22 décembre 2010

Dieux personnels

La conception de dieux personnels est antidivine
Fractale : Roger Johnston, Pheonix Rising

Les hommes étant logiciens ne pouvaient se faire de Dieu qu’une représentation logique, ce qui les a conduits soit à l’imagerie sulpicienne, soit au fétichisme tribal, soit à la statuaire des Hindous.

Que le Dieu imaginé par l’Homme soit un Ra ensoleillé, un Moloch dévorant, un Zeus Olympien, un Jéhovah tonnant, un Siva au cent bras ou un Père Éternel à la barbe blanche, aucune de ces figurations ne répond, si pauvrement que ce soit, à l’auguste réalité.

La logique ayant figé l’humanité dans le culte de la personne, il s’ensuivit qu’elle ne put adorer que des dieux personnels. Or tout Dieu personnel, donc logique, est anthropomorphe, ce qui fait dire assez plaisamment, que si Dieu a fait l’homme à son image, celui-ci le lui a bien rendu.

Un dieu ressemblant à l’homme devait être nécessairement pétri de passions d’homme, nécessairement doté de logique et de raison. Raisonnant comme un homme ce Dieu présentait les imperfections de la logique humaine. Or nous avons vu que celle-ci manifeste son impuissance à résoudre les problèmes vitaux.

Les Anciens l’avaient bien compris, qui sous-estimaient les possibilités des Maîtres de l’Olympe, en plaçant au-dessus d’eux une divinité sourde et aveugle qu’ils appelaient le Destin. Les dieux grecs étaient tout puissants, sauf décision du Destin, et celui-ci ne se faisait pas faute de les contredire. Comment ne pas se dire que ce Destin des Grecs ressemblait furieusement au dieu moderne Hasard?

Personnaliser Dieu c’est le ravaler à la condition humaine, le soustraire à sa grandeur propre pour le ramener à notre dimension. Et c’est bien, en effet, ce que sont les dieux que, de déduction en déduction, s’est fabriqué l’homme. Les dieux de celui-ci sont de la troisième dimension. Or, quand un dieu a des dimensions, fussent-elles quatre, dix, cent ou mille, c'est qu'il n'est pas véritablement Dieu, lequel est l’Essence et n’a pas de plan.

Si quelque architecte logicien peut nous montrer les plans de l’Absolu, qu’il le fasse! Mais dès l’instant où il esquisse une ébauche son plan ne sera plus absolu.

Il faut que l’homme en prenne résolument son parti. Dieu échappe à toute personnalisation, à toute individualisation, à toute représentation, à toute conception, à toute compréhension, à toute logique. Tant que nous ne serons armés que de notre seule logique nous ne trouverons pas le chemin de l’Irrationnel.

L’amour, fil d’Ariane

Ainsi paraît-il que nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux, enfermés dans notre propre labyrinthe, celui que tous les logiciens de la terre ont construit avant nous et dans les couloirs duquel ils se sont et nous ont égarés. Nous n’avions qu’un moyen de nous en sortir, c’était de jeter l’édifice par terre et de nous retrouver au grand soleil. Au lieu d’abattre les murs chaque génération a construit des couloirs nouveaux, ajouté des chambres nouvelles. Aux chevaux de frise des Anciens les Modernes ont superposé leurs barbelés. De sorte que plus l’Humanité vieillit plus son labyrinthe devient complexe et moins elle peut s’en délivrer.

Un fil nous a pourtant été tendu, car tout labyrinthe suppose une Ariane. Le Christ n’est pas venu sur terre pour autre chose que nous enseigner la libération par l’Amour. Seulement voilà, l’Amour est souverainement illogique, nous l’avons maintes fois souligné avec d’autres et notamment dans l’Œuvre de chair.

L’Amour, qu’il soit charnel ou spirituel, est la négation passionnée de toute logique. Le raisonnement n’a aucune prise sur lui. Dans sa forme mineure il subjugue toutes les passions : orgueil, colère, paresse, gourmandise, avarice. Tout cède à sa vague puissante, même la crainte de la mort. Sous sa forme majeure il soustrait l’homme à sa relativité, le projette dans les étoiles, en fait une sorte de demi-dieu.

Faire de la logique en amour c’est ne pas aimer. On n’aime pas selon des règles. Le jeu de l’Amour est hors de toute norme et ne trouve qu’en lui-même sa limitation. Tous les grands saints ont été de grands amoureux, toutes les grandes saintes de grandes amoureuses. Et comment en serait-il autrement puisque l’Absolu est Amour?

C’est confusément mais instinctivement que tout ce qui vit et même ce qui est se trouve en direction de la Source de la vie, laquelle est Dieu, puisque la Vie est l’Amour.

***
La conscience des dimensions supérieures

Dans «Le Quatrième Avènement» (Oliven) Mme de Butafoco, à propos de la quatrième [dimension] a émis des réflexions intéressantes à méditer :
«Les êtres d’une plus petite fraction de seconde sont des êtres d’un autre univers. Le temps est la forme de l’être! Tu peux t’enfermer à l’intérieur des cubes de granit que tu appelles tes maisons, les êtres de la quatrième dimension y sont au-dedans et au-dehors, car c’est à travers eux que tu as établi tes cloisons illusoires. La quatrième dimension est la faculté de percevoir le dedans des choses.»

