22 juillet 2017

À ta santé, Liberté!

Après 50 ans, les mots de Charles de Gaulle «Vive le Québec... libre!» résonnent à vide aujourd’hui. Mais à l’époque ils ont eu l’effet d’une bombe. Présageait-il une potentielle crise comme en Algérie? Le FLQ a failli lui en donner la couleur...  

 
 Montréal 1967

Les propos ambigus du général rappellent ce qu’il disait le 4 juin 1958 à Alger «Je vous ai compris», puis deux jours plus tard à Mostaganem «Vive l’Algérie française!». L’idée de l’autodétermination ne plaisait ni aux Pieds-noirs ni aux partisans de l’Algérie française. Ce sont les troubles transformés en guerre civile entre 1957 et 1958, qui ont favorisé le retour de Charles de Gaule «aux affaires» et lui ont accordé «les pleins pouvoirs». En même temps qu'il fondait la Ve République, de Gaulle tentait de régler le problème algérien. Les accords d’Évian allaient finalement permettre l’indépendance de l’Algérie en 1962 (1).

Alger 1954 

«Je ne crois pas que depuis le commencement du monde, on ait jamais vu une nation se payer de mots aussi aisément que la nôtre. C'est d'ailleurs la seule qui ait eu le front d'écrire LIBERTÉ sur ses prisons, ÉGALITÉ sur ses palais et FRATERNITÉ sur cette fabrique de haine qu'on appelle le Parlement.»
~ Henry Maret (Pensées et opinions / Paris, Flammarion 1903)

«Qu’est-ce que la liberté? Une vieille idole en morceaux.»
~ Marcel Azaïs, critique littéraire (1888-1924)

«La liberté commence où l'ignorance finit.» ~ Victor Hugo

«L'idée qu'un citoyen, qui n'a jamais eu affaire à la justice de son pays, devrait rester parfaitement libre de dissimuler son identité à qui il lui plaît, pour des motifs dont il est seul juge, ou simplement pour son plaisir, que toute indiscrétion d'un policier sur ce chapitre ne saurait être tolérée sans les raisons les plus graves, cette idée ne vient plus à l'esprit de personne. Le jour n'est pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d'ouvrir notre portefeuille à toute réquisition. Et lorsque l'État jugera plus pratique, afin d'épargner le temps de ses innombrables contrôleurs, de nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer, à la joue ou à la fesse, comme le bétail? L'épuration des Mal-Pensants, si chère aux régimes totalitaires, en serait grandement facilitée.»
~ Georges Bernanos, 1888-1948 (La France contre les robots, 1946)  

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La chambre haute de la Pologne a adopté samedi un projet de loi controversé qui permettrait au gouvernement de renforcer le contrôle politique sur la Cour suprême du pays. Les opposants du projet de loi soutiennent qu'il abolirait l'indépendance du pouvoir judiciaire et mettrait en péril l'État de droit. Après le vote, les manifestants rassemblés devant le Parlement, ont scandé «Honte!», «Traitres!», «Démocratie!».

«N'ouvre jamais ta porte à ceux qui, de toute façon, l'ouvrent sans ta permission.» ~ Stanislaw Jerzy Lec, écrivain polonais (1909-1966) [Nouvelles pensées échevelées]

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(1) Même si nous n’apprenons rien de l’histoire, vous trouverez sur ce site les jalons de l’histoire de l’Algérie depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui :   

Hitler n’a rien inventé (la manière de procéder est identique chez tous les envahisseurs et colonisateurs de toutes origines) :

Le saccage des Français
Les archives algériennes et les œuvres d'art en bois servirent souvent de combustion pour les feux de camp des militaires. Les méthodes utilisées par l’armée française furent généralement brutales, comme en fait foi ce témoignage du lieutenant-colonel Lucien-François de Montagnac, officier durant la conquête d’Algérie (Lettres d’un soldat, 15 mars 1843) :
     «Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe: l'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied [...]. Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.»
     Les Français se livrèrent à une guerre bactériologique en empoisonnant les puits, sans parler de la destruction systématique des cultures. Le général Thomas-Robert Bugeaud (1784-1849), par exemple, organisa de façon systématique le massacre de populations civiles en enfermant les gens dans des grottes afin de les gazer en les enfumant. Il se vantait même de chercher à exterminer les Arabes: «C’est la guerre continue jusqu’à extermination… Il faut fumer l’Arabe!» En réalité, seules quatre ou cinq «enfumades» auraient été recensées; elles auraient été étalées sur une période de cinq ans.
     Néanmoins, des tribus entières arabes et berbères furent rayées de la carte. Alors que la population algérienne était estimée à quelque trois millions en 1830, elle n'en comptait plus que deux millions en 1845. Aujourd'hui, on n'hésiterait guère à parler d'une forme de génocide. En 1843, le général Bugeaud reçut la grande croix de la Légion d'honneur, puis fut fait maréchal de France en récompense de ses loyaux services. Ce genre de reconnaissance nationale n'a pas été inventé par les Français; d'autres puissances impérialistes, notamment chez les Britanniques, l'ont pratiqué également sur une grande échelle.

La «mission civilisatrice» de la France
L'idéologie de l'époque trouvait en partie sa justification dans la présumée «supériorité de la race française» sur la «race indigène». Jules Ferry (1832-1893), l'un des fondateurs de l'éducation moderne française à l'origine des grandes lois scolaires républicaines instituant la gratuité, l'obligation et la laïcité de l'école, avait déclaré à ce sujet, le 28 juillet 1885, lors d'un débat à la Chambre des députés:
     «Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder [...] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. [...] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. [...] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. [...]
     Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation.[...] La politique coloniale est fille de la politique industrielle.»  

L’Algérie accéda formellement à l'indépendance le 5 juillet 1962 dans un climat de guerre civile et de luttes féroces pour le pouvoir, d'autant plus que beaucoup de colons français et de militaires n'acceptaient pas de perdre leurs privilèges.

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