26 février 2018

Métaux rares et guerres géopolitiques

C’est dans l’air pollué qu'on respire.

Par analogie, la terre me fait penser à un malade atteint d’un cancer en phase 3 ou 4 ayant subi plusieurs radio/chimiothérapies. Comme son état s’aggrave sans cesse, l’oncologue lui propose une toute nouvelle chimiothérapie plus agressive. Le patient accepte sans réfléchir en se disant qu’il n’a rien à perdre; mais il en crève.

Ainsi, réduire notre dépendance aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) pour augmenter notre dépendance aux métaux rares (utilisées dans l’industrie high-tech – batteries de voitures électriques, panneaux solaires, éoliennes...), c’est ajouter un mal (saccage) supplémentaire, puisque l’extraction et le raffinage de ces ressources est tout aussi catastrophique.

What I stand for is what I stand on... 

En outre, notre dépendance à la haute technologie, tout comme notre dépendance à l’hydroélectricité (maintenant gérée électroniquement), nous rend vulnérables à des «mini fins du monde» comme la crise du verglas en 1998 ou à un système de paye informatisé défaillant comme Phénix (gouvernement fédéral).
   Qu’arrivera-t-il si le compteur intelligent dérape? si le cyber système global plante? si l’on est prisonnier d’un building intelligent? 
   Qu’avons-nous besoin d’un frigo qui nous signale qu’il n’y a plus bières, d’un chien robot pour la câlinothérapie, d’un gadget pour compter nos pas ou les calories d’un sandwich, de sexbots (robots sexuels) ou de robots psychologues en ligne? Pf!
   Certaines découvertes scientifiques auraient pu être bénéfiques pour l’humanité. Cependant, la plupart de leurs applications sont devenues des pièges mortels qui auraient dû rester sur les tablettes. L’univers de la robotisation, de l’intelligence artificielle et de la nanotechnologie en fait partie. Plusieurs applications ont certes fait progresser l’intercommunication, mais la plupart mériteraient d’être démolies au marteau-compresseur.
   Toutes sortes de robots (de la taille des moustiques ou des satellites) nous bombardent de fréquences perturbatrices jour et nuit contrôlent nos vies de façon insidieuse et absurde. Bien des gens sont dépendants au point de ne plus utiliser leur propre mémoire et intelligence, au risque d’être frappés d’Alzheimer bien avant l’échéance probable. Un journaliste disait que son fils préfèrerait se faire amputer un bras plutôt que de renoncer à son iPad ou à son smartphone!  On prétend que toutes ces choses sont sans effets sur le corps physique, mais la chaine des répercussions à tous les niveaux reste inconnue.
   Comme le dit Daniel H. Wilson dans son livre ‘Survivre à une invasion Robot’ : «Que ferez-vous pour réprimer une mutinerie de robots? Le jour de la révolte des robots, la guerre sera totale. Elle verra l’affrontement des deux plus grandes espèces intelligentes de la planète.» Le robot entend votre cœur battre à travers le béton, dit Wilson : «Dans l’espace, personne ne vous entendra crier... sauf les robots. Les vibrations constituent le seul type de son décelable dans le vide. Les capteurs sismiques peuvent détecter un tremblement de terre de l’autre côté du globe, mais on peut les régler pour repérer un bruit de pas tout proche. Les robots les plus dangereux nous surveillent toujours. Ils nous écoutent. Ils nous voient. Et restent dans l’ombre.» [Data mining]
   Un livre instructif et accessible aux nuls en nano-cyber technologies classé dans la catégorie science-fiction et humour. Par delà l’humour délirant, on entend une sonnette d’alarme différente des bips et alertes sonores qui font désormais partie de notre quotidien. La prémisse est simple : comment faudrait-il réagir scientifiquement à une catastrophe technologique où les robots représentent une menace pour les humains? L’auteur propose des astuces pour détromper la reconnaissance faciale, vocale et gestuelle, fuir des essaims de mouches électroniques, désactiver un robot domestique récalcitrant, soigner une blessure au laser, s’échapper d’une maison intelligente, etc.; il couvre tous les scénarios possibles qui menacent l’homme.
Réf. : Survivre à une invasion robot Ils arrivent. Soyez prêts. Calmann-Lévy, Orbit, 2012

