Portrait préoccupant de la pollution
près de nos routes
Les années lumière, 3 novembre 2019
Une étude
pilote publiée cette semaine par des chercheurs de l'Université de Toronto
révèle l'état préoccupant de la pollution atmosphérique aux abords des routes
et autoroutes des grands centres urbains. Gino Harel en livre le compte rendu.
La recherche compile des mesures de nombreux
polluants – comme le dioxyde d’azote et le noir de carbone –
prises à partir de six sites de surveillance à Toronto et à Vancouver. Les
travaux ont été menés en collaboration avec Environnement et Changement
climatique Canada, le gouvernement ontarien et la Ville de Vancouver.
Film d'animation "Let's Pollute : Détruisons la planète dans la joie et la bonne humeur"
Outre les polluants soupçonnés, comme ceux liés à la combustion de carburant diesel des gros camions, le rapport dévoilé cette semaine constate aussi les répercussions de la multiplication des véhicules de promenade de plus en plus lourds, comme les véhicules utilitaires sport. Les auteurs de l’étude ont notamment pris en considération les particules qui se dégagent de l’usure des freins et de pneus de ce type de véhicules.
Audiofil :
Poussière au Port de Québec : la
ministre Guilbault n’interviendra pas
Patricia
Cloutier
Le Soleil, 3
mai 2019
La ministre responsable de la
Capitale-Nationale Geneviève Guilbault n’a pas l’intention d’intervenir auprès
du Port de Québec pour que cessent les épisodes de poussière sur le quartier
Limoilou, comme le
réclame le député solidaire Sol Zanetti.
Lors de l’étude des crédits à l’Assemblée
nationale, le député de Jean-Lesage Sol Zanetti a voulu savoir si la ministre
allait demander au port de Québec de mettre sous couvert toutes ses activités
de transbordement de minéraux. «Non, parce que les activités portuaires sont
évidemment très importantes pour l’économie régionale», a répondu Mme
Guilbault, qui a par la suite ajouté que «le port a fait plusieurs efforts dans
les dernières années», pour éviter que de tels épisodes se produisent.
«Je trouve un peu grave qu’aussi
brutalement, la ministre de la Capitale-Nationale dise non», a spontanément
réagi M. Zanetti. Selon lui, les quelques dizaines de millions de dollars
nécessaires pour mettre sous couvert les activités de transbordement ne
nuiraient pas à l’économie de la région, parce que les opérations se
poursuivraient quand même.
Appelée vendredi à préciser sa pensée, la
ministre n’a pas voulu aller plus loin. Son cabinet a fait valoir que les
activités du Port de Québec sont de juridiction fédérale.
La ministre Guilbault s’était également
portée à la défense du Port de Québec il y a quelques semaines, lorsque Le
Devoir avait révélé que le projet d’agrandissement Beauport 2020 menaçait
l’habitat du bar rayé, un poisson en voie de disparition. Encore une fois, la ministre avait évoqué les retombées
économiques importantes et les emplois de qualité que ce projet amènera.
Caricature : Pascal, Le Devoir 02.11.2019
Le député explique que Glencore, une
compagnie qui loue des espaces à Arrimage Québec, fait déjà ses opérations de transbordement de vrac sous couvert.
«La ministre ne peut pas se cacher derrière l’argument que c’est de compétence
fédérale. Sur plein d’autres sujets, la CAQ fait pression sur le fédéral pour
défendre les Québécois», commente M. Zanetti.
Un rapport de la Santé publique dévoilé en
février démontre que la qualité de l’air dans Limoilou est l’une des pires au
Québec.
Le fil de l’histoire :
Le documentaire :
Bras de fer : des citoyens se
mobilisent
Le 26 octobre
2012, une poussière rouge recouvre la ville de Québec, plus particulièrement le
quartier Limoilou, où Véronique Lalande
et son conjoint, Louis Duchesne ont
acheté et rénové un petit duplex pour élever leur garçon d’un an, Léo. Oxyde de fer, nickel, zinc, cuivre, arsenic
et autres métaux lourds tombent sur les quartiers avoisinants. Le port de
Québec abrite Arrimage du Saint-Laurent, le
plus important transbordeur de nickel en Amérique du Nord. Depuis cet
épisode, Véronique appelle, écrit, convoque; elle propage son indignation et
son désir d’un environnement sain. Cette simple citoyenne réussira-t-elle à
obliger cette multinationale à se conformer aux lois?
