11 décembre 2018

Dans sa tête, il y a un petit roi

Les 42 propositions (1) des Gilets Jaunes sont concrètes, pertinentes et très raisonnables. Où puiser l’argent? Mais dans les poches et les paradis fiscaux des gloutons de l’«aristocratie corporative»! Je dirais des «élites», mais ce mot doit être redéfini; tout comme «populiste», récupéré à des fins qui n’ont rien à voir avec le bien commun et l’équité sociale. Par ailleurs, les dictatures (capitalistes ou communistes) gagnent du terrain; songeons à Bolsonaro, Jinping, Duterte, Poutine, etc.


Les rois s’appellent maintenant «présidents» ou «premiers ministres». Les représentants politiques honnêtes manquent cruellement puisque la plupart sont «lobbytomisés». Alors, réfléchissons pour une énième fois à la mise en garde de mon bien-aimé Mark Twain (1835-1910) :

«Chaque civilisation porte les semences de sa propre destruction, et ce cycle apparaît dans toutes les civilisations. Une République naît, s’épanouit, se délabre dans la ploutocratie, puis, un cordonnier s’en empare à l’aide de mercenaires et de millionnaires qui feront de lui un souverain. Les gens créent leurs oppresseurs, et les oppresseurs remplissent la fonction pour laquelle ils ont été créés.» ~ Mark Twain, Eruption  

«La monarchie a la parole, et celle-ci lui a permis de convaincre l'homme qu'elle différait du serpent à sonnette, que quelque part elle avait quelque chose de précieux, quelque chose qu’il valait la peine de préserver, quelque chose de bon et de grand, lorsqu'elle était bien «modifiée», quelque chose lui donnant droit à la protection contre le bâton du premier venu qui l’attraperait si elle sortait de son trou.» ~ Mark Twain

Photo : Ludovic Marin/Reuters; message de M. Macron aux Gilets Jaunes, le 10 décembre 2018. On aurait dit un robot-clone avec discours pré-enregistré totalement dépourvu de sentiment et d'émotion. «Applaudis-toi toi-même si tu veux, du moment que ce ne soit pas sur le visage de ton prochain.» (Stanislaw Jerzy Lec)

«Lorsque l'on considère Mark Twain cent ans plus tard, on ne peut que se demander ce qu'il aurait à dire sur l'Amérique de 2010 [ndlr : et 2018!]. On peut imaginer le choc et la consternation de Twain en voyant se métastaser les tendances sociales et politiques malignes dont il avait observé les développements initiaux.
   Que de cibles trouverait-il! Les hypocrites et menteurs bien nantis de la Maison-Blanche et du Congrès, les avaricieux compulsifs de l'aristocratie corporative, les éditeurs patriotiques, justifiant la réémergence du colonialisme, les prédicateurs millionnaires  et leur bigoterie, les bonzes souriants de la télévision, les charlataneries des experts en «croissance personnelle» et tous les autres détrousseurs de la population – tous mûrs, dans les mots de Twain, pour un enclos chauffé en enfer»! Où sont ses héritiers aujourd'hui?»
~ James Brookfield et David Walsh
Centenaire de la mort de Mark Twain, 10 juillet 2010; World Socialist Web Site

Le billet de Francis Lagacé
Le 4 décembre 2018

«Ce qui se passe en France (la révolte des Gilets jaunes, du nom de la veste jaune obligatoire dans les voitures pour signaler une situation d'urgence et que portent les manifestantEs) est d'une gravité que l'on ne sait pas très bien mesurer ici au Québec, l'indigence analytique de nos médias n'aidant pas particulièrement.
   Si l'origine de cette contestation est l'opposition à une taxe sur les carburants, qui affectera surtout les familles modestes des régions périurbaines, lesquelles n'ont pas le choix d'utiliser leur voiture (un peu comme la modulation des tarifs d'hydro-électricité pénalise les pauvres et favorise la consommation des plus riches), la suite est rapidement devenue l'expression d'un ras-le-bol général contre un gouvernement prétentieux, arrogant, uniquement tourné vers la grande entreprise ou vers l'obsession technologique des star-teupes (start-up prononcé avec le joli accent du guignol qui préside la république française et qui n'a que ce mot à la bouche, car il croit que la vie est une entreprise dans laquelle il faut récompenser les gagnants et laisser les perdants aux hyènes). [...]
   Cette révolte, qui risque de se muer en révolution si les oligarques qui contrôlent la poupée mécanique que les FrançaisES ont en guise de président n'abandonnent pas leur mode de pensée archaïque qui voit la démocratie comme un jeu de manipulation qui donne la baguette au plus roublard et s'ils ne s'avisent pas de réfléchir sérieusement à ces 42 propositions dont beaucoup ne souffriront pas de moyen terme, a été allumée par l'attitude outrancière de ce pouvoir où les éluEs se comportent comme des parvenus égoïstes qui viennent de gagner le gros lot du 6/49.
   Premier président sacré dans une téléréalité coûteusement offerte par l'oligarchie, le petit caporal en polléon s'est révélé un provocateur inconscient se comportant comme un véritable boutefeu. Il traite les pauvres en gens «qui ne sont rien». Il insulte les travailleurs en leur disant : «Si tu veux un costard, t'as qu'à travailler.» Et à ceux qui se cherchent un emploi, il propose : «Pour trouver un travail, je traverse la rue.»
   Quand on constate qu'il a autorisé un barbouze à casser du manifestant, il prétend assumer entièrement et déclare, derrière une rangée de gardes : «Qu'ils viennent me chercher». Elles sont très nombreuses les personnes qui dans les récentes manifestations ont affirmé qu'elles répondaient à son appel. «Venez me chercher, mais je vais me cacher derrière les CRS.» Voilà ce qu'il aurait dû dire, ce rigolo qui parle sans réfléchir. Il ose en plus se vanter d'avoir «été élu par effraction» et se désoler parce que «si les Français se plaignaient moins, ça irait mieux».


