Fin de l’histoire?
L’ère de la civilisation humaine, brève et étrange, semble tirer à sa fin.
Par Noam Chomsky
[Extrait]
Il n'est pas réjouissant d’imaginer les pensées qui doivent traverser l'esprit de la Chouette de Minerve tandis que le crépuscule tombe et qu’elle s’apprête à interpréter l'ère de la civilisation humaine, qui s’approche peut-être d’une fin peu glorieuse.
(…)
La fin probable de l'ère de la civilisation est présagée dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), un moniteur généralement conservateur sur ce qui se passe dans le monde physique.
Le rapport conclut que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre risque «d’avoir des impacts graves, généralisés et irréversibles sur les populations et les écosystèmes» durant les décennies à venir. Le monde approche le degré de température où la fonte du vaste couvert de glace du Groenland sera imparable. Avec la fonte glaciaire de l'Antarctique, le niveau des mers pourrait monter et submerger les grandes villes et les plaines côtières.
L'ère de la civilisation coïncide de près avec l'époque géologique Holocène, ayant commencé il y a 11 000 ans. Précédemment, l’époque Pléistocène avait duré 2,5 millions d'années. Les scientifiques indiquent maintenant qu'une nouvelle ère, l’Anthropocène, a débuté il y a 250 ans, une période où l'activité humaine a eu un impact considérable sur le monde physique. Le parallèle avec les changements survenus lors des bouleversements géologiques est difficile à ignorer.
L’un des indices de l'impact des activités humaines est l'extinction d'espèces qui atteint presque celle d’il y a 65 millions d'années lorsqu’un astéroïde a percuté la terre. C'est la cause présumée de la fin de l'âge des dinosaures qui permit aux petits mammifères et ensuite aux humains modernes de proliférer. Aujourd'hui, les humains sont l'astéroïde qui condamne beaucoup de vies à l'extinction.
Le rapport du GIEC réaffirme que la «grande majorité» des réserves connues de carburant doit rester dans le sol pour éviter d’exposer les générations futures à des risques insoutenables. Pendant ce temps, les grandes sociétés d'énergie ne cachent pas leur intention d'exploiter ces réserves et d’en découvrir des nouvelles.
Le jour précédent la publication des conclusions du GIEC, le New York Times révélait qu’au Midwest d’énormes stocks de céréales sont en train de pourrir parce que l’acheminement des produits du boom pétrolier du Dakota Nord vers l'Asie et l'Europe accapare le transport ferroviaire.
L'une des plus redoutables conséquences du réchauffement planétaire anthropogénique est le dégel du pergélisol. Une étude de la revue Science prévient que «même un léger réchauffement des températures [moins que ce qui est prévu dans les années à venir] pourrait commencer à faire fondre le pergélisol, qui à son tour libérerait d'énormes quantités de gaz à effet de serre emprisonnés dans la glace», avec possiblement des «conséquences fatales» pour le climat mondial.
Arundhati Roy suggère que «la métaphore la plus appropriée pour la folie de notre temps» est le champ de bataille le plus élevé du monde, le glacier Siachen, où les soldats indiens et pakistanais se sont entretués. Le glacier est en train de fondre et met à jour «des milliers d’obus vides, des barils de carburant vides, des vieilles bottes, des tentes et plein d’autres déchets que les milliers de belligérants humains ont générés» avec leurs conflits insensés. Étant donné que les glaciers sont en train de fondre, l'Inde et le Pakistan sont maintenant exposés à un désastre indescriptible.
Triste espèce. Pauvre chouette.
Article original :
http://inthesetimes.com/article/17137/the_end_of_history
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