7 décembre 2018

Dépotoir planétaire : le rôle de l’industrie publicitaire

Cette industrie est à l’origine de notre monde de surconsommation et de la chaîne de calamités écologiques qui en ont découlé. Certaines erreurs ne peuvent pas être corrigées, même avec la meilleure volonté du monde.

Au lendemain des attentats au WTC, George W. Bush invitait les Américains à aller magasiner comme d’habitude. Alors, une crise économique empêcherait-elle les gens de dépenser sans compter pendant les fêtes? Jamais de la vie. En janvier prochain, comme à tous les ans, plusieurs seront épuisés, déçus, déprimés, endettés, sinon ruinés. La foire mercantile avec ses promesses de bonheur pogne encore. Les folles dépenses? Un peu plus sur la carte de crédit, c’pas grave, on règlera ça en février au retour de la croisière en Martinique.

L’authentique esprit de Noël : dépensons beaucoup d’argent pour de la merde dont nous n’avons pas besoin  

«Carte de crédit : Chacun des petits rectangles de plastique, dont l'ensemble constitue un jeu de société de consommation, aussi appelé jeu de cash-cash.» ~ Albert Brie 

«Organiser l’inflation, on appelle ça aider. Les gens achètent des fausses pièces.»
(Série satirique Kaamelott)

Au coeur du cercle vicieux du consumérisme

Fabrication/production – Publicité – Distribution – Consommation : un système machiavélique dont il est de plus en plus difficile de nous extirper, surtout avec Internet...

«La publicité est basée sur une chose : le bonheur. Tu sais ce qu'est le bonheur? C'est l'odeur d'une voiture neuve, c'est l'absence de peur, c'est un panneau d'affichage sur le bord de la route qui crie et te rassure : quoi que tu fasses, c'est ok. Tu es ok.»
   «Les gens veulent tellement qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire qu'ils écouteront n'importe qui.»
   «Tu associes l’amour à des palpitations cardiaques, tu n’es plus capable manger ni de travailler, tu te maries et tu fais des enfants. La raison pour laquelle tu ne l'as pas senti, c'est parce qu'il n'existe pas. Ce que vous appelez l'amour a été inventé par des gars comme moi... pour vendre des bas de nylon.»
~ Don Draper, série Madmen   

Le plus cruel avec la publicité c’est qu’elle ne reflète pas ce que font les gens, mais ce qu’ils rêvent de faire. Et, la notion de bonheur est basée sur la satisfaction des désirs à travers la consommation d’objets. La pub présente donc des contextes de relations humaines joyeuses, festives, amicales, romantiques, sexuelles associés à leurs marques. Par exemple la bière au beach party, le VUS à l’aventure, la grosse maison cossue au statut social, les vêtements au pouvoir de séduction, etc. Complètement dingue. Mais les gens mordent encore à l’hameçon, malgré tous les résultats de recherche en psychologie comportementale, largement accessibles au grand public, qui ont démontré que les choses ne procurent pas le bonheur.

Un documentaire à voir sur le sujet (en anglais) :
Advertising at the Edge of the Apocalypse
Jeremy Earp, Sut Jhally 2017  

Dix ans après son précédent film, Advertising & the End of the World, le célèbre spécialiste des médias Sut Jhally poursuit en explorant les retombées personnelles et environnementales dévastatrices de la publicité et la culture commerciale quasi-totalitaire. Le film retrace l'émergence de l'industrie de la publicité au début du XXe siècle jusqu'à la commercialisation à grande échelle de la culture d'aujourd'hui, en identifiant le mythe qui traverse toute la publicité : l'idée que les marques d'entreprise et les biens de consommation sont les clés du bonheur et de la réalisation humaine. Nous voyons comment ce récit puissant, soutenu par des milliards de dollars annuellement et propagé par des manipulateurs intelligents, nous a aveuglés sur les coûts catastrophiques de l'accélération constante des taux de consommation. Le résultat est un film puissant qui déballe les questions fondamentales concernant le mercantilisme, la culture des médias, le bien-être social, la dégradation de l'environnement et la dichotomie entre le capitalisme et la démocratie.

