6 juillet 2010

Trois peuples

Les tribus de l’OMO


Photographies des peuples de l'OMO : Hans Sylvester

À voir, ça vaut le détour - de toute beauté :

(Note : Le texte suivant provient d’un diaporama en espagnol que j’ai traduit. On le retrouve sur la plupart des blogs concernant ces tribus; difficile de remonter à la source pour créditer l’auteur. Je m’en excuse.)

«Aux abords de l'Éthiopie, à des siècles de la modernité, Hans Sylvester a photographié pendant six années des tribus où hommes, femmes et enfants pratiquent un art très ancien, la peinture digitale. Aux pieds de la rivière Omo, dans le triangle Éthiopie/Soudan/Kenya, la grande Vallée du Rift s’est lentement séparée de l'Afrique, et depuis, le sol de cette région volcanique offre une vaste gamme de pigments argileux de couleurs variées : kaolins blancs, ocres, rouges, verts, jaunes ou gris clair. Ces indigènes ont le génie de la peinture, et leurs corps de deux mètres de hauteur se transforment en véritables chefs-d’œuvre.

La puissance de cet art se résume en trois mots : doigté, rapidité et liberté gestuelle. Ils utilisent leurs mains, la pointe de leurs ongles, parfois un morceau de bois, une canne ou une tige écrasée. Ce qui les anime, c’est un désir de peindre pour décorer, séduire, briller, jouer, pour le plaisir de créer de la beauté selon l’inspiration du moment. Ils n’ont qu’à tremper leurs doigts dans l'argile et, en deux minutes, l’on voit apparaître sur leur poitrine, leurs seins, la zone pubienne, les jambes, un Picasso, un Pollock, un Tàpies, un Klee…»

Connaîtront-ils le même sort que les Pénans? Il ne faudrait surtout pas qu’on découvre des gisements de pétrole à proximité, car à ce moment-là, c’est l’extinction garantie! http://survivalfrance.org/peuples/valleedelomo

James Cameron semble s’être inspiré des peintures corporelles de ces tribus pour son film AVATAR. Le cinéaste a peut-être aussi puisé dans la biographie de Bruno Manser (Sam Worthington lui ressemble étrangement) pour son scénario. L’écologiste Suisse a vécu les dernières années de sa vie chez les Pénans, en Malaisie. Il espérait les sauver des ravages de la déforestation systématique. Depuis sa disparition en 2001, les choses ont empiré malgré tous les efforts des groupes de pression internationaux.

La tribu Pénan et Bruno Manser  

2001 : À Bornéo (Malaisie), 50% des forêts de l’île appartiennent à un propriétaire unique. Il y a quelques décennies, 60% de cette forêt était encore debout – on parle ici d’arbres centenaires de 92 m (300 pieds) de hauteur et de bois rares. Or, le pillage des douze années précédentes fait en sorte qu’il n’en reste que 10%! La majeure partie des coupes sert à fabriquer des résidences, meubles et objets de luxe, entre autres. Par conséquent, les aborigènes de l’île sont en voie d’extinction. L’écologiste Suisse a mystérieusement disparu lors de son dernier voyage à Sarawak en décembre 2000; on n’a pas trouvé trace de lui depuis. Site de la Fondation Bruno Manser : http://www.borneoproject.org/article.php?id=273

Mars 2006 : Aux dernières nouvelles, le gouvernement de l’État du Sarawak (Bornéo) a accompli un pas important vers la protection de l’une des dernières zones de forêt vierge de la Malaisie orientale en créant officiellement le parc national de Pulong Tau. La Suisse contribue pour une large part à la réalisation de ce projet qui bénéficie quand même d’un soutien international.

Mars 2010 : Il ne reste plus qu’une cinquantaine de familles qui habitent à l’intérieur du peu qui reste de la forêt. Une pétition à signer : http://www.borneoproject.org/article.php?id=800 http://www.borneoproject.org/index.php En allemand et anglais.

Bruno Manser est mort une deuxième fois
Par Tristan Ranx (2008)

-Je me souviens qu’à l’époque vous aviez parlé de ce Suisse devenu le défenseur des tribus penans de Bornéo…”
-Bien sûr, c’est Bruno Manser!
-Cela fait des années qu’il a disparu, dis-je.
Bertolino hoche la tête.
-Il a été tué…
Dit-il.

