14 décembre 2018

La «pétroleuse» albertaine

J’attribue à Rachel Notley le vocable pétroleuse, parce qu’elle est douée pour jeter de l’huile sur le feu. Toujours prête à monter aux barricades pour défendre son cher pétrole de schiste albertain – il coule dans ses veines, elle en boit, elle en mange. Mais il y a de l'espoir car c’est une maladie qui se soigne...  

Caricature d’une «pétroleuse» d’après une carte postale versaillaise oblitérée en juillet 1871. [Mythe au sujet des pétroleuses réputées avoir allumé des feux avec du pétrole à Paris (1)] 

Parmi les élus, Rachel Notley est sans doute celle qui a subi la plus radicale lobbytomie de la part de l’industrie pétrolière. Elle devrait descendre de ses grands chameaux et réfléchir au jour, peut-être pas si loin, où en raison de l’exploitation bitumineuse, l’eau potable vienne à manquer dans sa province. Elle voudra peut-être construire un pipeline pour transporter de l’eau potable du Québec vers l’Alberta... péréquation ou pas. 


Quand des provinces s’opposent à ce qu’elle répande son pétrole partout, elle utilise le boycottage – ce fut le cas avec Colombie Britannique et maintenant c’est le tour du Québec.
   Le problème c’est que l’Alberta a mis tous ses oeufs (pourris) dans le même panier. Or, à mesure que les dérèglements climatiques feront leur œuvre, divers problèmes surviendront. Il n’y a aucun pays dans le monde capable de cesser d’utiliser ces énergies sales du jour au lendemain. Une vicieuse dépendance a été créée au cours du dernier siècle – les pétrochimistes ont décidé d’en mettre dans tout à cause des surplus. Or au lieu d’augmenter la production, il faudrait la limiter à l’essentiel si l’on veut éviter l’hécatombe.
   Y a-t-il quelqu’un qui veut payer un cours 101 sur les dérèglements climatiques aux élus récalcitrants qui veulent poursuivre la course écosuicidaire?
   Ce n’est pas parce que le pétrole «finance des écoles, des hôpitaux et des routes» qu’on peut le dire propre – c’est comme financer des bonnes œuvres avec l'argent du crime organisé.


En général, je désapprouve la manière dont la Coalition avenir Québec s'apprête à gérer les défis environnementaux. Cependant, je suis d'accord avec le rejet du pipeline Énergie Est. On se doit de souligner les bons coups tout autant que les mauvais.

«Pétrole sale albertain» : Rachel Notley répond à François Legault

Mylène Crête
Presse canadienne

François Legault s'est fait dire de descendre de ses grands chevaux par la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, mardi, alors qu'un ex-député fédéral appelle au boycottage des produits du Québec.
   Selon Mme Notley, le premier ministre québécois doit réaliser que son gouvernement tire beaucoup d'avantages du pétrole albertain.
   «Je dirais au nouveau premier ministre du Québec qu'il a besoin de descendre de ses grands chevaux, qu'il a besoin de jeter un coup d'oeil à ce qu'il y a dans le sol et qu'il a besoin de comprendre que, non seulement notre produit n'est pas sale, mais qu'il finance les écoles, les hôpitaux, les routes et potentiellement certaines des infrastructures hydroélectriques au Québec», a-t-elle dit.
   Celle-ci réagissait aux propos tenus par François Legault vendredi à l'issue de la conférence des premiers ministres à Montréal. Il se prononçait alors sur le projet d'oléoduc Énergie Est, que l'Alberta, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick tentent de raviver et dont le tracé traverserait le Québec. Ce projet, abandonné en 2017 par TransCanada, visait à transporter le pétrole des sables bitumineux albertain vers les raffineries de l'est du pays.
   François Legault a refusé cette «énergie sale» pour laquelle il n'y a pas d'acceptabilité sociale sur le territoire québécois, tout en soulignant que le Québec pouvait vendre son hydroélectricité.
   «Je ne me sens pas du tout gêné de refuser de l'énergie sale, alors que, nous, on offre de l'énergie propre à un prix très concurrentiel», avait-il affirmé.
   Depuis, l'ex-député conservateur au fédéral et ex-chef du Parti Wildrose à la législature albertaine, Brian Jean, incite les Albertains au boycottage des produits québécois puisque le Québec reçoit «près de 60 % de toute la péréquation» «financée par le pétrole de l'Alberta». Sa publication a été partagée près de 11 500 fois sur Facebook depuis samedi.
   Le Québec a fait l'objet de critiques lundi, lors de la rencontre des ministres des Finances à Ottawa, parce qu'il recevra la part du lion du transfert de péréquation en 2019-2020, soit plus de 13 milliards, alors qu'il nage dans les surplus.
   Le gouvernement fédéral versera en tout près de 20 milliards en péréquation à cinq provinces la même année pour assurer un niveau de services publics équivalents partout au pays. Outre le Québec, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick recevront un chèque.
   L'Alberta, considérée comme l'une des provinces riches, se plaint de vivre une crise en raison du faible prix du pétrole. Le gouvernement néodémocrate prévoit un déficit de 7,5 milliards pour l'année financière en cours.