Production : Les
films by the Sea, Canada 2019; réalisation : les frères Jean-Laurence et
Jonathan Seaborn; invités : Véronique Lalande et Louis Duchesne
Ce
documentaire sur la pollution engendrée par le transbordement de minerai au
Port de Québec montre à quel point l’acceptabilité
sociale n’est que du baratin pour endormir la masse crédule. L’argent et
les lobbies internationaux passent avant la santé publique et la protection de
l’environnement. Véronique Lalande qui avait sonné l’alarme et initié un recours
collectif après enquêtes, recherches et tests, a finalement obtenu la confirmation
que la poussière de nickel répandue à dans l’air de Limoilou provenait d’une
seule source : le Port de Québec. Ce que l’entreprise Arrimage Québec, l’administration
portuaire et l’administration municipale refusaient d’admettre.
La lutte contre le vampire à trois têtes, faisait
dire à la militante : «C’pas vrai que je vais me battre pendant 10-15 ans,
troquer mon cancer du poumon pour un cancer de l’estomac, et continuer à payer
des impôts et des taxes qui ne nous sont d’aucune aide. Donc, on sera peut-être
obligés de déménager. Mais je ne le ferai pas avant de m’être battue. Des
fois j’ai des fantasmes. Par exemple de me faire invitée à un 5 à 7 chic à 300
$ le billet, organisé par le directeur du Port de Québec. Je m’habillerais
chic, pis j’irais lui droper sous le nez un sceau de poudre comme ceux qu’on
ramasse.»
Le Devoir,
30 octobre 2019 : Les discussions entre le Port et la ville étaient mentionnées
dans un courriel présenté au palais de justice dans le cadre du recours
collectif sur les contaminants émis dans l’air. L’avocat de Mme Lalande et de
son conjoint, a présenté au tribunal un courriel envoyé par le vice-président
d’Arrimage Québec Yvan Boileau au président Denis Dupuis. M. Boileau y écrit «que
la ville continue d’appuyer ce comité [le comité de vigilance] parce qu’il est
plus facile de contrôler ainsi Mme Lalande.»
Composé de représentants du Port, de la
ville et de citoyens, le Comité de vigilance avait été créé en mai 2013 par le
gouvernement du Québec et la ville après qu’une étude du ministère du
Développement durable eut établi que le Port était une source de pollution au
nickel. Véronique Lalande y siégeait. Dans le courriel, M. Boileau dit tenir
ses informations de Mario Girard, le président du Port de Québec, et d’Anick
Métivier, l’un de ses directeurs.
Il écrit que le Port «ne peut se désister»
du comité «pour ne pas irriter la ville et le gouvernement provincial». Il
ajoute plus loin que le port «formera dans la prochaine année un nouveau comité
environnement port-ville avec des intervenants crédibles» et qu’il «espère que
ce nouveau comité se substitue au comité de Vigilance.»
Pour rajouter à l’affront, Port Québec Expansion 2020 doublera ses
capacités de transbordement – un projet de 500 millions de dollars.
Propos tirés
du documentaire :
François Desbiens, directeur régional de
santé publique, Capitale-Nationale : «Depuis
15 ans dans Limoilou, il y a dépassement du seuil sécuritaire des particules fines
émises dans l’air fixé à 2 nanogrammes par mètre cube. Ces dépassements causent
des problèmes de santé à court terme. Le pourcentage de maladies respiratoires
ou cardiaques et de cancers du poumon est plus élevé que la moyenne régionale
et provinciale.»
Louis Duchesne : «Les émissions de poussières toxiques dans des grandes villes
industrielles comme Hong Kong, à Beijing, à New Delhi et à Manchester sont
moins élevées que dans la ville de Québec. À Limoilou, le taux est de 52 nanogrammes
avec des pics de 1600. Le seuil pour éliminer tout risque de cancer est de 2.»
Citoyenne
de Limoilou : «Sinusites, rhinites
et dermatites à répétition sont ma réalité.»
Véronique Lalande : «C’est le Port de Québec qui gère tout. Ce
qui signifie que ce sont les minières et les pétrolières qui décident de la
qualité de notre milieu de vie.»
Richard Desjardins : «Nous sommes de plus en plus confrontés à la
pollution industrielle. Le problème majeur c’est que ce sont les pollueurs qui
écrivent la loi. Le fardeau de la preuve repose sur le dos de la victime dans
la philosophie de la loi. Et ça pèse lourd.»