Bref, sans retourner à l’âge des cavernes, si nous ne modifions pas notre style de vie, si nous ne lâchons pas notre surconsommation de gadgets techno, eh bien, nous foncerons dans le mur à haute vitesse... peut-être pas dans la joie et la bonne humeur cependant.

Une révolution technologique loin d’être verte
ICI Radio-Canada Première | Le samedi 24 février 2018

Entrevue avec Guillaume Pitron
Par Matthieu Dugal

L'utilisation de métaux rares dans les appareils électroniques présente beaucoup d'avantages, mais a aussi des conséquences importantes sur l'environnement.  

Photo : iStock / D-Keine 

Quand il a commencé son enquête sur les conséquences de l'utilisation des métaux rares dans les appareils électroniques, le journaliste Guillaume Pitron savait qu'il s'apprêtait à déterrer un squelette que certains industriels préfèrent faire oublier. Six ans plus tard, il brosse un tableau très sombre de l'avenir écologique et géopolitique de la planète dans un livre intitulé La guerre des métaux rares La face cachée de la transition énergétique et numérique, dont il a accepté de discuter au micro de La sphère.
   Omniprésents dans les appareils qui nous entourent, les métaux rares sont essentiels pour faire fonctionner ordinateurs, téléphones intelligents, tablettes et autres outils technologiques dont la planète est de plus en plus friande.
   «Il y en a une trentaine [de métaux rares], explique M. Pitron, qui écrit pour le Monde diplomatique et National Geographic. Par opposition aux métaux abondants que nous connaissons tous comme le fer, l’aluminium et le zinc, ces métaux sont rares, et ils sont mélangés dans la croûte terrestre avec les métaux abondants, mais dans des proportions infiniment moindres.»
   C’est notamment grâce aux propriétés électrochimiques des métaux rares que de nombreux appareils comme les téléphones ont pu être miniaturisés au cours des dernières décennies.

Un enjeu écologique mondial
La raison pour laquelle Guillaume Pitron a voulu attirer l’attention du grand public sur les métaux rares est que l’extraction de ceux-ci a des conséquences écologiques importantes.
   «Ils sont tellement rares dans la croûte terrestre que pour en récolter quelques grammes ou quelques kilos, il faut extraire de la terre des quantités phénoménales de roche, explique M. Pitron. Il faut donc extraire la roche du sol, puis opérer un processus de raffinage à l’aide de produits solvants pour obtenir un métal pur à 100%. Pour y arriver, il faut des quantités astronomiques d’énergie, d’eau et de produits chimiques.»
Les métaux rares sont-ils le nouveau pétrole?
   Les sources de métaux rares sont même en voie de devenir un enjeu géopolitique comparable au pétrole; un enjeu qui pourrait mener à des guerres, indique Guillaume Pitron. La Chine, qui contrôle une grande partie du marché des terres rares (une sous-catégorie des métaux rares particulièrement convoitée), est sur le radar de bien des industriels et gouvernements étrangers qui aimeraient mettre la main sur ces ressources.
   Mais des solutions existent non seulement pour éviter que la situation ne s’envenime, mais pour réduire les conséquences néfastes de l’exploitation des métaux rares, souligne M. Pitron.
   «Il suffirait de garder nos téléphones un peu plus longtemps, indique-t-il. Il faudrait systématiquement tout recycler et lutter contre l’obsolescence programmée des produits. Il y a plein de solutions qui existent pour que tous les effets pervers de cette transition technologique puissent être corrigés le plus vite possible.»

