Les animaux ont partagé ma vie depuis mon enfance. J’ai eu une ribambelle d’enfants de fourrure – chats, chiens, souris blanches, lapins, hamsters…
Je les ai toujours accompagnés au moment du passage – une dernière façon de les remercier pour toutes les heures de joie, d’espiègleries, de rires et de larmes. Il y a un peu plus d’un an, j’ai dû faire euthanasier ma chatte. Et depuis, j’ai décidé de ne plus adopter d’animaux, c’est trop brise-cœur de les voir partir.
Je crois qu’avec l’âge on développe une hypersensibilité aux deuils. C’est bien beau le détachement, mais il vient un moment où l’on ne court plus après les occasions de le pratiquer… ce qui se présente spontanément nous suffit amplement.
L’histoire qui suit ressemble un peu à la mienne, à quelques détails près.
Je suis certaine qu’elle rappellera de bons souvenirs aux amoureux des chats en dépit de son côté triste.
***
Traduction/condensé d’une histoire tirée de “Just Beyond the Firelight: Essays and Stories” par Robert James Waller
Hommage à Roadcat
Roadcat était plus qu'un ami. Un ami et collègue, devrais-je dire. En fait, je le présentais parfois aux étrangers comme mon adjoint. Nous travaillions ensembles, parcourant à fond livres et papiers, tandis que le foyer crépitait doucement par ces après-midis gris et froids d’hiver en Iowa.
Parfois il grimpait sur mes cuisses, un support à livres convivial et sans chichi. Il ronronnait, et de temps en temps tournait les pages pour moi. Au printemps, quand les journées commençaient à se réchauffer, il s’installait sur le bureau – il se ménageait une place en jetant papiers, stylos, agrafes et autres utilités d'écrivain sur le plancher.
Le long et doux pelage de son dos et de ses flancs était noir et gris. Le blanc crème de son menton virait au beige sur sa poitrine et son ventre. Ses rayures étaient parfaitement symétriques, et il observait son monde à travers d'immenses yeux verts.
Il arriva du champ de grandes herbes derrière notre maison. Un gamin du voisinage l’avait maltraité. Il s’était défendu, comme n’importe qui le ferait, mais la mère du gamin avait vociféré contre les chats agressifs. Mon épouse remarqua que le gamin aurait dû être plus écorché et amena le chaton à la maison pour la traditionnelle soucoupe de lait.
Je l'ai pris sur mes genoux en disant : «Ce sera un superbe chat.»
Lors de la visite chez le vétérinaire j’ai appris que mon nouvel ami avait des vers, des mites d'oreille et des puces, et un sérieux problème de bronchite. «Est-ce un chat errant?», ai-je demandé. Le docteur avait souri : «Voici votre authentique chat errant.»
Nous sommes revenus à la maison avec quatre sortes de médicaments. Il s’est assis près de moi, minuscule et résigné; il m’observait, le visage lumineux et rempli d'espoir. Et c’est ainsi que Roadcat débuta son périple en ma compagnie sur la grande aiguille du temps.
Nous marquions les jours et tournions les pages ensembles. Nous nous faisions mutuellement des grimaces sur la terrasse, au soleil; et, lorsqu'il se reposait au creux de mon bras, nous nous étirions la tête pour regarder et scruter longuement les lumières dans l'espace, juste avant l'aube. Des yeux verts observaient. Des yeux bleus observaient. Nous nous interrogions sur nous-mêmes et sur les autres là-haut qui nous regardaient peut-être aussi.
Nous avons fait cela pendant plus de 12 ans. Nous avions de la considération l’un de l’autre, et une confiance mutuelle s’était développée.