Les craintes climatiques sont réelles, alors l’industrie des sables bitumineux doit fermer

Par Thomas Walkom
The Star | Affaires nationales, le 4 décembre 2018

Photo : Jeff McIntosh / La Presse canadienne. Un bassin de résidus reflète l'installation de la mine de sables pétrolifères Syncrude près de Fort McMurray, en Alberta, en juillet 2008. De nouvelles recherches financées par le gouvernement indiquent que les niveaux actuels d'émissions des sables bitumineux finiront par acidifier une région du nord de l'Alberta et de la Saskatchewan de la taille de l'Allemagne.

En Pologne, le Canada et près de 200 autres pays font un effort de dernière minute pour sauver le monde des changements climatiques dévastateurs.

Ici, les gouvernements canadien et albertain tentent de sauver une industrie qui est l'une des plus grandes émettrices de gaz à effet de serre au pays et qui contribue aux dérèglements climatiques.
   Si cela semble une contradiction, c'est parce que c'est le cas.
   Le compromis libéral conçu par le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement il y a deux ans ne fonctionne pas. Il s'agissait d'un grand marché qui d’une façon a permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans que les Canadiens n'aient à en souffrir.
   En fait, ce devait être un pacte entre Ottawa et l'Alberta. Le gouvernement fédéral aiderait la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, à exploiter et à transporter le pétrole des sables bitumineux de la province. En retour, elle appuierait une sorte de taxe nationale sur le carbone demandée par Trudeau.
   Chaque partie donnerait un peu pour parvenir à un compromis canadien classique. C'était la théorie.
   Et en des circonstances normales, ça aurait dû marcher.
   Mais les circonstances actuelles sont loin d'être normales. Les changements climatiques ne sont pas simplement une autre faille dans les relations fédérales-provinciales que l'on peut résoudre en modifiant, par exemple, la formule de péréquation.
   Si le consensus scientifique est exact, il s'agit d'une crise comparable à une guerre nucléaire mondiale.
   Déjà, le changement climatique provoque des sécheresses exceptionnellement graves dans certaines régions et des tempêtes exceptionnellement violentes dans d'autres. Elle menace d'inonder une grande partie de la Floride. Il fait fondre les glaces de l'Arctique.
   Il s'est exprimé par des inondations en Europe et des incendies dévastateurs en Colombie-Britannique, en Californie et en Alberta. Il est généralement considéré comme l'une des causes profondes de la guerre civile syrienne et on s'attend à ce que cela débouche sur une recrudescence de conflits.
   Lorsque la présidente de l'Assemblée générale des Nations Unies, Maria Espinosa, a averti que l'humanité était «en danger de disparition» à cause du changement climatique, elle n'exagérait pas.
   Le monde a tenté d'y faire face depuis le sommet de Paris en 2015. Là-bas, les nations ont convenu de travailler ensemble pour éviter que les températures mondiales n'augmentent trop rapidement.
   Mais l'accord de Paris n'était pas contraignant. Les pays fixent leurs propres objectifs de réduction des émissions et ne sont pas tenus de les atteindre.
   Depuis lors, les groupes scientifiques de l'ONU ont fait deux constats troublants. Premièrement, les objectifs annoncés ne suffisent pas; le changement climatique se produit plus rapidement que prévu. Deuxièmement, la plupart des pays, y compris le Canada, ne sont pas en voie de tenir les promesses faites, même inadéquates.
   La conférence de deux semaines sur le changement climatique à Katowice, en Pologne, vise à encourager les signataires de Paris à devenir plus ambitieux.
   Bonne chance. Le président américain Donald Trump a abandonné l'Accord de Paris. D'autres menacent de faire de même.
   Le Canada est probablement plus typique. Bien qu'il soit théoriquement un ardent partisan de l'accord, il est le moins enthousiaste à l'idée de prendre les mesures qui s'imposent.
   Plus précisément, Ottawa insiste pour appuyer une industrie des sables bitumineux qui est l'un des plus anciens contributeurs aux changements climatiques au Canada.
   Bien que les sables bitumineux ne soient responsables que de 10 % des émissions de carbone du Canada, ils comptent parmi les plus importantes sources ponctuelles de gaz à effet de serre du pays et un puissant symbole de ce que l'humanité fait de travers.
   Sur le plan économique, les sables bitumineux sont condamnés. Dans un monde inondé de schiste bitumineux bon marché, les nouveaux projets de sables bitumineux sont finalement trop coûteux à développer – même si le pipeline Trans Mountain de 4,5 milliards de dollars qu'Ottawa a acheté pour acheminer le bitume de l'Alberta vers la côte Pacifique se concrétise.
   D'un point de vue environnemental, c'est un désastre, tant en ce qui concerne les bassins de décantation créés pour stocker leurs déchets que les émissions de carbone qu'ils rejettent dans l'air.
   Les réductions de production imposées et l’achat de wagons-citernes par le gouvernement peuvent permettre aux sables bitumineux de boiter encore un peu. Mais dans un monde dont l'existence même est menacée par les gaz à effet de serre créés par cette industrie, l'option la plus raisonnable est de fermer.


