16 novembre 2015

Les «vraies» causes du chaos global

Plus de 4 millions de réfugiés syriens selon l’ONU. Photo : L’express. 

On les appelle indifféremment «migrants, émigrants, immigrants, réfugiés» alors que ce sont des «exilés» (1). Pensez-vous sérieusement que toutes ces personnes fuient leur pays pour propager l’idéologie de l’EI? Il est possible qu’il s’en glisse. 

Le propre du terrorisme est d’être imprévisible. Dix terroristes sont éliminés? Vingt autres surgiront out of nowhere...

Que faire? Un casse-tête de plusieurs millions de morceaux difficile à résoudre. Mais, attendez de voir les effets visibles des changements climatiques.

Migrants: le retour du boomerang colonial
Daniel Laguitton, Abercorn Qc

(Homovivens, 14/10/2015) 

Tous dans un même radeau

Le grand fleuve de l’évolution suit son cours et la vision individualiste du monde avec ses frontières artificielles entre «moi» et «le reste» cède lentement le pas à une vision plus universelle, tant au niveau interpersonnel qu’international. «Universel» signifie, à la lettre, «vers le UN» et – est-ce par hasard? – le sigle des Nations Unies s’écrit également «UN» en anglais.

L’esprit de clocher est un réflexe vieux comme le monde. Au fil des siècles, cités-États et empires se sont succédé jusqu’à l’émergence, dans la seconde moitié du 20e siècle, de la notion de «Village global», lorsque les progrès en matière de communication et d’exploration spatiale ainsi que les retombées négatives de l’industrialisation (pollution, extinction des espèces) ont amorcé une prise de conscience des limites d’une Terre perçue jusqu’alors comme inépuisable.

Invisibles de l’espace, les frontières nationales sont souvent le produit de tracés arbitraires ou de conquêtes guerrières. Un exemple nous en est fourni au Moyen-Orient où les anciennes puissances coloniales ont, en renonçant à leur tutelle politique, fait fi des structures ethniques et tribales des populations concernées et plaqué sur une mosaïque autrefois cimentée par l’Empire ottoman une cartographie plus ou moins aléatoire dont la viabilité reposait sur la «super colle» de dictatures avec lesquelles ces mêmes puissances, devenues financières et néocolonialistes, ont ensuite flirté tant qu’elles faisaient leur affaire (et, dans bien des cas, le font encore). La soif de pétrole et de nouveaux marchés ou, tout simplement, la recherche de boucs émissaires pour manipuler les masses alimente aujourd’hui un regain de conflits dans cette région où l’Ouest prétend vouloir exporter la démocratie et les droits de l’Homme.

La paille dans l’œil du voisin étant plus dérangeante que la poutre dans le sien, et les opérations militaires ayant pris des allures de jeux vidéo, plusieurs dictatures issues de la décolonisation se sont fait déboulonner sans que les gardiens autoproclamés de l’ordre international aient prévu que le découpage géopolitique qui avait rendu ces dictatures possibles, voire nécessaires, volerait aussi en éclat. Des entités nationales comme l’Irak, la Syrie, la Libye et autres «figures imposées» de l’ère coloniale se retrouvent donc dans un chaos comparable à ce qu’est la psychose sur le plan individuel, lorsque l’ego régulateur est culbuté. Cette déstabilisation, combinée à la prolifération des armes au sein des diverses factions, gracieuseté des «libérateurs», se traduit par une tragédie humanitaire et des déplacements de population d’ampleur historique. Le boomerang colonialiste rentre au pigeonnier en casse-tête pour les puissances qui l’avaient lancé.

À l’échelle planétaire, le tableau n’est pas plus reluisant et les violences ethniques et génocidaires se succèdent, alimentées par une course aux ressources naturelles et un raidissement idéologique défensif ou opportuniste devant le rouleau compresseur de la finance internationale : en Afrique (Rwanda, Congo, Soudan, Somalie, etc.), en Asie (persécution des Ouïgours, des Tibétains et des Rohingyas, etc.), en Amérique (génocide culturel envers les Autochtones des trois Amériques) et en Océanie (discrimination envers les Aborigènes d’Australie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc.).