Roadcat était attentif aux autres; ses manières étaient douces. Il demandait peu, si ce n’est considération et respect. Il mangeait ce qui lui était offert et ne touchait pas à notre nourriture, sauf à mon verre de lait quand celui-ci reposait sur la table sans surveillance. Il ne pouvait pas résister. Si je me retournais, je le trouvais assis près de mon verre en train de lécher sa patte couverte de lait. Mais, c'était là son seul péché; alors, j’ai fait un compromis en lui servant un peu de lait dans un vieux verre à l’effigie de Fred Flintstone.
Sa bronchite précoce lui avait fait perdre la majeure partie de sa voix. Ainsi, quand il voulait de l'attention, il s’installait sur mon imprimante pendant que je dactylographiais. Il ronronnait fort et me fixait. Si cela échouait, il passait à la seconde tactique : il sautait dans la cassette de l'imprimante et déchirait le papier pour le sortir de la machine. Finalement, si je continuais à l'ignorer, il courrait partout dans la maison, sautait sur mon bureau et atterrissait sur mes genoux. Ses efforts ont rarement échoué.
Puis, j’ai remarqué qu’il commençait à grisonner ici et là. Mais je supprimais aussitôt ces pensées mélancoliques reliées à l'inévitable. Roadcat a toujours gardé un esprit jeune; et même durant les derniers temps il pouvait encore, s’il en avait envie, grimper dans un arbre par un frais matin de printemps.
Mais un jour, j'ai noté une légère hésitation lorsqu’il a sauté sur la table du sous-sol où je déposais sa nourriture à l’abri de la voracité de nos chiens. Si je n'avais pas partagé cette pause petit-déjeuner des centaines de fois, je n'aurais rien remarqué. Mais c’était là - une minuscule hésitation. Et, il mangeait moins qu’avant.
Roadcat avait l’habitude de s’étendre près de mon oreiller dès la première lueur du jour, attendant que j’aille lui ouvrir la porte pour qu’il sorte dehors. La routine n'avait jamais varié, et le matin où elle cessa, mon estomac s’est noué.
J’ai fouillé la maison et j’ai fini par le trouver couché sur une chaise dans la chambre du fond, au second étage. Je me suis accroupi pour le caresser. Il ronronnait doucement, mais quelque chose n’allait pas.
Je l'ai amené chez le vétérinaire qui diagnostiqua un problème rénal. Quelques jours après, je l'ai ramené à la maison. Il était terriblement faible et pouvait à peine marcher. Je l'ai étendu sur un poncho de laine où il est resté toute la nuit.
Au matin, je l'ai amené et déposé à côté de sa litière au sous-sol. Il a semblé désorienté et a trébuché. J'ai alors noté que sa patte droite était inerte.
De nouveau chez le docteur. Il me dit que Roadcat avait eu une crise cardiaque la nuit précédente. La crise avait paralysé son côté droit et il était devenu aveugle. La radiographie révélait une tumeur près du cœur. Il n’y avait pas grand-chose à faire. Tout dépendait de moi, bien sûr.
Le lendemain, je me suis préparé du mieux possible, et au beau milieu d’un coucher de soleil rouge et jaune, je l’ai conduit sans me presser vers la clinique vétérinaire.
Mon ami et associé était allongé sur une table recouverte de papier blanc. Je me suis assis et, quand il a reconnu ma voix et mon odeur, il a soulevé la tête, dressé les oreilles et plissé le museau. Même si la salle était très éclairée, les pupilles de ses yeux verts restaient dilatées.
J’ai caressé sa nuque, et j’ai entendu un petit son car il essayait de ronronner.
J'ai fait signe au vétérinaire puis j’ai collé mon visage sur de celui de mon ami, essayant de traduire la peine que je ressentais, tant pour lui que pour moi. Éventuellement sa tête s’est affaissée. C’était fait. Georgia et moi l'avons ramené à la maison, enveloppé dans une couverture. Nous l'avons enterré dans le bois en bordure du sentier où il avait gagné sa vie.