Mario Girard, PDG, Port de Québec : «Le port est un rouage important du commerce
international qui crée dans la région des opportunités d’affaires
exceptionnelles. Un record de tous les temps a été atteint en 2012 avec 33
millions de tonnes de matières manutentionnées. La façon dont le port est
intégré à la ville est une référence mondiale dont s’inspirent d’autres villes
industrielles.»
Jean-François Dupuis, DG, Arrimage
Québec : «On a à cœur la qualité de
vie des gens qui vivent dans ce secteur-là et de nos travailleurs. En ce moment,
on se fait diaboliser, mais on est une entreprise sérieuse qui s’inscrit dans
une démarche de développement durable. Et pour nous, être durable c’est plusieurs
choses : que nos travailleurs soient en santé, que les citoyens le soient,
qu’on développe des méthodes durables au niveau de l’environnement [ndlr :
il dit ça sans rire!]. Durable veut dire aussi que l’entreprise progresse. On
met 10 à 12 millions de dollars parce que tout ça nous tient à cœur.»
Photo :
Edward Burtynsky, boue résiduelle de l'exploitation du nickel, Sudbury, Ontario 1996. Ces photos ne sont truquées : les rouges
intenses et les oranges sont causés par l'oxydation du fer qui reste dans le
processus de séparation du nickel des autres métaux.
EN FAIT, ÉCONOMIE DURABLE SIGNIFIE
POLLUTION DURABLE
C’est fou comme
le pouvoir éveille la mégalomanie chez les politiciens (1).
En lien avec un
autre dossier d’actualité, soit l’empoisonnement à l’arsenic des citoyens de
Rouyn-Noranda, je vous suggère de revoir le documentaire coup-de-poing Trou Story réalisé par Richard
Desjardins et Robert Monderie en 2011 (une production de l’Office national du
film). Le film dénonce l'exploitation «éhontée» des ressources minières de leur
région [bouclier canadien, soit l’axe Sudbury-Val-d’Or]. par les compagnies
minières. Ces derniers accusent les gouvernements canadien, ontarien et
québécois de complaisance et de complicité dans ce saccage des ressources
naturelles et d'avoir sans sourciller bradé nos richesses collectives en
délivrant à bas prix «des permis de polluer». «Un contrat complaisant qui lie
l'industrie à l'État et qui s'apparente à du vandalisme corporatif», dit
Richard Desjardins. Dans la semaine suivant la sortie du film, la compagnie
minière Osisko a acheté plusieurs pleines pages de publicité dans les journaux,
espérant redorer son blason.
Biographie du
gars de Rouyn-Noranda, né à deux
rues de la plus grosse fonderie de cuivre du monde :
L'arsenic déchire les citoyens de
Rouyn-Noranda
Jean-Philippe
Robillard
ICI
Radio-Canada Info 4 novembre 2019
«Si tu as un
bébé qui échappe sa suce par terre dans la terre, qu'il la remet dans sa
bouche, il peut avoir pris une bonne dose d'arsenic.»
Quand on arrive à Rouyn-Noranda, impossible
de ne pas remarquer les deux immenses cheminées de la Fonderie Horne. Peu importe où on se trouve dans la ville, elles
sont là, omniprésentes, un rappel constant de l’importance de la fonderie pour
son économie. Et pourtant, sa présence déchire la population en raison de ses
émissions d’arsenic qui posent un réel danger pour la santé publique. Un
rapport tout récent est d’ailleurs sans équivoque : les enfants vivant près de
la fonderie en font les frais.
Mireille
Vincelette connaît bien la Fonderie Horne exploitée par Glencore. Elle a grandi dans le quartier Notre-Dame, près de
l'usine, et y élève maintenant ses deux enfants avec son conjoint.
De sa cour, la femme de 38 ans peut
apercevoir les deux immenses cheminées et ses panaches de fumée. Elle admet que
chaque fois que ses enfants jouent à l'extérieur, elle s’inquiète de la
présence possible d'arsenic dans l'air.
«Il nous a été recommandé, pour diminuer
l'exposition des enfants, de toujours mettre un couvert sur notre carré de
sable et de fermer les fenêtres quand il ventait», explique Mireille
Vincelette.
Dans un rapport fort attendu rendu public à
la fin de septembre, la Direction de la santé publique d'Abitibi-Témiscamingue
a établi que les enfants vivant près de la fonderie sont de trois à quatre fois
plus imprégnés que la normale à l'arsenic, une substance cancérigène.
