9 mai 2016

Gâchis à la chaîne

Avant de continuer à déblatérer contre le pétrole, je veux lever mon chapeau aux pompiers, littéralement en enfer – quel travail! Ainsi qu’aux bénévoles qui s’occupent des évacués et des animaux abandonnés.

Lors d’une conférence organisée dans la région de Fort McMurray, à ceux qui lui faisaient valoir l'importance économique des sables bitumineux de l'Alberta, Desmond Tutu avait rétorqué : «Le monde n'existera plus si rien n'est fait au sujet des émissions de gaz à effet de serre.»

«Être inconscient, c’est tout simplement ne pas savoir ce qu’on fait, c’est-à-dire être incapable d’évaluer la portée de ses actes.» ~ Charlotte Joko Beck 

Fort McMurray me fait penser à Disneyworld. Une forteresse. Malheureusement flanquée sur une poudrière, avec en bonus, un dépotoir de déchets radioactifs à moins de dix kilomètres. Invraisemblable. Une seule autoroute (la 63) mène d’Edmonton aux sites d’exploitation – 400 km pour aller au trou, un cul-de-sac en fait. On ne peut blâmer les gens d’avoir été attirés par les «salaires mirobolants» utilisés comme appât par les compagnies. Qui ne souhaite pas s’enrichir à haute vitesse? 


Photo : Jason Franson. Ça prend du jus pour nourrir ces p'tites bêtes-là.

Au sujet du site d’enfouissement des déchets radioactifs, Maude-Émilie Pagé déclarait : «Aucun risque immédiat...». Mais, quelle est la durée de «vie» de l’uranium? (1) L’intégrité physique des cellules d’entreposage a-t-elle une date de péremption? C’est pour quand les risques? Nos pauvres containers feront mauvaise figure dans le temps. 
    Selon le rapport 2013 des Laboratoires nucléaires canadiens, pas moins de 43 282 mètres cubes de «déchets radioactifs de faible activité» sont stockés au dépotoir de Fort McMurray, situé à environ 8,5 km au sud du centre-ville.
    «Selon les informations disponibles, il semble que le site ait été affecté par les feux», confirme Maude-Émilie Pagé, directrice des communications et des rapports gouvernementaux d'EACL. Ces feux, toutefois, «ne posent aucun risque immédiat pour la santé et la sécurité de la population et de l'environnement ». 
    «Il n'y a également pas de préoccupations quant à l'intégrité physique de la cellule [où sont entreposés les déchets]», précise-t-elle. Cette cellule serait située à l'extrémité nord du dépotoir. (ICI Radio-Canada Info) 



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À voir ou revoir : http://ici.tou.tv/fort-mcmoney

Résumé : Après le jeu documentaire Fort McMoney, le film revient à Fort McMurray en Alberta, troisième réserve mondiale de pétrole et trésor de guerre du Canada. Avec une obsession qui traverse la démarche du réalisateur David Dufresne depuis trois ans : la démocratie est-elle soluble dans le pétrole? Film à la première personne, on y croise notamment Jim Rogers, natif de la ville, et candidat malheureux aux dernières élections municipales, qui a vu sa toute petite ville devenir ce qu’elle est aujourd’hui : une vision moderne, noire comme le pétrole, de la ruée vers l’or. Bien plus que la version linéaire de l’expérience web, le film en est sa suite réelle, son miroir, une réflexion sur la démocratie en ruine. (Production : Toxa, ONF, ARTE France,  2014; Pays : Canada; Réalisateur / narrateur : David Dufresne)  

Les propos de Jim Rogers avaient un côté quasi prémonitoire : «Si Dieu revenait ici, il dirait : ‘Mais qu’avez-vous fait de toutes ces richesses? Je vous ai offert tant de cadeaux! Vous ne pouviez pas faire mieux? Bande d’imbéciles! Vous brûlerez en enfer!’» 
    Il poursuivait ainsi : «Le gouvernement, qui dilapide nos ressources, a autorisé les magnats du pétrole à bâtir une zone pétrolière. Tout à coup, l’argent circule et les occasions de s’enrichir arrivent. Ce serait bien si les gens devenaient riches. Mais c’est comme dans la ruée vers l’or, certains meurent en chemin, ou reviennent toxicomanes ou alcooliques – s’ils en reviennent! Et les gens se retrouvent à devoir lutter pour survivre comme dans tous les bidonvilles du monde. Ils achètent des maisons gigantesques au sommet des gisements, faites de panneaux stratifiés en PVC, qui coûtent 500 000, 700 000 ou 900 000 dollars! Parce qu’il faut toujours voir grand à Fort McMurray. C’est la folie des grandeurs! Ils débarquent ici et vivent comme des millionnaires, gros pickups neufs, maisons neuves. Aussitôt que la demande de pétrole connaît un ralentissement, ils ne peuvent plus effectuer leurs paiements et retournent à la banque qui leur a déjà avancé des sommes. C’est comme une gigantesque arnaque. Le coût de la vie est tellement élevé ici qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’être esclaves de l’industrie pétrolière, qui, en retour, les traite... comme des mendiants.»

Dans la même veine : «Voulez-vous savoir?», un article incluant des extraits du livre BRUT, la ruée vers l’or noir, par Melina Laboucan-Massimo, David Dufresne, Nancy Huston, Naomi Klein et Rudy Wiebe.
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2015/05/voulez-vous-savoir.html

Autre : un plaidoyer contre la reconstruction de la ville, par un travailleur qui y a vécu. Un portrait dur et sans compromis qui confirme les descriptions du livre BRUT. 
    Ne méprenez pas mes propos, je suis triste pour les gens éprouvés dans cette tragédie, mais je suis de ceux qui croient que ce malheur en cache un autre bien plus important. 
    ...Dernièrement, j’ai entendu des politiciens dire à quel point nous devrions être fiers de Fort McMurray. Non, il y a aucune raison d’être fier de Fort McMurray. Il m’est arrivé souvent de penser que cet endroit allait exploser, être abandonné ou même bruler avec tout ce pétrole qui lui sortait par les oreilles.
https://jfhotte.com/2016/05/08/fort-mcmurray-le-trou-du-cul-du-monde/

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(1) L’uranium est un métal lourd radioactif (émetteur alpha) de période très longue :
44 688 milliards d'années pour l'uranium 238
703,8 millions d'années pour l'uranium 235 
    Les cinq plus gros producteurs au monde sont le Kazakhstan, le Canada, l'Australie, le Niger et la Namibie. 
    L'uranium appauvri, un sous-produit de l'enrichissement de l'uranium, est très prisé pour sa dureté et sa densité. Il est pyrophorique, et employé comme arme antichar dotée d'un fort pouvoir à la fois pénétrant et incendiaire : à très haute vitesse, il perfore aisément les blindages en s'enflammant lors de l'impact, provoquant un incendie qui fait exploser le véhicule touché. 
    La dose létale pour l'homme semble être de quelques grammes; certains estiment que les effets délétères de la radioactivité peuvent exister quelle que soit la dose. 
    Pour la potabilité de l'eau, l'OMS a fixé une teneur maximale de 1,4 mg·l-156, tout en recommandant dans ses lignes directrices une concentration en uranium cent fois plus faible, inférieure à 15 µg/l, pour les eaux de boisson courante.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Uranium

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