Un article à monter sur ses grands chevaux :

CO2 vs the COPs

By Barry Saxifrage in Analysis
Canada’s National Observer | December 12th 2018

   “Whatever our world leaders are 'doing' to reduce emissions, they are doing it wrong.”
   "We have to understand what the older generation has dealt to us, what mess they have created that we have to clean up and live with.”
– Greta Thunberg, 15-year-old Swedish climate hero speaking at COP24

The primary force overheating our planet, destabilizing our climate and acidifying our oceans is the surging levels of carbon dioxide in our atmosphere.
   Since 1990, at the Rio Summit, world leaders have met annually and pledged to stop this "speeding freight train" before it gets too dangerous. Right now they are meeting in Katowice, Poland, for the twenty-fourth year in a row, at a United Nations Conference of the Parties (COP 24).
   Despite decades of global promises and negotiations CO2 levels have not stabilized. Not only are emissions still rising, they are actually accelerating upwards.
   There is no mystery about where all this new CO2 is coming from – fossil fuels like oil, gas and coal. Every year, humanity digs up and burns more fossil carbon than it did the year before. And every year we continue to dump the resulting tens of billions of tonnes of CO2 pollution directly into our atmosphere.


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(1) Le terme «pétroleuses» se référait aux femmes accusées d’avoir utilisé du pétrole pour allumer des incendies, en 1871, lors de l’écrasement de la Commune de Paris par les versaillais. Après l’incendie de l’Hôtel de ville de Paris le 24 mai, on affubla de ce terme les femmes qui avaient pris part aux combats armés, faisant d’elles les boucs émissaires du vandalisme survenu pendant la Semaine sanglante. (Wikipédia)

Les gravures publiées au moment où le mythe de la pétroleuse naît, et alors que les femmes impliquées dans la Commune sont traduites devant les conseils de guerre, elles viennent fournir à l’opinion publique des représentations efficaces de ces allégories noires ou négatives de la Commune comme règne du chaos et de la destruction. Cette iconographie recourut souvent à l’excès pour alimenter l’imagerie anti-communarde et le mythe de la pétroleuse, en dépit des démentis. Dans tous les cas, les pétroleuses ont servi à exorciser la «grande peur» de la Commune et de ses incendies. Malgré le mythe populaire de la pétroleuse, aucune femme n’a jamais été reconnue coupable d’incendie criminel délibéré selon les archives désormais accessibles. (L’histoire en images)

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