Selon la Direction de la santé publique,
l'arsenic augmente les risques de développer notamment des cancers du poumon et
de la peau, et a un impact sur le développement des enfants.
Le directeur du développement durable à la
Fonderie Horne, Pierre-Philippe Dupont, admet que même en investissant
plusieurs millions de dollars, il sera difficile pour la fonderie d'atteindre
la norme permise par Québec en ce qui concerne les émissions d'arsenic de 3
nanogrammes par mètre cube.
«Notre cible actuelle, c'est 200
nanogrammes, explique-t-il. On obtient des résultats autour de cent
nanogrammes.»
Actuellement, Québec permet à la fonderie de
rejeter dans l'air des taux d'arsenic jusqu'à 67 fois plus élevés que la norme
québécoise.
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(1) En 2013, François
Legault, dans son livre Cap sur un Québec
gagnant – Le Projet Saint-Laurent, proposait des recettes de base pour
enlaidir et encombrer le fleuve. D’autres recettes se sont ajoutées depuis.
L’expansion du Port de Québec qui va en effet multiplier la circulation de méga
conteneurs ainsi que la présence de gros bateaux de croisière. Le
croiriez-vous, François Legault voulait limiter l’étalement urbain, lui qui
entend multiplier les autoroutes et réaliser son troisième lien contre vents et marées... malgré les bâtons dans les
hélices, le mauvais marin s’obstine. Ajoutons l’exploitation du gaz naturel
«propre» dans la vallée du Saint-Laurent et le projet GNL
Saguenay avec ses gigantesques méthaniers – une politique d’embellissement qui séduit assurément les investisseurs
(tant pis pour les gens qui apprécient la faune et la flore régionale,
notamment la pouponnière de bélugas).
Y a-t-il plus subjectif que la notion de beauté?
Quelques-unes
des idées «phares» qu’avançait le chef de la CAQ :
Il souhaite
relancer le Québec et rattraper le retard de richesse avec l'Ontario en misant sur le fleuve, le Québec
deviendrait «la Norvège de l'Amérique du Nord». Il veut aussi créer une Vallée
de l'innovation en s'inspirant de la Silicon Valley en Californie.
Comme préalable à la mise en place de sa Vallée de l'innovation, François
Legault veut instaurer une «politique de
l'embellissement», facteur
d'attraction pour les investisseurs. Il rappelle dans son livre que 80 %
des Québécois boivent l'eau du fleuve et y rejettent leurs eaux usées. Il
critique «le niveau primaire» des usines de traitement, qui n'éliminent pas
assez de polluants, et regrette que Montréal soit «en tête de liste des pires
pollueurs de l'eau au Canada». Afin de
lutter contre l'étalement urbain, il propose de «se réapproprier les
terrains contaminés», souvent vacants ou inutilisés près du fleuve.
Augmenter le transport fluvial
François
Legault estime que la voie maritime est
sous-utilisée. Il aimerait miser
davantage sur le transport par bateau qu'il juge «plus sûr, plus économique, et
plus écologique». Il critique l'état des infrastructures portuaires et le
délabrement des quais, de même que les écluses de Beauharnois «qui entravent la
circulation des embarcations». Le chef de la CAQ veut étendre l'utilisation du
cabotage, créer une offre de croisière «digne de ce nom» et offrir un service
de navette fluviale entre le Vieux-Port, le parc Jean-Drapeau et Longueuil.
Développer le port de Montréal sur la
Rive-Sud
François
Legault encourage l'expansion du port de
Montréal sur les rives de la Montérégie pour désengorger les ponts quand
les produits sont destinés aux États-Unis. Il pense que ce projet sera facilité
avec le prolongement des autoroutes 30 et
35. «La Montérégie pourrait ainsi
devenir la plaque tournante du transport au Québec, voire en Amérique du Nord».
Exploiter les hydrocarbures du golfe
Le chef de la
Coalition avenir Québec croit au
potentiel du sous-sol du golfe du Saint-Laurent qui renfermerait des milliards
de barils. L'exploiter est
«incontournable», selon lui, même si, «oui, il y aura un jour des
accidents, des fuites». Il aimerait que
Québec envisage sérieusement la possibilité de devenir copropriétaire des
sociétés d'exploration, comme Junex et Pétrolia, sur l'île d'Anticosti : «le
coût serait loin d'être astronomique et cela pourrait rapporter beaucoup à long
terme», comme en Norvège. François Legault en profiterait pour rembourser
la dette du Québec.
Article de
Thomas Gerbet :
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