L’émergence d’une conscience planétaire sera compromise tant que les ficelles de la mondialisation seront tirées par un capitalisme sauvage. La résurgence des nationalismes et des réflexes xénophobes qui en résulte est particulièrement évidente dans les spasmes d’une Europe concoctée par des technocrates avant que la lente coalescence socioculturelle des États-nations qui la composent ait eu le temps de mûrir. On sait la différence de goût entre une tomate mûrie au soleil et une tomate gonflée aux engrais chimiques et «botoxée» aux OGM pour taper dans l’œil du client. L’Europe fraternelle et harmonieuse imaginée devant les cendres de la Seconde Guerre mondiale est vite devenue une chasse à courre «économique» sur les terres de Sa Majesté l’Euro. On rêvait d’un village global et d’un glorieux vivre-ensemble, on a construit un hypermarché. Or les hypermarchés asphyxient, on le sait, la vitalité des villages.

La gestation du village planétaire est compromise par l’ivresse matérialiste et par le risque de fausse-couche qu’elle fait peser sur l’humanité. Le réveil de cette ivresse collective sera brutal… si réveil il y a, car le consumérisme inhibe jusqu’à l’instinct de survie. Les technocrates ivres de pouvoirs quasi pharaoniques et les masses qui marchent au son de leurs tambours semblent avoir oublié ce qu’un enfant de cinq ans sait déjà, à savoir que plus il mange rapidement les bonbons reçus pour l’Halloween ou pour son anniversaire, plus vite il atteindra le fond du sac. À l’échelle planétaire, le sac de bonbons se vide de plus en plus rapidement et le «jour du dépassement global», date où les ressources renouvelables de la planète ont été consommées pour l’année en cours, était, en 2015, le 13 août. Elle avance chaque année d’environ une semaine. Les dernières évaluations de la santé des océans confirment l’épuisement rapide du sac de bonbons puisque la population globale d’animaux marins a diminué de 49 % entre 1970 et 2012 alors que la surpêche et les autres causes de détérioration des océans (pollution et réchauffement climatique) continuent comme si de rien n’était. À ce rythme les espèces marines dites «commerciales» auront disparu dans 30 ans, horizon qui dépasse, malheureusement, la vision à court terme de la plupart des gouvernements et de ceux qui les élisent.

Du 30 novembre au 11 décembre 2015, la Conférence de Paris sur les changements climatiques mettra en scène un cocktail de bonnes intentions, d’engagements plus ou moins sincères, d’opportunismes variés, d’impuissance et de mauvaise foi. Quelle qu’en soit l’issue, c’est avant tout dans les comportements individuels quotidiens que réside le vrai pouvoir de changer de cap. La plus rapace des multinationales n’existerait pas sans clients et, comme l’a écrit Schiller, «les grands arrêteront de dominer quand les petits arrêteront de ramper».

Que nous pratiquions l’engagement social et la solidarité tous azimuts, la politique de l’autruche et la bonne conscience des nantis, ou le racisme souriant d’une certaine bourgeoisie, nous sommes tous dans le même bateau, tous des «boat people» en quête d’une Terre de justice et de paix. Que les souhaits de «paix sur la Terre aux Hommes de bonne volonté» que nous échangeons lorsque renaît la lumière reflètent donc, bien au-delà de la brève euphorie de Noël, l’authentique réveil sans lequel le Titanic passera à l’histoire comme la répétition générale d’un naufrage à une échelle, cette fois, proprement titanesque.

http://encyclopedie.homovivens.org/documents/migrants_le_retour_du_boomerang_colonial