Pour écouter l’interview :

Guillaume Pitron parle entre autres de Dalahai (un des villages du cancer) situé en Mongolie intérieure dans la région de Baotou, la capitale mondiale des terres rares. Les zones d’extraction et de raffinage présentent des paysages dévastés avec des lacs de rejets toxiques absolument gigantesques. Les boues noires sont gavées de résidus chimiques, incluant le thorium qui produit des gaz radioactifs. «La situation est absolument déplorable autour de cette zone où les gens meurent à petit feu, notamment de cancer. La Chine est devenue la maitresse du marché, d’une ribambelle de métaux rares, dont les plus stratégiques d’entre eux, les terres rares, qu’elle détient à 95%. Et c’est là que tout devient hyper géopolitique. Je suis complètement revenu de cette révolution verte lorsque j’ai commencé à mettre mon nez dans les métaux rares. J’ai pu constater le décalage total entre le discours et la réalité. Le discours des industriels est un discours de marketing. Un discours qui veut vendre toujours plus de technologies, et qui a intérêt à passer sous silence la face noire de cette transition énergétique que sont ces métaux rares.»



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Philippe Bihouix faisait le même constat en 2010 dans un ouvrage intitulé
Quel futur pour les métaux? 
Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société

Résumé :
Les métaux, ressources minérales naturelles non renouvelables, sont à la base de notre civilisation industrielle. Moins médiatique que te changement climatique ou les enjeux énergétiques, leur raréfaction sera pourtant un des défis majeurs du 21e siècle : notre modèle de développement, qui repose sur la croissance économique et un accroissement continu du prélèvement des ressources, se heurte à la finitude de la planète.
   C'est ce thème qu'a choisi de traiter un groupe d'ingénieurs de l'association des centraliens sous la direction de Philippe Bihouix et Benoît de Guillebon. À l'issue d'une analyse approfondie et documentée, prenant en compte les enjeux techniques, économiques, sociaux et environnementaux de la raréfaction des métaux, les auteurs mettent à mal les mythes de l'abondance, de la croissance verte et d'une technologie forcément salvatrice. Ils posent aussi les limites d'une économie circulaire fondée sur le recyclage généralisé. Écrit dans un langage accessible à tous, composé d'un texte principal complété d'une trentaine d'études couvrant des secteurs d'activité, métaux et thèmes transversaux, cet ouvrage est conçu pour répondre aux questions de tous ceux qui veulent comprendre le futur des métaux.

Philippe Bihouix (Directeur de publication) / Benoît de Guillebon (Directeur de publication); Association des anciens élèves de l'École centrale des arts et manufactures (Éditeur scientifique); ISBN : 2759805492, Éditeur : EDP Sciences (25/11/2010)

Philippe Bihouix est ingénieur. De formation généraliste, il a travaillé comme ingénieur travaux dans le bâtiment, puis comme ingénieur conseil dans de nombreux secteurs industriels (énergie, chimie, transports, télécommunications, aéronautique...) pendant près de dix ans. Il s’est également engagé un an comme chef de mission dans une ONG humanitaire en République Démocratique du Congo et en Angola. Il travaille actuellement dans le fret ferroviaire. Spécialiste de la finitude des ressources minières et de son étroite interaction avec la question énergétique.



INTERVIEW

Philippe Bihouix : les low-tech sont la solution pour un futur soutenable
Par Matthieu Maurer | Le 16 septembre 2017


Et si la solution pour vaincre la crise climatique était de privilégier les technologies simples plutôt que les hautes technologies? C'est la thèse que défend Philippe Bihouix, ingénieur spécialiste du low-tech.
   Selon l'ingénieur Philippe Bihouix, auteur de L'Âge des low-tech, nous serions en train de commettre une grave erreur : persuadé-es que les hautes technologies, comme le numérique ou la robotique, soient la solution magique pour lutter contre la crise climatique, nous avons tendance à négliger leur impact sur notre environnement et nos ressources. Ce spécialiste des métaux et ressources naturelles nous incite donc à passer au low-tech pour envisager un futur soutenable.

