5 juillet 2010

Whoops!

Eh bien, hier soir, figurez-vous que quelques-unes de mes connexions neuroniques ont carrément disjoncté.

Le déclencheur? Une vidéo de 45 minutes sur le «survivalisme» : quittez les côtes océaniques, les rives, faites des provisions, armez-vous pour défendre votre territoire, votre famille et vos biens, vous tomberez sous la loi martiale, le rationnement des utilités, des denrées, de l’eau, etc.

«Le bruit ne prouve rien. Parfois une poule qui vient de pondre un œuf caquette comme si elle avait pondu un astéroïde.»
-- Mark Twain

J’ai quand même regardé la vidéo jusqu’au bout par curiosité. À la fin, le conférencier nous avertit que la plupart des gens vont donner dans le déni après le visionnement. Ma foi, je trouve que c’est une très bonne chose. La plupart des problèmes n’ont pas de solution, ou bien la solution est pire que le problème. On est dépassé ou on ne l’est pas.

Le bon côté de l’exercice, c’est que j’ai frappé mon propre mur d’indifférence. J’ai brûlé d’un coup toutes les étapes du deuil - du déni à l’acceptation - pour carrément basculer dans l’indifférence par rapport à l’avenir de la planète. C'est peut-être temporaire, mais je dois avouer que je me porte beaucoup mieux. Que sera sera.

Et puis, je me suis rappelé du livre Siddhartha, que j’ai sorti du rayon poussiéreux pour retrouver cette fameuse citation où il est question d’aimer le monde tel qu’il est :
«… j’ai l’impression que ce qui est, est bien; je n’ai qu’à y consentir, qu’à le vouloir, qu’à l’accepter d’un cœur aimant. J’ai appris à mes propres dépens qu’il me fallait pécher par luxure, par cupidité, par vanité, qu’il me fallait passer par le plus honteux des désespoirs pour réfréner mes aspirations et mes passions, pour aimer le monde, pour ne pas le confondre avec ce monde imaginaire désiré par moi et auquel je me comparais, ni avec le genre de perfection que mon esprit se représentait; j’ai appris à le prendre tel qu’il est, à l’aimer et à en faire partie, telles sont, ô Govinda, quelques-unes des pensées qui me sont venues.»

L’auteur de ce livre, Hermann Hesse, fut un rebelle notoire comme en témoignent ces quelques extraits de la préface de Jacques Brenner :

Quel homme était Hermann Hesse? Il a donné en 1925 une Brève Biographie qui commence ainsi : «Je suis né vers la fin de l’ère moderne, peu avant le retour du Moyen Âge, sous le signe du Sagittaire et sous les rayons de Jupiter.»

Hermann Hesse naquit au sein d’une vieille famille protestante. Son grand-père maternel, le docteur Hermann Gundert, un Germano-russe, avait été un des pionniers de la mission évangélique aux Indes. Il s’était marié là-bas avec une demoiselle Dubois, originaire de Suisse romande, et c’est aux Indes que la mère de notre auteur était née. Le Docteur Gundert, à son retour d’Orient, travailla une trentaine d’années pour la Mission de Bâle à un dictionnaire de dialecte hindou. Le grand-père paternel Hesse, un Souabe, était lui-même pasteur et le père de Hesse fut pasteur également. Le petit Hermann suivrait sans doute la même voie.

Il confie dans Brève Biographie : «J’étais fils de parents pieux que j’aimais tendrement et que j’aurais aimés encore davantage si l’on ne m’avait pas fait faire si tôt la connaissance du quatrième commandement. Malheureusement, les commandements ont toujours eu, malgré leur justesse, une influence fatale sur moi. Je suis, de nature, un agneau, aussi facile à mener qu’une bulle de savon, mais je me suis rebiffé contre tous les commandements, du moins pendant ma jeunesse. J’entendais à peine ce tu dois que tout se figeait en moi. Comme on peut bien penser, cette particularité a été d’une influence plutôt néfaste sur mon caractère tout au long de mes années scolaires. Nos maîtres nous enseignaient pourtant, dans cette discipline si amusante nommée histoire, que le monde a toujours été gouverné et transformé par des hommes qui s’étaient donné une loi personnelle après avoir rompu avec la tradition. Et l’on nous disait que ces hommes étaient dignes d’admiration. Mais ce n’était rien que mensonge, comme du reste tout l’enseignement, car, si l’un de nous montrait (de bonne ou de mauvaise foi) du courage en violant un commandement ou en protestant seulement contre une sorte de coutume, non seulement il n’était pas vénéré ni érigé en modèle, mais puni, bafoué, écrasé par la honteuse suprématie des maîtres.»