Street art : Banksy, "Shop till you drop

J'ai trop de larmes pour pleurer

ils font la guerre à la nature

Moi qui tutoyais le soleil

je n'ose plus le regarder en face
~ Jacques Prévert

Consumérisme et environnement

«Notre économie extrêmement productive exige que nous fassions de la consommation notre mode de vie. Nous avons besoin que les choses soient consommées, brûlées, usées, remplacées et jetées à un rythme de plus en plus rapide. Nous avons besoin que les gens mangent, boivent, s'habillent, roulent, vivent d’une consommation toujours plus dispendieuse. Cela exige que nous convertissions l'achat et l'utilisation des biens en rituels, que nous trouvions nos satisfactions spirituelles, les satisfactions de notre ego, dans la consommation.»
~ Victor Lebow, analyste en commerce de détail, 1955

Aussi offensant que cela puisse paraître pour beaucoup de gens, cet énoncé résume assez bien l'orientation que notre société a prise au cours du siècle dernier. Nous sommes actuellement enfermés dans un modèle de consommation élevée et sans cesse croissante, dont l'impact sur la planète et sur la santé de notre société et des gens qui la composent est évident.

Notre consommation illimitée prend la forme :
- de produits jetables, souvent non recyclables
- d’immenses maisons
- de grandes banlieues luxueuses
- d’habitudes de voyage polluantes et invasives dans le monde entier
- de grosses et puissantes voitures

L'on s'attend à une consommation infinie sans pénalité.  Le paradigme de la croissance à perpétuité sert bien les élites, car il crée les conditions dans lesquelles leur richesse croîtra le plus rapidement. Pour le reste de la population, la fascination pour les biens matériels masque les faiblesses sous-jacentes :
- l’endettement
- l’épuisement des ressources
- les longues heures de travail
- la diminution de la qualité de vie

Mondialisation (auteur inconnu) 

