26 janvier 2014

Science et spiritualité


Soleil bleu, crédit Alan Friedman (explication à la fin du message). 

À l’heure des grandes discussions sur la foi religieuse, la laïcité, l’athéisme, etc., voici le point de vue modéré d’un scientifique réputé : Alan Lightman. (On peut dire qu’il porte bien son nom de famille…)

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Source des extraits (article complet en anglais) :
http://www.brainpickings.org/index.php/page/8/
Ouvrage de référence :
The Accidental Universe: The World You Thought You Knew; Alan Lightman
Prix Sydney, meilleurs essais 2011

En tant que scientifique, je crois fermement que les atomes et les molécules sont réels (même si c’est presque de l’espace vide) et existent indépendamment de notre esprit. D’un autre côté, je sais à quel point je suis stressé quand j’expérimente la colère ou la jalousie ou l’insulte, tous des états émotionnels fabriqués par mon propre esprit. L’esprit est certainement son propre cosmos. Comme l’a écrit Milton dans Le Paradis perdu : «[L’esprit] peut faire un paradis de l’enfer et un enfer du paradis». Dans notre quête incessante pour donner un sens à notre existence déconcertante et temporaire, piégés comme nous le sommes dans notre six kilos de neurones, il est parfois difficile de déterminer ce qui est réel. Nous inventons souvent ce qui n’est pas. Ou nous ignorons ce qui est. Nous essayons d’imposer un ordre, à la fois dans notre esprit et dans notre conception de la réalité extérieure. Nous essayons de nous connecter. Nous essayons de trouver la vérité. Nous rêvons et nous espérons. Et derrière tous ces efforts, nous sommes hantés par le doute que ce que nous voyons et comprenons du monde ne soit qu’une infime parcelle de l’ensemble. (…)
        La science ne donne pas de signification à notre existence, mais elle écarte tout de même certains voiles.

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J’endosse complètement la doctrine fondamentale de la science. Et je ne crois pas à l’existence d’un Être qui vit au-delà de la matière et de l’énergie, même si cet Être s’abstient d’entrer dans la mêlée du monde physique. Cependant, je suis d’accord que la science n’est pas la seule voie pour arriver à la connaissance, que des questions intéressantes et vitales dépassent les tests en éprouvettes et les équations. De toute évidence, les vastes territoires de l’art sont reliés à des expériences intérieures qui ne peuvent pas être analysées par la science. Les sciences humaines, comme l’histoire et la philosophie, soulèvent des questions qui n’ont pas de réponses définitives ou unanimement acceptées.
       Il y a des choses que nous acceptons par la foi, sans preuve physique, et parfois même sans aucune méthodologie de démonstration. Nous ne pouvons pas expliquer clairement pourquoi la fin d’un roman en particulier nous hante. Nous ne pouvons pas prouver les motivations qui nous pousseraient à sacrifier notre propre vie pour sauver celle de notre enfant. Nous ne pouvons pas prouver qu’il est bien ou mal de voler pour nourrir notre famille, ou même nous mettre d’accord sur une définition du «bien» et du «mal». Nous ne pouvons pas prouver le sens de notre vie, ou que la vie n’a pas de sens du tout. Devant ces questions, nous pouvons rassembler des preuves manifestes et en débattre, mais à la fin, nous ne pouvons pas arriver à système d’analyse semblable à celui du physicien qui détermine le nombre de secondes que prendra un pendule d’un pied de long  pour faire un swing complet. Ces questions sont d’ordre esthétique, moral et philosophique; des questions qui regardent les arts et l’humanisme. Ce sont aussi des questions en rapport avec certaines préoccupations intangibles de la religion traditionnelle.

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Si la science est la religion du 21e siècle, pourquoi discutons-nous encore sérieusement du ciel et de l’enfer, de la vie après la mort et des manifestations de Dieu? Le physicien Alan Guth, un autre membre de notre cercle, a répandu la théorie du Big Bang et contribué à élargir la connaissance scientifique de la naissance de l’univers jusqu’à un millième de milliardième de milliardième de seconde après t=0. Un ancien membre, la biologiste Nancy Hopkins, manipule l’ADN des organismes pour étudier comment les gênes contrôlent le développement et la croissance des êtres vivants. La science moderne n’a-t-elle pas poussé Dieu dans un minuscule recoin de sorte qu’Il (ou Elle) n’a plus de place pour agir – ou peut-être est-il devenu simplement hors de propos? Néanmoins, si l’on tient compte des sondages, plus du trois quarts des Américains croient aux miracles, aux âmes immortelles et en Dieu. En dépit de la récente vague de déclarations et d’ouvrages publiés par des athées éminents, la religion reste, avec la science, l’une des forces dominantes qui façonnent notre civilisation. Notre petit groupe de scientifiques et d’artistes reste fasciné par ces croyances contrastées, fasciné par les différentes façons de comprendre le monde. Et fasciné par la façon dont la science et la religion peuvent coexister dans notre esprit.

