15 juillet 2010

Be kind...

J’adore vulgariser car cela me permet de découvrir, d’apprendre, de m’émerveiller et de m’endormir moins ignorante à chaque soir…

Je me liquide. Il est un âge où par lucidité on devient entrepreneur en démolitions.
(Alain Bosquet)

Aujourd’hui, pour continuer mon sabotage du détestable complexe de supériorité humain et enrober l’argumentation, j’ai déterré un vieil os fort bien conservé : «Les animaux révélés» - Animal Watching; Desmond Morris.


À mes yeux (en 1990) ce livre confirmait à quel point il est ridicule de nous prétendre supérieurs aux animaux. Plus tard, Richard Dawkins effaça tout résidu d’ambivalence.

«Les animaux développent des astuces pour trouver et attraper de la nourriture; pour éviter de se faire attraper et manger à leur tour; pour éviter la maladie et les accidents; pour se protéger des conditions climatiques; pour trouver des membres du sexe opposé et les convaincre de s’accoupler; et pour assurer les meilleures conditions de vie possibles à leur progéniture.»
(Richard Dawkins, The Selfish Gene)

L’œuvre entière de Desmond Morris démontre qu’il y a une sorte «d’intelligence universelle» (la même pour tous et l’on se fout du nom qu’elle peut porter - Dieu, Esprit, All That Is, énergie universelle, etc.) qui donne vie à la matière. Il est évident que l’espèce détermine la façon de vivre, mais, le dénominateur commun reste le même : la survie.

Certains humains avouent appartenir au règne animal, mais sans vraiment y croire. Ainsi, quand l’homme fait preuve d’astuce, c’est de l’intelligence; quand l’animal fait preuve d’astuce, c’est de l’instinct. Question de vocabulaire et manière d’interpréter à notre avantage. Le chien de mon voisin ne joue pas de violon, et son propriétaire non plus…

Bref, pour donner une idée de la similitude entre espèces animale et humaine, et peut-être réaliser que nous n’avons pas de quoi se faire péter les bretelles, voici le sommaire du livre de Morris.

Comportements sociaux
Comment les animaux s’organisent en groupes sociaux.
Les comportements de fuite
Comment les animaux se figent, fuient ou se battent pour se défendre contre les prédateurs.
La cuirasse protectrice
Comment les animaux se couvrent de coquilles, d’écailles et d’épines.
Le camouflage
Comment les proies se cachent des prédateurs et les prédateurs de leurs proies.
Signaux d’avertissement
Comment les animaux venimeux avertissent les autres de ne pas les toucher.
Les armes chimiques
Comment certaines espèces font usage d’armes chimiques.
Les parades de détournement
Comment certains animaux détournent l’attaque ennemie de leurs organes vitaux.
Les parades d’intimidation
Comment les animaux inoffensifs trompent leurs attaquants en leur faisant peur.
Les simulacres de mort
Comment certains animaux font le mort pour avoir une chance de survie.
L’automutilation
Comment certains animaux ont la vie sauve en sacrifiant une partie de leur corps.
Les feintes
Comment certains parents détournent de leurs petits l’attention d’un attaquant.
Les attroupements
Comment certains petits oiseaux peuvent se liguer contre un prédateur et le forcer à abandonner la partie.
La quête de nourriture
Comment les animaux sont chasseurs, charognards ou fouisseurs.
Le leurres
Comment certains prédateurs tendent des embuscades à l’aide d’un appât très particulier.
Manger
Comment les animaux écalent, plument et nettoient leur nourriture avant de l’avaler.
Le stockage alimentaire
Comment les animaux stockent leurs réserves.
L’entraide
Comment les animaux appartenant à des espèces différentes tirent un bénéfice réciproque à partager leur vie.
Boire
Comme certains animaux peuvent se passer de boire et comment ceux qui boivent trouvent l’eau et l’absorbent.
Le cannibalisme
Comment certains animaux attaquent et dévorent des membres de leur propre espèce.
L’utilisation d’un outil
Comment certains animaux se servent d’un ustensile pour se nourrir ou se battre.
Les comportements conflictuels
Comment les animaux réagissent quand ils sont pris en même temps entre deux désirs contradictoires
Les intensités typiques
Comment certains gestes font de meilleurs signaux en devenant plus rigides.
Les expressions faciales
Comment des changements d’expression sont devenus des signaux.
Les comportements de lutte
Comment les animaux défendent leur territoire, établissent une hiérarchie sociale, exécutent des parades de menace et, en dernier ressort, se livrent un combat au corps à corps.
Les comportements de soumission
Comment des animaux dominés tentent d’apaiser des compagnons ou rivaux dominants.
Les parades nuptiales
Comment les animaux s’excitent mutuellement et parviennent à synchroniser l’intensité de leur excitation sexuelle.
Les arènes de parade
Comment certains animaux dégagent un espace pour y exécuter leur parade nuptiale.
L’accouplement
Comment les animaux parviennent à mettre les œufs en contact avec le sperme.
La nidification
Comment les animaux construisent un gite protecteur dans lequel ils élèveront leurs petits.
Les soins parentaux
Comment font les parents pour nettoyer, nourrir, transporter et protéger leurs petits.
Le jeu
Comment les jeunes animaux pratiquent le sport, explorent et se socialisent.
La toilette
Comment les animaux entretiennent leur corps avec des bains de boue, d’eau, de sable, de poussière, de fourmis, de fumée et de soleil.
Le sommeil
Comment les animaux s’immobilisent à intervalles réguliers pour se déconnecter du monde extérieur.

