8 février 2018

Aux producteurs vinicoles de la Colombie-Britannique

MESSAGE : Envoyez la production destinée au marché albertain – par oléoduc – au Québec, ça manque à notre culture vinophile. Nous préférons nettement les pipelines de vin aux pipelines de pétrole – ç’a bien meilleur goût. Et s’il y a des déversements, ils ne mettront pas la nappe phréatique en péril... 


Des organismes environnementaux demandent aux internautes de se photographier avec un verre de vin britanno-colombien et de publier la photo sur les réseaux sociaux en signe de solidarité.

Source photos : #QcAimeLeVin  #QcLovesBCWine

La chicane est pognée dans la cabane

L'expansion de l'oléoduc Trans Mountain permettrait au promoteur Kinder Morgan de tripler la capacité du réseau, qui passerait de 300 000 à 890 000 barils par jour de pétrole lourd acheminé de l'Alberta jusqu'au terminal maritime de Vancouver, à Burnaby. Le gouvernement Trudeau a approuvé le projet en novembre 2016, en plaidant l'intérêt national.
   Le bras de fer entre les deux provinces était écrit dans le ciel : la coalition du premier ministre John Horgan, en Colombie-Britannique, s'est fait élire notamment sur la promesse de bloquer l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain, alors que le gouvernement néodémocrate de Rachel Notley tient absolument à ce projet pour avoir une chance d'être reporté au pouvoir en mai 2019.
   La première ministre néodémocrate de l'Alberta, Rachel Notley, a répliqué d'abord par des menaces de poursuites judiciaires. Elle a ensuite annoncé, mardi, un boycottage des vins de la Colombie-Britannique, un commerce annuel de 70 millions de dollars pour les viticulteurs. (Source : ICI Radio-Canada Info)  

Tim McMillan. Un homme volontaire qui, ça se voit, ne s’en laissera pas imposer par des femmelettes (c.-à-d. les Autochtones et les écolos). «La position britanno-colombienne est contraire à la constitution. Une mesure punitive devait être mise en place tôt ou tard contre une province qui refuse d’entendre raison. Il faut investir de manière citoyenne pour promouvoir le développement pétrolier au Canada.» 
~ Tim McMillan, président de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP)

Il n’y aura plus de croissance économique ni d’emplois sur une planète morte! 
À moins de suivre Elon Musk sur la planète Mars... sait-on jamais!

Sérieusement, nous avons affaire à des brigands qui devraient être poursuivis pour crimes contre la terre (écocide) et contre l’humanité par voie de conséquence. Faute de cours pénales internationales reconnues en ce domaine, et malgré les preuves accablantes qui pèsent sur eux, il faudra «attendre le verdict de l’histoire». Et il sera trop tard. Les industriels détruisent tout ce qui leur barre la route.

Voulez-vous savoir?

Si vous voulez sortir la tête du sable (bitumineux), ce livre est pour vous! Un bilan déplorable, difficile à avaler (à moins d’être avaleur de feu), mais, quand on sait, on peut au moins choisir son camp en toute conscience : BRUT, la ruée vers l’or noir (Lux Éditeur, 2015)

Extraits

MOT DE L’ÉDITEUR – «On mesure généralement l’ampleur de cette dévastation en comptant les hectares de terre arrachée, les mètres cubes d’eau contaminée, les tonnes de déchets toxiques produits, le nombre d’animaux tués, les millions de dollars empochés, mais ces chiffres vertigineux ménagent notre entendement en le dépassant. Ils ne dévoilent pas l’essentiel : que ce désert toxique qui s’étend au nord du monde est une dévastation de la culture humaine. Les sables bitumineux et leur capitale, Fort McMurray, sont un monument du capitalisme contemporain et de la logique extractiviste selon laquelle le gaspillage, aussi bien dire le scandale, serait de ne pas mettre à profit les moindres replis de la terre. Cette atrophie calculée de la vie habitable, l’appauvrissement de notre rapport à nous-mêmes, au politique, au réel, l’inversion des valeurs qui fondent notre humanité par les passions de l’accumulation, voilà ce que décrivent et décrient les voix ici rassemblées.»

Oléoduc Plains Midstream Canada. Note : le pipeline de 772 km de long a été construit en 1965 et relie Zama à Edmonton. La fuite a été signalée quatre jours après sa survenue, soit au lendemain des élections fédérales de mai 2011. Endroit : 100 km au nord-ouest d’Edmonton, Alberta, Canada. Quantité : 28 000 barils (4 450 000 litres de pétrole brut). Le pire déversement de pétrole depuis 1975. Radio-Canada-Alberta, 3 mai 2011.