Je laisse Jean Bertolino à son présent minéralisé. Le nom de Bruno Manser aura été prononcé au Baron ce soir. La chose est certainement unique et historique. Une remise à niveau entre 1968 et 2008. La température monte. Le fantôme de Bruno Manser passe devant le bar. Il est torse nu, les cheveux coupés au bol à la manière Pénane et il porte ses petites lunettes rondes d’universitaire. Je le vois faire l’accolade à Thierry Théolier et Samuel Segas. Il leur raconte certainement son combat contre les compagnies forestières japonaises et les potentats locaux, sa lutte acharnée pour sauver la forêt et les derniers hommes libres de Bornéo.

Bruno Manser me fait penser à Learoyd, le Roi irlandais de Bornéo, le personnage de “l’Adieu au roi” de Pierre Schoendoerffer. Je regarde Jean Bertolino, et lui aussi me fait penser à un personnage : Fergusson, l’étrange officier supérieur de Learoyd.

“Fergusson restait imperturbable. Il était un mur, une digue qui résistait à tous les assauts. Pourtant derrière ce masque de certitude, un doute poursuivait lentement son chemin aveugle, jusqu’au jour d’octobre 1946 où comme la solution d’un problème difficile apparait soudain évidente et lumineuse, Fergusson sauta à l’eau.”

La révolte écologique prend la teinte de la tragédie et la petite bouteille d’eau vire au rouge. Le gouvernement malaisien avait envoyé 200 commandos pour traquer et tuer Bruno Manser, le Roi de Bornéo. Aujourd’hui, accompagné des riffs d’Eudeline, entre les suaves velours du Baron, nous pouvons imaginer un nouvel adieu au Roi.

Blessé, Bruno Manser agonise entre le bar et la porte du Baron. Les soldats d’élite ont sortis les kriss pour en finir une fois pour toutes avec le rebelle étranger. Bruno Manser sait qu’il va mourir. “La vie est courte comme un pet!” avait-il l’habitude de dire. Manser fait face à ses tortionnaires, il sait ce qu’il lui reste à faire en tenant fermement son poignard devant lui.

“La nuit, disait-il, c’est toujours pire que dans la journée. Tout est noir autour de toi et tu te traines dans la douleur. Ce que j’ai vécu pendant les quatre semaines après la morsure du serpent, si c’était la fin de ma vie, je me serais directement coupé la gorge ou j’aurais demandé à quelqu’un de le faire. Je ne voudrais pas souffrir comme ça une deuxième fois.”

Bruno Manser était un excellent dessinateur. Tous ses cahiers ont été archivés.
***
Que dire de la destruction de la forêt amazonienne, entre autres, pour l’élevage bovin de Ronald McDonald?

«Chaque minute en Amazonie, on déboise l’équivalent de 60 terrains de football. C’est un peu idiot, il n’y aura jamais assez de
joueurs.» (Philippe Geluck) 
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À la suite d’un reportage à l'émission Classe économique de Radio Canada vendredi dernier , j'ai eu envie de fouiller le sujet.

La tribu de l’Île Nauru
Arte - 21 septembre 2006

Nauru, vous connaissez? C’est une toute petite île, de la taille d’une commune française, située dans le Pacifique, à l’est de l’archipel indonésien. Une île sans histoire, ou plutôt dont l’histoire au sens occidental du terme commence avec l’arrivée des Européens. Les Allemands d’abord, qui l’annexent en 1888, puis les Anglais après la première guerre mondiale qui en confient l’administration à l’Australie. Tous se servent abondamment dans les réserves naturelles d’un phosphate très pur qui servira à produire de l’engrais.

En 1968, Nauru accède à l’indépendance. Le phosphate se vent à prix d’or et les devises pleuvent sur les 12 000 habitants de l’île : deux milliards de dollars en trente ans. Soins médicaux gratuits, golfs, courts de tennis, domestiques chinois, voitures à gogo (pour trente kilomètres de route) et placements immobiliers spéculatifs en Australie et à Hawaï, censés produire une rente quand la source se sera tarie [1].

Car, bien entendu, les meilleures choses ont une fin. Les gisements de phosphate s’épuisent, l’argent ne rentre plus, les placements immobiliers s’effondrent, la dette gonfle. Quant aux habitants, gavés de consommation à l’occidentale (ce fameux modèle que le monde nous envie), ils souffrent de diabète (45% de la population) et d’hypertension, ils survivent avec deux cents euros par mois sur une île qui ressemble à un cauchemar. Leur culture d’hospitalité, d’entraide et de partage existe encore, mais de moins en moins : face aux difficultés quotidiennes, la tendance est à l’individualisme et la méfiance. "Nous n’en sommes pas encore à fermer notre porte aux autres, constate un habitant. On partage, encore. C’est dans notre culture. Mais il va falloir qu’on s’en débarrasse. Maintenant, nous sommes dans le monde civilisé, nous sommes dans la compétition."