Voyez-vous une différence? Les «esprits, âmes, entités, énergies» – appelez-les comme vous voudrez – qui ont créé l’espèce humaine ont privilégié le développement mental au détriment d’autres facultés telles que la communication télépathique, l’interprétation du langage corporel, etc. Nous avons besoin d’émissions de télé comme «Lie to Me» pour se reconnecter au décodage du non-verbal et des micro-expressions… C’est dire!

Revenons à Desmond Morris avec un extrait de son introduction :
«Enfant, l’un de mes plus grands plaisir, était d’observer les animaux. Je partageais mon temps entre les centaines d’animaux familiers que j’avais chez moi et les animaux sauvages de la campagne du Wiltshire. Je passais avec eux tellement de temps que je finissais par penser comme eux, à voir le monde à leur manière. Au point que je commençais à considérer comme mes ennemis les hommes qui les chassaient. À l’époque, ce n’était pas une attitude très courue. Chasser et pêcher allaient de soi. Dans la campagne anglaise où je vagabondais, tout le monde le faisait. Dès mon jeune âge, je me suis rebellé. Je préférais les renards et le gibier à plume aux chasseurs. Et je détestais les pêcheurs avec leurs hameçons pointus, ainsi que l’inconscience avec laquelle ils arrachaient allègrement les poissons à leur milieu.

Par-dessus tout, je voulais comprendre le monde des animaux. Il y avait tant de mystères et il était difficile de savoir comment s’y prendre et par où commencer. J’essayai de me rapprocher d’eux. Je découvris que rester immobile le plus longtemps possible était le premier des secrets. Je constatai que la plupart des gens, même les naturalistes avertis, parcouraient à grands pas les sous-bois, battaient campagne, en quête d’inédit. Mieux valait, me semblait-il, attendre simplement que la nature vienne à vous plutôt que de partir maladroitement à sa recherche.

Mon appétit pour l’étude des animaux, simples et complexes, était insatiable. Fatalement, j’étais destiné à devenir zoologiste.

Quand j’ai finalement obtenu mon diplôme, je me suis heurté à un problème difficile à résoudre : pour transformer la fascination de mon enfance en une profession d’adulte, il me fallait mener des expériences sur les animaux. La zoologie connaissait alors une phase expérimentale en laboratoire, ce qui n’avait rien pour me plaire. Je n’étais pas prêt à traiter mes amis les bêtes de cette manière.

Alors même que j’étais sur le point de renoncer à la zoologie, j’eus la chance d’assister à une conférence du grand éthologue Niko Tinbergen. Je ne connaissais rien à l’éthologie, mais je ne tardai pas à comprendre : c’était l’étude naturaliste du comportement animal. Tinbergen démontrait qu’il était possible d’étudier scientifiquement les animaux par la seule observation. Par l’observation systématique et analytique, on pouvait mener des expériences de terrain qui réduisaient au minimum les risques d’interférence.

Pour moi, c’était une révélation. Cela voulait dire que, en comptant et notant les actions des animaux et à des périodes données, je pouvais me livrer à des analyses compliquées qui permettraient de déchiffrer des types de comportements élaborés présents chez beaucoup d’espèces. Cela voulait dire aussi qu’au lieu de deviner qu’une tache rouge ou un petit coup de queue correspondait à un signal de menace ou à une parade, je pourrais en apporter la preuve, aller de l’avant sans devoir me retourner. Tout un monde nouveau d’étude animalière s’ouvrait devant moi, qui depuis n’a jamais cessé de me fasciner.

J’appliquai la même méthode, observant les gens plus que je ne leur parlai, et j’appris beaucoup sur la manière dont les humains réagissent les uns aux autres. Je publiai les fruits de cette étude dans un ouvrage intitulé La Clé des gestes et poursuivis pendant vingt ans mes investigations sur cette espèce curieuse, l’Homo sapiens.

[Morris décida par la suite de publier un équivalent au sujet des animaux, l'ouvrage dont il est question ici.]

