18 mai 2012

Perles de l'Assemblée législative

Hier, j’ai emprunté ce recueil à la bouquinerie pour partager quelques-unes de ces perles. J’en ai démarqué certaines en gras – on peut dire que c’est dans l’air…

Citations de Jean Lesage (Parti Libéral – les rouges) alors premier ministre, et de Daniel Johnson (Parti Conservateur – les bleus) alors chef de l’opposition, et de quelques députés de l’époque.


TOUÉ, TAIS-TOUÉ!

Collections de perles (rouges et bleues) cueillies dans le journal des Débats parlementaires du Québec (1964 à 1968) 

Par René Bureau

PRÉFACE

Comme la lecture de ce petit livre ne manquera pas de soulever des réactions diverses, je m’empresse d’affirmer qu’il ne vise aucun parti politique en particulier.
      Comme n’importe quel citoyen qui s’intéresse à ce qui se passe en Chambre peut le faire, je me suis procuré le journal des Débats de l’Assemblée législative, un document public publié par les soins du Gouvernement du Québec. Contrairement aux journaux qui ne rapportent des propos de nos députés que ce qui leur parait opportun, le journal des Débats publie, en principe, tout ce qui se dit devant l’Assemblée législative.
      C’est là une lecture pleine de surprises! Souvent, devant telle énormité ou telle sottise, belle et bien dite par quelque ministre actuel ou ancien, je n’en croyais pas mes yeux. Mais puisque c’est officiel, il faut bien le croire… et se désoler. Combien de fois ne me suis-je pas dit : « Ce n’est pas possible! S’abaisser à un tel niveau! Porter la responsabilité des destinées d’un peuple et se conduire de cette façon! »
      De toute évidence, ai-je conclu, le public n’est pas au courant de tout ce qui se passe en Chambre. Naïvement peut-être, j’ai pensé qu’il suffirait de rassembler quelques spécimens des propos les plus ahurissants de nos députés pour déclencher aussitôt un mouvement d’indignation et, je l’espère, de réforme. D’ailleurs, comme nous le verrons dans l’Introduction, la plupart de nos parlementaires déplorent l’absence de dignité et de tenue qui caractérise les débats parlementaires. Ils souhaiteraient, sans doute, que cessent ces interminables chicanes entre le gouvernement et l’opposition, ce jeu puéril qui incite les adversaires à s’injurier et à se ridiculiser comme des enfants mal élevés.
      En plus des grossièretés et des injures, j’ai recueilli aussi, pour le plaisir, quelques perles de belle eau et même – tout arrive! – des mots d’esprit. Mais il faut le reconnaitre, nos députés excellent avant tout dans l’humour involontaire…

Tout cela est assez affligeant, mais… il vaut mieux en rire!

EN GUISE D’INTRODUCTION

D’ailleurs, ils sont d’accord…

Lesage : « On en a assez des insultes dans cette Chambre! » (11 mars 66)

Johnson : « On n’exige même pas d’un député qu’il sache lire et écrire pour se présenter. » (4 août 65)

Lacroix : « Les journaux ne prennent pas au sérieux le travail qui se fait ici en Chambre. C’est à cause de ces déclarations stupides de part et d’autre de la Chambre. » (30 mars 67)

Laporte : « Les gens qui lisent le journal des débats n’ont pas une très haute opinion de nous. S’ils n’ont pas une plus haute opinion de nous, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes. » (10 février 66)

Lesage : « Je ne pense pas que nous réussirons jamais à éviter complètement les scènes disgracieuses. » (10 février 66)

Lechasseur : « On nous a taxé de donner un spectacle de foire et de carnaval. » (29 mars 67)

Johnson : (au sujet de notre parlementarisme) « C’est un système qui va encore en calèche, alors que nous sommes à l’âge des fusées. » (9 mai 67)

Bellemare : « La Chambre souffre de plusieurs maladies : l’apathie, l’insouciance totale et absolue. » (29 mars 67)

Lafrance : « Trop souvent l’intransigeance qui préside à nos délibérations nous entraine fatalement à des discussions stériles. » (21 juin 67)

Michaud :
« Les députés ministériels, aphones et dociles, ne sont que les matériaux d’une majorité parlementaire, les valets inconditionnels des volontés du pouvoir exécutif. La plupart des lois sont préparées dans la secrète intimité des cabinets ministériels. Les députés approuvent, sanctionnent et votent des mesures dont ils ne connaissent souvent ni le mécanisme ni la portée, au nom sacrosaint de la discipline des partis. Est-il possible de changer ce système aberrant dans lequel le ministre est tout et le député n’est rien? » (9 août 67)

Laporte : « Les députés de l’opposition sont traités comme des gens peu importants par le gouvernement. » (9 août 67)

Gabias : « Cette motion doit être rejetée surtout parce qu’elle est présentée par les membres de l’opposition. » (14 juin 67)

Lesage : « Quels sont les experts en démolition qui ont été consultés? »
 Bellemare : « Plusieurs, plusieurs et plusieurs. »
 Lesage : « Non, mais qui? »
 Bellemare : « Nombreux. »
(11 août 67)

Le rôle de l’opposition est conçu de bien curieuse façon…

Lesage : « L’opposition a comme rôle de surveiller le gouvernement pour l’empêcher de s’ankyloser. » (9 juin  67)

