28 juillet 2014

Bientôt au DSM-5…

Un dossier «alimentation» aujourd’hui : trois articles (libellés Végétarisme et Zoofriendly). Il faudrait peut-être visiter des favelas et des camps de réfugiés (quels que soient les pays) pour comprendre la réalité de la faim et de la misère dans le monde et modifier nos comportements de prédateurs sauvages.

Un monde meilleur, plus harmonieux, autant que possible dépourvu de violence? Il faut vraiment être fou pour y croire ou même l’espérer. Une touche d’humour dans cet article-ci, car en ce moment la folie humaine dépasse largement les niveaux admissibles de smog planétaire… On a parfois envie de commander : «Satan, sors de ces corps!»  


La compassion envers les animaux est-elle une maladie mentale? 

Dans la prochaine version du DSM-5 (1) au chapitre des «troubles de la personnalité»  on trouvera probablement de nouvelles maladies (liste non exhaustive) :

Trouble de la personnalité végétarienne / végétalienne
La personne atteinte s’abstient de manger chair et sous-produits animaux et se nourrit exclusivement de végétaux. Dans la phase végétalienne, elle refuse même de porter des vêtements en cuir, fourrure, etc. Le malade est totalement déconnecté de sa caractéristique humaine normale de cannibale.

Trouble de la personnalité anti-spéciste
La personne atteinte est persuadée que l’animal est un être sensible, capable d’éprouver des émotions (donc de souffrir), et qu’il n’est pas un objet; que les humains sont des animaux simplement différents des autres animaux, que les premiers n’ont pas plus de valeur que les seconds (et vice-versa), et que chaque groupe a droit au même respect. Le malade peut être atteint d’anthropomorphisme aigu.

Trouble de la personnalité antivivisectionniste
La personne atteinte n’achète pas de produits cosmétiques et ménagers testés en laboratoire sur les animaux. Le malade ne donne pas d’argent à la recherche médicale qui teste sur les animaux (il existe d’autres façons de le faire). Le malade croit qu’en bout de ligne, l’humain est le cobaye et que l’argent va dans les poches des multinationales pharmaceutiques. Il médite au lieu de prendre des antidépresseurs et des benzos à effet hypnotique. Un fichu malade difficile à contraindre.

Trouble de la personnalité anti-chasse-corrida-rodéo-cirque-parc-marin/aquarium-zoo…
La personne atteinte considère que tuer, maltraiter, brutaliser, torturer et ridiculiser des animaux n’est pas un divertissement. Contrairement aux humains sains d’esprit, le malade n’éprouve aucun plaisir à participer ou à regarder. Il est littéralement répugné par ces shows-sports. En rejetant tout plaisir normal et légitime de la vie, la santé émotionnelle du malade peut être lourdement hypothéquée.

Trouble de la personnalité anti-animaleries et abandon
La personne atteinte n’achète aucun animal provenant d’importateurs d’animaux exotiques ni des élevages concentrationnaires («usines») qui contribuent largement à la surpopulation de millions de chiens, chats et autres animaux domestiques errants, qui meurent de faim, de maladies et de blessures; les surplus finissent en laboratoire ou euthanasiés dans des refuges. Ce malade est incurable.

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Blague à part, on qualifie souvent les protecteurs des animaux de dangereux maniaques, de fanatiques, d’extrémistes sectaires, et j’en passe. Disons que s’il s’agissait d’une secte (certainement pas religieuse!), elle pourrait s’appeler Compassion. Aimer les animaux n’empêche pas d’aimer les animaux-humains, au contraire – ils font partie du lot de victimes visées par la panoplie de violences que l’animosapiens invente.

La compassion (définition courante)

Compatir, c'est «souffrir avec». La compassion n'est pas une émotion. Il s'agit plutôt d'une attitude qui nous porte à être sensible à la souffrance de quelqu'un. Devant la douleur d'autrui, nous vivons alors différentes émotions. Il peut s'agir de tristesse, de colère, de révolte, etc., toutes suscitées par ce que nous observons chez la personne qui pâtit. 
       Il faut également distinguer la compassion de l'empathie. L'empathie est une attitude qui rend capable de saisir ce qu'une personne vit émotionnellement, tel qu'elle le vit. C'est en quelque sorte la capacité de se mettre à sa place pour la comprendre «de l'intérieur». Lorsque nous sommes empathiques, nous choisissons volontairement d'essayer de voir et de ressentir la situation comme l'autre; nous adoptons volontairement son point de vue, incluant les réactions émotives qui en font partie. Mais nous restons toujours conscients qu'il s'agit de l'expérience de l'autre. Contrairement à ce qui se passe dans la compassion, dans l'empathie nous ne sommes pas nécessairement touchés (même si nous pouvons l'être). 
       Pour être capable de compassion, il faut savoir être empathique. C'est en effet parce que nous saisissons ce que vit l'autre que nous sommes amenés à être touchés. Si nous n'en avions aucune représentation, il nous serait impossible d'être émus.