Le Low-Tech concrètement, qu'est-ce que c'est?
J'ai l'habitude de résumer la démarche low-tech en trois questions : pourquoi est-ce que je produis? Qu'est-ce-que je produis? Comment est-ce-que je produis?
   La première question c'est celle de la sobriété : nous faisons un gaspillage énorme de nourriture, d'énergie, de ressources. Il faut changer nos habitudes, réparer au lieu de jeter, faire durer nos objets, apprendre à accommoder les restes, délaisser sa voiture au profit du vélo pour les petits usages quotidiens...
   La deuxième question est celle de l'éco-conception. Aujourd'hui, il devient impératif de produire des objets les plus simples possibles, contenant beaucoup moins d'électronique, à l'inverse de la mode actuelle qui consiste à les enrichir en fonctionnalités, comme dans les voitures, l'électroménager, les objets connectés. Avons-nous vraiment besoin de rétroviseurs motorisés ou de chaussures d'enfant qui clignotent?
   Enfin, il est nécessaire de réfléchir à la place du travail humain dans le processus de production. L'automatisation et de la robotisation ont certes été un progrès, augmentant la productivité et réduisant la pénibilité du travail. Mais remplacer le travail humain par des machines, consommant ressources et énergie, a un impact environnemental considérable.
   Il faut changer notre façon de penser par rapport au 19e siècle, quand on considérait que les ressources étaient gratuites!

Comment peut-on concilier innovation et low-tech? Est-ce que cela signifie forcément retour à l'âge de pierre?
Au contraire! Les low tech nécessitent aussi beaucoup de connaissances, d'intelligence, de réflexion, d'organisation, de partage. Des designers et ingénieurs conçoivent des produits plus durables, comme «l'increvable», un réfrigérateur conçu pour durer 50 ans; des architectes réfléchissent aux matériaux, aux meilleurs usages possibles des surfaces ; des magasins réinstaurent la consigne pour les emballages...
   Même à l'échelle personnelle et familiale, il y a beaucoup d'initiatives qui peuvent être qualifiées de low-tech : on peut composter ses déchets, même en ville à l'aide de lombrics, se lancer dans le zéro-déchet, monter une AMAP ou acheter des produits d'occasion... Tout le monde peut s'y mettre!

Les éoliennes et les panneaux solaires consomment du cuivre, en quantité d'ailleurs plus grande, par unité d'énergie produite, qu'une centrale classique, car la production est intermittente. Les smartphones et ordinateurs nécessitent des dizaines de métaux et les industries minières et métallurgiques comptent parmi les activités humaines les plus polluantes.
   On pourrait penser qu'il n'y a pas de problème puisqu'on peut faire du recyclage, de l'économie circulaire. Mais on omet le fait que le recyclage n'est pas si simple : il y a beaucoup de pertes et de gâchis de ressources, et ce d'autant plus que les produits à recycler sont technologiquement complexes. Plus les solutions sont «high-tech», plus on s'éloigne du recyclage efficace, et plus on tape dans notre stock de ressources. On est loin des énergies «100% propres».

Les “low-tech“ seraient donc une solution à la diminution du stock de ressources?
Il n'y a pas de label ou de certification «low-tech», c'est d'abord une démarche, qui s'attache à prendre en compte la question des ressources. Ce n'est pas un «retour en arrière» ou une attitude forcément opposée à l'innovation. Mais les innovations ne peuvent pas être uniquement techniques, elles doivent être aussi et surtout sociétales, organisationnelles et culturelles.
   Comme leur nom l'indique, les ressources non renouvelables ne se renouvellent pas à l'échelle d'une vie humaine, on exploite un stock, certes très important, mais disponible en quantité limitée. Or l'ensemble de notre système industriel en dépend.

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