(1) Du traitement de l’exilé comme migrant; Pierre-Jean Dessertine
Les mots que l'on emploie ne sont jamais innocents. Ils le sont encore moins lorsqu'il s'agit de catégoriser des personnes que l'on ne connaît pas. Et lorsque ces personnes n'ont plus de nom parce qu'elles ont quitté la terre où il prenait sens, notre façon de les nommer peut devenir terrible.
http://agora.qc.ca/documents/du_traitement_de_lexile_comme_migrant

---
Le fanatisme religieux et nous
Après les massacres de Paris du 7 au 9 janvier

Pierre-Jean Dessertine *

(Les passages en gras sont de mon initiative)

Il y a quelques jours nous avons vécu un traumatisme collectif par les massacres perpétrés par des fanatiques religieux à Paris, alors que s’échangeaient encore des vœux de bonne et heureuse année.

La réaction

Recevoir un coup sur la tête amène à se replier sur soi et à se protéger de ses poings. C’est le moment inévitable de la réaction par lequel on essaie de se ménager du temps supplémentaire à vivre au prix d’une restriction de son espace de vie. C’est de ce comportement réactif que procèdent les déclarations guerrières – «Nous sommes en guerre», «Il faut être implacable contre l’ennemi»; et d’amener des jeunes devant les tribunaux pour avoir mal parlé; et de lancer des opérations policières mal ajustées dans certains milieux, dans certains quartiers, sur simple présomption d’intention de délit. C’est aussi de ce comportement réactif que procèdent les mesures prises par le gouvernement suite à ces massacres : rehaussement du plan «vigipirate», renforcement des effectifs de la police, de l’armée, et des services de renseignements, lois bousculant des libertés fondamentales, etc.

Or les comportements réactifs ont un gros inconvénient : ils sont déterminés par l’agression subie. Ils ont donc été anticipés par l’agresseur et intégrés dans ses plans d’agression à notre encontre. Ils ont toutes chances de faire son jeu. Il faut donc être capable de les dépasser.

Rappelons-nous l’après 11 septembre : la population des États-Unis s’est massivement alignée sur la posture purement réactive de G. W. Bush synthétisée dans une déclaration de «guerre des civilisations». Il s’en est suivi effectivement de nombreux actes guerriers : Afghanistan, Irak, Guantanamo, etc., dont nous ne sommes toujours pas sortis, et dont il est désormais clair qu’ils ont permis à l’islamisme fanatique de se développer comme jamais.

Les comportements réactifs amènent à des actes non mesurés, excessifs, arbitraires, dont le plus sûr effet est d’engendrer de la défiance chez des gens qui vivaient en confiance. Et la défiance – tout comme la confiance d’ailleurs – est un processus qui évolue selon une logique d’auto-renforcement : moins tu lui fais confiance, plus tu donnes à l’autre des raisons de se défier de toi. Et le fanatisme engrange les adhésions au bout de cette logique. (...)

Article intégral : http://agora.qc.ca/documents/le_fanatisme_religieux_et_nous
 
* Pierre-Jean Dessertine est professeur de philosophie à Aix-en-Provence. Il a publié des articles dans diverses revues. Il a écrit plusieurs ouvrages de pédagogie de la philosophie. Il est l'auteur de "Pourquoi l'homme épuise-t-il sa planète?" Il anime le site de philosophie : www.anti-somnambulique.org

-------

Parlons de bains de sang

Le nombre de morts dues aux guerres et conflits selon l’étude de Milton Leitenberg de l’institut néerlandais de relations internationales Clingendael Institute. (Ces statistiques ne tiennent pas compte des famines, désastres naturels, etc.)

- XXe siècle : environ 231 millions (en 100 ans).

- Entre 1945 et 2000 : près de 41 millions.
Le corps humain d’un adulte contient autour de 5 litres de sang (variant selon la taille).
41 X 5 = 205 millions de litres de sang versé
L’équivalent de 55 piscines olympiques!

Tirez vos propres conclusions.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire