28 janvier 2015

Il n’y a plus d’échappatoire


Il est évident que La Charte de la Terre ainsi que La Charte de la Compassion n’ont pas remporté le succès qu’elles méritent... ce sont pourtant des S.O.S. Ces jours-ci, on parle beaucoup du «devoir de mémoire» en raison des commémorations du 70e d’Auschwitz. Mais, tant que nous n’appliqueront pas ces chartes (individuellement et collectivement), eh bien, nous continuerons globalement à nous livrer à des assassinats et des tueries inqualifiables pour des motifs purement égoïstes et arbitraires.

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Dans son ouvrage Twelve Steps to a Compassionate Life, Karen Armstrong disait :
«En fait, les causes de conflit sont généralement la cupidité, l'envie et l'ambition, mais dans un effort pour les assainir, on les a souvent voilées de rhétorique religieuse. On a beaucoup abusé de la religion au cours des dernières années. Les terroristes ont utilisé leur foi pour justifier des atrocités qui violent ses valeurs les plus sacrées. Dans l'Église catholique romaine, des papes et des évêques ont ignoré la souffrance d'innombrables femmes et enfants en fermant les yeux sur les abus sexuels commis par des prêtres. Certains chefs religieux semblent se comporter comme des politiciens laïcs, chantant les louanges de leur propre confession et dénigrant leurs rivaux sans considération… Des querelles au départ laïques, telles que le conflit arabo-israélien, ont été autorisées à s'envenimer et à devenir «saintes», et, une fois que les disputes sont sacralisées, les positions tendent à se durcir et à résister aux solutions pragmatiques. En même temps, nous n’avons jamais été si étroitement reliés à travers les médias électroniques… Dans un monde où des petits groupes auront de plus en plus de pouvoir de destruction, jusqu'ici limité  à l'état-nation, il devient impératif d'appliquer la règle d'or au niveau mondial, en veillant à ce que tous les peuples soient traités comme nous voudrions être traités nous-mêmes. Si nos traditions religieuses et éthiques ne parviennent pas à relever ce défi, elles échoueront au test de notre temps.»

Karen Armstrong déplore par ailleurs que la compassion ait tristement glissé si bas sur l’échelle des priorités humaines :
«Même ceux qui résistent le plus à succomber à l'épidémie de cynisme, ne peuvent s'empêcher de remarquer l'éradication systématique de la compassion, même dans nos gestes quotidiens les plus simples.»

Réf. : Religion, Secular Morality, and What Compassion Really Means for Our Shared Human Future
http://www.brainpickings.org/2015/01/08/karen-armstrong-compassion/ 

En 2008, Karen Armstrong eut l’idée d’élaborer une charte de la compassion. Des milliers de personnes de par le monde ont contribué à sa conception en envoyant leurs suggestions par internet; par la suite, un conseil de personnes «éclairées» a créé une version finale publiée le 12 novembre 2009.

La Charte de la Compassion

Le précepte de compassion, qui est au coeur de toutes les traditions religieuses, spirituelles et éthiques, nous invite à toujours traiter autrui de la manière dont nous  aimerions être traités nous-mêmes. La compassion nous incite à nous engager sans  relâche à soulager les souffrances de tous les êtres et à apprendre à ne pas nous  considérer nous-mêmes comme le centre du monde, mais à être capable de placer  autrui à cette place centrale. Elle nous enseigne à reconnaître le caractère sacré de  chaque être humain, et à traiter chacune et chacun, sans aucune exception, avec un  respect inconditionnel et dans un esprit de justice et d’équité.

Cela implique aussi de s’abstenir d’infliger de la souffrance à autrui, en tout temps et en  toutes circonstances, que ce soit dans la sphère publique ou privée. Agir de manière violente, que ce soit par malveillance, chauvinisme, colère ou égoïsme; exploiter qui que  ce soit ou le priver de ses droits fondamentaux; inciter à la haine et dénigrer autrui - même nos ennemis - sont autant de négations de notre condition humaine commune à toutes et à tous. Nous reconnaissons que nous n’avons pas toujours été capables de vivre avec compassion, et que d’aucuns ont même infligé bien des souffrances au nom de la religion.

Pour cela, nous invitons solennellement tout le genre humain
~ à placer la compassion au coeur de toute éthique et de toute religion
~ à adhérer au principe ancestral selon lequel toute interprétation des Écritures qui suscite violence, haine ou mépris, est illégitime
~ à s’assurer que la jeunesse soit informée de manière respectueuse et authentique sur les autres traditions, religions et cultures
~ à encourager une approche positive de la diversité des cultures et des religions
~ à se doter d’une compréhension empathique des souffrances de tous les êtres humains, même de ceux considérés comme ennemis.

Nous devons de toute urgence agir pour que la compassion devienne une force dynamique et lumineuse qui puisse nous guider dans ce monde de plus en plus polarisé. Enracinée dans la ferme détermination à transcender l’égoïsme, la compassion peut faire tomber les barrières politiques, idéologiques, dogmatiques et religieuses. Née de la réalisation de notre profonde interdépendance, la compassion est essentielle aux rapports entre humains et pour une humanité accomplie. Elle est la voie vers l’illumination et elle s’avère indispensable à la création d’une économie plus juste et d’une communauté globale harmonieuse et pacifique.

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Mark Twain dénonçait avec virulence la dynamique complexe des croyances socioculturelles et religieuses, et ne se gênait pas pour exposer les tactiques de manipulation qu’utilisaient les institutions dominantes pour renforcer ces croyances, notamment avec les enfants :
«Quand j’étais écolier, je n’éprouvais aucune aversion contre l’esclavage. Je n’étais pas conscient qu’il puisse y avoir quelque chose qui cloche là-dedans. Personne n’était poursuivi en justice à ce que je sache; les journaux locaux ne disaient rien contre; à l’église locale on enseignait que Dieu l’approuvait, que c’était une chose sainte, et que l’incrédule n’avait qu’à consulter la Bible pour apaiser sa conscience – et ensuite, on nous lisait les textes à haute voix pour le confirmer; si les esclaves eux-mêmes éprouvaient de l’aversion contre l’esclavage, ils étaient sages et ne disaient rien.»

Twain disait que c’était sa mère qui lui avait enseigné la compassion, de par son exemple et ses propos.

Au sujet de la survie des religions, il disait :
«Est-ce que je pense que la religion chrétienne est là pour rester? Pourquoi devrais-je le croire? Il y a eu des milliers de religions avant qu’elle naisse. Elles sont toutes mortes. Il y a eu des millions de dieux avant que le nôtre soit inventé. Les innombrables dieux sont morts et oubliés depuis longtemps. Le nôtre est le pire Dieu que l'ingéniosité de l'homme ait pu engendrer avec sa folle imagination – et devrait-il être immortel contrairement aux probabilités que nous fournit l'histoire théologique passée? Non. Je pense que le christianisme et son Dieu doivent suivre la règle. Ils doivent disparaître à leur tour et laisser place à un autre Dieu et une autre religion stupide. Ou peut-être une meilleure? Non. C'est peu probable. L'histoire montre que, sur la question des religions, nous reculons au lieu d’avancer.»

Réf. : Mark Twain on Slavery, How Religion Is Used to Justify Injustice, and What His Mother Taught Him About Compassion
http://www.brainpickings.org/2014/10/24/mark-twain-on-slavery-empathy-compassion/

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