On devine qu’avec ses dispositions d’esprit, le jeune Hermann éveillait la méfiance des maîtres. Un incident scolaire devait avoir son importance dans son développement intellectuel. Il fut accusé d’un méfait, du reste insignifiant, qui avait été commis en classe : «Comme j’étais absolument innocent et qu’ils n’arrivaient pas à me le faire avouer, ils firent un monstre de cette vétille et me battirent tant, que non seulement je ne lâchai pas l’aveu désiré mais encore je perdis toute foi dans l’honnêteté de la caste des instituteurs. J’ai fait plus tard, Dieu soit loué, la connaissance de maîtres dignes de respect, mais le mal était fait et mes rapports faussés non seulement avec mes maîtres, mais avec toute autorité.»

Il fugua, fut banni des collèges. À quinze ans il renonça à suivre la filière scolaire et entreprit seul son éducation, dans l’immense bibliothèque de la maison paternelle. Pour gagner sa vie, il pratiqua plusieurs boulots, puis il devint libraire. À l’âge de 26 ans, Hesse était parvenu à vivre de sa plume et savourait pleinement sa chance. Il se maria, devint père de famille, posséda une maison et un jardin. Il pouvait même jouer les mécènes. Il voyagea en Suisse, en Autriche, en Italie, même aux Indes en 1911.

Hermann Hesse se trouvait de retour en Europe quand éclata la première guerre mondiale. Et ce fut également l’éclatement de sa sécurité. Non qu’il fût mobilisable, mais il découvrit qu’il avait vécu dans le mensonge, puisque la société qui lui avait procuré son bien-être était la même qui lui avait permis le retour à la barbarie. Une société qui ne peut empêcher ou qui va même jusqu’à provoquer des guerres doit être radicalement condamnée.

Hesse fut un des rares intellectuels européens à comprendre aussitôt la monstruosité du conflit, l’abjection de la haine nationaliste et les impostures de la propagande. En 1919, son foyer détruit, la plupart de ses amis l’ayant abandonné, Hermann Hesse se retira dans un village du Tessin, à Montagnola, près de Lugano, et se fit ermite. Un ermite qui ne dédaignait pas la bouteille, où il trouvait l’oubli de ses rêves.

Bien qu’il eût perdu sa foi en sa vocation poétique et ne crût plus beaucoup à la valeur de son travail littéraire, il continua à écrire. Il se mit à peindre, expliquant que l’on a les doigts rouges et bleus quand on peint, alors qu’on les a noirs en écrivant. Écrire et peindre sont des jeux destinés à distraire les hommes de leur détresse.

Siddhartha est une recherche de sagesse. On y verra d’abord, transposé dans un décor hindou et d’ailleurs légendaire, le récit de la révolte de Hesse contre le piétisme de la maison paternelle. On y trouvera ensuite une profession de foi individualiste, un rejet de toutes les doctrines, une condamnation du monde de la puissance et de l’argent, l’éloge de la vie contemplative. Hesse se sert ici de l’écriture la plus sobre : sa simplicité savante évoque un très vieux langage. Des jeunes ont pu lire Siddhartha comme une œuvre initiatique et quasiment un texte sacré.

Il est à noter qu’à la fin, le fils de Siddhartha fuit la cabane de son père comme Siddhartha lui-même s’était éloigné de la maison paternelle : chacun ne peut trouver que seul sa voie. Hesse ne cessera de le répéter.

Il est évident que l’œuvre de Hermann Hesse a eu de quoi plaire à des générations successives de jeunes Américains, à la suite de Timothy Leary, qui s’enthousiasmaient à sa lecture et qui ont fait de Siddhartha un des plus grands succès de librairie de l’édition.

Le plus surprenant – mais qui nous réconforte –, c’est que cette œuvre aimée des jeunes gens est, en même temps, une œuvre littéraire de haute culture. Hermann Hesse a eu raison de se vouloir inactuel. Son œuvre de vieille civilisation s’affirme comme une œuvre de grand avenir.

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Hermann Hesse (né le 2 juillet 1877 à Calw, Allemagne; mort le 9 août 1962 à Montagnola, Suisse) était un romancier, poète, peintre et essayiste allemand devenu naturalisé suisse par la suite. Il a obtenu le prix Goethe, le prix Bauernfeld en 1905 et le Prix Nobel de littérature en 1946.

