vers la fin
d'un beau jour d'été
le sang d'un
cheval
accidenté et
dételé
ruisselait
sur le pavé
Et le cheval
était là
Debout
Immobile
sur trois
pieds
Et l'autre
pied blessé
blessé et
arraché
pendait
Et le cheval
se taisait
le cheval ne
se plaignait pas
le cheval ne
hennissait pas
il était là
il attendait et il était si beau si triste si simple
et si
raisonnable
qu'il n'était
pas possible de retenir ses larmes
– Jacques
Prévert
Cheval de
guerre abandonné
«Je ne comprends décidément pas
pourquoi il est plus glorieux de bombarder de projectiles une ville assiégée
que d’assassiner quelqu’un à coups de hache.» ~ Fiodor
Dostoïevski (1821-1881)
Moi non plus!
Et je ne vois aucune raison d’être fiers et de rendre hommage aux hommes
stupides qui participent aux guerres orchestrées par des hommes-empires
stupides. Qui plus est, comme nous tuer entre humains ne suffit pas à étancher
notre appétit pour la cruauté, nous contraignons des êtres intelligents comme
les chevaux, les chiens, etc., à collaborer à nos ignominies, à nos actes les
plus morbides et psychotiques. Ce que nous faisons à nos meilleurs amis est
totalement méprisable et inacceptable.
«L'homme fut créé tel un animal sanguinaire
et je crois qu'il aura toujours soif de sang, et qu’il s’organisera pour en
avoir. Je pense qu'il est de loin le pire animal qui existe; et le seul qui
soit indomptable.» (What Is Man?)
«L’homme est le seul animal qui donne dans
l’atrocité des atrocités : la Guerre. Il est le seul qui rassemble ses frères
pour aller calmement exterminer ses semblables de sang froid. Il est le seul
animal qui, pour un salaire minable, marche et tue des étrangers de sa propre
espèce qui ne lui ont fait aucun mal et avec lesquels il n'est pas en conflit.
Et pendant les intervalles entre les guerres, il lave ses mains souillées de
sang en travaillant pour la ‘Confrérie universelle de l’homme’.» (Lettre à William Dean Howells, 1899)
~ Mark Twain
L’horreur est humaine
Devoir de
mémoire mon œil. On se souvient pour mieux récidiver avec des tactiques
militaires plus efficaces et sophistiquées pour éliminer l’ennemi. Les guerres
ont toujours les mêmes motifs – rivalités politiques, économiques et
colonialistes – et sont financées par ceux qui ne se battent jamais mais qui élaborent
des stratégies sur des cartes géographiques maintenant modélisées. Les États
tirent grand profit de la guerre pour accroître leurs pouvoirs et leurs
domaines de compétences. À la tête des forces armées on trouve des hauts-gradés
dont plusieurs démontrent des caractéristiques de psychopathe. Les budgets
alloués à l’industrie de la guerre ne cessent d’augmenter. Donc, l’espèce la
plus sanguinaire (l’humain) perpétue les mêmes écoeurantes boucheries, à pied,
à cheval, en chars d’assaut, en bombardiers, en sous-marins et à drones. Bien
sûr, les militaires participent à des opérations de sauvetage en cas de
catastrophes naturelles – incendies, inondations, famines, etc. – mais les
pompiers, les membres de la Croix rouge ou de Médecins sans frontières le font
aussi sans s’entraîner à tuer leurs semblables.
On peut
penser que la Première Guerre mondiale n’était qu’une avant-première de la
Seconde, une sorte de test. Aujourd’hui, les guerres ne sont pas «mondiales»
comme tel, car la stratégie consiste à attaquer un peu partout, ouvertement ou
sournoisement, en vue de s’approprier les biens et les ressources d’autrui.
Rien de nouveau, les voleurs et les envahisseurs ont toujours procédé ainsi :
«Donne-moi ta femme, tes enfants, ta terre, ta maison, ton cheval, ta charrette,
ton arme, ou ton pétrole, tes métaux rares, ton uranium, ton lithium, ton or,
tes diamants, sinon je te tue.»
