16 janvier 2015

Ligotés par nos croyances

Que de vains dommages causés par notre identification à des croyances, une profession, un statut social, des symboles de nos valeurs, des causes et autres. Même si ces choses ne nous définissent pas, nous sommes persuadés qu’elles donnent un sens à notre existence. La personne qui s’identifie à ses croyances risque de se sentir menacée quand elles sont contestées et de réagir de façon irrationnelle, par peur.

Cliché du film Apocalypto

Aller au-delà des rôles que nous jouons
Par Marck Paul

Nous semblons tellement réels. Mais nos corps ne nous appartiennent pas vraiment et nous n'avons aucun contrôle sur leur venue et leur départ. Nous jouons des rôles et nous essayons de nous convaincre qu'ils sont réels. Il est instructif de regarder ce processus chez les jeunes, car avec eux, le processus est très transparent. Ils essaient des identités comme ils essaient des t-shirts. Quand ils en trouvent un qu’ils aiment, ils s’identifient à la narration qui le supporte, puis, ils se divisent en groupes antagonistes. Les adultes font la même chose, mais les identités des adultes sont recouvertes d'épaisses couches de justification qui paraît raisonnable.

Shakespeare avait raison lorsqu'il déclarait : «le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs». Les rôles sont une bonne chose dans la mesure qu’ils fournissent une structure et un objectif. Mais lorsque nous commençons à prendre les rôles que nous jouons très au sérieux, à y croire, nous devenons plus facilement prêts à nous sacrifier pour eux ainsi que d'autres personnes.

Le sport en est un parfait exemple. Les sports sont des mélodrames populaires qui sont absolument insensés et sans importance. Nous investissons cependant d’énormes quantités d’émotion dans les sports qui impliquent une forme moins dramatique du sacrifice humain. Heureusement, nous ne traînons plus les gens sur un autel pour les égorger et leur arracher le coeur, mais nous leur mettons des uniformes de football et nous applaudissons en les regardant se battre jusqu’à se démolir le cerveau. J'ai vu une photo de fans brésiliens après que leur équipe ait perdu la Coupe du Monde au profit de l'Allemagne. Si je n’avais pas su de quoi il s’agissait, j'aurais cru que les gens regardaient leurs enfants se faire déchiqueter par des chiens sauvages.

Le but de la religion et des pratiques spirituelles est d’amener la perception de nos drames individuels vers une plus grande vérité transcendante. Toute personne qui pratique une religion le comprend. Néanmoins, la pratique de la religion est essentiellement constituée d'âpres combats au sujet de mythologies en concurrence.

L’attitude consciente n’a rien à voir avec ce que nous croyons. Il s’agit simplement de rester attentif et vigilant dans le moment présent. En consacrant un peu de temps au moment présent, nous constatons qu'il est principalement composé de pensées qui défilent les unes après les autres. Nous haïssons ceci et nous nous plaignons de cela, nous n’arrivons pas à faire taire le mental. Le mental n'arrête pas. Le mental pense. Nous ne pouvons qu'observer ce flot incessant d'histoires et être témoins de notre désir d’y croire, mais refuser d’y croire. Ce n'est pas si facile.

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Citations du jour :

L’homme est incapable d’abjuration. En lui, les croyances se superposent les unes aux autres comme des couches de peinture, sans se mêler, sans s’annuler.
~ Henri Fauconnier

La plupart des hommes sont incapables de se former une opinion personnelle mais le groupe social auquel ils appartiennent leur en fournit de toutes faites.
~ Gustave Lebon

L’opposition systématique se garde bien de demander quelque chose qu’elle pourrait obtenir, car alors il lui faudrait être contente; et être contente pour l’opposition, c’est cesser d’être.
~ Alphonse Karr

Je crois que je pourrais faire un virage et aller vivre avec les animaux; ils sont tellement placides et indépendants… ils ne se couchent pas dans l'obscurité, éveillés, pour pleurer sur leurs péchés. Ils ne me rendent pas malade à discuter de leur devoir envers Dieu.
~ Walt Whitman

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L’esprit moral ou religieux fait erreur quand il condamne le Pouvoir en soi comme une chose que l’on ne doit ni accepter ni rechercher, sous prétexte qu’il est naturellement corrupteur et mauvais. Dans la plupart des cas cette opinion se trouve justifiée, apparemment, mais ce n’en est pas moins un préjugé foncièrement aveugle et irrationnel. Si corrompu et si mal employé qu’il soit (comme le sont aussi, d’ailleurs, l’Amour et la Connaissance), le Pouvoir a été mis ici-bas à notre disposition pour en user à bon escient. Volonté et Pouvoir sont le moteur des mondes; qu’il s’agisse de la force de connaissance, de la force d’amour, de la force de vie, de la force d’action ou de la force du corps, son origine est toujours spirituelle. C’est l’usage qu’en font la brute, l’homme ou le titan dans le monde de l’Ignorance, qui doit être rejeté pour faire place à une action plus haute et naturelle, une action guidée par une conscience intérieure à l’unisson de l’Infini. ... 
   Le déroulement de la Vérité aussi est peut-être infini... ce n’est pas exactement comme une noix dont le contenu aurait été pilé et vidé une fois pour toutes par le premier prophète ou le premier sage, tandis que les autres doivent religieusement piler la même noix à perpétuité.

~ Sri Aurobindo

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COMMENTAIRE

L’école de la souffrance et du martyr

Depuis des millénaires, on s’humilie, on se mortifie et l’on s’offre en sacrifice (ainsi que d’autres humains et des animaux) pour mériter l’amour et un supplément de crédit auprès des dieux ou de Dieu, pour obtenir des récompenses (en particulier après la mort), le pardon, l’illumination, des gratifications, pour se sentir meilleur que les autres. On a utilisé le fétichisme, la magie, le cannibalisme, la prostitution sacrée, le renoncement, la torture, l’auto-flagellation, les persécutions, les alliances, les pactes, le chantage, les menaces, et ainsi de suite. 
   Dans certaines religions la déresponsabilisation (par rapport à ses actes) a été malheureusement renforcée par la notion de salut par procuration : «tu peux faire n’importe quoi, si tu demandes pardon à ta mort, tu es sauvé.» (!) 
   Les mœurs sociales sont toujours en retard sur le progrès évolutionnaire de la civilisation, de sorte qu’elles sanctionnent ainsi les pratiques plus primitives de certaines sociétés évoluantes. La nature humaine est prompte à imposer ses dogmes et ses lois, surtout lorsqu’elle commande au nom de Dieu...

Dans la même veine :

Mais, quelle différence y a-t-il entre une religion, une secte et un club social?
Je n’en vois aucune. Personne ne conteste les religions traditionnelles, les confréries, les sociétés, les associations, les partis politique, les clubs sportifs, etcetera. Pourtant, tous les regroupements sont des contextes qui peuvent favoriser l’identification, la démarcation, l’exclusion, le sexisme, le sentiment de supériorité et les persécutions à petite et grande échelle. Ce sont parfois des foyers de propagation de l’intolérance, de frictions entre des gens de statuts différents, entre nations, cultures, castes, races, civilisations, religions, idéologies, croyances : «Nous ne faisons pas partie de ce groupe qui est différent (menaçant ou opposé à nous), donc inférieur.» C’est sécurisant de penser de la sorte. Suite : http://situationplanetaire.blogspot.ca/2014/10/les-sectes-mythes-et-realites.html

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