Ce que nous montre le reportage de Laurent Cibien et Pascal Carcanade, c’est une île grattée jusqu’à l’os. Au delà d’une minuscule frange littorale où rouillent des carcasses de bateaux et des engins de halage, il n’y a plus que des dents rocheuses mortes, là où la terre a été pelletée pour en tirer le phosphate. Enfin, il y a autre chose, aussi : des gigantesques décharges à ciel ouvert : frigos, téléviseurs, meubles, voitures. C’est ce qui reste de Nauru.

Mais ce n’est pas tout : à la misère des habitants et au saccage de la terre s’ajoute la honte de servir de prison dorée. L’Australie donne de l’argent à Nauru, et en échange, elle y parque des demandeurs d’asile (essentiellement des Afghans et des Irakiens) pour une durée indéterminée. C’est ce qui s’appelle la Pacific solution. Il fallait y penser.

Un réservoir de matières premières, une décharge à ciel ouvert pour l’Occident, un camp de détention pour les demandeurs d’asile : Nauru n’est pas un accident de l’histoire ou une déplorable exception exotique. C’est la face noire de la mondialisation, c’est le sort que les pays dits développés réservent au reste du monde.

[1] Nauru, l’île aux désastres, un reportage de Laurent Cibien et Pascal Carcanade pour Arte.

Vidéo-reportage :
http://www.dailymotion.com/video/x7nxdt_limplosion-ecologique-de-lile-de-na_news

Commentaire Dailymotion : Et si nous étions en train de faire pareil à l'échelle planétaire? Nauru était le 2e pays le plus riche du monde, et après avoir extrait tout le phosphate de son sol et détruit la terre cultivable et les forêts, il est sur la banqueroute.

Reportage Arte du 06/12/2008.

Pour un article en profondeur : http://www.article11.info/spip/spip.php?article618

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À propos des conquérants

«Il faut savoir où l’on va, savoir ce que l’on veut; si l’on veut posséder le monde entier. Quand le fils de Sarreault parlait de massacres d’aigrettes, ces merveilleux oiseaux, je pensais : l’oiseau se réjouit des insectes dont il se nourrit, l’homme qui est devant moi trouve son plaisir à détruire l’oiseau, l’Allemand se réjouit en massacrant des Français. Les pionniers belges au Congo ont acheté des petites esclaves en guise d’appât pour la chasse au tigre et les ont attachées sur des fourmilières pour que leurs cris de douleur attirent le fauve; et ils ont coupé, par centaines, les mains des Noirs qui refusaient le service de portage.

Aujourd’hui les Boches ont coupé les mains à des enfants belges. Les Anglais ont martyrisé les Boers, les Boers avaient martyrisé les Noirs du Sud Africain. C’est l’universelle horreur et l’universelle inconscience, il n’y a là ni humanité, ni bien, ni rien du genre, rien que le déchaînement des appétits qui sont engendrés par l’illusion de la réalité du « Moi » et qui gravitent autour de lui. Il y a l’aveugle désir « d’être », de « durer », contraire à la loi immuable qui est l’impermanence de tout. Tous ces gens autour de moi me produisent l’effet d’orties irritantes, leur agitation désordonnée et folle m’est pénible. J’ai hâte de retrouver des montagnes, la solitude, la paix.» (Alexandra David-Néel, Correspondance, 1917)

Conclusion

Qu’est-ce qui nous fait croire que nous sommes supérieurs aux tribus de l’OMO en Afrique ou à la tribu Penan en Malaisie?

Notre fortune, nos châteaux, les tours de béton de nos mégapoles? Notre capacité de forer le monde entier, d’éliminer tout ce qui barre notre route, sur terre, sur mer et dans les airs?

On a parfois l’impression que notre indécrottable complexe de supériorité ne disparaîtra qu’avec nous.

Autrefois, quand des nations voulaient s’emparer d’un territoire, elles procédaient à un génocide de la population indigène, tout en se gardant une réserve d’esclaves, bien entendu. On a vu le phénomène se répéter en Amérique du Sud et du Nord, dans le Pacifique, en Australie, en Afrique, etc. Mais, certains peuples le font d’eux-mêmes en copiant/collant le mode de vie occidental, comme le démontre la triste histoire du peuple de l’Île Nauru. Maintenant, pour asservir les pays occidentaux, on appauvrit les États via la dette nationale, la faillite, la dépendance économique, et ainsi de suite.

Va bene.

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