Hier, j’ai emprunté ce recueil à la bouquinerie pour
partager quelques-unes de ces perles. J’en ai démarqué certaines en gras – on peut dire que c’est dans l’air…
Citations de Jean Lesage (Parti Libéral
– les rouges) alors premier
ministre, et de Daniel Johnson (Parti Conservateur – les bleus) alors chef de l’opposition, et de quelques
députés de l’époque.
TOUÉ,
TAIS-TOUÉ!
Collections
de perles (rouges et bleues) cueillies dans le journal des
Débats parlementaires du Québec (1964 à 1968)
Par René
Bureau
PRÉFACE
Comme la lecture de ce petit livre ne manquera
pas de soulever des réactions diverses, je m’empresse d’affirmer qu’il ne vise
aucun parti politique en particulier.
Comme
n’importe quel citoyen qui s’intéresse à ce qui se passe en Chambre peut le
faire, je me suis procuré le journal des Débats de l’Assemblée législative, un
document public publié par les soins du Gouvernement du Québec. Contrairement
aux journaux qui ne rapportent des propos de nos députés que ce qui leur parait
opportun, le journal des Débats publie, en principe, tout ce qui se dit devant
l’Assemblée législative.
C’est
là une lecture pleine de surprises! Souvent, devant telle énormité ou telle
sottise, belle et bien dite par quelque ministre actuel ou ancien, je n’en
croyais pas mes yeux. Mais puisque c’est officiel, il faut bien le croire… et
se désoler. Combien de fois ne me suis-je pas dit : « Ce n’est pas
possible! S’abaisser à un tel niveau! Porter la responsabilité des destinées
d’un peuple et se conduire de cette façon! »
De
toute évidence, ai-je conclu, le public n’est pas au courant de tout ce qui se passe
en Chambre. Naïvement peut-être, j’ai pensé qu’il suffirait de rassembler
quelques spécimens des propos les plus ahurissants de nos députés pour
déclencher aussitôt un mouvement d’indignation et, je l’espère, de réforme.
D’ailleurs, comme nous le verrons dans l’Introduction, la plupart de nos
parlementaires déplorent l’absence de dignité et de tenue qui caractérise les
débats parlementaires. Ils souhaiteraient, sans doute, que cessent ces
interminables chicanes entre le gouvernement et l’opposition, ce jeu puéril qui
incite les adversaires à s’injurier et à se ridiculiser comme des enfants mal
élevés.
En
plus des grossièretés et des injures, j’ai recueilli aussi, pour le plaisir,
quelques perles de belle eau et même – tout arrive! – des mots d’esprit. Mais
il faut le reconnaitre, nos députés excellent avant tout dans l’humour
involontaire…
Tout cela est assez affligeant, mais… il vaut
mieux en rire!
EN GUISE
D’INTRODUCTION
D’ailleurs, ils sont d’accord…
Lesage :
« On en a assez des insultes dans cette Chambre! » (11 mars 66)
Johnson :
« On n’exige même pas d’un député qu’il sache lire et écrire pour se
présenter. » (4 août 65)
Lacroix :
« Les journaux ne prennent pas au
sérieux le travail qui se fait ici en Chambre. C’est à cause de ces
déclarations stupides de part et d’autre de la Chambre. » (30 mars 67)
Laporte :
« Les gens qui lisent le journal des débats n’ont pas une très haute
opinion de nous. S’ils n’ont pas une plus haute opinion de nous, nous n’avons
qu’à nous en prendre à nous-mêmes. » (10 février 66)
Lesage :
« Je ne pense pas que nous
réussirons jamais à éviter complètement les scènes disgracieuses. » (10 février 66)
Lechasseur :
« On nous a taxé de donner un spectacle de foire et de carnaval. » (29 mars 67)
Johnson :
(au sujet de notre
parlementarisme) « C’est un système qui va encore en
calèche, alors que nous sommes à l’âge des fusées. » (9 mai 67)
Bellemare :
« La Chambre souffre de plusieurs maladies : l’apathie, l’insouciance
totale et absolue. » (29
mars 67)
Lafrance :
« Trop souvent l’intransigeance qui préside à nos délibérations nous
entraine fatalement à des discussions stériles. » (21 juin 67)
Michaud :
« Les
députés ministériels, aphones et dociles, ne sont que les matériaux d’une majorité
parlementaire, les valets inconditionnels des volontés du pouvoir exécutif. La
plupart des lois sont préparées dans la secrète intimité des cabinets
ministériels. Les députés approuvent, sanctionnent et votent des mesures dont
ils ne connaissent souvent ni le mécanisme ni la portée, au nom sacrosaint de
la discipline des partis. Est-il possible de changer ce système aberrant dans
lequel le ministre est tout et le député n’est rien? » (9 août 67)
Laporte :
« Les députés de l’opposition sont traités comme des gens peu importants
par le gouvernement. » (9
août 67)
Gabias :
« Cette motion doit être rejetée
surtout parce qu’elle est présentée par les membres de l’opposition. »
(14 juin 67)
Lesage :
« Quels sont les experts en
démolition qui ont été consultés? »
Bellemare :
« Plusieurs, plusieurs et
plusieurs. »
Lesage :
« Non, mais qui? »
Bellemare :
« Nombreux. »
(11
août 67)
Le rôle de l’opposition est conçu de bien