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Tarot Zen - Le Rebelle


Commentaire : Le personnage puissant qui domine cette carte est de toute évidence le maître de son propre destin. Sur son épaule : un emblème du soleil. Dans sa main droite, il tient un flambeau symbolisant la lumière de sa propre vérité acquise de haute lutte. Qu’il soit riche ou pauvre, le Rebelle est vraiment un empereur, car il a rompu les chaînes des opinions et des conditionnements sociaux répressifs. Il s’est réalisé en incorporant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en émergeant des racines sombres et informes de son passé inconscient et en développant des ailes pour s’élancer dans le ciel. Il est par essence un rebelle, non parce qu’il se bat contre quelqu’un ou quelque chose, mais parce qu’il a découvert sa propre véritable nature et est déterminé à vivre en accord avec celle-ci. Le Rebelle nous pousse à avoir le courage d’assumer la responsabilité de ce que nous sommes et de vivre notre propre vérité.

Les gens ont peur, très peur de ceux qui connaissent leur propre essence. De tels êtres qui se connaissent eux-mêmes dégagent une certaine autorité, une aura. Leur magnétisme, leur charisme est capable de libérer des personnes jeunes et vigoureuses de l’emprisonnement traditionnel…

L’être éveillé ne peut être réduit en esclavage, on ne peut pas l’incarcérer, c’est bien là l’ennui… L’homme qui a découvert son propre cœur conscient est nécessairement difficile à soumettre socialement. Il représente une force perturbatrice. Or, la foule ne veut pas être dérangée, même si elle vit dans la souffrance. La peine est devenue une habitude. Aux yeux des masses, l’homme content est insolite et perturbant.

L’être éveillé est un parfait étranger sur cette Terre. Il semble détaché de tout. Aucune organisation, aucune communauté, aucune société, aucune nation ne peut le confiner.

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Le Secret

Ma réflexion s’est ensuite naturellement tournée vers le contrôle et la liberté - fond d’écran des billets de ce blog dans un sens. Peut-être parce que l’étau social se resserre de plus en plus, au nom de la sécurité par exemple?

La vie n’est pas rectiligne, elle est en courbes et en détours comme les méandres d’une rivière. Parfois le courant est si violent qu’on a l’impression qu’on va y laisser sa peau. Parfois on fait des grands bouts en eaux tranquilles.


Pourquoi ce désir de contrôler la vie au point d’en faire un carcan? Même si l’on essaie de tout prévoir, planifier, sécuriser, de se protéger contre tout malheur ou désagrément, rien ne marche jamais comme on l’aurait souhaité, sauf en de rares occasions.

Un beau jour, le petit directeur, toujours frustré et insatisfait de sa vie en zigzag, finit par lâcher les poignées. Parce que la vie est un suspense, un thriller. Parce que pour atteindre la vie dont on rêve, il faudrait contrôler celle de beaucoup de monde. Remarquez qu’il y a de petits et grands dictateurs qui y parviennent…

Plusieurs écoles de pensée prétendent que l’on peut entièrement contrôler sa vie par la pensée «positive». «Tu crées ta propre réalité, et si tu n’aimes pas ta vie, tu n’as qu’à la changer!» et vlan, voilà la phrase assassine lâchée!
Je ne nie pas cette hypothèse ni la loi de cause et d’effet ou le fait que nos pensées puissent avoir un impact sur notre vie, au contraire. Au moins 45000 pensées - par jour - envahissent notre Moulin mental, et certaines restent longtemps accrochées dans les lattes…

Ce que je déplore c’est la manière dont on utilise cette affirmation à tort et à travers. Notamment dans le film Le Secret par exemple : «Vous n’avez qu’à penser positivement, et vous obtiendrez une nouvelle voiture, un job payant, le partenaire parfait et beaucoup d'argent».

Il s’agit d’une imposture, dans la mesure où c’est encore l’ego qui mène. Ce genre de film, supposément spirituel, parodie la véritable spiritualité. En réalité, Le Secret supporte exactement l’opposé car il encourage l’acquisition de richesses matérielles, et renforce l'idée malsaine que le bonheur et la paix dépendent de ce que nous possédons, de ce que nous faisons et de la façon dont les autres nous perçoivent.

