devoir et Radio-Canada révèlent que 15 des 35 employés du CEROM, dont 5 chercheurs, ont démissionné depuis 2016. Des membres du conseil d’administration du CEROM auraient fait connaître leurs positions propesticides aux chercheurs, au point de s’ingérer dans les travaux de recherche et même de retenir leur publication.
   Qui était à la tête du conseil d’administration à l’époque? Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec, un syndicat affilié à l’Union des producteurs agricoles (UPA). Christian Overbeek a milité publiquement contre le resserrement de la réglementation. Il s’est même enregistré comme lobbyiste pour faire des démarches auprès du gouvernement sur cette question.
   Le professeur de chimie environnementale Sébastien Sauvé explique que l’industrie et les producteurs de grains «mangent main dans la main». «Les producteurs de grains produisent des semences qui vont être enrobées, donc quand on vend du grain, on vend des pesticides. Donc les vendeurs de grains sont des vendeurs de pesticides et les vendeurs de pesticides sont des vendeurs de grains.»

Daphné Cameron, La Presse 21 septembre 2019

La faune et la flore sont les baromètres de l’état des lieux en matière de pollution environnementale. La disparition de la faune aviaire n’est que la pointe de l’iceberg. N’en doutez pas, nous allons éventuellement passer dans le broyeur si nos gouvernements ne mettent pas un holà à la mafia des pesticides maintenant.

Trois milliards d’oiseaux de moins en Amérique

Photo: Gary Mueller Macaulay Library at Cornell Lab of Ornithology. Un oriole de Baltimore.

La faune aviaire d’Amérique du Nord a décliné de 29 % depuis 1970, ce qui représente la perte d’environ trois milliards d’oiseaux, révèle une étude publiée jeudi 19 septembre dans la revue Science. Or, ces pertes ne concernent pas seulement des espèces rares et menacées, mais incluent plusieurs espèces communes et répandues qui sont des maillons importants des écosystèmes.
   Cette étude réalisée par des chercheurs états-uniens, ainsi que par Environnement et changement climatique Canada visait à évaluer les changements subis par les populations de 529 espèces d’oiseaux des États-Unis et du Canada à partir des données obtenues par plusieurs réseaux de surveillance, dont certains accumulent des données depuis près de 50 ans. Ils ont ainsi estimé que la faune aviaire d’Amérique du Nord aurait perdu 3,2 milliards d’oiseaux de 38 familles différentes, depuis 1970.
   La famille des bruants est celle qui a été la plus dévastée avec la perte de 862 millions d’individus, ce qui représente un déclin de 38 %. Cette famille comprend de nombreuses espèces champêtres et certaines espèces, comme les juncos, qu’on retrouve en forêt boréale.
   Les parulines, de beaux oiseaux souvent très colorés qui font de longues migrations, ont été très éprouvées avec la disparition de 618 millions d’individus (soit un déclin de 38 %).
   Un déclin d’une telle ampleur ne surprend pas Pascal Côté, directeur de l’Observatoire des oiseaux de Tadoussac.
   «Une tendance similaire avait été annoncée en juin dernier dans le rapport sur l’état des populations d’oiseaux du Canada d’Initiative de conservation des oiseaux de l’Amérique du Nord (ICOAN-Canada)», rappelle-t-il, tout en se disant davantage préoccupé par le déclin des espèces indigènes que par celui des espèces introduites.
   Le principal facteur responsable de cette hécatombe de la faune aviaire est la perte de leur habitat en raison du développement et de l’intensification de l’agriculture.
   Les prairies naturelles et les champs abandonnés qu’affectionnent les oiseaux champêtres sont désormais cultivés de façon intensive. «Les prairies naturelles de l’Ouest sont transformées en champs agricoles de blé. Dans les champs qui étaient jadis laissés en fourrage pour faire du foin, on fait de quatre à cinq récoltes de foin par année dont certaines ont lieu durant la période de nidification des oiseaux, ce qui entraîne beaucoup de mortalité. On fait aussi beaucoup plus de cultures de blé d’Inde et de soya alors qu’il y avait beaucoup plus de champs pour le bétail auparavant. Tous ces changements participent au déclin. De plus, les aires d’hivernage des oiseaux migrateurs, comme les parulines, au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud sont victimes de la déforestation», explique Pascal Côté.
   Les carouges et les quiscales bronzés ont subi des pertes de 440 millions d’individus (soit un déclin de 44 %). Les moineaux ont été décimés de 331 millions individus, soit un déclin de 81 %, et les alouettes sont privées de 182 millions congénères, soit un déclin de 67 %, les étourneaux sansonnets ont perdu 83 millions de semblables, soit un déclin de 49 %.
   L’utilisation répandue de pesticides, comme les néonicotinoïdes, est nocive pour tous les oiseaux, voire dévastatrice pour les insectivores aériens, comme les hirondelles (diminution de 22 %), les engoulevents (réduction de 55 %) et les martinets (65 %).
   Selon M. Côté, le déclin des moineaux s’explique principalement par l’essor des nouvelles constructions en milieu urbain qui ne permettent plus aux moineaux de faire leur nid dans les combles des habitations comme ils avaient l’habitude de le faire auparavant.
   Les auteurs de l’étude concluent sur l’urgence de s’attaquer à ces facteurs qui menacent la faune aviaire du continent, et qui seront exacerbés par les changements climatiques.