Johnson : « L’illusion et l’espoir c’est le pain quotidien de l’opposition. » (23 juin 67)

Bertrand : « C’est le rôle d’une opposition de s’opposer aux taxes. » (17 juillet 67)

Lesage : « Le rôle de l’opposition, c’est de voir à ce que le gouvernement dise à la population ce qu’il a l’intention de faire. » (29 juin 67)

Vincent : « Le gouvernement propose, l’opposition dispose. » (23 juin 67)

Johnson : «  L’esprit de la loi, c’est de percevoir de l’argent. »
Proulx : « L’État est en même temps ami et ennemi. »
(10 février 67)

LE RÉGIME LESAGE

Les amabilités adressées au premier ministre Jean Lesage…

Johnson : « Dès qu’il y a des femmes dans la galerie, le premier ministre n’est pas le même homme. » (10 mars 66)

Bellemare : « Vous avez le droit d’être comique. » (1er février 66)

Johnson : « Le premier ministre raisonne en colonial. Il raisonne comme un gars d’Ottawa. » (9 mars 66)

Bertrand : « Le premier ministre a déjà joué dans ‘Le baiser de la mort’ ». (3 mars 66)

Loubier : « Faites attention de mourir, le ridicule tue. » (17 mars 66)

Johnson : « Comme dictateur, le premier ministre actuel n’est pas battu. » (15 mars 66)

Bellemare : « Donc, nous voterons avec beaucoup de plaisir cette loi qui a été si ‘maganée’ par le premier ministre. » (17 février 66)

Johnson : « On va vous hacher, vous, on ne vous découpera pas. » (10 mars 66)

Quant au chef de l’opposition, Daniel Johnson, il reçoit sa quotepart…

Meunier : « Le quotient intellectuel du chef de l’opposition est tellement bas que je ne l’emploierais pas pour balayer un de mes entrepôts. » (11 février 64)

Lesage : « Je vais vous en faire des nerfs, vous allez voir. Vous êtes à la veille de perdre les vôtres, vous. Vous allez perdre non seulement les nerfs mais tout ce qu’il vous reste. » (15 mars 66)

Lesage : « Quelle langue le chef de l’opposition parle-t-il? » (3 août 65)

Lesage : « Vous sentez le vendredi à plein nez. » (16 juillet 65) 
   [Note : en ces années-là, l’église catholique exigeait de ses pratiquants qu’ils fassent « vendredi maigre », soit s'abstenir de viande; et ça sentait le poisson partout...]

Lesage : « Évidemment, le chef de l’opposition a toujours le privilège d’aller fumer une cigarette derrière le trône »… (6 août 65)

Gérin-Lajoie : « Le chef de l’opposition ne comprendra jamais le français. » (4 février 66)

Lesage : « Le chef de l’opposition n’a pas le droit de mentir effrontément à la Chambre surtout en se servant d’un mort. » (4 mars 66)

R. Lévesque : « Le député de Bagot, le chef de l’opposition, n’a trouvé que quelques chiures de mouche à dire à propos de l’Hydro-Québec. » (17 février 66)

Lesage : « Le chef de l’opposition est à la veille de dormir là, il vient de se pincer pour se réveiller. » (8 mars 66)

[Extraits d’autres chapitres]

Gérin-Lajoie : « Les cochons sont tous bleus! »
Johnson : « Le plus dangereux pour l’infection c’est le cochon rouge... »
(15 mars 66)

Johnson : « Il est rouge, de l’espèce la plus crasse. C’est un pléonasme car ils sont tous crasses. » (3 mars 66)

Gauthier : « Le présent gouvernement n’a pas peur des promesses et il est aussi un grand spécialiste des marches arrière, des voltefaces et des pirouettes. » (15 février 66)

Johnson : « Je m’attends à tout… de ces vertueux ministres de la justice et de ces pharisiens que j’ai devant moi. » (18 mars 66)

Lesage : « Parce que leur vie, ce qui était leur souffle de vie, c’était le patronage et la ristourne. » (15 février 66)

Dozois : « Non, mais il n’y a pas de loi, par exemple, qui dit que pour faire de l’eau bénite, ils demanderont la permission de l’ingénieur de l’aqueduc. » (15 juillet 66)

Lesage : « Un gouvernement fatigué, c’est un gouvernement qui se grouille. » (10 février 66)

Lesage : « Non seulement je ne suis pas au courant, mais je sais que c’est faux. » (9 juin 64)

Johnson : « Le gouvernement est en danger si tous les sourds commencent à entendre, les muets à parler et les aveugles à voir. » (31 mars 66)

En conclusion, nous pourrions nous poser la même question que le Président de la Chambre… 

Paul : « Je me demande si les députés ne pourraient pas s’aider les uns les autres pour faire la grève du silence. » (24 janvier 67)

[Proposition secondée par Boudabla!...]

***

Bref, un potpourri de124 pages d’injures (et d’âneries dignes du préscolaire), et je n’ai pas cité les pires... D’un chic!

Et l’on constate une fois de plus que le ton méprisant est toujours à l’honneur dans les échanges parlementaires.

Comme dit l’auteur :
« Ce n’est pas possible! S’abaisser à un tel niveau! Porter la responsabilité des destinées d’un peuple et se conduire de cette façon! »

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