IL n’y a rien dans ce que fait un animal qui ne s’explique, à condition que l’observateur montre suffisamment de patience et d’ingéniosité. Tout a une raison d’être, chaque mode de comportement doit améliorer les chances de survie de l’animal concerné. En fin de compte, les mystères de l’animal peuvent toujours être déchiffrés.

Il y aura certes quelques romantiques pour le regretter. Ils préféreraient conserver un mystère aux mystères de la nature. Pour eux, tout expliquer risquerait d’en détruire la beauté. Mais ils ont tort. Savoir que telle danse ou telle parade de couleurs éclatantes fait partie d’un fonctionnement territorial ou d’un mécanisme d’excitation sexuelle ne lui retire pas sa beauté. Comprendre le fonctionnement d’un chant d’oiseau ne rend pas celui-ci moins délicieux. Le refus romantique de l’analyse repose sur une illusion. Il favorise également une tendance dangereuse. Car, pour le romantique, l’oiseau de paradis est bien plus merveilleux que l’humble moineau. Toute espèce animale dont l’apparence paraît terne sera ignorée, voire maltraitée. Pour l’éthologie, au contraire, chaque espèce est fascinante – le point ultime d’une évolution complexe qui s’est accomplie sur des millions d’années. Chaque espèce dispose d’un ensemble élaboré de mécanismes de survie et même les espèces qui paraissent sans attrait deviennent passionnantes quand on commence à explorer leur propre mode de vie. Pour un observateur consciencieux, le comportement social du moineau, que l’on ignore, est tout aussi déconcertant que celui de l’oiseau de paradis.

Un dernier commentaire sur ma manière d’utiliser le mot « animal ». Beaucoup de gens confondent les mots « animal » et « mammifère ». Ils parlent de poissons et d’insectes, par exemple, comme s’ils étaient des mammifères. Ce qui vit est une plante ou un animal. L’amibe est un animal, à l’égal de l’éléphant. L’observation du comportement animal couvre toute la gamme, allant des créatures microscopiques aux mammifères les plus gros. Cela dit, je dois reconnaître que j’ai favorisé les espèces qui nous sont familières ou, du moins, celles qui leur sont apparentées. À quoi bon expliquer des types de comportements animaux difficiles à observer? J’ai fait en grande partie impasse sur le monde microscopique, car peu de gens possèdent des microscopes. Je me suis limité aux formes de vie les plus évoluées, plus faciles à observer mais aussi, dans une certaine mesure, plus significatives pour notre espèce. Nous apprenons davantage sur nous-mêmes des singes que des microbes, et à considérer notre monde moderne, nous avons besoin d’en savoir le plus possible sur nous-mêmes.

Comme je l’ai déjà écrit dans mon livre sur le comportement humain, nous ne sommes que des animaux dont la tête a… enflé, et plus tôt nous accepterons ce fait, mieux nous nous en trouverons. Anthropoïdes et bipèdes, nous avons réussi à dominer notre petite planète au point que nous risquons de l’étouffer. Nous pouvons tirer bien des leçons des autres animaux, pour notre plus grand bénéfice. Il est temps de nous asseoir afin d’observer les autres créatures avec lesquelles nous partageons cette planète. Elles ont beaucoup à nous apprendre.

Notre préoccupation première devrait être d’aimer les animaux pour eux-mêmes et non pour nous. Dans le passé, nous n’avons que trop utilisé notre savoir pour les exploiter plutôt que pour les exalter. Le moment est venu de changer cela, et mieux nous apprendrons à simplement observer les animaux, plus facile ce sera

-- Desmond Morris, 1990

Wikipédia :
Desmond Morris, né le 24 janvier 1928 au Royaume-Uni près de Swindon, Wiltshire, est un zoologiste vulgarisateur et un artiste peintre surréaliste. Il réalise en 1957 une exposition de peinture faite par Congo, son chimpanzé, avant d'être remarqué comme présentateur pour l'émission Zoo Time dans les années 1960. Également producteur de show télé et auteur de livres de zoologie, son éclectisme n'a pas contribué à sa crédibilité scientifique dans sa présentation animale de l'être humain. Il reste pourtant un précurseur en matière d'éthologie humaine (voire de la sociobiologie humaine), notamment à travers l'ouvrage Le Singe nu, best-seller vendu à plus de dix millions d'exemplaires.

Site officiel - bibliographie complète : http://www.desmond-morris.com/

Articles de Desmond Morris – dont celui à propos des éléphants qui peignent des tableaux (2009) – en anglais : http://www.dailymail.co.uk/home/search.html?s=y&authornamef=Desmond+Morris

***
Be kind, for everyone you meet is fighting a hard battle.
(Philo)


Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu’ils veulent leur bien.
(Luc Clapiers)

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