Voulez-vous
être poignardé, abattu, asphyxié, brûlé vif ou bombardé?
Les soldats
qui ont survécu à l’une ou l’autre des deux grandes guerres du siècle dernier
pouvaient bien devenir fous après avoir eu sous les yeux tant de carnages, de boucheries.
Chevaux de guerres portant des masques à gaz. Horrifiant!
Les animaux de guerre
On estime
qu’environ 14 millions d’animaux furent enrôlés durant la Première Guerre mondiale
– chevaux, mulets, bœufs, ânes, chiens, pigeons voyageurs... En plus du lourd
bilan humain (9 millions de morts au cours du conflit), on oublie souvent que
la Grande Guerre a entraîné d’énormes pertes animales. Les chevaux ont été les
plus touchés, avec environ 10 millions
de chevaux furent tués entre 1914 et 1918. Une fois la guerre terminée,
beaucoup de «rescapés» ont dû être abattus en raison de leurs blessures, de
leur grand âge, ou simplement parce qu’on ne leur trouvait plus d’utilité. En
Australie par exemple, sur 13 000 chevaux enrôlés, 15 % ont été euthanasiés à
l’issue du conflit car on ne savait pas où les placer. Une bien triste fin pour
ces héros de guerre...
Source :
Crédit photo : Yva Momatiuk / John Eastcott. Comme le dit
si bien Esther Granek «T’es pas beau l’Humain! ... Le cheval a plus de noblesse
en chaque patte, en chaque fesse, que toi déployant ton meilleur». Poème
intégral :
«J’ai vu
tellement de chevaux mourir. Ils hennissaient. Et ils pleuraient. Je ne savais
pas que les chevaux pleuraient. Ils étaient tombés et ne pouvaient plus se
relever. Ils luttaient contre la mort, leurs flancs éventrés, ils se vidaient
de leur sang par tellement de blessures... Certains avaient baissé les armes et
attendaient la fin sans bouger, les yeux grands ouverts. De temps à autre,
leurs naseaux frémissaient un peu plus fort. Il y avait une telle tristesse
dans leur expression... Pour moi, ce sont les victimes les plus innocentes de
toute cette guerre [14-18]. Toutes les nuits je rêve des chevaux.» (Charlotte
Link, La maison des sœurs)
Photo :
carnage d’équidés / archives Robin des Bois
Le vétéran canadien A.
Lloyd Swick, décédé à l’âge de 94 ans en 2017, avait servi en Corée, en Inde au
Pakistan et en Haïti, et il réclamait un monument commémoratif en hommage aux
animaux de guerre. À sa plus grande joie, l’Animals
in War Memorial a été inauguré au parc de la Confédération, le 3 novembre
2012 au centre-ville d’Ottawa.
Ce monument rend hommage aux animaux qui ont
servi aux côtés de leurs compagnons humains. Cet hommage est symboliquement
installé près du Monument de la guerre des Boers, une guerre pour laquelle le
Canada a fourni 50 000 chevaux aux troupes à cheval.
Principaux services
rendus :
– Les mules transportaient des sacoches et
des pièces d’artillerie.
– Les chevaux transportaient les troupes et
tiraient les canons de campagne.
– Les pigeons voyageurs transportaient des messages vers des destinations
précises.
– Les chiens étaient messagers, assistants
médicaux, détecteurs de mines et ils participaient à des opérations de
recherche et de sauvetage. Les chiens font toujours partie des forces armées
canadiennes.
Le
lieutenant-colonel John McCrae et son chien Bonneau – Bibliothèque et Archives
Canada/CC BY 2.0
Lectures
suggérées
Bêtes des tranchées. Des vécus
oubliés.
Éric Baratay
Éditions
CNRS, 2013
11 millions
d'équidés, 100 000 chiens, 200 000 pigeons : les animaux ont été enrôlés en
masse dans la Grande Guerre, pour porter, tirer, guetter, secourir, informer...