Je n’en dis pas plus lorsque dans «À la recherche de la Nième dimension» j’invite les chercheurs à laisser le rationnel à la porte pour se faire une conscience interne c’est-à-dire d’une autre dimension. 

Penser à la quatrième dimension, c’est déjà s’introduire en elle.

Vivre, si peu que ce soit, dans l’esprit de la quatrième dimension, c’est déjà la mériter.

Un des meilleurs moyens de pénétrer dans la quatrième dimension, c’est de se soustraire à la troisième. Chercher à abolir sa conscience tridimensionnelle éveille la conscience de la quatrième dimension.

C’est pourquoi nous croyons le moment de proposer au lecteur de se défaire de sa logique déductive, de son intelligence mentale, de ce que nous appelons la raison. Car nous entrons ici dans l’Illogique, seule issue efficace pour nous soutraire à la pesanteur du du rationnel.

Contrôle du déséquilibre cultivé

Ceci m’a amené à des constations psychologiquement anarchiques comme celle du rôle éminent du déséquilibre considéré comme une voie d’accès aux états supérieurs. C’est ainsi que j’ai pu, dans l’ouvrage cité plus haut, donner comme titre à un sous-chapitre : «La connaissance de la quatrième repose sur le déséquilibre de la troisième dimension.»

Je ne suis pas le seul à avoir senti la nécessité fondamentale de ce déséquilibre pour qui veut accéder aux plans dits surnaturels. Quelques audacieux, comme Charles Nicolle dans sa Biologie de l’Invention, ont attiré l’attention sur le caractère irrationnel de l’acte créateur et René Sudre a dit, au même propos, que cette activité échappe à la conscience.

Qui n’a été frappé, d’autre part, par l’instabilité, l’inégalité, l’inquiétude, l’agitation des inventeurs, des poètes (genus irritabile), des musiciens, etc.?

L’essentiel, pour qui veut rester à portée des humains normaux et communiquer avec eux par le chemin de l’expression de la pensée, est de ne pas s’aventurer, à corps perdu, dans ce déséquilibre sous peine d’être emporté tout entier. Il importe à celui qui se risque jusqu’au tourbillon de l’Irrationnel de ne pas se laisser entraîner par le vortex jusqu’aux profondeurs d’où personne ne remonte, mais de rester dans la frange d’écume d’où l’on peut encore ressortir. Alors celui qui garde sons sang-froid peut se pencher sur les parois lisses de l’abîme et jeter un regard jusqu’au cœur du Maëlstrom.

(…)
Le monde avait si longtemps payé le tribut aux formes les plus désuètes de la logique que, même en poésie, en art, en humour, on se retenait de penser. La tempête verbale de Hugo n’était qu’un zéphyr à côté de la révolution expressive de notre siècle. On l’avait vu en lettres avec le symbolisme du XIXe lorsque «le bourgeois» s’effarait devant Mallarmé.

Georges Barbarin

VOYAGE AU BOUT DE LA RAISON
La déroute des logiciens
Éditions de l’Âge d’or; 1962

3 commentaires:

  1. « Le temps est la forme de l’être ! »…
    Un bel aphorisme auquel l’on pourrait ajouter : « Le temps couvre et découvre toute chose » (Sprichwörter und sprüchreden der Deutschen [1842])
    Nous sommes simplement de passage et l’être ne peut rien changer à son destin, à sa forme ! Alors, assumons chacun notre destin et laissons faire aux dieux…car de toutes façons « L’Eternel est un, mais il a beaucoup de noms. » (Le Rig-Véda, VIIIème s. av. J.-C.)

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  2. «Une splendide auréole épanouie au tréfond de mon être s'amplifiait en englobant villes, continents, terre, constellations, nébuleuses, amas stellaires jusqu'aux ultimes galaxies. Le cosmos tout entier, doucement illuminé ... s'irradiait en mon être illuminé.»
    - Yogananda

    Voilà ce que nous sommes hors du confinement biologique. L'âme vogue sur les vents du changement et les énergies de l’Amour. Un Amour qui transformerait des galaxies entières de par sa lumière. Pourquoi pas la terre?

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  3. Oui, pourquoi pas la terre...
    ...qui nourrit les vivants et garde éternellement les morts!
    Se le rappeler permet de sortir du confinement biologique et de toucher la noosphère qui lie les âmes et empreintes spirituelles de tout être vivant.
    Combien ont cette conscience?
    "Penser à la quatrième dimension, c’est déjà s’introduire en elle". L'auteur à raison.
    Mais combien y pensent ?
    Combien ont cette expérience?
    Combien ont suffisamment d’espérance, de courage et d’amour pour en parler ?

    "Tant vaut l'homme, tant vaut la terre." (Proverbia vulgalia et latina, manuscrit du XIVème s. Paris, Bibl. Nat.)

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