On sait
que le propre du génie est de fournir des idées aux crétins une vingtaine d’années
plus tard. ~ Louis Aragon
Un credo
socialiste
[…] l’essence de la crise de notre époque [tient
à] la relation de l’individu à la société. L’individu est plus que jamais
conscient de sa dépendance envers la société. Mais au lieu de concevoir cette
dépendance comme un atout, comme un lien organique, comme une force
protectrice, il la perçoit au contraire comme une menace à ses droits naturels
ou même à sa survie économique. […] Le chaos économique de la société
capitaliste telle qu’elle existe aujourd’hui est selon moi la véritable source
du mal. [...] La situation qui [y] prévaut est caractérisée par deux principes
: d’abord, les moyens de production (le capital) sont possédés privément et
leurs propriétaires en disposent à leur guise; ensuite, le contrat de travail
est libre. Bien entendu, il n’existe pas en ce sens de société capitaliste
pure. Il faut en particulier noter que les travailleurs, par de longs et amers
combats politiques, ont réussi à obtenir, pour certaines catégories d’emplois,
une forme légèrement améliorée de «contrat de travail libre». Mais prise dans
son ensemble, l’économie actuelle ne diffère guère du capitalisme «pur». On
produit pour le profit et non pour l’usage. Aucune disposition n’est prévue
pour assurer que tous ceux qui peuvent et désirent travailler pourront trouver
de l’emploi et une armée de sans travail existe presque toujours. Le
travailleur a constamment peur de perdre son emploi. […] Le progrès
technologique entraîne souvent un accroissement du chômage, au lieu de servir à
alléger à tous le fardeau du travail. [...] La compétition sans freins produit
un gigantesque gaspillage de travail, ainsi que cette décrépitude de la
conscience individuelle dont je parlais plus haut. Celle-ci est à mes yeux le
plus grand des maux que cause le capitalisme. Notre système d’éducation tout
entier en souffre. Une excessive compétitivité est inculquée à l’élève, qui est
formé pour idolâtrer le succès dans l’accumulation de biens […] Je suis
persuadé qu’il n’y a qu’une manière d’éliminer ces terribles maux, à savoir par
l’établissement d’une économie socialiste et d’un système d’éducation qui
serait orienté vers des buts sociaux.
EINSTEIN, A., Out of my later years, passim, pages 127-130. Traduction: Normand Baillargeon
Aucun commentaire:
Publier un commentaire