Les tranchées ont également abrité des milliers d'animaux domestiques ou de
ferme abandonnés par des civils en fuite, et des animaux sauvages coincés au
milieu du front, mais aussi des rats, des mouches, des poux, attirés par
l'aubaine. Parfois pourchassés, plus souvent gardés et choyés, ils ont
fréquemment aidé les soldats à survivre dans l'enfer, à s'accrocher à la vie, à
occuper leur temps. Mais, alors que les combattants de tous bords ont beaucoup
évoqué ces compagnons de guerre, nous les avons oubliés.
Ce livre
invite à retrouver ces «soldats à quatre pattes» et tous ces animaux ayant vécu
la guerre en empruntant leur point de vue, de manière à restituer leurs vécus,
leurs actions, leurs émotions, leurs coopérations ou leurs résistances, leurs
souffrances et leurs destins, afin aussi de mieux comprendre les attitudes et
les sentiments des soldats. L'auteur nous convie à suivre l'itinéraire de ces
bêtes des tranchées, de leur enrôlement à leur sortie de guerre, dans un
panorama international des deux côtés du front ouest.
Les animaux dans la Grande Guerre
Jean-François
Saint-Bastien
Éditions
Sutton, 2014
«Des poux,
des rats, des barbelés, des puces, des grenades, des bombes, des trous d’obus,
des cadavres, du sang, de l’eau-de-vie, des souris, des chats, des gaz, des
canons, de la boue, des balles, des tirs de mortier, du feu, de l’acier, c’est
ça, la guerre! L’oeuvre du diable!» ~ Otto Dix, peintre et soldat de la Grande
Guerre.
Dans cette funeste énumération, on trouve
quelques animaux, des nuisibles surtout, mais il y en avait bien d’autres sur
le front. Ainsi, chevaux, chiens et pigeons avaient un rôle militaire. Présents
aux côtés des soldats, ils assumaient des tâches logistiques ou de
transmission. Dans cet ouvrage très illustré et très documenté, Jean-François
Saint-Bastien déniche les bêtes et bestioles de tout poil qui furent les amies
ou les ennemies du soldat. Vous y apprendrez que l’équivalent de la Croix-Rouge
existait pour les chevaux et que les chiens aussi étaient réquisitionnés pour
l’effort de guerre. Vous découvrirez des héros à quatre pattes et des
sauveteurs ailés, ou encore des recettes miracles utilisées pour se débarrasser
de la vermine.
L’auteur décortique également la symbolique
animale utilisée dans la propagande et nous montre comment les soldats
rendaient hommage à leurs compagnons d infortune. Il livre ici une approche
originale et inédite de la première guerre mondiale.
Encore des illusions sur les humains?
Je
suis d’accord avec les propos de John
Gray qui perçoit l’humanité comme «une
espèce rapace déterminée à détruire toutes les autres formes de vie; les
humains ne peuvent pas détruire la terre, mais ils sont capables d’anéantir
totalement l’environnement qui les soutient».
Extraits d’une critique de son ouvrage The Silence of Animals (2013) :
«Les
Napolitains affamés en 1944 chassaient et consommaient des chats errants, ou se
nourrissaient de poissons tropicaux trouvés dans l'aquarium de la ville; les
prisonniers soviétiques internés par les Nazis bouffaient les cadavres des
autres détenus tels des meutes de chiens voraces. Voilà ce qui arrive quand les
faux-semblants de civilisation et d'humanisme dégringolent – ils ne sont guère
plus qu’une prétention qui procure un support moralisateur à la religion. Dans le jardin d’Éden, Dieu a flatté
l’homme en lui accordant la suprématie sur les autres animaux; la vérité
est que notre capacité de rationalisation nous a effectivement permis de nous
comporter comme des bêtes.
La
barbarie est une maladie de la civilisation. Toutes nos institutions – les
familles et les Églises, les forces policières – sont impliquées dans la
mesquinerie humaine. Il est absurde de croire à l'évolution de notre espèce ou
à l'amélioration progressive de la société : au Congo Belge ou dans la Russie
stalinienne ou en Iraq, en Iran et en Syrie, des idéologues qui s'extasient sur
la régénération du monde entier comptent sur les massacres à grande échelle
pour établir leur version personnelle du ciel sur terre.»
Source
:
Aucun commentaire:
Publier un commentaire