Les
rois s’appellent maintenant «présidents» ou «premiers ministres». Les représentants
politiques honnêtes manquent cruellement puisque la plupart sont «lobbytomisés». Alors, réfléchissons pour
une énième fois à la mise en garde de mon bien-aimé Mark Twain (1835-1910)
:
«Chaque civilisation porte les
semences de sa propre destruction, et ce cycle apparaît dans toutes les
civilisations. Une République naît, s’épanouit, se délabre dans la
ploutocratie, puis, un cordonnier s’en empare à l’aide de mercenaires et de
millionnaires qui feront de lui un souverain. Les gens créent leurs
oppresseurs, et les oppresseurs remplissent la fonction pour laquelle ils ont
été créés.» ~ Mark
Twain, Eruption
«La
monarchie a la parole, et celle-ci lui a permis de convaincre l'homme qu'elle
différait du serpent à sonnette, que quelque part elle avait quelque chose de
précieux, quelque chose qu’il valait la peine de préserver, quelque chose de
bon et de grand, lorsqu'elle était bien «modifiée», quelque chose lui donnant
droit à la protection contre le bâton du premier venu qui l’attraperait si elle
sortait de son trou.» ~ Mark Twain
Photo :
Ludovic Marin/Reuters; message de M. Macron aux Gilets Jaunes, le 10 décembre 2018. On aurait dit un robot-clone avec discours pré-enregistré totalement dépourvu de sentiment et d'émotion. «Applaudis-toi
toi-même si tu veux, du moment que ce ne soit pas sur le visage de ton
prochain.» (Stanislaw Jerzy Lec)
«Lorsque
l'on considère Mark Twain cent ans plus tard, on ne peut que se demander ce
qu'il aurait à dire sur l'Amérique de 2010 [ndlr : et 2018!]. On peut
imaginer le choc et la consternation de Twain en voyant se métastaser les
tendances sociales et politiques malignes dont il avait observé les
développements initiaux.
Que de cibles trouverait-il! Les hypocrites et menteurs bien nantis de la Maison-Blanche et du Congrès, les avaricieux compulsifs de l'aristocratie
corporative, les éditeurs patriotiques, justifiant la réémergence du colonialisme, les prédicateurs millionnaires et
leur bigoterie, les bonzes souriants
de la télévision, les charlataneries des experts en «croissance
personnelle» et tous les autres détrousseurs
de la population – tous mûrs, dans
les mots de Twain, pour un enclos chauffé en enfer»! Où sont ses héritiers
aujourd'hui?»
~ James Brookfield et David Walsh
Centenaire de la mort de Mark Twain, 10 juillet 2010; World Socialist Web
Site
Le billet de Francis Lagacé *
Le 4 décembre 2018
«Ce
qui se passe en France (la révolte des Gilets jaunes, du nom de la veste jaune
obligatoire dans les voitures pour signaler une situation d'urgence et que
portent les manifestantEs) est d'une gravité que l'on ne sait pas très bien
mesurer ici au Québec, l'indigence analytique de nos médias n'aidant pas
particulièrement.
Si l'origine de cette contestation est
l'opposition à une taxe sur les carburants, qui affectera surtout les familles
modestes des régions périurbaines, lesquelles n'ont pas le choix d'utiliser
leur voiture (un peu comme la modulation des tarifs d'hydro-électricité
pénalise les pauvres et favorise la consommation des plus riches), la suite est
rapidement devenue l'expression d'un ras-le-bol général contre un gouvernement
prétentieux, arrogant, uniquement tourné vers la grande entreprise ou vers
l'obsession technologique des star-teupes
(start-up prononcé avec le joli
accent du guignol qui préside la république française et qui n'a que ce mot à
la bouche, car il croit que la vie est une entreprise dans laquelle il faut
récompenser les gagnants et laisser les perdants aux hyènes). [...]
Cette révolte, qui risque de se muer en
révolution si les oligarques qui contrôlent la poupée mécanique que les
FrançaisES ont en guise de président n'abandonnent pas leur mode de pensée
archaïque qui voit la démocratie comme un jeu de manipulation qui donne la
baguette au plus roublard et s'ils ne s'avisent pas de réfléchir sérieusement à
ces 42 propositions dont beaucoup ne souffriront pas de moyen terme, a été
allumée par l'attitude outrancière de ce pouvoir où les éluEs se comportent
comme des parvenus égoïstes qui viennent de gagner le gros lot du 6/49.
Premier président sacré dans une téléréalité
coûteusement offerte par l'oligarchie, le petit caporal en polléon s'est révélé
un provocateur inconscient se comportant comme un véritable boutefeu. Il traite les pauvres en gens «qui ne sont rien». Il insulte les travailleurs en
leur disant : «Si tu veux un costard,
t'as qu'à travailler.» Et à ceux qui se cherchent un emploi, il propose : «Pour trouver un travail, je traverse la
rue.»
Quand on constate qu'il a autorisé un
barbouze à casser du manifestant, il prétend assumer entièrement et déclare,
derrière une rangée de gardes : «Qu'ils
viennent me chercher». Elles sont très nombreuses les personnes qui dans
les récentes manifestations ont affirmé qu'elles répondaient à son appel. «Venez
me chercher, mais je vais me cacher derrière les CRS.» Voilà ce qu'il aurait dû
dire, ce rigolo qui parle sans réfléchir. Il ose en plus se vanter d'avoir «été
élu par effraction» et se désoler parce que «si les Français se plaignaient moins, ça irait mieux».