Photo : One Voice

«Notre culture n'a pas assez développé l'éthologie, alors que la découverte du monde animal est bénéfique pour tous. Des éleveurs qui établissent des relations personnelles avec leurs vaches consomment en moyenne très peu de tranquillisants, alors que les éleveurs qui considèrent les animaux comme des choses à abattre et à vendre représentent une population dans laquelle on retrouve un nombre élevé de dépressions. C'est en rendant populaire ce genre d'études que les gens réaliseront qu'il faut diminuer ces massacres et ces tortures. Plus que par la loi, cela se fera grâce à des récits culturels. Dans les pays anglo-saxons, des écrivains, des philosophes ou des scientifiques comme Jane Goodall ont ainsi permis une protection animale plus efficace que la nôtre.»

«Il existe désormais un profond clivage entre l'animal familier, sur lequel se fixe une sur-affection, et l'animal de consommation, devenu un produit industriel. (...) Je crois que cela augmente la cruauté inconsciente parce qu'on ne se représente plus la mort de l'animal. Les enfants n'associent plus ce qu'ils mangent avec un être vivant.» (La plus belle histoire des animaux)

«On ne peut pas tout se permettre quand on tient compte du monde des autres.» (Mourir de dire : La honte) 

~ Boris Cyrulnik

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(1) La dernière édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association Américaine de Psychiatrie a été publiée en 2013. Site officiel : http://www.dsm5.org/pages/default.aspx

Aux États-Unis, le DSM a été remis en cause par son ancien directeur lui-même. Ses critiques sont violentes : selon lui, les auteurs du DSM ont créé de toutes pièces des maladies, pour le plus grand bonheur des labos. Le psychiatre français Boris Cyrulnik a commenté pour Books cette polémique.

Commentaires de Boris Cyrulnik au sujet du DSM-IV
De fausses maladies sont inventées

[Extrait] – Un écran de fumée pour culpabiliser des individus qui ne sauraient pas «se vendre», s'ajuster, et éviter qu'ils en viennent à se poser les vraies questions : celles sur les tares structurelles d'un système qui les étouffe et les normalise, entre autres à coups de médicaments. D'un autre point de vue, être marginal, différent, exprimer sa subjectivité, etc. expose à une disqualification et à une dévalorisation sociales, alors que se dire malade (anxieux, déprimé, bipolaire...), c'est obtenir une sorte de reconnaissance sociale, par exemple en tant que victime, et échapper à l'exclusion. (…) 
       Les idées véhiculées par la culture psy sont la plupart du temps des interprétations sauvages, très éloignées des thèses psychanalytiques. Donner un nom à ce qu’on ne comprend pas aide à se situer dans le monde, en éclaire un segment, ce qui a pour effet de réduire l’anxiété, etc. Mais on peut donner des noms qui ne correspondent en rien à une réalité psychique complexe et ne servent qu’à légitimer la consommation de médicaments (antidépresseurs, tranquillisants et autres). Or c’est la vente des médicaments, donc des impératifs commerciaux en fin de compte, qui entraîne des théories visant à légitimer ce commerce après coup : des molécules seraient en mesure de corriger des déséquilibres psychiques... 
       La prescription de médicaments, conséquence directe des noms donnés à des manifestations psychiques («troubles»), permet aux médecins et aux psychothérapeutes de «se sentir mieux», moins démunis face à la souffrance des patients.
(…)
On découvre quelque chose qui est partiellement vrai, et on en fait une application totalement fausse. Sans parler des généralisations et de leurs conséquences...
       Cela n’a pas grand-chose à voir avec une démarche scientifique, mais tout à voir avec le marketing pharmaceutique et la recherche de profits à bas prix, sans les risques d’un R&D (recherche et développement) qui pourrait aboutir à des innovations véritables, développer la recherche fondamentale et ne pas se limiter à des applications immédiatement brevetables, répétitives (me too, par exemple) car basées sur les mêmes connaissances du passé. Mais il faudrait pour cela que les investissements nécessaires soient faits, que la recherche publique ne soit pas instrumentalisée pour des bénéfices privés à travers des partenariats public – privé où il n’y a qu’un seul gagnant…



Source article/vidéo (2011) :
http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2011/06/05/dsm-disease-mongering-et-conflits-d-interets-en-psychiatrie.html

Suite du dossier alimentation : «Tout ce qu’on ne sait pas…» et «Viande, santé, environnement».  

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