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À un moment donné, chaque scientifique travaille, ou essaie de travailler, sur un problème particulier, une question qui autorise une réponse définitive. À nous les scientifiques, on apprend dès le départ à ne pas perdre de temps avec les questions qui n’ont pas de réponses claires et précises.
       Mais souvent, les artistes et les humanistes ne se soucient pas de la réponse car il n’existe pas de réponses définitives à toutes les questions intéressantes et importantes. Les idées dans un roman ou l’émotion dans une symphonie compliquent les choses en raison de l’ambigüité intrinsèque de la nature humaine. … Pour de nombreux artistes et humanistes, la question est plus importante que la réponse. Comme le poète allemand Rainer Maria Rilke l’a écrit il y a un siècle : «Nous devrions essayer d’aimer les questions elles-mêmes, comme des pièces verrouillées et comme des livres écrits dans des langues étrangères incompréhensible». Puis, il y a aussi des questions qui ont des réponses définitives mais auxquelles nous ne pouvons pas répondre. La question de l’existence de Dieu peut faire partie de ce genre de question.
       En tant qu’êtres humains, n’avons-nous pas besoin à la fois de questions sans réponses et de questions avec réponses?

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La foi, dans son sens le plus large, dépasse largement la croyance en l’existence de Dieu ou le mépris de la preuve scientifique. La foi c’est accepter de parfois se consacrer entièrement à des choses que nous ne comprenons pas entièrement. La foi c’est croire à des choses plus grandes que nous. La foi c’est être capable d’honorer le silence à certains moments et à d’autres de chevaucher la passion et l’exubérance, à savoir, l’impulsion artistique, l’envol de l’imagination, l’engagement total envers ce monde étrange et vibrant.

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Alan Lightman pourrait se décrire lui-même comme un humaniste, mais l’anecdote suivante en fait un «créaturiste» doté d’un remarquable respect envers les êtres non-humains qui partagent notre existence :
       Par un après-midi d’août, tandis que j’observais le nid de la galerie qui encercle la maison, les deux bébés balbuzards de la saison ont volé pour la première fois. Tout au long de l’été, ils m’ont surveillé quand je les regardais de la galerie. Ils pressentaient peut-être que j’étais dans mon nid comme eux étaient dans le leur. En cet après-midi de vol inaugural, ils ont tourné en boucle autour de la maison puis, ils ont piqué droit vers moi à une vitesse incroyable. Ma première impulsion fut de courir me mettre à l’abri car ils pouvaient me déchiqueter avec leurs puissantes serres. Mais quelque chose me figea sur place. Lorsqu’ils furent à 20 mètres de moi, ils se sont soudainement envolés très haut. Mais, juste avant cette éblouissante et effrayante volteface verticale, nos regards se sont croisés pendant une fraction de seconde. Les mots ne peuvent pas exprimer ce qui s’est échangé entre nous durant cet instant. C’était un regard de connexion, de respect mutuel, de reconnaissance à savoir que nous partagions la même terre. Après leur départ, j’ai constaté que je tremblais, je pleurais. À ce jour, je n’ai pas toujours compris ce qui s’est passé durant cette fraction de seconde. Mais ce fut l’un des moments les plus profonds de ma vie.

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Certaines personnes croient qu’il n’y a aucune distinction entre univers spirituel et physique, aucune distinction entre l’intérieur et l’extérieur, entre le subjectif et l’objectif, entre le miraculeux et le rationnel. J’ai besoin de telles différenciations pour donner un sens tant à ma vie spirituelle que scientifique. Pour moi, il y a de la place pour un univers spirituel et un univers physique, tout comme il y a de la place pour la religion et la science. Chacun de ces univers a sa propre puissance. Chacun a sa propre beauté et son propre mystère. Un ministre presbytérien me disait récemment que la science et la religion ont en commun le sens de l’émerveillement. Je suis d’accord.

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Explication : Le soleil peut sembler doux et moelleux, mais il n’en est rien. Notre soleil est une grosse boule de gaz chaud en effervescence, principalement de l’hydrogène gazeux. Cette photo du soleil a été prise avec une couleur rouge spécifique de lumière émise par le gaz d’hydrogène appelé hydrogène-alpha et ensuite inversée pour apparaître en bleu. Les détails de la chromosphère sont ainsi plus visibles et font ressortir les nombreux tubes de gaz chaud appelés spicules qui émergent du soleil, un peu comme les fibres d’un tapis à poils longs. Le soleil brille parce qu’il est chaud et qu’il y a très peu d’oxygène. La source d’énergie de notre soleil est la fusion nucléaire de l’hydrogène et de l’hélium logés en son centre. Pas de taches ni de grande activité solaires ce jour-là, mais on discerne quelques protubérances en bordure.

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