curieuse façon…
Lesage :
« L’opposition a comme rôle de surveiller le gouvernement pour l’empêcher
de s’ankyloser. » (9 juin 67)
Johnson :
« L’illusion et l’espoir c’est le pain quotidien de l’opposition. » (23 juin 67)
Bertrand :
« C’est le rôle d’une opposition de s’opposer aux taxes. » (17 juillet 67)
Lesage :
« Le rôle de l’opposition, c’est de
voir à ce que le gouvernement dise à la population ce qu’il a l’intention de
faire. » (29 juin 67)
Vincent :
« Le gouvernement propose, l’opposition dispose. » (23 juin 67)
Johnson :
« L’esprit de la loi, c’est de
percevoir de l’argent. »
Proulx :
« L’État est en même temps ami et ennemi. »
(10
février 67)
LE
RÉGIME LESAGE
Les amabilités adressées au premier ministre
Jean Lesage…
Johnson :
« Dès qu’il y a des femmes dans la galerie, le premier ministre n’est pas
le même homme. » (10 mars
66)
Bellemare :
« Vous avez le droit d’être comique. » (1er février 66)
Johnson :
« Le premier ministre raisonne en colonial. Il raisonne comme un gars
d’Ottawa. » (9 mars 66)
Bertrand :
« Le premier ministre a déjà joué dans ‘Le baiser de la mort’ ». (3 mars 66)
Loubier :
« Faites attention de mourir, le ridicule tue. » (17 mars 66)
Johnson :
« Comme dictateur, le premier ministre actuel n’est pas battu. » (15 mars 66)
Bellemare :
« Donc, nous voterons avec beaucoup de plaisir cette loi qui a été si ‘maganée’
par le premier ministre. » (17
février 66)
Johnson :
« On va vous hacher, vous, on ne vous découpera pas. » (10 mars 66)
Quant au chef de l’opposition, Daniel
Johnson, il reçoit sa quotepart…
Meunier :
« Le quotient intellectuel du chef de l’opposition est tellement bas que
je ne l’emploierais pas pour balayer un de mes entrepôts. » (11 février 64)
Lesage :
« Je vais vous en faire des nerfs, vous allez voir. Vous êtes à la veille
de perdre les vôtres, vous. Vous allez perdre non seulement les nerfs mais tout
ce qu’il vous reste. » (15
mars 66)
Lesage :
« Quelle langue le chef de l’opposition parle-t-il? » (3 août 65)
Lesage : « Vous sentez le vendredi à plein
nez. » (16 juillet 65)
[Note : en ces
années-là, l’église catholique exigeait de ses pratiquants qu’ils fassent
« vendredi maigre », soit s'abstenir de viande;
et ça sentait le poisson partout...]
Lesage : « Évidemment, le chef de l’opposition a toujours le
privilège d’aller fumer une cigarette derrière le trône »… (6 août 65)
Gérin-Lajoie : « Le chef de l’opposition ne
comprendra jamais le français. » (4 février 66)
Lesage : « Le chef de
l’opposition n’a pas le droit de mentir effrontément à la Chambre surtout en se
servant d’un mort. » (4 mars 66)
R. Lévesque : « Le député de Bagot, le chef
de l’opposition, n’a trouvé que quelques chiures de mouche à dire à propos de
l’Hydro-Québec. » (17 février 66)
Lesage : « Le chef de l’opposition est à la veille de dormir là, il
vient de se pincer pour se réveiller. » (8 mars 66)
[Extraits
d’autres chapitres]
Gérin-Lajoie : « Les
cochons sont tous bleus! »
Johnson : « Le plus dangereux
pour l’infection c’est le cochon rouge... »
(15 mars 66)
Johnson :
« Il est rouge, de l’espèce la plus
crasse. C’est un pléonasme car ils sont tous crasses. » (3 mars 66)
Gauthier :
« Le présent gouvernement n’a pas
peur des promesses et il est aussi un grand spécialiste des marches arrière,
des voltefaces et des pirouettes. » (15 février 66)
Johnson :
« Je m’attends à tout… de ces vertueux ministres de la justice et de ces
pharisiens que j’ai devant moi. » (18
mars 66)
Lesage :
« Parce que leur vie, ce qui était
leur souffle de vie, c’était le patronage et la ristourne. » (15 février 66)
Dozois :
« Non, mais il n’y a pas de loi,
par exemple, qui dit que pour faire de l’eau bénite, ils demanderont la
permission de l’ingénieur de l’aqueduc. » (15 juillet 66)
Lesage :
« Un gouvernement fatigué, c’est un gouvernement qui se grouille. » (10 février 66)
Lesage :
« Non seulement je ne suis pas au
courant, mais je sais que c’est faux. » (9 juin 64)
Johnson :
« Le gouvernement est en danger si
tous les sourds commencent à entendre, les muets à parler et les aveugles à
voir. » (31 mars 66)
En conclusion, nous pourrions nous poser la
même question que le Président de la Chambre…
Paul : « Je me demande si
les députés ne pourraient pas s’aider les uns les autres pour faire la grève du
silence. » (24 janvier
67)
[Proposition secondée par Boudabla!...]
***
Bref, un potpourri de124 pages d’injures (et d’âneries dignes du préscolaire), et je n’ai pas cité les pires... D’un
chic!
Et l’on constate une fois de plus que le ton
méprisant est toujours à l’honneur dans les échanges parlementaires.
Comme dit l’auteur :
« Ce
n’est pas possible! S’abaisser à un tel niveau! Porter la responsabilité des
destinées d’un peuple et se conduire de cette façon! »
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