DU PÉTROLE EN TERRITOIRE LUBICON – «À ce jour, il y a plus de 2 600 puits d’hydrocarbures sur nos terres ancestrales. Plus de 1 400 kilomètres carrés de territoire cri lubicon ont été cédés à l’extraction in situ des sables bitumineux et près de 70 % du territoire est déjà loué pour des projets miniers futurs. En Colombie britannique, le pipeline de Kinder Morgan a causé des déversements en 2005, 2007, 2009 et 2012. D’un océan à l’autre, la population est très préoccupée par l’infrastructure des oléoducs. [...] Deux semaines après le déversement de 2011, d’immenses feux de forêts se sont répandus dans la région et, encore aujourd’hui, d’incontrôlables incendies forestiers se déclenchent régulièrement près du site de la catastrophe. Imaginez le danger que représente le fait de ne pas pouvoir contenir des incendies près d’installations pétrolières qui pourraient exploser ou qui ont déjà explosé, ou aux abords d’autres fissures dans l’oléoduc.» ~ Melina Laboucan-Massimo   

LE LOBBYISTE – «Vu que l’industrie pétrochimique promeut l’éducation, paie pour le caoutchouc de vos semelles, allonge notre durée de vie, améliore notre qualité de vie... Je dirais qu’elle bonifie la démocratie.» (Travis Davies) 
   Le lobbyiste avait tout dit. Les compagnies de pétrole sont la démocratie, et la démocratie est pétrole. C’est comme si l’un coulait dans l’autre et, à ce jeu, les compagnies menaient le monde et la danse. Une danse qui ressemble  celle de ces corbeaux que Jim nourrit sur ses terres et qui pullulent dans la région, dévorant la ville comme les pétrolières, le sol. Et si cette danse de la charogne, c’était avant tout la nôtre?» ~ David Dufresne (Les corbeaux – Trois hivers à Fort McMoney

Ndlr : Bilan des incendies Fort Mac et la Bête, un speedoc par David Dufresne. 
3 mai 2016. La plus grande catastrophe du Canada s’abat sur Fort McMurray, le trésor de guerre du pays, troisième réserve mondiale de pétrole. Les pompiers vont l’appeler «la Bête». Il était temps de revenir dans cette ville où j’avais passé trois hivers. Vidéos et photos :

L’ALBERTA, LA GRANDE PRODUCTRICE DE PÉTROLE – «Une des fictions centrales de l’identité albertaine, est la fiction victimaire : «le reste du pays profite de nous». Il est important de ne pas contribuer à cette fiction-là, car elle très puissante; elle se construit avec toute cette histoire, à force de la répéter... Ce que j’ai surtout capté à Calgary, c’est la peur. La peur d’avoir vraiment raté une opportunité. Pour l’instant la province est encore en plein boom économique, mais il se peut que cela diminue déjà; or ils ont raté le coche. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le budget provincial est en déficit! Ils ont mal géré l’explosion spectaculaire des investissements pétroliers. Les redevances et les impôts sont absurdement bas, ils laissent les compagnies pétrolières faire ce qu’elles veulent, écrire et réécrire les lois sur la protection de l’environnement...  Et de toute façon, comme le pétrole est raffiné ailleurs, ce n’est pas à l’Alberta que reviennent les bénéfices des ventes.
   C’est de la pensée à court terme. [...] Ils sont comme le mec qui se réveille avec une gueule de bois carabinée et fait : «Oh, merde!» Donc rien d’étonnant qu’ils s’en prennent aux écolos... Mais le vrai problème, c’est que cette province a besoin de dirigeants capables d’imaginer un chemin pour l’avenir; or ils n’en n’ont pas. [...] L’une des raisons, d’après ce que j’ai pu lire et entendre, est la manière dont les multinationales squattent depuis des décennies le système éducatif canadien. Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a besoin. [...] Et tout cela se construit sur la valorisation d’une forme primitive de virilité. Cette définition-là de la virilité joue aussi un rôle dans la manière dont on valorise les énergies renouvelables. Ce sont des énergies «efféminées». Les vrais mecs brûlent du pétrole et du charbon! On est fier d’être musclé et macho, les Autochtones et les écolos sont des femmelettes. J’ai eu la même impression en Chine : on est fiers d’être bourrus et brutaux. «Réussir sa vie» égale conduire une grosse cylindrée et manger beaucoup de viande! 

Who cares?

Le Canada s’implique dans pas mal de guerres en ce moment. La mentalité coloniale, celle de la frontière indéfiniment repoussée, l’idée qu’il y en aura toujours plus, cette image de la terre comme infinie est profondément ancrée dans notre conception du Grand Nord. Même en Alberta, on se représente le Nord comme une sorte de supermagasin surnaturel où l’on peut se servir indéfiniment... C’est à ce fantasme-là qu’on se heurte. Les compagnies pétrolières possèdent la province, le pays, le monde entier. C’est bel et bien l’avenir de l’espèce humaine sur Terre qui se joue aujourd’hui en Alberta.» ~ Naomi Klein et Nancy Huston (La politique de la terre brûléeDialogue)

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