Roadcat n'a pas juste vécu avec nous. Il participait activement aux affaires de la maison. Il était gentil avec nous, et nous l’étions avec lui. Quand je revenais certains soirs à la maison, je me rappelle comment il accourrait vers moi sur le sentier du boisé, au trot sur ses petites pattes un peu raides, la queue en l’air, légèrement recourbée. Je m’accroupissais et nous parlions un instant pendant qu'il se roulait sur le dos et me regardait en clignant des yeux.
Georgia et moi avons remisé la pelle et sommes retournés dans l'obscurité vers la petite tombe. En guise d’adieu elle dit : «C’était un bon garçon.» Incapable de parler, j'ai acquiescé. C’était en effet un bon garçon. Un véritable ami et associé qui est monté sur la grande aiguille du temps avec moi pour un moment, m'aidant à tourner les pages d’un quelconque vieux livre alors que le foyer crépitait doucement durant tous ces longs hivers.
J'ai lu ce touchant témoignage quelques jours seulement après avoir conduit ma fidèle amie à son dernier repos. Elle avait partagé 14 ans de sa vie canine avec la nôtre. Elle s'est endormie doucement et avec confiance dans nos bras. Elle a franchi le seuil en une fraction de seconde, et si paisiblement que j'ai regretté d'avoir repoussé l'échéance de mettre un terme à ses souffrances...
RépondreEffacerJ'ignore si vous lisez l'anglais ... mais voici un texte réconfortant où l'animal s'adresse à son maître après avoir quitté le corps :
RépondreEffacerI Stood Beside Your Bed Last Night
Author Unknown
I stood by your bed last night; I came to have a peep.
I could see that you were crying, you found it hard to sleep.
I whined to you softly as you brushed away a tear.
"Its me, I haven't left you, I'm well, I'm fine, I'm here"
I was close to you at breakfast, I watched you pour the tea.
You were thinking of the many times your hands reached down to me.
I was with you at the shops today; your arms were getting sore.
I want to take your parcels; I wished I could do more.
I was with you at my grave today; you tend it with such care.
I want to reassure you that I'm not lying there.
I walked with you towards the house as you fumbled for the key,
I gently put my paw on you, I smiled and said "It's me".
You looked so very tired and then you sank into a chair,
I tried so hard to let you know that I was standing there.
Its possible for me to be so near you everyday,
to say to you with certainty "I never went away".
You sat there very quietly, then smiled, I think you knew
That in the stillness of that evening I was very close to you.
The day is over.... I smile and watch you yawning
and say, " Good Night, Sweet Dreams, God Bless,
I'll see you in the morning".
And when the time is right for you to cross the brief divide
I'll rush to greet you and we’ll stand together side by side.
I have so many things to show you, there's much for you to see.
Be patient, live your journey out; then come home and be with me.
***
J'ai reçu un message tout à fait semblable de ma chatte. Les énergies restent pour un bon moment avec nous après le décès, et il est facile de sentir leur présence et de partager télépathiquement.
Merci pour ce texte touchant et pour votre sympathie; je l'ai lu non sans verser quelques larmes...Même si on sait que la vie est libre d'aller où bon lui semble, ce n'est qu'avec le temps qu'on réussit à apprivoiser l'absence des êtres que nous aimons.
RépondreEffacerJe ne sais pas si son esprit demeure près de moi, mais c'est réconfortant de l'imaginer...sinon j'aime penser qu'il se re-concrétise déjà, quelque part dans l'univers, portant en lui toute l'affection que nous avons partagée...xx
Oh oui, dure, dure, dure la séparation d'avec l'être physique. En réalité je ne m'y fait jamais. Ma seule consolation est de retrouver mes amis de l'autre côté du voile pendant mon sommeil; de joyeuses retrouvailles en attendant les «vraies».
RépondreEffacerBises
J'ai oublié Syl-Vie, peut-être aimerez-vous le billet «Pouvez-vous aimer autant que votre chien?» : http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/05/une-piste.html, dans lequel vous trouverez le lien/référence au superbe site «Sandra et le chie».
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