Pauline Gravel | Le Devoir Science, 20 septembre 2019

Les oiseaux aussi victimes des néonicotinoïdes 

Photo: Margaret Eng. Les bruants à couronne blanche sont particulièrement exposés aux néonicotinoïdes durant leur migration printanière.

On sait que les abeilles sont gravement affectées par les insecticides de la classe des néonicotinoïdes. Voilà maintenant qu’une étude canadienne publiée dans la revue Science confirme que les oiseaux chanteurs en sont aussi victimes. Cette étude montre que l’imidaclopride, l’un des trois néonicotinoïdes le plus couramment utilisés en agriculture, handicape sérieusement les bruants à couronne blanche dans leur migration et compromet par conséquent leur reproduction, voire menace leur survie.
   Depuis 2006, des études ont fait état du déclin particulièrement abrupt des espèces d’oiseaux qui font des haltes dans des zones agricoles au cours de leur migration. En Amérique du Nord, 74 % des espèces aviaires qui sont tributaires des terres agricoles ont décliné entre 1966 et 2013.
   Un examen par résonance magnétique des oiseaux a permis de préciser que cette perte de masse corporelle chez les oiseaux exposés à l’imidaclopride correspondait à la disparition de 9,3 % des graisses corporelles chez ceux qui avaient reçu la plus faible dose d’imidaclopride, et de 17 % chez ceux qui avaient absorbé la plus haute dose. Ce constat est particulièrement préoccupant sachant que les graisses constituent la principale réserve d’énergie pour les oiseaux migrateurs.
   Selon les chercheurs, cette perte de masse corporelle et de graisses serait associée «en partie aux effets anorexiques de l’imidaclopride». Car, rappellent-ils, les néonicotinoïdes agissent sur les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine du système nerveux auxquels se lie également la nicotine, qui présente des propriétés anorexigènes.
   En effet, les oiseaux ayant été exposés à la plus haute dose d’imidaclopride consommaient 70 % moins de nourriture durant les six heures suivant l’administration de l’insecticide que les oiseaux servant de témoins qui n’avaient pas reçu d’imidaclopride.
   Le fait que cet effet anorexigène survienne durant un stade critique de leur vie, qui est typiquement caractérisé par une hyperphagie et une accumulation rapide de graisses pour parcourir les longues distances de vol de la migration, est particulièrement problématique.
   Les auteurs de l’étude font remarquer que les oiseaux granivores, comme les bruants à couronne blanche, sont particulièrement exposés aux néonicotinoïdes durant leur migration printanière, car celle-ci coïncide avec la période d’ensemencement pour de nombreuses plantes agricoles traitées à l’imidaclopride dans les latitudes moyennes de l’hémisphère Nord. Car, rappelons-le, les graines de semence sont habituellement enrobées d’insecticide.
   L’usage répandu des néonicotinoïdes le long des routes migratoires traversant le sud du Canada et les États-Unis signifie que les oiseaux subissent des expositions répétées à leurs divers sites de repos, ce qui induit des délais successifs qui amplifient toutes ces conséquences négatives pour les populations d’oiseaux migrateurs », soulignent les chercheurs.
   Malheureusement, ces oiseaux souffriront encore longtemps des effets néfastes des néonicotinoïdes, car Santé Canada décidera seulement au début de 2020 s’il adopte la proposition finale d’éliminer dans trois à cinq ans les trois principaux néonicotinoïdes, dont fait partie l’imidaclopride. Et comme le Canada, les États-Unis n’ont toujours pas interdit ces insecticides dévastateurs, contrairement à l’Europe qui les a bannis en décembre 2018.

Pauline Gravel | Le Devoir Science, 16 septembre 2019

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