* Francis Lagacé détient un doctorat en études françaises (Création littéraire et narratologie). Il fut chargé de cours dans plusieurs universités de Montréal et milite pour de nombreuses causes, dont le syndicalisme.

Festival mots creux de Macron

«Une start-up nation est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une.»
«Vous n’allez pas me faire peur avec votre T-shirt, la meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler.»
«Je ne suis pas là pour beurrer les tartines.»

Arrestations de jeunes manifestants à Mantes-la-Jolie, dans le style des années 1940-45...  La répression des militants par les forces armées est désormais systématique. Les ventes d'armes ont dramatiquement augmenté en 2018. Allez, parlez-nous de la paix et de la liberté d'expression dans le monde! 

Agora Vox, 2017 : La rhétorique de M. Macron s'appuie pour l'essentiel sur des formules qui se suffisent à elles-mêmes, par exemple le Discours de La Mutualité, 12 juillet 2016 :  
«Il faut changer le pays.»
«Il n'y a pas de plus belle chose que de servir son pays.»
«Ce monde est ancien, il est usé, il est fatigué, il faut en changer.»
«Nous vivons une refondation.»
«Il faut un souffle nouveau.»
«Le moment est venu de faire des choix clairs.»
«Cette histoire, elle dérange. Ça arrive, j’en sais quelque chose. Parce qu’elle vient contrarier l’ordre établi, parce qu’elle inquiète le système.»  
   Ce type de petites phrases représente bien les deux tiers de son discours. L'argumentation de M. Macron n'est jamais avare de confusion et de non-sens, notamment «révolution démocratique»... Cela ne veut pas dire grand chose et c'est pourtant le titre de son dernier ouvrage.


J'ai l’impression d’entendre François Legault, Éric Girard ou Youri Chassin de la CAQ – la bonne vieille théorie du ruissellement. Comme disait le prospère cashman Brian Mulroney, que l'argent soit canadien ou québécois ou d'ailleurs, c'est sans importance, tout ce qui compte c'est l'argent.

L’insurrection, et après?
Michel Onfray | Agora Vox | Le 8 décembre 2018 

(Extrait) 

«Macron prend prétexte de sauver la planète pour serrer la ceinture des pauvres (tout en desserrant celle des riches dispensés d'impôts sur la fortune) afin de les soumettre à la règle maastrichtienne des 3 %. Mais il s'agit moins pour lui de sauver la planète que de sauvegarder l'Europe libérale, une espèce en péril sinon, pourquoi ne pas taxer les supertankers, les avions de ligne, les aéronefs commerciaux, les paquebots de croisière, les entreprises qui polluent, les constructeurs automobiles ayant fraudé sur leurs émissions de carbone, plutôt que l'infirmière qui effectue ses visites en campagne?
   Dès lors, quiconque croit pouvoir répondre favorablement aux demandes des gilets-jaunes sans envisager une sortie de l'Europe maastrichtienne ment éhontément : Les Républicains et le Parti Socialiste, La France insoumise et le Rassemblement national, le Modem et le Parti communiste français sont à mettre dans le même sac. Il n'y a donc aucune raison de faire confiance à cette classe politique jacobine, parisienne, mondaine, partidaire qui se trouve à l'origine du malaise qu'elle prétend désormais vouloir combattre... si on l'installe à nouveau au pouvoir! On ne peut créer les conditions du chaos depuis des décennies puis vouloir y mettre fin avec la politique qui a causé ces dégâts!


Le roi est nu. La chose est désormais vue et sue. Elle l'est même, sue et vue, de façon planétaire grâce aux télévisions du monde entier. Jupiter a vécu. Qu'on se souvienne de ce que j'ai jadis nommé dans un livre «le principe de Gulliver» : Gulliver peut être terrassée et anéanti par les Lilliputiens. Autrement dit : les nains peuvent avoir raison d'un géant. Disons-le d'une autre façon encore : les gilets-jaunes ont potentiellement les moyens d'abolir «Macron» qui n'est que le faux-nez du système : il suffit pour ce faire d'un programme commun, d'une fraternité d'action, d'une méthode avec une stratégie (que veut-on?) et une tactique (comment s'y prend-t-on pour y parvenir?), enfin d'une volonté.
   Le programme commun s'élabore avec les comités fédérés; la fraternité d'action surgit à l'occasion de la mise en place de ces comités; la méthode est celle de la coopération libertaire qui suppose le mandat impératif afin de désigner des représentants, puis une fédération de ces représentants avec une fédération de fédérations afin de disposer d'un comité directeur révocable lui-aussi; la stratégie vise l'alternative à la démocratie représentative par l'instauration d'une démocratie directe; la tactique pour y parvenir consiste à ne rien lâcher dans l'action revendicative, puis à multiplier les actions de façon ciblée, tout en se désolidarisant des violences et en les empêchant. La volonté est là : elle est jaune vif.
   Macron qui, non sans arrogance juvénile, voulait tous les dégager et a cru y parvenir semble lui aussi prendre la vague qu’il a initiée. C'est la jurisprudence du boomerang... Ironie du sort, il voulait faire de la politique autrement : ce pourrait bien être le programme de ceux qui ne veulent plus de lui et de ses semblables. Ce si jeune Jupiter nous apparaît dès lors vraiment pour ce qu'il est : vieux, terriblement vieux...»

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(1) Les 42 revendications des Gilets Jaunes adressée à l’Assemblée Nationale


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