Dire aux gens qu'ils peuvent atteindre le bonheur en acquérant plus de choses renforce simplement cette mentalité qui nous pousse à vider la planète de ses ressources et à acheminer notre culture vers l'extinction finale. Le message du Secret aurait eu un impact spirituel réel s'il avait plutôt aidé les gens à réaliser cela.

À mon avis, il est malhonnête d’utiliser des affirmations aussi inconvenantes qui entretiennent les faux espoirs, la culpabilité et le jugement. Ces déclarations peuvent également être injustes envers les personnes qui sont malades ou pauvres. Le message du Secret suggère qu'elles sont entièrement responsables de leur propre destin. Cela voudrait-il dire qu’en Haïti, en Louisiane ou ailleurs dans le monde, des millions de victimes souffrent parce qu'elles ont manqué de vision positive? Voilà une question qui soulève beaucoup de débats et contradictions, et avec raison.

Que savons-nous vraiment de la «réalité»? Que savons-nous de ce que les gens veulent expérimenter sur terre? En tant qu’individus, nous naissons avec un agenda et une date d’expiration. Globalement, les espèces, les races, les pays et les nations ont des agendas et une date de péremption, et la terre elle-même n’y échappe pas – néanmoins, elle ne disparaîtra demain matin. À l’intérieur des limites matérielles, chacun se débrouille de son mieux pour mener à bien son expérience. Même si l’on possède une certaine maîtrise de la matière, il y a des choses qu’on ne peut pas modifier. L’instinct, les émotions et les désirs, que nous prenons souvent à tort pour de l’intuition, façonnent nos vies. De «vraies» intuitions nous éviteraient-elles certains déboires dramatiques? On n’en sait trop rien.

Alors, réduire la VIE à l’option positiviste est plutôt enfantin. D’autant qu’on ne peut pas appliquer la théorie causale «karmique» à tous les événements, car il arrive de véritables «accidents» dans nos vies personnelles, dans la nature et dans le cosmos.

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Une note humoristique pour terminer

Le Secret, version John Wing
(Humoriste stand-up, parfois un peu cynique)

Quand j’étais petit, je devais avoir 7 ans je crois, la seule chose que je voulais, c’est avoir un chien, un gros chien.
J’étais vraiment obsédé.
Je passais mon temps à supplier mon père d’en acheter un.
Mais, mes parents n’avaient pas d’argent.
Un jour, mon père me dit : «Si tu pries vraiment très fort, tu en auras un à Noël.»
J’ai prié très très fort.

Miracle!
Une semaine avant Noël, mon père est devenu aveugle.
Alors, il a fallu acheter un chien!
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Morale de l'histoire : oui, plus on se concentre, plus on a de chance que nos vœux se réalisent… mais comment et à quel prix?

1 commentaire:

  1. Anonyme6.7.10

    Il n'y a effectivement pas à s'inquiéter pour l'avenir de la planète. Elle poursuit sa course, sur son ère...
    Cependant des "alerteurs" d'opinion (de plus en plus nombreux) se manifestent au sujet de l'avenir de l'espèce humaine.
    En voici encore un exemple:

    http://www.7sur7.be/7s7/fr/2668/Especes-Menacees/article/detail/1127764/2010/07/01/Il-n-y-aura-plus-d-Homme-dans-100-ans.dhtml

    Que sera,sera...of course! Mais le wait and see fataliste général, apolitique, de bon aloi et sous le contrôle "Malthusien" d'une minoritée "survivaliste" fortunée n'est-ce pas là, malheureusement, la tendance qui se développe?

    Réagissons,défendons et respectons plus que jamais,au risque de passer pour des utopistes,les équilibres de la nature et du cosmos.
    Être humain c'est prendre conscience de la situation planétaire, de sa place et de sa responsabilité au sein de la biosphère. C'est être rebelle au formatage et au conditionnement de masse, c'est être effectivement éveillé et espérer un bel avenir pour notre espèce avec les autres formes de vie sur Terre.
    Les "maitres à penser" ont balisés le chemin de l'insurrection des consciences, il ne reste plus qu'à cesser de louvoyer, d'être fort, fier et de bon sens. Pour nombre d'entre nous la décision est difficile car elle nécessite une réflexion globale à l'aune de la sagesse, de la gentillesse et de la générosité.
    Autant de qualités encore opposées à la cupidité généralisée et au matérialisme consumériste dominant. Mais enfin, c'est toujours possible, l'idée est là. Le temps est venu...

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