* Francis
Lagacé détient un doctorat en études françaises (Création littéraire et
narratologie). Il fut chargé de cours dans plusieurs universités de Montréal et
milite pour de nombreuses causes, dont le syndicalisme.
Festival mots creux de Macron
«Une
start-up nation est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une
start-up. Je veux que la France en soit une.»
«Vous
n’allez pas me faire peur avec votre T-shirt, la meilleure façon de se payer un
costard c’est de travailler.»
«Je
ne suis pas là pour beurrer les tartines.»
Arrestations de jeunes manifestants à Mantes-la-Jolie, dans le style des années 1940-45... La répression des militants par les forces armées est désormais systématique. Les ventes d'armes ont dramatiquement augmenté en 2018. Allez, parlez-nous de la paix et de la liberté d'expression dans le monde!
Agora Vox, 2017 : La rhétorique de M. Macron s'appuie pour l'essentiel sur des formules qui se suffisent à elles-mêmes, par exemple le Discours de La Mutualité, 12 juillet 2016 :
«Il
faut changer le pays.»
«Il
n'y a pas de plus belle chose que de servir son pays.»
«Ce
monde est ancien, il est usé, il est fatigué, il faut en changer.»
«Nous
vivons une refondation.»
«Il
faut un souffle nouveau.»
«Le
moment est venu de faire des choix clairs.»
«Cette
histoire, elle dérange. Ça arrive, j’en sais quelque chose. Parce qu’elle vient
contrarier l’ordre établi, parce qu’elle inquiète le système.»
Ce type de petites phrases représente bien
les deux tiers de son discours. L'argumentation de M. Macron n'est jamais avare
de confusion et de non-sens, notamment «révolution
démocratique»... Cela ne veut pas dire grand chose et c'est pourtant le
titre de son dernier ouvrage.
J'ai l’impression d’entendre François Legault, Éric Girard ou Youri Chassin de la CAQ – la bonne vieille théorie du ruissellement. Comme disait le prospère cashman Brian Mulroney, que l'argent soit canadien ou québécois ou d'ailleurs, c'est sans importance, tout ce qui compte c'est l'argent.
L’insurrection, et après?
Michel
Onfray | Agora Vox | Le 8 décembre 2018
(Extrait)
«Macron
prend prétexte de sauver la planète pour serrer la ceinture des pauvres (tout
en desserrant celle des riches dispensés d'impôts sur la fortune) afin de les
soumettre à la règle maastrichtienne des 3 %. Mais il s'agit moins pour lui de
sauver la planète que de sauvegarder l'Europe libérale, une espèce en péril – sinon, pourquoi ne pas taxer les supertankers, les avions de ligne, les
aéronefs commerciaux, les paquebots de croisière, les entreprises qui polluent,
les constructeurs automobiles ayant fraudé sur leurs émissions de carbone,
plutôt que l'infirmière qui effectue ses visites en campagne?
Dès lors, quiconque croit pouvoir répondre
favorablement aux demandes des gilets-jaunes sans envisager une sortie de
l'Europe maastrichtienne ment éhontément : Les Républicains et le Parti
Socialiste, La France insoumise et le Rassemblement national, le Modem et le
Parti communiste français sont à mettre dans le même sac. Il n'y a donc aucune
raison de faire confiance à cette classe politique jacobine, parisienne,
mondaine, partidaire qui se trouve à l'origine du malaise qu'elle prétend
désormais vouloir combattre... si on l'installe à nouveau au pouvoir! On ne
peut créer les conditions du chaos depuis des décennies puis vouloir y mettre
fin avec la politique qui a causé ces dégâts!
Le roi est nu. La chose est désormais vue et
sue. Elle l'est même, sue et vue, de façon planétaire grâce aux télévisions du
monde entier. Jupiter a vécu. Qu'on se souvienne de ce que j'ai jadis nommé
dans un livre «le principe de Gulliver» : Gulliver peut être terrassée et
anéanti par les Lilliputiens. Autrement dit : les nains peuvent avoir raison
d'un géant. Disons-le d'une autre façon encore : les gilets-jaunes ont potentiellement
les moyens d'abolir «Macron» qui n'est que le faux-nez du système : il suffit
pour ce faire d'un programme commun, d'une fraternité d'action, d'une méthode avec
une stratégie (que veut-on?) et une tactique (comment s'y prend-t-on pour y
parvenir?), enfin d'une volonté.
Le programme commun s'élabore avec les
comités fédérés; la fraternité d'action surgit à l'occasion de la mise en place
de ces comités; la méthode est celle de la coopération libertaire qui suppose
le mandat impératif afin de désigner des représentants, puis une fédération de
ces représentants avec une fédération de fédérations afin de disposer d'un
comité directeur révocable lui-aussi; la stratégie vise l'alternative à la
démocratie représentative par l'instauration d'une démocratie directe; la
tactique pour y parvenir consiste à ne rien lâcher dans l'action revendicative,
puis à multiplier les actions de façon ciblée, tout en se désolidarisant des
violences et en les empêchant. La volonté est là : elle est jaune vif.
Macron qui, non sans arrogance juvénile,
voulait tous les dégager et a cru y parvenir semble lui aussi prendre la vague
qu’il a initiée. C'est la jurisprudence du boomerang... Ironie du sort, il
voulait faire de la politique autrement : ce pourrait bien être le programme de
ceux qui ne veulent plus de lui et de ses semblables. Ce si jeune Jupiter nous
apparaît dès lors vraiment pour ce qu'il est : vieux, terriblement vieux...»
~~~
(1)
Les 42 revendications des Gilets Jaunes adressée à l’Assemblée
Nationale
PDF
original enregistré sur «Scribd» :
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