Le fantasme de l’analyste en commerce de détail des années 1950 ne peut plus servir de guide à une société progressiste. La surconsommation est au cœur de plusieurs de nos problèmes fiscaux, sociaux et environnementaux actuels.  Les paramètres de contrôle d'une société de consommation sont complètement déformés en ce qui concerne le bien-être national et individuel. À mesure que nous nous dirigeons vers une société de conservation, nous pouvons voir plus clairement à quel point le consumérisme insoutenable va à l'encontre du progrès social.
   Au-delà d'un certain point, plus de richesse matérielle et de confort ne rendent pas les gens plus heureux.  Ce fait a été établi dans de nombreuses études. Le niveau de richesse requis pour le bonheur et la satisfaction de vivre à grande échelle est peut-être à la moitié de ce dont jouissent actuellement les citoyens des pays les plus industrialisés. Cependant, il est tout aussi clair que les élites tirent le maximum de profit et de puissance de la consommation maximale et de l'activité économique qui en découle.
   En créant davantage de biens aux coûts les plus bas, le consumérisme et son acolyte, le mondialisme, ont créé un système commercial interdépendant extrêmement complexe. Un tel système produit en effet des quantités massives de biens, mais il diminue aussi la base des économies qui y participent et les laisse ouvertes à de graves dommages en cas de perturbation sur les longues chaines d'approvisionnement en biens essentiels, y compris la nourriture et l'énergie.
   D'excellentes études ont identifié les impacts de telles perturbations sur les civilisations passées. Les effets sont dévastateurs. Dépendre trop fortement du commerce, se spécialiser à un degré trop élevé et créer des systèmes financiers complexes a semé les graines de l'effondrement dans beaucoup de civilisations avancées pour lesquelles des documents sont disponibles. La recherche qui a donné naissance au livre 1177 BC, The Year Civilization Collapsed par Erich H. Cline établit ce schéma d'effondrement des sociétés avancées de la Méditerranée. Il s'agit du premier exemple dont les dossiers adéquats sont disponibles.
   Global Crisis, de Geoffrey Parkers, couvre les effondrements sociétaux qui se sont produits dans le monde entier au 17e siècle. L'incroyable précision et la clarté du mécanisme du commerce et de la désintégration sociale sont rendues possibles par la richesse comparative de la documentation avec laquelle Parker a dû travailler. Cline, par comparaison, a dû effectuer beaucoup plus de travail de détective, en grande partie basé sur l'archéologie.
   L'incapacité de changer est le point culminant de nombreuses archives sur le déclin social. Plus la base économique est restreinte, plus la prise de décisions est entre les mains d'une élite dont la fortune est liée à cette même base. Il devient très difficile pour une société de retirer le pouvoir et les ressources à cette base et de diversifier l'économie, surtout lorsque l'élite est sous la pression des rendements décroissants dans son activité principale.
   Des longues chaînes d'approvisionnement et énergivores pour les ressources vitales, une base économique et une assiette fiscale restreintes, couplée à des flux complexes des monnaies fiduciaires est un château de cartes qui n’attend qu’un coup de vent pour s’écrouler. L'histoire traite surtout des guerres, des révolutions et des drames sociaux qui se produisent quand une société de consommation se résigne à cause de son incapacité de produire ce dont elle a besoin pour se maintenir.
   Toute société qui fait passer la consommation avant la production, l'investissement et la conservation de ses ressources va inévitablement connaître une transformation spectaculaire et peut-être rapide en une économie plus large et un mode de vie plus égalitaire. Cette nouvelle norme sociétale pourrait bien se situer à un niveau de sophistication bien inférieur à celui qui aurait été possible si la société précédente avait défendu la durabilité plutôt que la consommation.

Source :
Canadians for a Sustainable Society https://sustainablesociety.com/

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Dans la même veine :

The Age of Stupid (L’âge de la stupidité)
Franny Armstrong, 2009

Le pétrole EST le gouvernement, dit le commentateur

2055 – Un homme vit seul au sommet d’une tour. Celle-ci contient les œuvres d’art qui étaient il y a seulement deux générations éparpillées aux quatre coins de la Terre. Cet homme allume son ordinateur relié à l’ensemble des archives vidéo du monde. Face à notre planète bleue dévastée, il cherche à comprendre : pourquoi n’avons-nous pas réagi lorsqu’il était encore temps? N’y avait-il pas de signes annonciateurs des dérèglements climatiques dès le début des années 2000? Réponse à travers une série de reportages montrant l’homme face à sa propre compagnie d’aviation indienne lowcost et analyse l’impact environnemental de l’aviation. Il place aussi le spectateur devant la fonte des glaciers alpins et les conséquences de l’ouragan Katrina. Suite à cela, le gâchis du pétrole est dénoncé ainsi que les désastres orchestrés par Shell en Afrique. Un reportage en Irak montre également la vie d’enfants vendant les chaussures jetées dans les pays riches. Enfin, un installateur d’éoliennes est suivi dans un combat face à l’ignorance des populations. Intéressant et dérangeant! (Natura-Sciences)


«Le Président est un produit. Ne l'oublie pas.» ~ Pete, série Madmen

«Le gouvernement a lâché des lance-flammes contre les nazis et des bombes à fragmentation contre les Japonais. Le napalm a été inventé en 1942. C'était partout en Corée, j'étais là. Et maintenant c'est au Vietnam. Mais l'important est que si nos boys se battent et qu'ils en ont besoin, si l'Amérique en a besoin, Dow le fabrique et ça marche.» 
~ Don Draper, série Madmen

Auteur : Banksy. Désolé! Le mode de vie commandé est présentement en rupture de stock

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